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10/04/2012 | FRANCE | N°10/16965

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 10 avril 2012, 10/16965


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 10 AVRIL 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16965



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 00/17704





APPELANT



Monsieur [A] [F]

demeurant [Adresse 10]

[Localité 4]



représenté et as

sisté de la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)

et de Me Nicolas SCHBATH (avocat au barreau de PARIS, toque : E0177)





INTIMES



Maître [W] [E], membre de l...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 10 AVRIL 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16965

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 00/17704

APPELANT

Monsieur [A] [F]

demeurant [Adresse 10]

[Localité 4]

représenté et assisté de la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)

et de Me Nicolas SCHBATH (avocat au barreau de PARIS, toque : E0177)

INTIMES

Maître [W] [E], membre de la SCP Notariale [E]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0020)

Monsieur [G] [F]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 12]

représenté et assisté de la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)

et de Me Nicolas SCHBATH (avocat au barreau de PARIS, toque : E0177)

Monsieur [I] [F]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 13]

représenté et assisté de la SCP KIEFFER JOLY - BELLICHACH (Me Jacques BELLICHACH) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0028)

et de Me Nicolas SCHBATH (avocat au barreau de PARIS, toque : E0177)

Monsieur [S] [F]

demeurant [Adresse 9]

[Adresse 14] ci-devant et actuellement [Adresse 3]

n'ayant pas constitué avocat

Monsieur [D] [F]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 15]

représenté et assisté de la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)

et de Me Nicolas SCHBATH (avocat au barreau de PARIS, toque : E0177)

Monsieur [V] [J] [F]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 16]

représenté et assisté de la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)

et de Me Nicolas SCHBATH (avocat au barreau de PARIS, toque : E0177)

Monsieur [H] [F]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 15]

n'ayant pas constitué avocat

SNC NATIOCREDIMURS

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 19]

[Localité 17]

représentée et assistée de Me Thierry SERRA (avocat au barreau de PARIS, toque : D1451)

et de Me Henri ELALOUF (avocat au barreau de PARIS, toque : C 1102)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 29 septembre 1988, MM. [H], [I], [D], [G], [V], [A] et [S] [F] ont constitué la SCI [Adresse 18] à l'effet d'acquérir une parcelle de terrain située [Adresse 18] à [Localité 20]. Chacun des associés détenait 100 des 700 parts de la SCI. M. [H] [F] a été désigné comme gérant de cette société.

En une opération de lease back et aux termes de deux actes authentiques reçus, le 10 octobre 1990, par Maître [W] [E], notaire, la SCI [Adresse 18] a vendu le terrain par elle acquis à la société Natiocrédimurs pour le prix de 1 600 000 euros, puis a conclu avec la même société un contrat de crédit-bail immobilier destiné à financer le rachat du terrain et l'édification d'un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureau, le tout pour un investissement de 13 674 710 francs HT.

La totalité de l'opération ne se réalisera cependant pas et, aux termes d'un avenant sous seing privé en date des 23 juin et 5 septembre 1995, il a été convenu que les loyers et versements de trésorerie de l'opération seraient calculés sur la base d'un investissement ramené à 10 185 440,11 francs HT.

La SCI [Adresse 18] étant défaillante dans le règlement des loyers du contrat de crédit-bail, un commandement visant la clause résolutoire lui a été délivré le 13 janvier 1998. Une ordonnance de référé en date du 17 août 1998 a suspendu les effets de cette clause, moyennant le paiement de l'arriéré en quatre versements, et a fixé l'indemnité d'occupation au montant du loyer contractuel.

Les délais de paiement n'étant pas respectés, la clause résolutoire a repris ses effets et le contrat de crédit-bail s'est trouvé rétroactivement résilié au 13 février 1998. Le crédit-bailleur a récupéré les locaux le 10 mars 2000 après une procédure d'expulsion de la SCI [Adresse 18] et de sa sous-locataire, la société AEB.

Parallèlement et à l'initiative de M. [S] [F], le tribunal de grande instance de Bobigny a, par jugement du 6 novembre 2001, prononcé la nullité de la SCI [Adresse 18] pour défaut d'affectio societatis.

Par jugement du 29 novembre 2001, le tribunal de grande instance de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI [Adresse 18], estimant que l'annulation de cette société ne faisait pas obstacle à l'ouverture de ladite procédure pour une dette née antérieurement à l'annulation. Ce redressement judiciaire a été converti le 31 janvier 2002 en liquidation judiciaire.

La société Natiocrédimurs a déclaré une créance de 15 288 760,07 francs TTC, soit 2 330 756,45 euros, au passif de cette procédure collective.

C'est dans ce contexte que, par actes des 4, 10 et 24 octobre 2000, la société Natiocrédimurs a assigné les consorts [F], en leur qualité d'associés de la SCI [Adresse 18], devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir le paiement de sa créance.

Par acte du 28 décembre 2000, M. [S] [F], estimant que M. [H] [F] avait outrepassé les pouvoirs qui lui avaient été donnés statutairement, en signant le contrat de crédit-bail, et que le notaire, Maître [E], avait engagé sa responsabilité professionnelle de rédacteur d'acte, a appelé les intéressés en intervention forcée et en garantie.

Par jugement réputé contradictoire du 6 janvier 2004, le tribunal de grande instance de Paris a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur la demande en paiement du crédit-bailleur, a mis le notaire hors de cause, et, avant dire droit sur le montant des sommes dues à la société Natiocrédimurs, a désigné M. [K] [P] en qualité d'expert, avec mission de faire le compte des sommes dues par la SCI [Adresse 18] à la société Natiocrédimurs dans le cadre du contrat de crédit-bail du 10 octobre 1990, et a d'ores et déjà condamné in solidum MM. [S], [H], [D] et [G] [F] à payer à Maître [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens afférents à la mise en cause de cet officier ministériel.

M. [S] [F] a interjeté de cette décision un appel qui a été distribué à la chambre 5-6 de cette cour. Sur ce recours et par arrêt du 29 septembre 2006, la cour a infirmé le jugement déféré, a dit que Maître [E] a commis une faute envers M. [S] [F] en ne s'assurant pas qu'en tant qu'associé de la SCI [Adresse 18], celui-ci était informé complètement des conditions et de la portée de l'opération de crédit-bail souscrite avec la société Natiocrédimurs le 10 octobre 1990, a condamné Maître [E] à garantir M. [S] [F] du montant des condamnations éventuelles qui viendraient à être prononcées au profit de la société Natiocrédimurs en vertu des dispositions de l'acte de crédit-bail reçu en son étude le 10 octobre 1990, a renvoyé Maître [E] devant le tribunal de grande instance de Paris afin que les opérations d'expertise ordonnées par le jugement du 6 janvier 2004 lui soient opposables et a condamné Maître [E] à payer à M. [S] [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclarations des 4 décembre 2009 et 25 janvier 2010, M. [H] [F] et M. [I] [F] ont, respectivement, à leur tour, interjeté appel du jugement du 6 janvier 2004, n'intimant que Maître [E]. Par déclaration du 17 août 2010, M. [A] [F] a aussi interjeté appel de cette décision, intimant la société Natiocrédimurs, Messieurs [H], [D], [G], [V], [S] et [I] [F] et Maître [E].

Ces trois recours, distribués à la chambre 5-8 de la cour, ont été joints par ordonnances des 4 mai et 9 novembre 2010.

MM. [I], [D], [G] et [V] [F] ont formé des appels incidents.

M. [Y], expert désigné en remplacement de M. [P], a déposé son rapport le 8 août 2008.

Par ordonnance du 14 décembre 2010, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer dans l'instance pendante devant lui dans l'attente de la décision de cette cour sur l'action en responsabilité dirigée contre Maître [E].

Par ordonnance du 1er mars 2011, le conseiller de la mise en état a dit recevables l'appel principal dirigé par M. [I] [F] à l'encontre de Maître [E], l'appel principal de M. [A] [F] et les appels incidents de MM. [I], [D], [G] et [V] [F].

Dans ses dernières écritures signifiées le 15 février 2012, M. [I] [F] demande à la cour de dire recevables l'appel principal de M. [A] [F] et son propre appel incident, vu l'arrêt de cette cour en date du 29 septembre 2006, de dire que Maître [E] devra le garantir de toutes condamnations éventuelles dans le litige l'opposant à la société Natiocrédimurs, de condamner l'intéressé à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la société Natiocrédimurs de ses demandes.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 15 février 2012, MM. [A], [D], [G] et [V] [F] demandent à la cour de dire M. [A] [F] recevable en son appel principal et MM. [D], [G] et [V] [F] recevables en leurs appels incidents, de dire que Maître [E] devra les garantir de toutes condamnations éventuelles dans le litige les opposant à la société Natiocrédimurs, de condamner l'intéressé à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la société Natiocrédimurs de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2012, Maître [E] demande à la cour de déclarer irrecevable l'appel principal formé par M. [A] [F] et, consécutivement, les appels incidents formés par MM. [D], [G], [I] et [V] [F], de constater l'extinction de l'instance, subsidiairement, de déclarer M. [A] [F] irrecevable en ses demandes, en applications de l'article 564 du code de procédure civile, encore plus subsidiairement, de dire qu'il n'a commis aucune faute et de rejeter, en conséquence, les demandes formées à son encontre, infiniment subsidiairement, de dire que le préjudice allégué par les appelants ne consiste qu'en une perte de chance d'avoir vu l'opération de crédit-bail ne pas se conclure, d'évaluer cette chance à la valeur maximale d'un quart, de dire que la garantie éventuellement mise à sa charge au titre de sa responsabilité ne saurait excéder un quart des condamnations qui viendraient à être prononcées contre les appelants au profit de la société Natiocrédimurs, en toute hypothèse, de condamner in solidum MM. [A], [D], [G], [I] et [V] [F] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures signifiées le 14 juin 2011, la société Natiocrédimurs s'en rapporte à la décision de la cour et sollicite la condamnation de MM. [A], [D], [G], [V], [H], [S] et [I] [F] et de Maître [E] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les assignations et dénonciation de conclusions délivrées par actes des 6 et 20 juin 2011 à MM. [S] et [H] [F] qui n'ont pas comparu.

SUR CE

Sur la recevabilité des appels

Considérant que Maître [E] soulève l'irrecevabilité de l'appel principal dirigé contre lui par M. [A] [F], qui a fait défaut devant les premiers juges et n'a donc formé en première instance aucune demande à son encontre susceptible de créer entre eux un lien d'instance, et des appels incidents greffés sur cet appel principal par Messieurs [I], [D], [G] et [V] [F] ;

Considérant que toute partie en première instance a le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance ; que M. [A] [F], bien que non comparant, a été partie en première instance et est, en tant que tel, en droit d'interjeter appel du jugement du 6 janvier 2004, y compris en ce qu'il a mis hors de cause le notaire rédacteur du contrat de crédit-bail sur le fondement duquel il a été assigné par la société Natiocrédimurs ; que son appel dirigé contre Maître [E] sera donc déclaré recevable ;

Considérant que les appels incidents de MM. [I], [D], [G] et [V] [F] dirigés contre M. [E] sont, par suite, aussi recevables ;

Sur la recevabilité des demandes formées par M. [A] [F] à l'encontre de Maître [E]

Considérant que Maître [E] soutient que les demandes formées à son encontre par M. [A] [F], non formulée par l'intéressé en première instance, où il a fait défaut, sont nouvelles en cause d'appel et, partant, irrecevables, en application de l'article 564 code de procédure civile ;

Considérant que ledit article qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, présuppose que la partie à laquelle on l'oppose ait été constituée en première instance; que ses dispositions ne peuvent donc pas être opposées à M. [A] [F] qui n'a pas comparu en première instance ; que les demandes de l'intéressé dirigées devant la cour contre Maître [E] seront donc dites recevables ;

Sur le fond

Considérant que M. [Y], expert désigné par le tribunal de grande instance de Paris en remplacement de M. [P], a déposé son rapport le 8 août 2008 ; que le conseiller de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a prononcé un sursis à statuer dans l'instance opposant la société Natiocrédimurs aux consorts [F], encore pendante devant cette juridiction, dans l'attente de l'issue de l'appel interjeté du jugement du 6 janvier 2004 en ce qu'il a jugé sur l'action en responsabilité dirigée contre Maître [E] ; que le débat est limité, devant la cour à l'examen de ladite action ;

Considérant que les consorts [F] font plaider que l'opération de crédit-bail a été conclue en violation des articles 14 et 35 des statuts de la SCI [Adresse 18], c'est à dire sans que le gérant de l'intéressée ait été habilité à le signer et sans que le créancier ait été appelé à renoncer à son droit de poursuite contre les associés de la crédit-preneuse, et qu'en acceptant de recevoir cet acte sans s'assurer des pouvoirs du gérant et du respect des clauses statutaires ni attirer leur attention sur la portée et l'étendue des engagements que le contrat mettait à leur charge, Maître [E] a manqué à son devoir de conseil et de vigilance ;

Considérant que Maître [E] réplique qu'aucun des reproches qui lui est fait n'est fondé et que les consorts [F], tous parties à l'acte de crédit-bail, étaient pleinement informés de l'opération intervenue entre la société Natiocrédimurs et la SCI [Adresse 18], de l'existence de la dette, de son objet et de ses modalités et qu'ils l'ont tous voulue, la preuve en étant qu'à la garantie des obligations de la crédit-preneuse, ils ont nanti leurs parts du capital de l'intéressée ;

Considérant que l'article 2 des statuts de la SCI [Adresse 18] stipule que 'Le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social' ; que l'article 20 définie l'objet social comme 'L'acquisition de tous immeubles et, notamment, l'acquisition d'une parcelle de terrain à [Localité 20], [Adresse 18]. L'administration et l'exploitation de ces biens par bail, location ou autrement. Et plus généralement, toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet social à condition qu'ils ne modifient pas le caractère civil de la société' ; que la signature du contrat de crédit-bail, destiné au financement de l'acquisition du terrain et permettant son exploitation, par l'édification de constructions, entrait donc dans l'objet social ainsi défini et, par suite, dans les pouvoirs du gérant, sans que celui-ci ait besoin d'une habilitation spéciale de l'assemblée générale des associés ; que l'article 35 des statuts invoqué par les consorts [F] a trait, non pas aux pouvoirs du gérant, mais aux engagements contractés au nom de la société avant son immatriculation ; qu'il a eu pour objet de ratifier l'acte d'acquisition du terrain accompli pour le compte de la SCI en formation par l'un de ses fondateurs et a épuisé ses effets avec la ratification qu'il exprime ; que cette clause n'avait pas à s'appliquer à l'occasion de la signatures des actes du 10 octobre 1990 reçus par Maître [E] postérieurement à l'immatriculation de la SCI ; que la responsabilité du notaire ne peut donc être recherchée du chef de la non vérification des pouvoirs du gérant ;

Considérant que l'article 14 des statuts de la SCI [Adresse 18] stipule que : 'Dans tous les actes contenant des engagements au nom de la société, la gérance devra, sous sa responsabilité, obtenir des créanciers, une renonciation formelle au droit d'exercer une action personnelle contre les associés de sorte que les dits créanciers ne puissent, par suite de cette renonciation, intenter d'actions et de poursuites que contre la société et sur les biens lui appartenant' ; qu'il est fait grief à Maître [E] d'avoir omis de recueillir et, au moins, tenté d'obtenir, auprès de la société Natiocrédimurs, une renonciation formelle à poursuivre les associés de la SCI sur leur patrimoine personnel et de s'être abstenu d'informer les intéressés de l'absence d'une telle renonciation et des conséquences qui en découlaient pour eux ;

Considérant qu'il est constant que Maître [E] ne s'est pas renseigné sur la mise en oeuvre par le gérant de l'article 14 des statuts de la SCI ni sur les intentions de la société Natiocrédimurs quant à son droit de poursuite contre les associés et n'a pas informé les consorts [F] de l'absence de renonciation de sa part à les poursuivre sur l'intégralité de leur patrimoine ; qu'il soutient qu'il n'avait aucune diligence à effectuer de ces chefs, la volonté des consorts [F] de conclure l'opération et de s'engager aux dettes sociales sur leur patrimoine personnel étant manifeste, ce dont témoigne le nantissement de leurs parts dans la SCI [Adresse 18] qu'ils consentaient à la crédit-bailleresse ; qu'il ajoute qu'il était illusoire de penser que celle-ci eût accepté de limiter son droit de poursuite contre les associés aux parts nanties à son profit ;

Considérant que le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties, se doit d'appeler leur attention sur les conséquences et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ; que connaissance prise des termes de l'article 14 des statuts de la SCI [Adresse 18], il devait se renseigner sur l'obtention ou non d'une renonciation de la bailleresse à son droit de poursuite contre les associés et informer ceux-ci du résultat de sa démarche de façon à ce qu'ils sachent si le créancier avait ou non renoncé à ses droits, et dans quelles proportions, compte tenu du nantissement à lui consenti, afin qu'ils contractent en toute connaissance de cause ; que son devoir de conseil était d'autant plus crucial à cet égard que MM. [I], [D], [G], [V], [A] et [S] [F] n'ont pas signés eux-mêmes l'acte de crédit-bail mais ont été représentés à celui-ci et au nantissement de parts sociales qu'il comporte au profit de la bailleresse par M. [H] [F], le gérant de la SCI [Adresse 18] auquel ils avaient donné pouvoir ;

Considérant qu'il ne peut être déduit de ce nantissement, garantie limitée à 10.000 euros par associé, que les consorts [F] avaient conscience que la société Natiocrédimurs n'avait pas renoncé à son droit de poursuite à leur encontre sur le reste de leur patrimoine et pour le surplus de la dette pouvant résulter du contrat de crédit-bail ;

Considérant que Maître [E] qui n'a pas donné aux consorts [F] toutes les données de nature à les éclairer sur les conséquences et la portée des engagements mis à leur charge par le contrat par lui rédigé, au regard des dispositions figurant dans les statuts de la SCI, a manqué à son devoir de conseil ;

Considérant que les consorts [F] font encore valoir que Maître [E] aurait dû contrôler la capacité financière des associés de la crédit-preneuse qui pouvaient être tenus, en cas de défaillance de celle-ci d'une dette de plus de 13 millions de francs, alors que certains d'entre eux étaient étudiants à l'époque de la signature du contrat de crédit-bail et ne les pas informés des risques d'endettement qu'ils couraient ; que, cependant, ils ne démontrent pas l'inadéquation de leur capacités financières à l'investissement nécessaire à la réalisation de l'opération ; qu'aucun grief ne peut être retenu de ce chef à la charge du notaire ;

Considérant qu'il est enfin reproché à Maître [E] de ne pas avoir vérifier la réalité de la SCI crédit-preneuse, alors que le défaut d'affectio societatis a conduit le tribunal de grande instance de Bobigny a prononcer sa nullité pour ce motif le 6 novembre 2001 ; qu'une telle vérification n'incombait pas au notaire, rédacteur d'un acte qui n'était pas constitutif de la société, étant précisé que l'absence d'affectio societatis n'a été constaté par une juridiction que onze années après l'intervention de Maître [E] et avec effet non rétroactif ; que de ce chef, la responsabilité du notaire ne peut être engagée ;

Considérant que le préjudice subi par les consorts [F] en relation avec la seule faute retenue à la charge de Maître [E] ne peut consister qu'en une perte de la chance de ne pas réaliser l'opération projetée, qui permettait une importante valorisation du terrain, avec un créancier qui n'aurait pas limité son droit de poursuite contre eux aux parts nanties à son profit ;

Considérant que les éléments de la cause permettent à la cour de fixer cette perte de chance à un quart des sommes dues à la société Natiocrédimurs ; que Maître [E] devra donc garantir, dans cette proportion, MM. [I], [D], [G], [V] et [A] [F] des condamnations qui viendront à être prononcées à leur encontre au profit de la société Natiocrédimurs ;

Considérant que le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a mis Maître [E] hors de cause et en ce qu'il a condamné in solidum MM. [I], [D], [G], [V] et [A] [F] à payer à l'intéressé la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens afférents à sa mise en cause ;

Considérant que Maître [E], qui succombe, n'est pas fondé en sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande de le condamner à payer, à ce titre, à MM. [D], [G], [V] et [A] [F] la somme de 3 000 euros et à M. [I] [F] celle de 800 euros ;

Considérant que l'intimation de la société Natiocrédimurs, en sa qualité de créancière poursuivante, n'est pas de nature à justifier l'application, à son profit, des dispositions de l'article 700 du code précité ;

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

Rejette les fins de non recevoir opposées par Maître [E],

Infirme le jugement déféré en ce qu'il mis Maître [E] hors de cause et en ce qu'il a condamné in solidum MM. [I], [D], [G], [V] et [A] [F] à payer à l'intéressé la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens afférents à sa mise en cause,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que Maître [E] a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de MM. [I], [D], [G], [V] et [A] [F],

Le condamne à garantir MM. [I], [D], [G], [V] et [A] [F] du quart des condamnations qui viendraient à être prononcées à leur encontre au profit de la société Natiocrédimurs en vertu de l'acte de crédit-bail du 10 octobre 1990,

Le condamne à payer, à M. [I] [F], la somme de 800 euros et à MM. [D], [G], [V] et [A] [F], celle de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne Maître [E] aux dépens de première instance et d'appel dans la procédure l'opposant aux consorts [F] et dit que ces dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/16965
Date de la décision : 10/04/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°10/16965 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-10;10.16965 ?
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