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10/04/2012 | FRANCE | N°09/08786

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 10 avril 2012, 09/08786


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 10 AVRIL 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/08786



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007066229





APPELANTE



SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [I], ès qualités de mandataire liquidateur à la liquida

tion judiciaire de la Société SUNDAY MORNING PRODUCTIONS, désignée par jugement du tribunal de Commerce de PARIS du 26 octobre 2012

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée et assistée...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 10 AVRIL 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/08786

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007066229

APPELANTE

SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [I], ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société SUNDAY MORNING PRODUCTIONS, désignée par jugement du tribunal de Commerce de PARIS du 26 octobre 2012

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Katia SITBON (avocat au barreau de PARIS, toque : R137) substituant M. Le Bâtonnier STASI

(SCP STASI CHATAIN )

INTIMEES

S.A MBV & ASSOCIES

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B753)

et de Me Valérie BITTOUN (avocat au barreau de PARIS, toque : R94)

(CAA JURIS EUROPAC)

SA COVEA RISKS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B753)

et de Me Valérie BITTOUN (avocat au barreau de PARIS, toque : R94)

(CAA JURIS EUROPAC)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Sunday Morning Productions, qui a pour activité la production audiovisuelle de documentaires, a, par lettre du 29 septembre 2000, confiée à la société MBV et Associés, société d'expertise comptable, une mission de révision et de présentation des comptes annuels, lesquels étaient établis en interne par sa propre comptable, ainsi que d'assistance et de conseil permanente et régulière.

A l'occasion d'un congé-maladie de sa comptable, Mme [S], la société Sunday Morning Productions a découvert, au cours du deuxième trimestre 2006, que plusieurs contraintes et mises en demeure émanant de divers organismes sociaux n'avaient pas été traitées, de sorte que la dette sociale à la fin de l'année 2005 correspondait à trois années de cotisations impayées.

La société Sunday Morning Productions a fait l'objet d'un contrôle diligenté par l'Urssaf à la fin de l'année 2006 qui a abouti à la notification d'un redressement et a fait, concomitamment, appel aux services d'une société comptable puis d'une salariée aux fins de reconstituer ses comptes.

C'est dans ces conditions que la société Sunday Morning Productions, qui avait déposé plainte le 2 juillet 2007 auprès du procureur de la République à l'encontre de sa comptable des chefs de faux et usage de faux, a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris, par acte en date du 9 octobre 2007, la société MBV et la société Covea Risks, l'assureur de cette dernière, en responsabilité professionnelle et paiement de dommages et intérêts.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Sunday Morning Productions par jugement du 18 octobre 2007, Maître [N] étant désigné en qualité d'administrateur et Maître [I] en qualité de mandataire judiciaire.

Un plan de cession a été arrêté par jugement du 3 juin 2009 et la liquidation judiciaire de la société a été prononcée par jugement du 26 octobre 2010, la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [O] [I], étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 23 janvier 2009, le tribunal de commerce de Paris, faisant droit à la demande des défendeurs, a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours à l'encontre de Mme [S].

La société Sunday Morning Productions et Maître [I] ont été autorisées, par ordonnance du délégataire du premier président en date du 8 avril 2009, à relever appel immédiat de cette décision et la cour d'appel a, par arrêt du 9 novembre 2010, infirmé le jugement déféré, décidé d'évoquer les points non jugés et renvoyé l'affaire à la mise en état.

Par dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2011, la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [O] [I], en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sunday Morning Productions, demande à la cour de condamner solidairement les sociétés MBV & Associés et Covea Risks à lui payer, ès qualités, les sommes de :

- 82 945,69 euros, sauf à parfaire, au titre des frais de recouvrement forcé, pénalités de retard et majorations de retard déjà réglés par ses soins,

- 125 747,11 euros, sauf à parfaire, au titre des pénalités et majorations de retard dont elle demeure débitrice,

- 25 982, 04 euros, sauf à parfaire, en compensation des salaires et honoraires de prestations comptables exceptionnelles,

- la somme de 485 138 euros, sauf à parfaire, au titre des économies que la société aurait réalisées sur les coût de production de ses films si elle avait connu l'ampleur de la dette sociale,

- 26 399 euros, sauf à parfaire, au titre des cotisations d'assurance retraite, invalidité, et décès dues pour le compte de M. [X] [Z], son gérant

- 100 000 euros au titre du préjudice moral,

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures signifiées le 30 août 2011, les sociétés MBV & Associés et Covéa Risks demandent à la cour de rejeter des débats un certain nombre de pièces, qui, émanant de la seule appelante, sont dépourvues de force probante, de débouter la société Sunday Morning Productions, Maître [N] et Maître [I] de leurs demandes, de les condamner in solidum à leur payer une somme de 5 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Il est constant que depuis l'année 2000, Mme [S], la comptable de la société Sunday Morning Productions, a systématiquement sous-estimé ou omis de déclarer certaines charges sociales, tout en dissimulant à son employeur les lettres de mise en demeure et contraintes à lui adressées par les divers créanciers sociaux.

Quoique seule la plainte déposée par la société Sunday Morning Productions auprès du procureur de la République de Paris en date du 2 juillet 2007 soit produite, à l'exclusion de tout autre élément d'enquête ou d'audition, les parties s'accordent sur le fait que seul l'état psychiatrique de l'intéressée se trouve à l'origine de ces agissements, et qu'aucun détournement n'a été commis.

La Selafa MJA invoque la faute de la société MBV & Associés en soulignant que la mission de révision et de présentation des comptes à cette dernière confiée ne la dispensait pas de son obligation de diligence et de contrôle de vérification de la cohérence des comptes, à laquelle elle a manifestement manqué compte tenu à la fois de l'importance des sommes en cause et de la durée des manipulations comptables, lesquelles ont été opérées sur plusieurs exercices.

Elle se prévaut, à cet égard, de l'aveu de la société MBV & Associés résultant d'un projet de courrier qu'un des associés de cette dernière destinait à sa compagnie d'assurance, précisant que 'les reproches qui peuvent nous être adressés par la société sont au minimum 'un défaut de vigilance', et poursuivant ainsi : 'des travaux de cohérence de trésorerie, un rapprochement de la comptabilité films avec la comptabilité générale et une analyse des mouvements sur les comptes des caisses sociales auraient pu nous permettre de déceler les difficultés ou les erreurs'.

Les intimées font valoir, quant à elles, que le cabinet d'expertise-comptable n'était tenu que d'une obligation de moyen et non de résultat, que la seule mission de présentation des comptes annuels à partir des balances comptables éditées par l'entreprise cliente est tout à fait distincte d'une mission de tenue de comptabilité ou d'une mission d'audit, et qu'elle s'est bornée, dans le courrier adressé à son assureur, à recenser les griefs que lui faisait son client, de sorte qu'en aucun cas cette pièce ne saurait valoir reconnaissance de responsabilité. Elle souligne enfin qu'en s'étant abstenue de contrôler le comportement de sa propre salariée, laquelle a délibérément détourné durant plusieurs années les courriers de rappel, de mise en demeure ou les contraintes que lui adressaient les organismes sociaux impayés, la société Sunday Morning Productions a contribué à son propre préjudice.

Aux termes de la lettre du 29 septembre 2000, la société MBV s'est vu confier une mission de présentation des comptes et s'est engagée, dans un point 3. intitulé 'conditions d'intervention' 'à réviser la comptabilité de la société en vue d'en assurer la présentation, à établir les diverses déclarations sociales et fiscales de fin d'année et les états financiers annuels (bilan, compte de résultat, annexe) et à [...] fournir les conseils d'assistance que [les] activités professionnelles [ de la société Sunday Morning Productions] requièrent de manière permanente et régulière', moyennant des honoraires annuels de 28 000 francs hors taxe.

Si une telle mission ne requiert pas un contrôle systématique de la comptabilité établie par la salariée comptable de la société cliente, elle met cependant à la charge de l'expert-comptable requis à cet effet une obligation de diligence, laquelle implique de procéder à une vérification de la cohérence et de la vraisemblance des comptes annuels et, par sondages, à leur sincérité.

Or, il résulte des pièces produites que la comptable de la société Sunday Morning Productions a sous-estimé ou parfois omis purement et simplement de déclarer aux divers organismes sociaux intéressés les cotisations qui leur étaient dues, et ce dans des proportions et sur une durée qui devaient nécessairement alerter un expert-comptable normalement diligent chargé d'une mission de présentation des comptes.

Ainsi, pour la seule Urssaf, les cotisations sociales non déclarées lors des années 2003 à 2005 se sont élevées à une somme de près de 150 000 euros. Aucun règlement n'est intervenu au titre des cotisations relatives au gérant de la société Sunday Morning Productions dont le statut avait pourtant été modifié dans le courant de l'année 2001 pour lui permettre d'exercer ses fonctions en qualité de travailleur non salarié.

Aucune déclaration n'a été effectuée sur les trois exercices 2003, 2004 et 2005 à l'Agessa qui gère les cotisations des artistes auteurs et les contributions des diffuseurs des oeuvres, alors pourtant que sur cette période la société Sunday Morning Productions avait versé une somme de près de 350 000 euros de droits d'auteur, laquelle constitue l'assiette desdites cotisations.

La circonstance que la comptable ait ensuite détourné les courriers de relance, les mises en demeure ou les contraintes délivrées par les créanciers sociaux, n'exonère en rien la société chargée de l'expertise-comptable de la faute personnelle résultant de son défaut de diligence dans l'accomplissement de sa mission, compte tenu à la fois du caractère grossier, incohérent et durable de certaines omissions de déclarations, que d'élémentaires rapprochements auraient dû permettre d'identifier, au moins pour certaines des créances en cause.

La faute de la société MBV & Associés sera dès lors retenue.

Compte tenu cependant de la diversité des chefs de préjudice invoqués, il sera procédé à une appréciation du lien de causalité et à un examen du bien fondé des réclamations au vu des pièces justificatives, poste par poste.

1. La Selafa MJA, ès qualités, invoque d'abord des frais d'actes, pénalités et majorations de retard au titre de créances distinctes de cinq organismes sociaux différents, à hauteur d'une somme globale de 64 203,04 euros, déjà réglée par la société débitrice, et de 125 747,11 euros, encore à régler, sur la base d'un tableau récapitulatif établi par ses soins, lequel est cependant dépourvu de force probante, comme le soulignent à juste titre les intimées, dès lors qu'il n'est pas accompagné de l'ensemble des pièces justificatives susceptibles de l'étayer. Ces chefs de préjudice seront dès lors examinés séparément.

1.1- Urssaf

La Selafa MJA invoque les sommes de 9 460,27 euros de frais d'actes, 4 363 euros d'intérêts et majorations de retard déjà réglés et la somme de 96 322,11 euros encore à régler, laquelle correspond cependant à un préjudice certain, né et actuel, le défaut de règlement des sommes encore dues à la date de la présente décision ne résultant que de l'ouverture, le 18 octobre 2007, d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sunday Morning Productions.

Seront pris en compte les relevés définitifs de dettes, qui seuls font foi, émis par l'Urssaf les 31 janvier, 22 mai et 9 septembre 2007, lesquels font apparaître ainsi qu'il suit les pénalités et majorations de retard :

Urssaf 'Le Silence' pénalités 1 425 majorations 30 846 (31/01/2007)

Urssaf 'Viva Laldjérie' pénalités 1 237 majorations 40 882 (31/01/2007)

Urssaf 2004 et 2005 pénalités 0 majorations 1 766 (22/05/2007)

Urssaf 2001 à 2006 pénalités 2 640 majorations 19 291,61 (09/09/2007)

Les pénalités sanctionnent un défaut ou une omission de déclaration que le cabinet d'expertise comptable aurait dû détecter. Les majorations de retard, au taux de 5%, sont la conséquence directe de la faute relevée.

En revanche, les frais d'actes ne sont pas justifiés, seul étant produit un relevé manuscrit établi par un huissier de justice et un tableau récapitulatif dactylographié qui mentionne des sommes différentes, aucune d'entre elles n'étant étayée par une quelconque pièce.

Aussi, sur ce poste, le préjudice indemnisable sera-t-il retenu à hauteur d'une somme de 98 087,61 euros, soit les seules pénalités et majorations de retard à l'exclusion des frais d'actes.

1.2- Association 'Congés Spectacles'

La Selafa MJA sollicite à ce titre les sommes de 1 250,09 euros au titre des frais d'actes, 38 153, 60 euros et 17 531 euros au titre des intérêts et majorations de retard réglés ou encore dus.

Elle justifie de frais d'actes à hauteur de la somme de 594,62 euros HT, et d'intérêts de retard - majorés de 12%- sur la période ayant couru du 1er octobre 2004 au 14 novembre 2005 pour un montant total de 22 407,60 euros, auquel il sera ajouté les sommes encore réclamées à ce titre par courrier de la caisse du 30 mars 2007, soit ( 2 868 + 11 794 + 2 628 + 185+ 56 =) 17 531 euros.

Le préjudice de ce chef en lien direct avec une sous-déclaration que le cabinet d'expertise comptable aurait dû identifier sera arrêté à la somme de ( 594,62 + 22 407,60+ 17 531 =) 40 533,22 euros.

1.3- Audiens et autres institutions de retraite et de prévoyance de la presse et du spectacle

La Selafa MJA sollicite à ce titre les sommes de 4 992, 25 euros au titre des frais d'actes et 18 573,66 au titre des intérêts et majorations de retard.

Des pièces produites, il résulte cependant que des cotisations avaient été réglées, au moins partiellement, en 2004, que les sommes réclamées à ce titre sont pour l'essentiel constituées de majorations de retard, et qu'une condamnation à paiement avait été prononcée à l'égard de la société Sunday Morning Productions au profit de divers organismes de retraite et de prévoyance dès le 1er avril 2004, de sorte que l'appelante qui était nécessairement informée dès cette date de certaines anomalies dans la tenue de ses déclarations aux institutions de retraite et qui ne justifie pas avoir alors recherché la responsabilité de sa société d'expertise-comptable manque à démontrer la faute qu'elle impute désormais à cette dernière de ce chef, n'établissant nullement que par leur nature, leur durée ou leur portée, les erreurs déclaratives de sa propre comptable auraient dû être identifiées par son expert-comptable dans le cadre de la mission à lui confié.

1.4- Assedic Intermittents

La Selafa MJA sollicite les sommes de 1 834,39 euros au titre des frais d'actes, 2 932,78 et 10 128 euros au titre des intérêts et majorations de retard, respectivement réglés et encore dus.

Faute de documents justificatifs lisibles et cohérents, ce chef de préjudice sera rejeté.

1.5- GARP

Seul le remboursement de frais d'actes à hauteur d'une somme de 1 205,65 euros est réclamé.

Ces frais d'actes se rapportent à des commandements de payer des sommes d'un faible montant (aucune n'est supérieure à 400 euros), incluant des pénalités et majorations dont la Selafa MJA, ès qualités, ne réclame pas le paiement à la société MBV & Associés, de sorte que le lien de causalité entre le préjudice à ce titre allégué et une éventuelle faute à cet égard de la société d'expertise-comptable n'est pas établi.

En définitive, sur ces postes de préjudice, la société MBV & Associés sera condamnée, in solidum avec son assureur à payer à la Selafa MJA la somme de (98 087,61 + 40 533,22 =) 138 620,83 euros.

2. Sur les salaires et honoraires de prestations comptables exceptionnelles

La Selafa MJA fait valoir qu'elle a dû solliciter en urgence les prestations d'un cabinet comptable puis d'une salariée sous contrat à durée déterminée pour reconstituer sa comptabilité sociale, à hauteur d'une somme totale de 25 982,04 euros.

Ne justifiant pas cependant que la totalité des erreurs, manipulations ou dissimulations dont elle a été la victime de la part de sa comptable salariée, et qui ont nécessité ces prestations exceptionnelles, soit exclusivement imputable à la faute relevée à la charge de la société MBV & Associés, la part de celle-ci en lien de causalité directe avec ce chef de préjudice sera fixée aux 2/ 3, soit la somme de 17 321,36 euros.

3. Sur les cotisations de retraite du gérant de la société

La société Sunday Morning Productions a modifié le statut de son gérant dans le courant de l'année 2001, ce dernier exerçant, à compter de cette date, ses fonctions en qualité de travailleur non salarié.

La comptable de la société n'a jamais procédé à son immatriculation de sorte qu'aucune cotisation n'a été versée à ce titre.

Si la société Sunday Morning Productions ne justifie pas, comme elle le soutient, que cette modification du statut de la gérance ait résulté d'un conseil ou d'une initiative de la société MBV & Associés, il reste que l'omission de toute déclaration aurait dû nécessairement alerter un expert-comptable normalement diligent.

Aussi la responsabilité de cette dernière sera-t-elle retenue pour le total de la somme qui reste à devoir au titre de la régularisation des cotisations d'assurance retraite, invalidité et décès, émis entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2007, soit une somme, justifiée, de 26 399 euros.

4. Sur le préjudice résultant d'actes de gestion accomplis sur la base d'une comptabilité faussée

La société Sunday Morning Productions soutient que si elle avait été avisée à temps des erreurs et dissimulations de sa comptable, lesquelles l'ont conduite à devoir régler une dette sociale de plusieurs centaines de milliers d'euros, elle aurait procédé a des choix de gestion moins onéreux, s'agissant notamment du coût des films qu'elle a produits, et sollicite, de ce chef, une somme de 485 138 euros à titre de dommages et intérêts.

Il sera cependant relevé que la démonstration de l'appelante n'est qu'hypothétique et ne repose sur aucun élément probant, trois films sur les quatre qu'elle cite ayant été tournés postérieurement au premier trimestre 2006, soit après la découverte des agissements de la comptable.

Elle ne saurait de surcroît imputer à faute à la société MBV & Associés le paiement de cotisations sociales qu'elle aurait dû en tout état de cause régler, de sorte que le lien de causalité entre la faute retenue à la charge de son expert-comptable et les choix de production auxquels elle a procédé, dont la qualité peut avoir de surcroît généré des bénéfices plus élevés que ceux qui se seraient attachés à des modes de production plus modestes, n'est nullement établi.

Aussi la Selafa MJA sera-t-elle déboutée de ce chef de demande.

5. Sur le préjudice moral

La société Sunday Morning Productions sollicite à ce titre une somme de 100 000 euros en faisant valoir que l'état de cessation des paiements serait la conséquence directe de la dette sociale résultant des agissements de sa comptable et de la faute de la société MBV & Associés.

Mais il résulte du jugement d'ouverture de la procédure qu'à la date de cessation des paiements, soit le 26 septembre 2007, le passif de la société débitrice s'élevait à une somme de 934 398 euros, laquelle est sans commune mesure avec les sommes que les organismes sociaux lui réclamaient à cette date au titre des créances sociales, de sorte que le lien de causalité entre la faute de la société d'expertise-comptable et l'état de cessation des paiements vient à manquer.

Aussi sera-t-elle également déboutée de ce chef.

En définitive, la société MBV & Associés et son assureur, la société Covéa Risks seront condamnés in solidum à payer à la Selafa MJA, ès qualités, la somme de (138 620, 83 + 17 321,36 + 26 399 =) 182 341,19 euros.

Elles seront condamnées en outre, en équité, à payer à la Selafa MJA une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de cette cour du 9 novembre 2010,

Condamne in solidum la société MBV & Associés et la société Covea Risks à payer à la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [O] [I], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Sunday Morning Productions, la somme de 182 341,19 euros à titre de dommages et intérêts,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne in solidum la société MBV & Associés et la société Covea Risks à payer à la Selafa MJA, ès qualités, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/08786
Date de la décision : 10/04/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°09/08786 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-10;09.08786 ?
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