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06/09/2012 | FRANCE | N°09/00719

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 06 septembre 2012, 09/00719


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 06 septembre 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00719



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 07/07207





APPELANTE

SA HOTEL REGINA PARIS

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois LOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452 s

ubstitué par Me Vincent GIMENEZ, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE

Madame [Z] [Y]

[Adresse 2]

non comparante, représentée par Me Eric DELBECQUE, avocat au barreau de PARIS, to...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 06 septembre 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00719

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 07/07207

APPELANTE

SA HOTEL REGINA PARIS

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois LOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452 substitué par Me Vincent GIMENEZ, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

Madame [Z] [Y]

[Adresse 2]

non comparante, représentée par Me Eric DELBECQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0673

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Avril 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la société HOTEL REGINA PARIS à l'encontre d'un jugement prononcé le 26 novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris (formation de départage) ayant statué sur le litige qui l'oppose à Mme [Z] [Y] sur les demandes de cette dernière relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

- a requalifié en contrat à durée indéterminée la relation contractuelle ayant existé entre Mme [Y] et la société HOTEL REGINA PARIS depuis le 1er juillet 2001,

- a condamné la société HOTEL REGINA PARIS à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :

- avec intérêts au taux légal à compter du jugement, avec exécution provisoire à hauteur de la moitié :

- 1 552,32 € sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail,- 10 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2007 et exécution provisoire dans la limite de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des 3 derniers mois (1 552,32 €) :

- 3 104,64 € au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents,

- 827,89 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- a condamné la société HOTEL REGINA PARIS à payer à Mme [Y] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a rejeté toute demande plus ample des parties,

- a condamné la société HOTEL REGINA PARIS aux dépens.

La société HOTEL REGINA PARIS, appelante, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour de débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [Z] [Y], intimée, conclut à la confirmation du jugement, si ce n'est en ses dispositions relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant de ce chef la somme de 23 284,80 €, ainsi qu'à l'allocation d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Mme [Y] a été engagée par la société HOTEL REGINA PARIS, en qualité de femme de chambre, sous le régime dit des "extras", 4 jours en juin 2001, et selon un contrat à durée déterminée, dit "saisonnier", du 1er juillet au 31octobre 2001, renouvelé jusqu'au 30 novembre 2001.

Elle a ensuite été réembauchée, sous forme d'"extras" tout au long des années 2002 à 2006, et par un dernier contrat à durée déterminée saisonnier à temps complet du 1er août au 22 octobre 2006.

Depuis cette date, Mme [Y] n'a plus été réembauchée.

Le 26 juin 2007, elle a saisi le conseil de prud'hommes aux fins, notamment, de voir requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, de voir juger que la non poursuite de la relation contractuelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir les indemnités afférentes.

SUR CE

Sur la requalification du lien contractuel

Pour critiquer la requalification prononcée par le conseil de prud'hommes, la société HOTEL REGINA PARIS fait valoir, en substance, que les premiers juges ont violé le principe du contradictoire en soulevant d'office le moyen tiré de la non production aux débats de l'avenant écrit justifiant du renouvellement du contrat de travail à durée déterminée initial, violation qui justifie en soi l'infirmation du jugement déféré ; que les conditions de fond du recours aux CDD d'usage ont été respectés dès lors qu'il est d'usage de recourir aux CDD dans le secteur de l'hôtellerie, que les périodes d'emploi correspondent, à [Localité 5], à la saison touristique de plus forte activité (avril /novembre), le recours aux contrats d'extra étant justifié par les variations sensibles des besoins de l'hôtel conformément à la convention collective ; que les conditions de forme du recours aux CDD d'usage ont été également respectées.

Aux termes de l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. Dans le cadre du recours qu'elle a formé contre le jugement du conseil de prud'hommes, la société HOTEL REGINA PARIS conteste la motivation retenue par les premiers juges en ayant la faculté de présenter tous moyens de fait et de droit qu'elle estime utiles au succès de ses prétentions. Le jugement de première instance n'encourt donc pas l' 'infirmation' du seul fait de la violation du contradictoire alléguée.

Le domaine de l'hôtellerie figure sur la liste de l'article D. 1242-1 du code du travail comme un domaine d'activité dans lequel il est d'usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de l'emploi exercé.

Toutefois, il résulte de l'article L.1242-1 du code du travail, que même lorsqu'il est conclu dans le cadre de l'un des secteurs d'activité visés par les articles L. 1242-2.3° et D. 1242-1, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Si l'article 14 de la convention collective des hôtels et cafés restaurants prévoit la possibilité de recourir aux contrats à durée déterminée, saisonniers et d'extra, l'emploi d' 'extra' étant qualifié de'par nature (...) temporaire', des contrats de ce type ne peuvent être conclus de façon successive pour tout poste et en toute circonstance.

Il convient de rechercher si, pour l'emploi considéré, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée déterminée et de vérifier si le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par des raisons objectives, lesquelles s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

En l'espèce, il ressort des pièces et explications fournies que Mme [Y] a travaillé :

- en 2001 : 114 jours sur une période de 6 mois (3 + 1 jours en juin en vertu d'un contrat d'extra, puis du 1er juillet au 30 novembre en vertu d'un CDD saisonnier),

- en 2002 : 76 jours sur une période de 9 mois (répartis sur les mois d'avril à juin, puis d'août à décembre, en vertu de 8 contrats d'extra),

- en 2003 : 107 jours répartis sur toute l'année, en vertu de 12 contrats d'extra,- en 2004 : 56 jours sur une période de 7 mois (répartis sur les mois de janvier à juillet en vertu de 7 contrats d'extra),

- en 2005 : 4 jours en continu en juillet en vertu d'un contrat d'extra,

- en 2006 : 167 jours sur une période de 10 mois (97 jours répartis sur les mois de janvier à juillet en vertu de 58 contrats d'extra + du 1er août au 22 octobre en vertu d'un CDD à temps complet).

Ces éléments chiffrés sont, en soi, de nature à faire douter du caractère temporaire de l'emploi occupé par Mme [Y].

En outre, l'argumentation de la société HOTEL REGINA PARIS selon laquelle la saison touristique à [Localité 5] revêtirait un caractère saisonnier et concernerait la seule période avril/novembre n'emporte guère la conviction, s'agissant de surcroît du secteur considéré de l'hôtellerie de luxe. Cette argumentation n'est pas sérieusement étayée par son tableau du taux d'occupation mensuelle des chambres pour la période de 1999 à 2008, qui fait apparaître, certaines années, un 'creux' au mois d'août, alors que le mois de mars, pourtant exclu par l'appelante de la période de 'pic', connaît un taux de remplissage au moins équivalent, voire supérieur, à celui des mois d'été.

Du reste, Mme [Y] n'a pas été employée seulement pendant des mois correspondant à la saison touristique alléguée : ainsi, elle a été embauchée en décembre 2002, en janvier, février, mars et décembre 2003, en janvier et février 2004, en janvier, février, mars 2006.

Dans ces conditions, ne sont pas démontrées les raisons objectives justifiant le recours en l'espèce aux contrats à durée déterminée et le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné.

Par ailleurs, certains contrats d'extra n'ont pas été signés par la salariée (septembre 2003, février 2004). L'absence de signature de la salariée équivaut à une absence d'écrit.

Dans ces conditions, la requalification s'impose sur le fondement des articles L. 1245-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail.

Sur les incidences de la requalification

En ce qui concerne l'indemnité de requalification, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement

Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance de ces chefs, les sommes réclamées étant justifiées et nullement contestées dans leur quantum.

En ce qui concerne l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

La cour dispose des éléments suffisants pour considérer que le premier juge a fait une exacte appréciation du préjudice résultant pour Mme [Y] de la rupture abusive de la relation contractuelle en lui allouant la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail. Le jugement sera confirmé sur ce point également.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Restant débitrice de la salariée, la société HOTEL REGINA PARIS sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente procédure, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société HOTEL REGINA PARIS au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme [Y] peut être équitablement fixée à 2 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société HOTEL REGINA PARIS aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à Mme [Y] de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/00719
Date de la décision : 06/09/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°09/00719 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-06;09.00719 ?
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