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04/07/2012 | FRANCE | N°10/01652

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 04 juillet 2012, 10/01652


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1



ARRET DU 4 JUILLET 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01652



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2010 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 08/A0070





APPELANTE



Madame [C] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Assistée de Me

Avi BITTON (avocat au barreau de PARIS, toque : E1060) substitué par Me GELLY Marie Océane, avocat au Barreau de PARIS





INTIMEE



EURL DOMAINE DE [Localité 5] ET CIE

[Adresse 8]

[Localité 3]



Repr...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRET DU 4 JUILLET 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01652

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2010 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 08/A0070

APPELANTE

Madame [C] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Assistée de Me Avi BITTON (avocat au barreau de PARIS, toque : E1060) substitué par Me GELLY Marie Océane, avocat au Barreau de PARIS

INTIMEE

EURL DOMAINE DE [Localité 5] ET CIE

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Hubert FLICHY de la SCP FLICHY GRANGE AVOCATS (avocat au barreau de PARIS, toque : P0461)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves GARCIN, Président

Madame Marie-Bernadette LE GARS, présidente

Madame Claire MONTPIED, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nathalie GIRON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement le 27 juin 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; à cette date, le délibéré a été prorogé et a été mis à disposition le 4 juillet 2012 ;

- signé par Madame Marie Bernadette LE GARS, présidente, le président étant empêché, et par Mme Nathalie GIRON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par Mme [C] [W] du jugement rendu le 19 janvier 2010 par le Conseil des Prud'hommes d'EVRY l'ayant déboutée des demandes qu'elle formulait contre son ancien employeur l' EURL domaine de [Localité 5], à savoir, essentiellement, une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et une demande de dommages intérêts au titre de faits de harcèlement moral, outre une réclamation au titre d'heures supplémentaires demeurées impayées.

Faits et demandes des parties :

Mme [C] [W] a été engagée par l'EURL domaine de [Localité 5] en qualité de comptable à compter du 6 avril 1995, d'abord dans le cadre d'un CDD à temps partiel, puis, en qualité de responsable comptable, à partir du 1er octobre 1998, dans le cadre d'un CDI à temps plein. L'EURL domaine de [Localité 5] a pour activité la gestion d'un hôtel et d'un golf dans le département de l'Essonne.

La relation de travail était régie par la convention collective des hôtels cafés restaurants.

En juin 2001 Mme [C] [W] était élue membre de la délégation unique du personnel, puis réélue en 2005, et candidate à la fin de l'année 2009 sans être élue.

La relation de travail a été harmonieuse jusqu'à mars 2005, date à partir de laquelle la gestion du domaine est passée des mains de M. [B] à celles de M. [E], représenté au sein de l'entreprise par Mme [P] [O].

Motif pris de ce que à compter de l'arrivée de Mme [P] [O] les relations se sont dégradées, la nouvelle venue faisant preuve d'un comportement harcelant envers Mme [C] [W], cette dernière a initié le 15 mai 2008 la procédure ayant donné lieu au jugement de débouté dont appel.

Mme [C] [W] a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique en août 2010.

°°°

Mme [C] [W], qui poursuit l'infirmation totale du jugement, demande à la cour de :

- juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,

en conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts et griefs de l'EURL domaine de [Localité 5],

à titre subsidiaire,

- dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- fixer son salaire mensuel à 3.016,64 €,

- annuler la sanction disciplinaire du 9 décembre 2011 prononcée contre elle (sic: Mme [W] a été licenciée en août 2010)

- condamner l'EURL domaine de [Localité 5] à lui payer :

* 72.392,64 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 294,60 € à titre de rappel d'indemnité de préavis,

* 36.196,32 € à titre de dommages intérêts pour violation des critères d'ordre de licenciement,

* 10.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

* 3.263,56 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, pour l'année 2003,

* 1.659,54 € au même titre pour 2004,

* 2500,89 € au même titre pour 2005,

* 6.038,31 € au même titre pour 2006,

* 6.472,11 € au même titre pour 2007.

Mme [C] [W] réclame également 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

°°°

L'EURL domaine de [Localité 5] conclut, au principal à la confirmation du jugement dont appel. A titre subsidiaire, il demande de réduire à 6 mois de rémunération le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En tout état de cause l'EURL requiert la condamnation de Mme [W] à lui payer 2.000 € au titre des frais irrépétibles.

L'EURL fait valoir, en bref, que les faits dont Mme [W] lui fait grief ne sont que la manifestation du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur.

SUR CE,

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Considérant que, lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que de la date de son embauche, en 1995, à mars 2005, soit pendant 10 ans, la relation de travail de Mme [C] [W] avec son employeur s'est déroulée de manière harmonieuse et sans incident, son directeur de l'époque, M. [B], attestant dans la présente procédure des compétences de Mme [C] [W] et de son dévouement à l'exercice des tâches qui étaient les siennes ;

Considérant que Mme [C] [W] justifie que dès l'arrivée d'une nouvelle direction en 2005 et, notamment, de la présence de Mme [P] [O], sa situation de travail s'est fortement dégradée, cette dégradation se manifestant à la fois par:

- des emails répétés émanant de Mme [P] [O] , emails au caractère pressant et peu aimable adressés à la salariée,

- des actes déstabilisants et humiliants en provenance de la même : retrait de signature de chèques au delà de 5.000 € (septembre 2006), retrait de clés de bureau (pièce 19), demande faite à un autre salarié en août 2007 (M. [N]) de contrôler son travail, annulation de la signature de la salariée auprès de la SOCIETE GENERALE en novembre 2007,

- des avertissements tous contestés et s'étant révélés non fondés les 12 novembre 2007, 27 juillet 2008 et 21 octobre 2008,

- des tentatives de licenciement les 28 juin 2007 et 16 juin 2009, annulées par l'Inspection du travail,

- une réduction unilatérale du temps de travail de la salariée en juillet 2010, contestée encore par l'Inspection du travail ;

Que Mme [C] [W] verse, par ailleurs aux débats des attestations aux termes desquelles les témoins mentionnent :

- Témoin [Y] : avoir vu Mme [P] [O] 'coursant' Mme [C] [W] dans un couloir en 'criant' pour lui remettre une lettre, avoir constaté que lors des réunions, soit la parole ne lui était pas donnée, soit elle lui était retirée,

- témoin [R] :

avoir été témoin le 20 novembre 2007 d'une altercation verbale entre Mme [P] [O] et Mme [C] [W], altercation dont la violence de la part de Mme [P] [O] l'avait choqué,

- témoin [L] : déclarant avoir constaté que le 7 juillet 2008 les serrures du bureau de Mme [C] [W] avaient été changées et que cette dernière se trouvait à la porte etc... ;

Que l'ensemble des faits rapportés ci-dessus de par leur nature et leur répétition entrent dans la définition du harcèlement tel que défini par l'article L.1152- du code du travail qui énonce que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.' ;

Que dans le cas présent, Mme [C] [W] justifie en effet, de la dégradation concomittante de son état de santé par la production aux débats de certificats médicaux émanant des Dr [M] (8 juin 2007), [G] (12 janvier 2008), [A] (26 juin 2008) ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'il convient de faire droit à la demande principale de résiliation judiciaire de son contrat de travail formulée par Mme [C] [W] aux torts et griefs de son employeur l'EURL domaine de [Localité 5] ;

Considérant que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [C] [W] produit les effets d'un licenciement abusif ;

Que l'EURL domaine de [Localité 5] sera condamnée en conséquence de cette analyse à payer à Mme [C] [W] les sommes de :

- 70.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif, ce chiffre étant arrêté au vu de l'ancienneté de Mme [C] [W] dans la société ;

- 10.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral ;

Considérant que l'accueil de la demande principale de Mme [C] [W] dispense la cour de l'examen de ses demandes subsidiaires (violation de l'ordre des critères de licenciement, et défaut de reclassement allégué à l'audience) ;

Sur les demandes au titre des heures supplémentaires :

Considérant que le contrat de travail de Mme [C] [W] prévoyait une rémunération sur une base hebdomadaire de 39 h avec JRTT en compensation de 4 h supplémentaires ;

Que Mme [C] [W] justifie avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires en versant aux débats ses feuilles de présence ;

Que ces heures supplémentaires font l'objet d'un calcul vérifié par la cour et permettant de retenir sur les bases salariales remontant à 2003 (limite de la prescription) que l'EURL domaine de [Localité 5] est redevable à ce titre envers la salariée des montants suivants :

* 3.263,56 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, pour l'année 2003,

* 1.659,54 € au même titre pour 2004,

* 2500,89 € au même titre pour 2005,

* 6.038,31 € au même titre pour 2006,

* 6.472,11 € au même titre pour 2007 ;

Considérant que, pour le surplus, il convient de condamner l'EURL domaine de [Localité 5] à payer à Mme [C] [W] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement dont appel en l'intégralité de ses dispositions et, statuant à nouveau,

Fait droit à la demande principale de résiliation judiciaire de son contrat de travail formulée par Mme [C] [W] aux torts et griefs de son employeur l'EURL domaine de [Localité 5] ;

Condamne l'EURL domaine de [Localité 5] à payer à Mme [C] [W]:

- 70.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif ;

- 10.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral ;

Déclare sans objet l'examen des demandes subsidiaires de Mme [C] [W] (violation de l'ordre des critères de licenciement, et défaut de reclassement allégué à l'audience) ;

Condamne l'EURL domaine de [Localité 5] à payer à Mme [C] [W] au titre des heures supplémentaires :

* 3.263,56 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, pour l'année 2003,

* 1.659,54 € au même titre pour 2004,

* 2500,89 € au même titre pour 2005,

* 6.038,31 € au même titre pour 2006,

* 6.472,11 € au même titre pour 2007 ;

Condamne l'EURL domaine de [Localité 5] à payer à Mme [C] [W] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre deamnde ;

Condamne l'EURL domaine de [Localité 5] aux entiers dépens.

LA PRESIDENTE, LE GREFFIER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/01652
Date de la décision : 04/07/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°10/01652 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-04;10.01652 ?
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