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04/10/2012 | FRANCE | N°10/04105

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 04 octobre 2012, 10/04105


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 04 Octobre 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04105 et 11/07885 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/08141



APPELANTE



SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la SAS M+FG AGENCY

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Me Gérard PHILIPPOT - Administrateur judiciaire de la SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la sas M+FG AGENCY

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Me LELOUP THOMAS SELAFA MJA - Repr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 04 Octobre 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04105 et 11/07885 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/08141

APPELANTE

SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la SAS M+FG AGENCY

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Me Gérard PHILIPPOT - Administrateur judiciaire de la SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la sas M+FG AGENCY

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Me LELOUP THOMAS SELAFA MJA - Représentant des créanciers de la SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la sas M+FG AGENCY

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentés par Me Nicolas CZERNICHOW, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

INTIMEE

Madame [W] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Delphine MARECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R 153

PARTIE INTERVENANTE :

UNEDIC AGS CGEA [Localité 8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Vincent JACOB, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

[W] [N] a été engagée par la société LARA STEFANEL, aux droits de laquelle vient la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE, en qualité de chef des ventes, selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mai 1994, avec reprise contractuelle de son ancienneté au 20 juillet 1992.

Ce contrat de travail a été transféré à la société M+FG AGENCY le 3 mars 2008.

L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective du commerce de détail de l'habillement.

Par courrier recommandé en date du 27 mars 2009, la société M+FG AGENCY a informé la salariée de ce que la prime de mars ne lui serait pas versée.

Elle signe avec l'ensemble des salariés une lettre de réclamation adressée au président de la société, lequel confirme que cette prime ne sera pas payée.

Par un courrier en date du 10 juin 2009, la société M+FG AGENCY a informé les salariés de son intention de dénoncer 'l'usage d'entreprise concernant les modalités de versement de la prime de saison', ce à l'issue d'un délai de trois mois, puis elle a remis à chacun d'eux une annexe au contrat de travail relatif à l'attribution d'une prime indexée sur la réalisation d'objectifs fixés pour chaque saison de ventes à compter de la signature et a fixé des objectifs à atteindre, précisant leurs modalités de calcul.

[W] [N] n'a pas signé cet avenant et a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS.

Par jugement en date du 11 février 2010, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société M+FG AGENCY à payer à [W] [N] les sommes de :

' 6 586 € à titre de prime de saison pour le mois de mars 2009

' 6 586 € à titre de prime de saison pour le mois de septembre 2009

' 1 317 € au titre des congés payés afférents

- s'est mis en partage de voix concernant les heures supplémentaires, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et l'article 700 du code de procédure civile.

La société M+FG AGENCY a interjeté appel par déclaration du 7 mai 2010 et [W] [N] par déclaration du 12 juillet 2011, après avoir fait le 27 mai 2011 l'objet d'un licenciement pour motif économique.

Le redressement judiciaire de la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE qui vient aux droits de la société M+FG AGENCY a été prononcé le 10 mai 2012.

La S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE, Maître [I] [T], la SELEFA MJA prise en la personne de Maître [L] en qualité de mandataire judiciaire demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

- juger que l'usage concernant le versement d'une prime de saison a été régulièrement dénoncé par la société M+FG AGENCY

- constater que la dénonciation de l'usage a pris effet au mois de septembre 2009

- juger que la rupture pour motif économique du contrat de travail est fondée

Par conséquent,

- réduire sa condamnation à la somme de 6 586 € correspondant à la prime de saison de mars 2009

- débouter l'appelante de ses demandes à l'exception de celle concernant la prime de saison de mars 2009

- condamner cette dernière au remboursement de la somme qu'elle a versée au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré, déduction faite du montant de la prime de mars 2009

- condamner l'appelante au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

[W] [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de fixer au passif de la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE les sommes suivantes :

- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2009

- 6 586€ à titre de rappel de prime de saison pour le mois de septembre 2009

- 1 317 € au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2010

- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de septembre 2010

- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2011

- 1 975,80 € au titre des congés payés afférents

- 17 845 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 241 768 € d'indemnité pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE étant déboutée des ses demandes reconventionnelles.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA [Localité 8] sollicite l'infirmation du jugement, le débouté de [W] [N] de l'ensemble de ses demandes, et demande à la cour, s'il y a lieu à fixation, de dire qu'elle sera tenue dans les limites et conditions de sa garantie légale, de juger que sa garantie ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L.3253-6, les astreintes, dommages-intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur et l'article 700 du code de procédure civile étant exclues de garanties, juger que sa garantie, toutes créances confondues ne pourra excéder 6 fois le plafond des cotisations maximales du régime d'assurance chômage en vertu des dispositions des articles L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

Sur la jonction

Il est d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction entre les appels interjetés successivement par chacune des parties.

Sur les primes de saison

[W] [N] fait valoir que sa rémunération est expressément prévue par son contrat de travail initial qui prévoit en son article 4 que sa rémunération est composée d'une partie fixe et d'une partie variable, constituée de primes sur objectifs, définis avec le direction, au minimum égale à 10 % du salaire brut annuel à objectifs atteints, l'avenant signé le 27 avril ne modifiant pas l'économie du contrat mais précisant qu'à la rémunération mensuelle brute s'ajoute une prime pour chaque saison plafonnée à 25 000 francs bruts [3 811,23 €].

[W] [N] expose qu'aucun objectif ne lui a été fixé, que la prime de saison lui a été versée par l'employeur chaque année depuis mars 2004, qu'elle figurait sur ses bulletins de salaire, que cette prime est contractuelle, qu'il appartient au juge d'en déterminer le montant.

Elle fait valoir à titre subsidiaire que cette prime est contractuelle à de sa fixité et de sa constance qui en font un élément de rémunération continue, que son montant est de 6 586 € bruts depuis septembre 2005, que la directrice des ressources humaines, elle-même, en a confirmé le principe dans un courrier adressé à une autre salariée de la société en décembre 2008, qu'il était tenu compte de son montant pour évaluer le montant de la rémunération annuelle perçue par un salarié.

[W] [N] soutient que la dénonciation de cette prime par la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE le 10 juin 2009 est inefficace et ne pouvait entraîner sa suppression, eu égard au caractère contractuel de cette prime, qu'elle était fondée à refuser la proposition de modification de son contrat de travail et à solliciter le versement de cette prime au titre des années 2009 et 2010.

Subsidiairement, elle fait observer qu'en tout état de cause, compte tenu des termes de la dénonciation, les modalités de versement de la prime de la saison bi-annuelle ne sauraient être remises en cause qu'au-delà du mois de septembre 2009.

La S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE réplique que le fait que cette prime n'était pas subordonnée à la réalisation d'objectifs, ne saurait emporter renonciation de sa part aux conditions auxquelles était subordonné le bénéfice de cette prime, et soutient que cette prime qui trouvait sa source dans un usage n'a été incorporé dans le contrat de travail, qu'elle a régulièrement dénoncé cet usage par courrier du 10 juin 2009, que seule la prime de mars 2009 n'est pas, compte tenu du délai de dénonciation, concernée, que s'agissant des primes suivantes, elles ne sont pas dues dès lors que les objectifs fixés n'ont pas été atteints.

La S.A.S RETAIL COMPANY a, le 10 juin 2009, adressé aux salariés la lettre suivante :

' Nous vous informons par la présente que la MFG RETAIL entend dénoncer l'usage d'entreprise concernant les modalités de versements de la prime de saison intitulée prime exceptionnelle sur votre bulletin de salaire, que vous percevez en mars et septembre de chaque année.

Nous vous informons que cette dénonciation prendra issue d'un préavis de trois mois, courant à compter de la réception du présent courrier.

Nous vous préciserons à brefs délais les modalités selon lesquelles vous sera désormais attribuée la part variable de votre rémunération'.

S'il était prévu dans le contrat de travail de [W] [N] que sa rémunération serait composée d'une partie fixe et de 'primes annuelles sur la base d'objectifs' à définir, postérieurement a été mis en oeuvre, par un usage d'entreprise, le versement d'une prime dite de saison, dont le montant était fixe et versé à tous les salariés, sans considération de la réalisation d'objectifs, l'intéressée ayant bénéficié de cet usage au même titre que les autres salariés et dans des conditions similaires.

Or, il résulte des termes de la lettre du 10 juin 2009 que l'employeur ne remet en cause ni le principe même du versement de la prime de saison versée jusqu'alors aux salariés, ni ses conditions d'octroi, objectifs et périodicité notamment, mais uniquement ses modalités de versement, sans autre précision.

La dénonciation effectuée par la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE est dès lors inopérante en ce qu'elle mentionne pas expressément que la prime de saison devra pour l'avenir être subordonnée à la fixation d'objectifs, mesure qui à l'évidence n'est pas constitutive d'une modalité de versement mais s'analyse comme une condition permettant le bénéfice même (ou non) de la prime.

La cour relève de plus qu'en tout état de cause, la décision de fixer des objectifs par l'employeur a indirectement pour effet de diminuer notablement et de manière déloyale la rémunération des salariés, eu égard au risque pour eux de ne pas atteindre des objectifs qui ne sont pas définis dans la dénonciation de l'usage et qui de surcroît, seront d'autant plus irréalisables que la société elle-même les justifie par une baisse de résultats liés au contexte économique.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il alloué à [W] [N] les sommes de 6 586 € à titre de prime de saison pour le mois de mars 2009 et de septembre 2009 et de 1 317 € au titre des congés payés afférents et y ajoutant d'accorder à cette dernière 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2010, et la même somme pour les mois de septembre 2010 et mars 2011, outre 1 975,80 € de congés payés afférents.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes:

' Dans le cadre de la réorganisation de MARITHE+FRANÇOIS GIRBAUD, liée aux difficultés économiques et financières graves que rencontre le groupe, vous avez été convoquée à un entretien préalable de licenciement le 9 mai 2011.

Au cours de cet entretien, qui s'est tenu le 3 mai 2011, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager votre licenciement.

Fondée en mars 2008, la société M+FG AGENCY est une filiale de la société MFG RETAIL COMPAGNIE. Elle exerce l'activité d'agent commercial pour le compte des sociétés GIR + A&F et CRAVATATAKILLER, pour le territoire France et « grand export ».

En 2010, ces deux sociétés, qui développent, produisent et vendent les vêtements et accessoires de la marque MARITHE +FRANÇOIS GIRBAUD, ont représenté 85 % du revenu.

Or, le chiffre d'affaires respectives de ces deux sociétés a baissé de façon importante au cours des deux dernières années :

- CRAVATATAKILLER : 26,7 M€ en 2008,25,1 M€ en 2009, 21,9 M€ en 2010 (avec une prévision d'environ 20 M€ pour l'année 2011).

- GIR + A&F : 30,2 euros en 2008 (pour une seule saison), 36,2 euros en 2009, 32,5 euros en 2010 (avec une prévision d'environ 31 €pour 2011). Cette baisse du chiffre d'affaires se répercute mécaniquement sur M+FG AGENCY, qui reçoit des commissions calculées sur les ventes encaissées.

Ainsi, les commissions calculées représentaient 2,2 M€ pour l'année 2009 et 1,9 M€ pour l'année 2010. La prévision pour 2011 est d'environ 1,8 M€.

De surcroît, en raison du retard d'encaissement des ventes par les sociétés GIR + A&F et CRAVATATAKILLER (qui subissent elles-mêmes d'importantes difficultés économiques et de trésorerie), M+FG AGENCY n'a pu percevoir l'intégralité de ses commissions (en 2010 GIR+A&F s'est acquitté de moins de 50 % de ses commissions).

Parallèlement, les charges fixes de M+FG AGENCY se sont maintenues, voire alourdies, en particulier, ces charges de personnel, passant de 1,2 euros en 2009 à 1,6 euros en 2010, étant précisé que ces charges ont représenté plus de 80 % des commissions qui lui étaient dues en 2010.

En ce qui concerne l'activité propre de M+FG AGENCY, le volume des ventes générées par les prises d'ordres du showroom de [Localité 10] a baissé de façon significative entre 2009 et 2010 (de 21,5 M€ à 18,4 M€), aggravant ainsi la dégradation de la situation économique globale du groupe.

Dans ce contexte et en l'absence de perspectives de reprise à court terme, la société M+FG AGENCY doit faire face à des difficultés financières importantes, avec une perte consolidée de 900'000 € au terme de l'exercice 2010.

Un plan d'économies sur les frais de fonctionnement du showroom est en conséquence mis en oeuvre.

Une réorganisation de l'activité commerciale est également envisagée.

Ces mesures seront cependant insuffisantes et nous sommes de ce fait contraints aujourd'hui d'adopter une politique de réduction des charges de personnel, qui constituent l'essentiel des charges fixes de M+FG AGENCY.

Cette réorganisation nous a conduit à vous proposer la modification de votre contrat de travail en date du 14 mars 2011 que vous avez refusée.

Vous avez également refusé les offres de reclassement que nous vous avions adressées le 18 avril dernier.

C'est pourquoi, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique'.

En application de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou, dans certaines conditions, à une cessation d'activité.

La réorganisation d'une entreprise, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité ou de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, ses difficultés économiques doivent être appréhendées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Les offres de reclassement doivent être écrites et précises.

[W] [N] fait valoir que la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE ne justifie pas des difficultés économiques alléguées au moment du licenciement, que la société n'établit pas le lien entre la modification du contrat de travail proposée, qu'elle n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Le 18 avril 2011, la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE a proposé à [W] [N] un poste de commercial, moyennant un salaire de 6 732 €, poste correspondant à celui qu'elle a refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail ainsi qu'un poste de directrice de boutique moyennant un salaire de 3 000 € bruts et une rémunération variable.

Elle n'a pas accepté ces deux propositions.

Outre le fait qu'il résulte du rapport à destination du tribunal de commerce concernant la société CRAVATATAKILLER, holding française du groupe WURZBURG de droit luxembourgeois que les difficultés économiques rencontrées par les différentes sociétés du groupe, parmi lesquelles la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE, sont en réalité la conséquence de difficultés rencontrées par les sociétés de droit italien, notamment en raison du fait que le groupe, dans un contexte de crise en 2008, a entrepris une restructuration sur la base d'un chiffre d'affaires qu'il a surestimé, il y a lieu de constater qu'en limitant à deux propositions l'offre de reclassement, sans effort de recherche non seulement au sein des sociétés françaises de la holding CRAVATATAKILLER, constituée, selon ce même rapport, de cinq sociétés dont trois sont françaises et deux italiennes, mais du groupe entier, la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, observation étant faite de surcroît que ses effectifs ont augmenté de façon notable postérieurement au licenciement.

Le licenciement de [W] [N], dans ces conditions, est, non pas entaché de nullité, les éléments versés aux débats ne permettant pas de démontrer que l'employeur se soit rendu coupable d'une violation manifeste d'une liberté fondamentale de la salariée, au sens de l'article 6 de la CEDH, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient par conséquent de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 17 845 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, observation étant faite que l'employeur ne conteste pas les modalités de calcul retenues par l'intéressée.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [W] [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 200 000 € bruts, et non pas nets ainsi qu'elle le sollicite à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS dans la limite des dispositions des articles L.3253-6 et suivants et D.3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande d'allouer à [W] [N] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (somme exclue de la garantie de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA [Localité 8]).

PAR CES MOTIFS

ORDONNE la jonction entre les instances enrôlées sous les n° 10/04105 et 11/07885

CONFIRME le jugement du chef des condamnations prononcées au titre des primes de saison des mois de mars et septembre 2009,

Y AJOUTANT

FIXE au passif de la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE les sommes suivantes :

- 6 580 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2010

- 6 580 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de septembre 2010

- 6 580 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2011

- 1975,80 € au titre des congés payés afférents

- 17 845 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 200 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

DIT que ces éléments de créances, à l'exception de la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sont opposables à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA [Localité 8] dans les limites et conditions de sa garantie légale

AFFECTE les dépens aux passif de la SAS MFG RETAIL COMPAGNIE.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/04105
Date de la décision : 04/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/04105 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-04;10.04105 ?
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