La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2012 | FRANCE | N°09/25025

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 13 avril 2012, 09/25025


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 13 AVRIL 2012



(n° 105, 15 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 09/25025.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 4ème Section - RG n° 09/09814.











APPELANTS :



-Madame [A] [

M] née [C]

demeurant [Adresse 2],



- Monsieur [Z] [M]

demeurant [Adresse 2],



représentés par Maître Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

assistés de ...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 13 AVRIL 2012

(n° 105, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/25025.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 4ème Section - RG n° 09/09814.

APPELANTS :

-Madame [A] [M] née [C]

demeurant [Adresse 2],

- Monsieur [Z] [M]

demeurant [Adresse 2],

représentés par Maître Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

assistés de Maître Gilles BOUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0317.

INTIMÉS :

- SAS [C] [M]

prise en la personne de son Président,

ayant son siège social [Adresse 5],

- SAS L.B. CREATIONS

prise en la personne de son Président,

ayant son siège social [Adresse 5],

- Monsieur [V] [K]

demeurant [Adresse 4],

représentés par Maître Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

assistés de Maître Christophe SENET plaidant pour la SELAS FIDAL, avocat au barreau de ROUEN.

INTERVENANTS FORCÉS :

- Maître [H] [O]

ès qualités de mandataire judiciaire de la procédure de redressement des sociétés [C] [M] et LB CREATIONS,

demeurant [Adresse 1],

- Maître [Y] [B]

ès qualités d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement des sociétés [C] [M] et LB CREATIONS,

demeurant [Adresse 3],

représentés par Maître Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

assistés de Maître Christophe SENET plaidant pour la SELAS FIDAL, avocat au barreau de ROUEN.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Benjamin RAJBAUT, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

En 1989, Madame [A] [C], sculptrice, et son époux, Monsieur [Z] [M], fondateurs, en 1983, d'une petite entreprise, ont créé la société à responsabilité limitée [C] [M] (ultérieurement transformée en société par actions simplifiée) ayant pour activité la création en volume, sous forme de statuettes, de personnages tirés de bandes dessinées - tels les personnages de Tintin, Spirou, Astérix, Gaston - Madame [C] créant également ses propres personnages et objets décoratifs.

Le 30 octobre 2006, à l'issue de négociations initiées en avril 2006, ils ont consenti une promesse unilatérale de cession de leurs actions au profit de la société LB Créations (constituée pour acquérir leurs actions, dont Monsieur [V] [K] était le gérant et qui, depuis le 11 février 2011, fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire).

Le 14 décembre 2006, Monsieur [K] a levé l'option d'achat, permettant à la société LB Créations d'acquérir, le 08 janvier 2007, l'intégralité du capital de la société [C] [M].

Le 08 janvier 2007 :

' Madame [C] et Monsieur [V] [K], en présence de Monsieur [M] et des sociétés LB Créations et [C] [M] (représentées par Monsieur [K]) ont conclu un pacte d'actionnaires, Madame [C] s'engageant à souscrire à une augmentation de capital à hauteur de 230.000 euros ; il prévoyait qu'elle aurait la qualité de salariée de la société [C] [M] durant trois ans et contenait une clause d'exclusivité et de préférence au profit de la société [C] [M],

' Madame [C] et la société [C] [M] ont conclu un contrat par lequel elle a cédé ses droits de propriété intellectuelle sur les créations énumérées dans une annexe I (sculptures et autres objets) ; au titre du prix de cession, il était indiqué (§ 3.2): 'Madame [C] déclare par ailleurs être parfaitement remplie de ses droits au titre du contrat du 10 octobre 1989 conclu entre elle et la société. En conséquence, la poursuite de l'exploitation des créations ne donne pas lieu au versement d'une redevance complémentaire et les dispositions du présent contrat remplacent l'ensemble des stipulations du contrat du 10 octobre 1989 en ce qui concerne les créations et ce, à compter de l'entrée en vigueur du contrat',

' Madame [C] et Monsieur [M] ont conclu avec la société LB Créations un contrat définissant (en son article 2) les conditions de la cession de la marque française semi-figurative 'Baboom', n° 3301442, outre, ses droits d'auteur sur le personnage 'Baboom', dessins et logos ; il portait aussi (en son article 3) sur les dénominations 'Libre comme l'air' et 'B.A.-BA' et les droits de propriété intellectuelle de Madame [C] sur les dessins et logos utilisés dans l'illustration de ces dénominations ; il ne contenait pas de stipulation particulière relative au prix de la cession,

' Madame [C] et Monsieur [M] ont conclu avec la société [C] [M] un contrat prévoyant des accords de coexistence avec les marques françaises '[A] [C]' et la cession des droits d'auteur de Madame [C] afférents aux marques françaises semi-figuratives 'Tralala Figurines de collection' n° 003034075, '[C]-[M]', n° 94515397 et 95603679, à la marque française 'Lièvre', n° 043280752 et la marque internationale semi-figurative'[C]-[M]', n° 655722 ; il ne contenait pas de stipulation particulière relative au prix de cession.

Les relations entre les parties à ces conventions se sont rapidement envenimées, donnant lieu à la mise à pied de Madame [C] le 29 juin 2007 suivie d'un licenciement en août 2007, à l'établissement d'un accord daté du 10 juillet 2007, au dépôt de plaintes pénales (avec, notamment, l'ouverture d'une information toujours en cours dans le cadre de laquelle les époux [M] sont mis en examen) et à l'introduction de diverses actions devant les juridictions commerciales et civiles.

C'est ainsi que le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a été saisi d'une action portant sur les droits de propriété intellectuelle de Madame [C], sur les atteintes au nom patronymique et à l'image des époux [M] aux fins d'interdiction et de paiement provisionnel. La cour d'appel de Paris, par arrêt rendu le 27 février 2008, a confirmé l'ordonnance rendue le 11 juillet 2009 en ce qu'elle a rejeté toutes les demandes relatives à l'utilisation des marques, dénominations et noms patronymiques cédés mais l'a infirmée pour le surplus en condamnant la société [C] [M] au paiement de provisions au titre des droits d'auteur sur les 'uvres existantes ainsi que sur les 'uvres nouvelles et à remettre à Madame [C] cinq exemplaires sur les ''uvres nouvelles' créées après le 1er janvier 2007, ce sous astreinte, avec interdiction de faire usage de leur image.

Le tribunal de commerce de Paris a également été saisi par les époux [M] et leurs enfants d'une action tendant, en substance, à voir prononcer la résiliation, aux torts exclusifs de Monsieur [K] et de la société LB Créations, du pacte d'actionnaires du 08 janvier 2007 et à se voir payer et rembourser diverses sommes.

Par jugement rendu le 16 septembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a considéré que l'accord transactionnel du 10 juillet 2007 devait s'appliquer et condamné 'solidairement' Monsieur [K] et la société LB Créations à verser aux requérants la somme de 217.000 euros représentant le solde des sommes restant dues aux termes de l'accord du 10 juillet 2007 dont il a déduit le montant de deux garanties (garantie fiscale et sociale / réclamations des ayants droit au titre des royalties).

Appel en a été interjeté par Monsieur [K] et l'affaire est pendante devant la cour d'appel.

Par acte du 29 mai 2008, Madame [C] et Monsieur [Z] [M] ont, enfin, assigné les sociétés [C] [M] et LB Créations ainsi que Monsieur [V] [K] devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité des contrats de cession des droits de propriété intellectuelle, avec demandes de versement d'une provision et de désignation d'un expert chargé d'évaluer le montant de leurs droits.

Par jugement rendu le 26 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a, avec exécution provisoire :

- rejeté la demande des requérants tendant à voir écarter des débats les pièces pénales, la demande de sursis à statuer, et les demandes de Madame [C] tendant à voir suspendre les effets du contrat du 08 janvier 2007 sur le personnage 'Baboom', les dénominations 'Libre comme l'air' et 'B.A.-BA' ainsi que leurs illustrations, tendant à voir suspendre les effets du contrat du 08 janvier 2007 sur la cession des droits d'auteur attachés aux marques françaises et à la marque internationale cédées et aux fins de nullité du contrat du 08 janvier 2007 sur la cession des droits de propriété intellectuelle sur les 'uvres créées par Madame [A] [C],

- annulé la disposition de la clause 6.3.1 du pacte des actionnaires du 8 janvier 2007 liant la perception d'une redevance pour les 'uvres nouvellement créées à la réalisation de recettes égales à 10 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes de la société [C] [M],

- condamné la société [C] [M] à payer à Madame [A] [C] la somme de 62.500 euros au titre du minimum garanti dû pour les 'uvres créées à partir du 1er janvier 2007,

- enjoint à la société [C] [M] de remettre à Madame [A] [M] un état certifié par le Commissaire aux comptes relatif aux recettes produites par les oeuvres créées par Madame [C] depuis le 1er janvier 2007, ce sous astreinte, et dit que pour l'exécution de cette disposition doit être considérée comme 'uvre nouvelle toute oeuvre ne figurant pas dans l'annexe 1 du contrat du 08 janvier 2007 emportant cession des droits de propriété intellectuelle sur les 'uvres créées au 1er janvier 2007,

- enjoint à la société [C] [M] de remettre à Madame [C], dans les quinze jours suivant la signification du jugement, les sculptures originales anciennes et nouvelles réalisées par l'intéressée, ce sous astreinte,

- interdit à la société [C] [M] l'emploi du seul nom de [A] [C] pour la désignation d'oeuvres qu'elle n'a pas créées et qui constituent des adaptations, ce sous astreinte,

- dit que la société [C] [M] devra continuer à faire figurer le nom, la signature ou les initiales de [A] [C] sur les 'uvres créées par elle et n'ayant reçu aucune modification par des tiers,

- rejeté les demandes des requérants fondées sur l'atteinte à leur droit à l'image,

- constaté que la demande reconventionnelle de la société [C] [M] tendant à voir prononcer la nullité de la cession des actions de la société [C] [M] est sans objet,

- condamné in solidum les sociétés [C] [M] et LB Création ainsi que Monsieur [V] [K] à payer à Madame [C] la somme de 9.000 euros et à Monsieur [M] celle 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 06 mars 2012, Madame [A] [C] et Monsieur [Z] [M], appelants, demandent à la cour, au visa des articles L 121-1 et L 131-4 du code de la propriété intellectuelle, 1108, 1333, 1134, 1135 et 1147 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui leur sont favorables, de l'infirmer pour le surplus et :

- de dire que Monsieur [V] [K] est tenu solidairement ou, à tout le moins in solidum, des obligations des sociétés [C] [M] et LB Créations découlant du pacte du 08 janvier 2007,

- de prononcer la nullité des deux contrats de cession de droits d'auteur du 08 janvier 2007 relatifs au personnage de 'Baboom' ainsi qu'aux dénominations 'Libre comme l'air' et 'B.A.-BA' et aux marques 'Tralala figurines de collection' et '[C]-[M]' ; subsidiairement, de fixer le montant de la créance privilégiée de Madame [C] au redressement judiciaire de la société [C] [M] à la somme de 20.000 euros HT au titre de ces deux contrats,

- de considérer que le contrat du 08 janvier 2007 emportant cession, par Madame [C], des droits de propriété intellectuelle sur les 'créations' antérieures au 1er janvier 2007 alors exploitées par la société [C] Delenne, confirmait implicitement mais sans équivoque, la rémunération octroyée antérieurement à celle calculée sur la base de 1 % du chiffre d'affaires HT avec la précision, au regard des dispositions figurant dans le pacte du 08 septembre 2007, qui prévoyait une rémunération calculée sur la base de 1 % du chiffre d'affaires HT jusqu'au 31 décembre 2008, puis un pourcentage de 5 %, qu'elle ne prévoyait en conséquence ni augmentation ni redevance 'complémentaire ; de considérer par suite que cette société était et demeure tenue de payer à Madame [C] une redevance égale à 1 % HT du montant des recettes réalisées au titre des oeuvres créées par elle ; de prononcer la résiliation de l'acte de cession du 08 janvier 2007 relatif aux oeuvres de Madame [C] commercialisées au 1er janvier 2007 ; de fixer le montant de sa créance au redressement judiciaire de cette société à une somme égale à 1 % du chiffre d'affaires HT réalisé au titre des 'uvres exploitées et commercialisées au 1er janvier 2007 et ce jusqu'au 11 février 2011 ; de condamner la société [C] [M] représentée par son administrateur provisoire à payer à Madame [M], par provision, la somme de 20.000 euros HT au titre des redevances dues dans le cadre de la poursuite de l'activité et des ventes entre le 11 février 2011 et l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner une expertise afin de déterminer le montant exact des recettes réalisées au titre des 'uvres existantes et commercialisées à la date du 1er janvier 2007, à compter de cette date jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,

- de condamner la société [C] [M], représentée par son administrateur Monsieur [K], à remettre à Madame [C] l'état des recettes réalisées au titre des 'uvres nouvelles créées par elle à compter du 1er janvier 2007 jusqu'à l'arrêt à intervenir, ce sous astreinte, et de dire que l'expert désigné procédera à la vérification des états de recettes fournis et des sommes dues,

- de condamner 'conjointement et solidairement' la société [C] [M] représentée par son administrateur et Monsieur [K] à remettre à Madame [C], sous astreinte, l'ensemble de ses sculptures originales dont elle a fourni la liste ainsi que 5 exemplaires de production des 'uvres créées par elle dont elle a également fourni la liste ; de les condamner, de plus, à leur verser les sommes complémentaires de 5.000 et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens,

- (sur les demandes des intimés) :

* de déclarer irrecevable comme tardive l'exception d'incompétence soulevée par les intimés,

* de la rejeter en considérant que le tribunal de commerce de Dieppe et son juge commissaire ne font pas partie des juridictions spécialement désignées pour connaître des litiges relatifs à la propriété intellectuelle, le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Paris, en revanche compétents, ayant été saisis antérieurement à l'ouverture de la procédure judiciaire,

* de considérer que la demande de résiliation des actes de cession d'actions du '08 juillet 2007" des intimés est 'irrecevable et mal fondée' et, de plus, abusive, du fait, tout à la fois, de l'absence en la cause de tous les cédants, de la décision du tribunal de commerce compétent en matière de cession d'actions antérieure à l'ouverture de la procédure collective et de la saisine actuelle d'une autre chambre de la cour d'appel,

* de les débouter de leurs demandes, de les déclarer irrecevables et en tout cas mal fondés en leur demande de désignation d'un expert ayant même mission que celle qui a été demandée au juge d'instruction et à la chambre de l'instruction dans le cadre de la procédure pénale - et, de plus, de nul intérêt dans le cadre de la présente procédure - et de condamner tout contestant aux dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 28 février 2012, la SAS [C] [M], la SAS LB Créations assistées de Maître [O], ès-qualités de mandataire judiciaire et de Maître [B], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de ces sociétés par jugement du 11 février 2011 ainsi que Monsieur [V] [K] demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions leur faisant grief et :

- in limine litis de surseoir à statuer en raison de l'instruction pénale en cours devant le tribunal de grande instance de Dieppe,

- de se déclarer incompétent au profit du juge commissaire du tribunal de commerce de Dieppe sur la question relative à la remise des oeuvres originales et de cinq exemplaires de reproduction de ces mêmes oeuvres telles que proposées à la commercialisation,

- à titre liminaire, de mettre hors de cause Monsieur [V] [K],

- à titre principal, de débouter les appelants de leurs entières prétentions,

- à titre subsidiaire et reconventionnel, de prononcer la nullité de la cession de la société [C] [M] à la société LB Créations et de procéder aux restitutions croisées en condamnant Monsieur [Z] [M], Madame [A] [C], Madame [E] [X], Madame [A] [T] [X] et Madame [U] [M] à reverser à la société LB Créations les sommes perçues au titre de la vente de la société [C] [M],

- sur la demande d'expertise du contrat du 10 octobre 1989, de désigner un expert avec mission portant sur l'étude du contrat du 10 octobre 1989 et, notamment, sa date et son éventuel caractère antidaté,

- en tout état de cause, de condamner solidairement Monsieur [Z] [M] et Madame [A] [C] à verser à la société [C] [M], à la société LB Créations et à Monsieur [V] [K] la somme de 15.000 euros au profit de chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

SUR CE,

Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant qu'au soutien de cette demande les intimés font valoir que les conventions signées le 08 janvier 2007, interdépendantes et conclues en vue d'une même opération économique, forment un ensemble contractuel indivisible et que le 'reclassement' de l'ensemble des droits de la propriété intellectuelle dans le patrimoine de la société LB Créations était une condition déterminante de l'acquisition de la société [C] [M] ;

Que leurs plaintes portent sur le contrat du 10 octobre 1989 argué de faux et sur les conditions de revente de statuettes produites en séries limitées, que l'information qui a été ouverte est toujours en cours après accomplissement de la mesure d'expertise ordonnée par le juge d'instruction et que l'issue de cette procédure pénale pourrait, selon eux, remettre en cause, en particulier dans ses conséquences pécuniaires pour les parties civiles, toute décision qui sera rendue sur les contrats en question dans le cadre de la présente procédure qu'ils qualifient de 'contre-feu' ;

Que les appelants rétorquent que la plainte initiale pour corruption de salariés à fait 'long feu', que les procès-verbaux de leurs gardes à vue pourraient être annulés par la Cour de cassation et que factuellement cette procédure pénale est sans influence sur les droits d'auteur réclamés par Madame [C] ;

Considérant, ceci rappelé, qu'aux termes de l'article 4 dernier alinéa du code de procédure pénale ' la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil' ;

Qu'en l'espèce, la simple faculté de suspendre le cours de l'instance ainsi offerte au juge civil ne s'impose pas dès lors que l'étendue du préjudice ne constitue pas le soutien nécessaire d'une éventuelle condamnation pénale venant sanctionner le faux ou les agissements frauduleux incriminés, les appelants faisant de plus pertinemment valoir que le préjudice invoqué devant la juridiction pénale qui fait d'ailleurs l'objet de garanties contractuelles pourrait se heurter à son absence de caractère direct et qu'elle est sans influence sur l'appréciation de l'atteinte à ses droits d'auteur dont Madame [C] poursuit la réparation ;

Que la demande sera, par conséquent, rejetée ;

Sur l'exception 'd'incompétence et de connexité' :

Considérant que les intimés soutiennent que Madame [M] a sollicité du juge commissaire du tribunal de commerce de Dieppe la restitution des 'oeuvres originales' ainsi que l'attribution de cinq exemplaires des reproductions de ces mêmes oeuvres, qu'il s'agit là de demandes similaires à celles qui sont présentées devant la cour et que les dispositions d'ordre public du code de commerce régissant les procédures collectives rendent le juge commissaire compétent pour en connaître ;

Que les appelants répliquent que les conditions de l'accueil d'une exception de connexité ne sont pas satisfaites ; qu'en particulier si elle peut être soulevée à tout moment, tel n'est pas le cas de l'exception d'incompétence qui doit l'être in limine litis et qu'en outre la compétence du juge commissaire ne peut pas faire obstacle à la compétence des tribunaux et cours limitativement désignés pour connaître des instances touchant à la propriété intellectuelle ;

Considérant, ceci rappelé, qu'à supposer que les deux instances dont s'agit présentent un caractère connexe, les dispositions de l'article 102 du code de procédure civile selon lesquelles 'lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l'exception de litispendance ou de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction inférieure' conduisent à rejeter l'exception ainsi formée ;

Sur la mise hors de cause de Monsieur [V] [K] :

Considérant qu'au soutien de cette demande Monsieur [K] fait valoir qu'aucun acte détachable au titre des contrats auxquels il n'est pas partie personnellement ne peut lui être reproché et que sa responsabilité personnelle ne peut être recherchée ; qu'il fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande au motif qu'il était personnellement partie au pacte d'actionnaires du 08 janvier 2007 alors que ce pacte était conclu en présence de la société LB Créations, que seul l'article 6 de ce contrat est contesté et que seule la société LB Créations devait en supporter les obligations ;

Mais considérant qu'à juste titre les premiers juges ont considéré que sa seule qualité de co-signataire, à titre personnel, du pacte d'actionnaires suffit à rendre nécessaire sa présence en la cause de sorte que le jugement mérite confirmation sur ce point ;

Sur la validité des contrats portant, l'un, sur la marque 'Baboom' et les dénominations 'B.A-BA' et 'Libre comme l'air', l'autre sur l'utilisation de noms patronymiques et sur les marques figuratives et semi-figuratives crées et déposées par Madame [C] :

Considérant que les appelants poursuivent l'infirmation du jugement en ce que, recherchant si Madame [C] a eu la volonté de disposer de ses droits intellectuels à titre gratuit, il a rejeté leurs demandes de nullité de ces deux contrats par lesquels Madame [C] a cédé ses droits de propriété intellectuelle sans rémunération proportionnelle ;

Qu'ils reprochent au tribunal d'avoir suivi l'argumentation adverse en s'attachant à l'économie générale de l'opération et en déduisant des diverses conventions intervenues (contrat de cession de droits d'auteur du 08 janvier 2007, promesse de vente des actions du 30 octobre 2006 et lettre d'intention de Monsieur [K] du 27 juin 2006) que l'acquéreur faisait de l'inclusion des droits de propriété intellectuelle litigieux dans le patrimoine de la société [C] [M] une condition préalable à l'acquisition et que le 'reclassement' dans ce patrimoine avait pour effet d'accroître la valeur de la société et donc des actions détenues par les époux [M] ; qu'ils critiquent la conséquence que le tribunal en a tirée, à savoir que les contrats conclus par Madame [M] le jour de la cession de ses actions lui permettaient de céder son entreprise et d'en obtenir une valorisation tenant compte de son travail effectif et qu'eu égard au contexte et aux termes des contrats elle a effectivement accepté de céder ses droits de propriété intellectuelle sans autre rémunération ;

Que, se fondant sur les règles d'ordre public des articles L 131-3 et L 131-4 du code de la propriété intellectuelle, ils font valoir que le tribunal a opéré une confusion entre l'usage en tant que propriété industrielle des marques, dénominations ou appellations (qu'ils ne contestent pas) et les droits d'auteur dont la cession sans contrepartie doit être expresse et dénuée d'ambiguïté ;

Que Madame [C] ajoute qu'initialement elle ne demandait pas la nullité de ces conventions mais une juste rémunération en tant qu'auteur, que la procédure collective la conduit à modifier sa demande en ce sens, ses prétentions indemnitaires n'étant présentées qu'à titre subsidiaire ;

Considérant, ceci rappelé, qu'aux termes de l'article L 131-4 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle 'La cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation' ;

Que selon l'article 3.1 du contrat de cession 'à titre exclusif' des droits d'auteur distinctement conclu entre Madame [C] et la société [C] [M] et qui porte sur les 'créations actuellement exploitées par la société', précisément définies en annexe, 'Les parties rappellent que la présente cession de droits d'auteur est l'une des conditions de la réalisation de la cession de l'intégralité des actions de la société par les actionnaires de celle-ci (dont Madame [C]) à la société LB Créations (...). Les parties prennent donc acte de ce que la présente cession de droits d'auteur s'analyse comme un reclassement desdits droits dans le patrimoine de la société préalablement à la cession de celle-ci. Les parties décident en conséquence de fixer le prix de la cession de droits d'auteur à un euro (1 €) symbolique' ;

Que s'il s'évince des dispositions de l'article 1591 du code civil que la vente moyennant un prix symbolique d'un euro peut être valablement conclue, notamment lorsqu'elle s'inscrit, comme en l'espèce, dans une opération plus vaste, encore faut-il qu'il soit démontré qu'il existe une contrepartie sérieuse à cette cession, ce que conteste Madame [C] en soulignant qu'aucune clause ne prévoit expressément qu'elle a consenti à la cession gratuite de ses droits d'auteur ;

Qu'à cet égard, l'affirmation des intimés selon laquelle il apparaît clairement que le 'reclassement' des droits d'auteur attachés aux marques dans le patrimoine de la société [C] [M] - sans définir contractuellement ou devant la cour ce que recouvre cette notion de 'reclassement' - était une condition essentielle de la cession de la société [C] [M] et qu'elle avait pour contrepartie un prix de rachat de la société de 2.240.000 euros ne permet pas de considérer que la rémunération de la cession des droits d'auteur litigieuse ait trouvé sa contrepartie dans ce prix dès lors qu'il correspond à une 'valorisation' de la société non ventilée en regard des différents éléments d'actifs que Monsieur [K] se proposait d'acquérir, moyennant ce prix global, aux termes de sa lettre d'intention du 16 octobre 2006 ;

Que Madame [C] qui ne conteste pas que ces contrats étaient destinés à permettre aux sociétés intimées de poursuivre l'exploitation et la commercialisation de ses créations sous les divers signes litigieux ne saurait en demander l'annulation au simple motif qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte ;

Qu'elle est, en revanche, fondée à réclamer, au titre de chacun de ces contrats et compte tenu de la liste des 'uvres figurant en annexe du contrat de cession des droits d'auteur, la fixation à la somme de 10.000 euros, non contestée dans son quantum par les intimés, au titre d'une rémunération forfaitaire autorisée par l'article L 131-4 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle ;

Que le jugement sera, par conséquent, infirmé de ce chef ;

Sur la redevance au titre des créations de Madame [C] antérieures au 1er janvier 2007 :

Considérant que Madame [C] critique également le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement à ce titre et invoque l'article 3.2 alinéa 1er du contrat de cession de droits d'auteur selon lequel :

'Madame [C] déclare par ailleurs être parfaitement remplie de ses droits au titre du contrat du 10 octobre 1989 conclu entre elle et la société. En conséquence, la poursuite de l'exploitation des créations ne donnera pas lieu au versement d'une redevance complémentaire et les dispositions du présent contrat remplacent l'ensemble des stipulations du contrat du 10 octobre 1989 en ce qui concerne les créations et ce à compter de l'entrée en vigueur du contrat' ;

Qu'elle fait valoir qu'une redevance de 1 % du chiffre d'affaires hors taxes lui était précédemment versée ; que la commercialisation de ses oeuvres s'est poursuivie après la signature des contrats litigieux et encore jusqu'à ce jour ; que l'article 3.2 invoqué, qui ne comporte aucune mention expresse de 'gratuité' mais use des termes 'redevance complémentaire' doit s'entendre comme une confirmation de la rémunération qu'elle percevait antérieurement, soit : 1 % du chiffre d'affaires ;

Considérant, ceci rappelé, que, par cette clause, les parties ont certes évoqué une 'redevance complémentaire' ; qu'elles sont, cependant, convenues que Madame [C] se déclarait 'parfaitement remplie de ses droits' et que le contrat 'remplace' le contrat du 10 octobre 1989 ; que les termes de la convention ne peuvent, dans ces conditions, être considérés comme clairs et précis et qu'il convient, conformément aux dispositions de l'article 1156 du code civil, de rechercher la commune intention des parties dans le cadre de ce contrat emportant cession de droits d'auteur ;

Que l'article 1161 du code civil selon lequel 'toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier' conduit à se reporter au 2ème alinéa de cette même clause qui stipule :

' De même, Madame [C] déclare être parfaitement remplie de ses droits sur les collections anciennes et/ou épuisées (définies à l'article 4 du même contrat qui régit leur condition d'exploitation) qui restent pour leur part régies par les stipulations du contrat de licence signé par Madame [C] et la société le 10 octobre 1989" ;

Qu'en se référant à ce second alinéa prévoyant que les collections restent 'pour leur part' régies par le contrat du 10 octobre 1989, il y a lieu de considérer que les 'uvres antérieures au 1er janvier 2007 n'entrant pas dans la catégorie des collections anciennes et/ou épuisées ne sont plus, par opposition, soumises à ce contrat, la renonciation à une 'redevance complémentaire' s'entendant dès lors comme une référence aux redevances d'ores et déjà perçues avant le 1er janvier 2007 qui l'ont 'remplie de ses droits';

Que, par suite, sera rejeté l'ensemble des demandes de Madame [C] à ce titre et le jugement confirmé de ce chef ;

Sur les redevances réclamées au titre des 'oeuvres nouvelles' créées par Madame [C] postérieurement au 1er janvier 2007 :

Considérant que, formant appel incident, les intimés font valoir que l'article 6 du pacte d'actionnaires conclu le 08 janvier 2007 organisait le statut de Madame [C] qui devait, notamment, rester salariée de la société [C] [M] jusqu'au 31 décembre 2008 ; que le minimum garanti convenu, versé à titre d'avance de rémunération pour l'exploitation des 'uvres nouvelles ( et qui lui a d'ailleurs été versé à hauteur de 37.500 euros) était lié à sa situation de salariée et à ses créations nouvelles et que sa créance n'a plus été causée à compter de sa mise à pied ; qu'elle a été licenciée pour faute grave et que, depuis lors, elle n'a plus créé d'oeuvres nouvelles ;

Qu'ils reprochent au tribunal d'avoir considéré que la rémunération stipulée à l'article 6.3.1 du pacte d'actionnaires était impossible à réaliser et de l'avoir annulée, alors que, connaissant l'activité de la société pour en avoir été propriétaire et sachant que la commercialisation d'un produit comme le 'coussin Barbapapa' avait généré plus de 10 % du chiffre d'affaires en 2006, Madame [C] pouvait considérer que cette condition était possible à réaliser et qu'elle a signé ce pacte en connaissance de cause ; qu'ils contestent, de plus, la présentation que fait cette dernière de 74 'uvres nouvelles prétendument créées en six mois et qu'ils jugent irréaliste et pour partie erronée ;

Considérant, ceci rappelé, que l'article 6.3.1 du pacte d'actionnaires stipule :

'En cas d'exercice par la société [C] [M] de son droit de préférence préalablement au 31 décembre 2008 (inclus) pour une oeuvre nouvelle, la société [C] [M] versera à Madame [C], en plus de son salaire tel que stipulé à l'article 6.1, une redevance annuelle de un pour cent (1 %) hors taxes, mais charges sociales comprises, du chiffre d'affaires annuel hors taxes afférent à la commercialisation de cette oeuvre nouvelle ou des commandes sous licence de tiers, à la condition toutefois que la commercialisation de cette oeuvre nouvelle par la société [C] [M] représente au minimum dix pour cent (10 %) du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé par la société [C] [M].

En tout état de cause, la société [C] [M] versera, jusqu'au 31 décembre 2008, une avance globale annuelle sur ces redevances de cinquante mille euros hors taxes mais charges sociales comprises, valant minimum garanti, non remboursable. Cette avance sera imputable sur les redevances dues à Madame [A] [C] sans limitation de durée pour les oeuvres nouvelles visées au présent article 6.3.1 (...)' ;

Qu'il y a lieu de relever que les intimés, qui ne citent qu'un seul exemple de produits dont la commercialisation aurait atteint 10 % du chiffre d'affaires, laissent sans réponse l'argumentation des appelants selon laquelle ce 'coussin Barbapapa' se déclinait en divers modèles - 'Barbapouf', 'Barbamama', 'Barbabébé' - de tailles, formes et couleurs différentes constituant autant d'oeuvres nouvelles ; qu'ils ne démontrent, par conséquent, d'aucune manière que ce pourcentage de 10 % du chiffre d'affaires pouvait être atteint par la vente d'un produit dont il convient, de plus, de relever que sa commercialisation ne dépendait que de leur seule diligence ;

Qu'ainsi, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que cette clause incluse dans le pacte d'actionnaires devait être annulée et, en l'absence de lien entre le minimum garanti et le contrat de travail de Madame [C], que cette dernière était fondée à réclamer paiement aux trois intimés de la somme de 62.500 euros due jusqu'au 31 décembre 2008 au titre de ce minimum garanti ;

Qu'il sera également confirmé en ce qu'il a ordonné sous astreinte la remise de l'état des recettes produites par ces 'uvres nouvelles créées depuis le 1er janvier 2007 telles qu'il les a définies, sans qu'il soit utile, eu égard à la simplicité des paramètres à prendre en considération, de faire droit à la demande d'expertise ;

Sur les 'uvres originales et leur restitution :

Considérant que les intimés poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il énonce qu'aucune des conventions litigieuses ne règle le sort des sculptures originales et qu'en l'absence de revendication de la société [C] [M], il convient de reconnaître que Madame [C] en est la propriétaire et que ces sculptures doivent lui être remises sous astreinte ;

Qu'ils font valoir que cette disposition méconnaît le processus de création d'une figurine qui conduit à la destruction de la sculpture originale lors de l'opération de création du moule ;

Mais considérant que ces assertions ne sont étayées par aucun document permettant de leur accorder crédit alors que les appelants explicitent, en pièces 23, 25 et 69, le processus de création et de développement de ces figurines ;

Qu'ils versent, de plus, aux débats (pièces 67 et 68) les attestations de Messieurs [L] (qui se présente comme ayant travaillé au poste de couleur de résine dans l'entreprise [C] [M] de 1990 à 2009) et [D] ( salarié de cette entreprise de 1998 à 2001 en qualité de prototypiste, puis durant 9 mois en 2009) aux termes desquelles une sculpture originale est d'abord modelée en plastiline (pâte à modeler) ou mise en volume numériquement ; que cette première étape est obligatoirement suivie par la réalisation d'un moule afin de couler un unique exemplaire en résine polyuréthane (matériau solide) qui sera travaillé (sculpté) afin d'aboutir au prototype de création ; que, selon Monsieur [D], 'ce prototype est LA PIECE [majuscules de l'auteur] la plus importante dans le processus de création. Elle ne doit en aucun cas disparaître car elle est la création originale et permet la fabrication des prototypes destinés à la réalisation des moules de production. Je ne connais pas l'appellation 'prototype zéro' ;

Que Monsieur [L] précise : 'les prototypes de création sont toujours faits en résine. (...) C'est techniquement obligatoire, on ne peut pas faire de finitions parfaites sur les plastilines ; quand ce prototype original de création en résine est remoulé pour tirer des prototypes de production, on n'y touche plus' ;

Qu'à bon droit le tribunal a énoncé qu'en l'absence de toute stipulation portant sur la propriété de ces sculptures originales dans les diverses conventions liant les parties et de revendication exprimée par la société [C] [M] sur ce point, Madame [A] [C] doit en être considérée comme propriétaire, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement de ce chef ;

Considérant que Madame [C] demande à la cour d'ajouter au jugement et de condamner la société [C] [M] et Monsieur [K] 'conjointement et solidairement' à lui restituer sous astreinte 'l'ensemble de ses sculptures originales dont elle a fourni la liste' outre '5 exemplaires de production des oeuvres créées par elle dont elle a fourni la liste';

Qu'elle se prévaut d'une pratique ancienne attestée par des employés (laquelle prévoyait la remise à titre gratuit des dix premiers exemplaires de chaque production) ainsi que de l'article 3.1 de la lettre d'intention de Monsieur [K] du 26 octobre 2006 (prévoyant la remise des cinq premiers de ces exemplaires) ;

Qu'elle renvoie la cour au procès-verbal de constat qu'elle s'est fait autoriser à pratiquer le 24 janvier 2011, dans les locaux des sociétés [C] [M] et LB Création, en présence de collaborateurs (pièce 72), de l'inventaire établi par un huissier consécutivement à l'ouverture de la procédure collective de la société [C] [M] (pièce 73) [dont elle entend préciser qu'il n'a pas été étendu à un entrepôt loué à une société Ridel (pièce 74)] ainsi qu'à une 'liste des prototypes et pièces à restituer à [A] [C] - 30 mai 2011" qu'elle a établie à partir de ces constatation (pièce 71) ; qu'elle précise, enfin, que, dans le cadre de la procédure de référé, cette remise avait été ordonnée par la cour d'appel mais que celle-ci, tardive, n'a été que partielle ;

Considérant, ceci rappelé, qu'en l'absence de moyens pertinents opposés par les intimés, qu'il s'agisse des termes des conventions portant sur l'exploitation des oeuvres ou de la réserve qu'ils émettent sur quatre de ces 'uvres seulement ('fauve de Trondheim', 'Krilin', 'freezer' ou Lanfeust') au motif, notamment que la première 'uvre ne serait pas commercialisée ou que des salariés de l'entreprise auraient participé, sans plus de justificatifs, à leur élaboration, il sera fait droit à la demande de Madame [C] ainsi qu'explicité au dispositif ;

Sur la violation du droit au nom et du droit à l'image des époux [C]-[M] :

Considérant, s'agissant du droit au nom, que les intimés poursuivent l'infirmation du jugement en sa disposition faisant interdiction à la société [C] [M] de faire emploi du seul nom '[A] [C]' pour la désignation d'oeuvres qu'elle n'a pas créées et qui constituent des adaptations ;

Qu'ils reprennent devant la cour l'argumentation développée en première instance, tenant aux termes de la convention du 08 janvier 2007 organisant la coexistence des marques et noms patronymiques et à la nécessité, pour la société [C] [M], d'utiliser ces noms patronymiques devenus pour elle un signe distinctif ;

Mais considérant que par motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a retenu que n'entrait pas dans le champ contractuel l'utilisation du nom patronymique de [A] [C] pour désigner des oeuvres dont elle n'est pas l'auteur, tel le couple d'Astérix et Obélix intitulé 'la zizanie', [A] [C] ayant créé les deux statuettes mais pas l''uvre nouvelle les assemblant ;

Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il énonce que les époux [C]-[M] ne peuvent faire obstacle à l'emploi du signe [C] [M], fût-ce pour des oeuvres qui ne seraient pas créées par [A] [C], dès lors que ce signe est à la fois la marque et la dénomination de l'entreprise ; que cette disposition n'est, au demeurant, pas contestée par les appelants ;

Considérant, s'agissant de l'utilisation de l'image des époux [C]-[M], que c'est en vain que les intimés reprennent leurs arguments sur ce point dans la mesure où le jugement rejette les demandes de [A] [C] et d'[Z] [M] fondées sur l'atteinte à leur droit à l'image que les appelants ne forment aucune demande sur ce point en cause d'appel ;

Sur les demandes reconventionnelles des intimés :

Considérant que les intimés sollicitent d'abord, à titre subsidiaire, la nullité de l'acte du 08 janvier 2007 par lequel la société LB Créations a acquis la société [C] [M] après avoir levé l'option issue de la promesse unilatérale de cession d'actions du 30 octobre 2006 dans la mesure où le 'reclassement' de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle dans le patrimoine de la société [C] [M] était une condition essentielle et déterminante de cette acquisition ;

Qu'ils demandent, en conséquence, à la cour 'de procéder aux restitutions croisées en condamnant Monsieur [Z] [M], Madame [A] [C], Madame [E] [X], Madame [A] [T] [X] et Madame [U] [M] à reverser à la société LB Créations les sommes perçues au titre de la vente de la société [C]-[M] ;

Mais considérant que les appelants opposent pertinemment à cette demande, sans qu'il y soit d'ailleurs répliqué, divers moyens d'irrecevabilité tenant au fait qu'une procédure portant sur ce point est actuellement pendante devant la cour d'appel et, surtout, au défaut d'appel en la cause d'une partie des personnes physiques concernées par l'acte dont il est demandé la nullité ;

Qu'elle sera, par voie de conséquence, déclarée irrecevable ;

Considérant que les intimés forment ensuite une demande tendant à voir ordonner une expertise portant sur le contrat conclu le 10 octobre 1989 ;

Qu'ils laissent sans réponse les moyens non dénués de pertinence que leur opposent les appelants et en particulier le fait que la mission qu'ils proposent correspond strictement aux demandes présentées devant le juge d'instruction, que l'original de cet acte est entre leurs mains du fait de l'éviction brutale de Madame [C] et que si seule la présentation matérielle de cet acte est contestée, cette question est sans incidence sur la présente procédure, de sorte qu'ils ne justifient pas de la nécessité de recourir à la mesure d'instruction réclamée devant la juridiction civile et doivent être déboutés de leur demande ;

Sur les mesures accessoires :

Considérant que l'équité commande de condamner les intimés, tenus in solidum, à verser à Madame [C] une somme complémentaire de 5.000 euros et à Monsieur [Z] [M] une somme complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les intimés qui succombent seront déboutés de ce dernier chef de prétentions et condamnés aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette la demande de sursis à statuer ainsi que l'exception qualifiée 'd'incompétence et de connexité' formée par les intimés ;

Rejette la demande de Monsieur [V] [K] tendant à être mis hors de cause ;

Confirme le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions portant sur la rémunération proportionnelle de Madame [A] [C] et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

Fixe à la somme de 20.000 euros (soit 10.000 euros X 2) le montant de la créance de Madame [A] [C] au redressement judiciaire de la SAS [C] [M] assistée de Maître [O], ès-qualités de mandataire judiciaire et de Maître [B], ès-qualités d'administrateur judiciaire au titre des deux contrats de cession de droits d'auteur conclus sans contrepartie entre elles le 08 janvier 2007 ;

Fait injonction à la société [C] [M] assistée de Maître [O], ès-qualités de mandataire judiciaire et de Maître [B], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de cette société par jugement du 11 février 2011, de remettre à Madame [A] [C] sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, quinze jours après la signification du présent arrêt, outre les sculptures originales et nouvelles qu'elle a réalisées et qui n'ont pas fait encore l'objet de restitution cinq exemplaires de production crées par elle, ceci en considération de la liste des 'uvres constituant la pièce n° 71 datée du 30 mai 2011 visée au pied de ses dernières conclusions et communiquée aux intimés ;

Déclare irrecevable la demande reconventionnelle des intimés tendant à l'annulation de l'acte de cession de la société [C] [M] à la société LB Créations et mal fondée celle qui porte sur une demande d'expertise ;

Condamne in solidum la SAS [C] [M], la SAS LB Créations assistées de Maître [O], ès-qualités de mandataire judiciaire et de Maître [B], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de ces sociétés par jugement du 11 février 2011 ainsi que Monsieur [V] [K] à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à Madame [A] [C] la somme complémentaire de 5.000 euros et à Monsieur [Z] [M] la somme complémentaire de 2.000 euros et les condamne, en outre aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/25025
Date de la décision : 13/04/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°09/25025 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-13;09.25025 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award