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29/01/2013 | FRANCE | N°10/03671

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 29 janvier 2013, 10/03671


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 29 JANVIER 2013



(n° , 11 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 10/03671.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS 16ème Chambre - RG n° 08/040173.





APPELANTE :



Société MADAG

RCS du Canton de Zurich nÂ

° CH 020 3 916 721-5,

prise en la personne du Président de son conseil d'administration,

ayant son siège social [Adresse 6]),



représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN en la personne de Maître Jeanne BAECHLIN, avo...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 29 JANVIER 2013

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/03671.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS 16ème Chambre - RG n° 08/040173.

APPELANTE :

Société MADAG

RCS du Canton de Zurich n° CH 020 3 916 721-5,

prise en la personne du Président de son conseil d'administration,

ayant son siège social [Adresse 6]),

représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN en la personne de Maître Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,

assistée de Maître Frank MARTIN LAPRADE du Cabinet JEANTET & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : T04.

INTIMÉE :

S.A. ACADOMIA GROUPE

RCS PARIS n° 349 367 557,

prise en la personne de son Président du conseil d'administration et Directeur général, M.  [S] [J],

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

assistée de Maître Aline PONCELET du Cabinet PAUL HASTINGS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0177.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Catherine CURT

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.

Entreprise leader sur le marché de l'enseignement à domicile, la société Acadomia Groupe a été fondée dans les années 90 par M [J].

Ses titres ont été introduits en bourse sur le marché libre de NYSE-Euronext en avril 2000.

Le groupe qui a réalisé un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros au titre de l'exercice 2006-2007, clôturé le 31 août 2007, pour un bénéfice net comptable d'environ 5 millions d'euros, est dirigé par M. [J], président directeur général, M.[X], directeur général d'une filiale opérationnelle, et M. [U], directeur financier. M. [F] qui a détenu personnellement et au travers de la société Dorade Investments jusqu'à 10 % du capital, a accompagné le développement de la société dont il a été codirigeant jusqu'en 2001.

Parmi les actionnaires figurent :

- la société de droit suisse Madag, détenue à 99,99 % par le groupe Superba, dont le président du conseil d'administration est M. [Z],

- la société Capris, société civile de placements détenue dans les mêmes proportions par les membres de la famille [Z] et [K],

- la société Dorade Investments, société holding de droit belge qui détient les entités développant les différents activités de M. [F].

Entre 2001 et 2005, M. [J], président directeur général, actionnaire majoritaire a vendu ses actions sur le marché.

Puis, il a repris le contrôle majoritaire d'Acadomia à la faveur notamment d'une opération d'émission d'obligations assorties de bons de souscriptions et/ou d'acquisitions d'actions remboursables (OBSAAR), valeurs mobilières composées introduites par la réforme du droit des sociétes issue de l'ordonnance du 24 juin 2004, qui consiste dans la souscription par des banques à la totalité des OBSAAR puis la rétrocession par celles ci, qui les détachent immédiatement, des bons de souscriptions et/ou d'acquisitions d'actions remboursables (BSAAR) à un prix proposé par un expert indépendant au profit de tiers qui peuvent être des salariés, des mandataires sociaux ou des actionnaires.

Le 18 janvier 2007, le conseil d'administration a approuvé à l'unanimité le projet de résolution de l'émission des OBSAAR

Le 24 janvier 2007, M. [J] a convoqué pour le 28 février suivant une assemblée générale extraordinaire des actionnaires ayant pour objet l'examen de diverses opérations destinées à renforcer les fonds propres dont une augmentation différée du capital social par émission d'OBSAAR

Le 31 janvier 2007, mandat a été donné au Crédit du Nord en vue de préparer l'émission d'OBSAAR.

Le 28 février 2007, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires a approuvé la résolution relative aux OBSAAR et donné toutes autorisations nécessaires au conseil d'administration.

Le 21 mars 2007, le Crédit du Nord a établi son rapport d'évaluation des BSAAR.

Le 3 avril 2007, le conseil d'administration d'Acadomia a décidé de procéder à l'émission d'un emprunt obligataire de 10 millions d'euros avec, y attachés, 1 999 950 BSAAR et délégant au président directeur général le pouvoir de le mettre en oeuvre.

Le 11 avril 2007, les OBSAAR ont été intégralement souscrites par deux banques, Crédit du Nord et LCL, qui détachaient immédiatement les 1 999 950 BSAAR pour les revendre à MM.[J] (878 589 BSAAR), [X] ( 638 586) et [U] (398 589)

Le 13 avril 2007, les commissaires aux comptes d'Acadomia ont établi leur rapport complémentaire à destination des actionnaires qui était tenu à leur disposition.

Le 17 septembre 2007, un avis a été publié au bulletin d'annonces légales obligatoires afin d'indiquer l'identité de l'établissement tenant les comptes nominatifs des porteurs des BSAAR.

Le 12 décembre 2007, l'existence de BSAAR a été publiquement révélée à l'occasion de l'annonce des résultats semestriels.

Après l'échec de négociations conduites avec M. [Z], estimant être exposés à une prise de contrôle rampante de la part du groupe Grasser/Gloecker, qui avait accru sa participation depuis novembre 2007, associé à M. [F], le 25 février 2008, préalablement à la tenue de l'assemblée générale des actionnaires, MM [J], [X] et [U], agissant de concert avec la société Bastogne Invest, exerçaient 910 000 BSAAR pour obtenir le contrôle du groupe .

Le 20 février 2009, lors de l'assemblée générale, les actionnaires ont pris connaissance de cette dilution massive.

Lors de l'assemblée générale du 29 février 2008, le bureau, composé de MM [J], [X] et [F] et M.[U] a, malgré l'opposition de M. [F] et celle des intéressés, décidé de limiter les droits de vote pour non déclaration de franchissement de seuils, d'une part, à la hausse par M. [Z] et des entités de son groupe dont Madag, d'autre part et séparément, à la hausse et à la baisse par M. [F] et des entités de son groupe, en conformité avec l'article 13 des statuts reprenant le texte des articles L.233-7 et L.233-14 du code de commerce.

M. [J] énonçait la décision en faisant le constat suivant:

'M. [F] actionnaire détenant à ce jour 713 560 actions de la société et la société Dorade Investments détenant à ce jour 58 327 actions , agissant de concert, ont franchi à la baisse, sans le déclarer à la société, le seuil de 5 % en juillet 2007, et à la hausse le seuil de 5 % en février 2008 et disposent à ce jour de 123 027 droits de vote correspondant donc à 5 % du capital de la société au mois de juillet 2007;

Par ailleurs, la société Capris détenant à ce jour 192 339 actions de la société, agissant de concert avec les sociétés Madag, Satisfonds et M. [Z], a franchi à la hausse, sans le déclarer à la société le seuil de 5 % en mars 2007. Ils disposent donc à ce jour de 123 027 droits de vote correspondant donc à 5 % du capital de la société au mois de mars 2007.

Ce groupe d'actionnaires agissant de concert a, par ailleurs franchi les seuils de 5%, 10%, 15%, 20%, 25% sans les déclarer à la société'.

Toutes les résolutions soumises à l'assemblée générale ont été adoptées y compris la révocation du mandat d'administrateur de M. [F].

Lors de l'assemblée générale du 20 février 2009, la même limitation des droits de vote a été appliquée.

Affirmant que M. [J] a non seulement dilué les actionnaires minoritaires, mais qu'il s'est 'acharné' sur certains d'entre eux dont Madag qui détient 25 % du capital en leur appliquant une privation de ses droits de vote sur la majeure partie de leurs actions à raison d'un défaut de déclaration de franchissement de seuils, par acte du 23 mai 2008, les sociétés Madag, Capris et Dorade Investments et M. [F] ont assigné la société Acadomia Groupe pour faire constater la nullité de l'émission d'OBSAAR à l'intérieur du délai de trois mois suivant l'assemblée générale du 29 février 2008 pendant laquelle ils ont représenté plus de 90 % de actionnaires minoritaires.

Puis, avec M. [V], autre actionnaire minoritaire, par acte du 18 octobre 2008, les mêmes ont assigné la société Acadomia Groupe aux fins d'annulation des décisions prises lors de l'assemblée générale du 29 février 2008 par le bureau ayant conduit à les priver d'une partie de leurs droits de vote pour non déclaration de franchissement de seuils et d'indemnisation de leur préjudice.

Après jonction des procédures, par jugement du 18 janvier 2010, le tribunal de commerce de Paris a dit les sociétés Madag, Capris et Dorde Investments et M. [F] recevables en leurs demandes de nullité de l'émission d'OBSAAR décidée le 3 avril 2007, les en a débouté, a dit les mêmes et M. [V] recevables en leurs demandes tendant à la nullité des décisions du bureau de l'assemblée générale des actionnaires du 29 février 2008 et des décisions de l'assemblée générale du même jour, les en a débouté, a déclaré irrecevables les demandes des sociétés Madag, Capris et Dorde Investments et MM. [F] et [V] en dommages intérêts dirigées cotnre MM [J], [X] et [U], a débouté la société Acadomia Groupe de ses demandes en dommages intérêts, a condamné les sociétés Madag, Capris et Dorade Investments et MM. [F] et [V] ensemble à payer à la société Acadomia Groupe la somme globale de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté toutes autre demandes.

Le 22 février 2010, la société Madag a interjeté appel de cette décision et, à l'occasion de l'instance d'appel, a soumis à la cour d'appel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles 8 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de la sanction prévue aux deux premiers alinéas de l'article L.233-14 du code de commerce en ce que ces dispositions instaurent, en cas de franchissement de seuil non déclaré dans les délais règlementaires, la privation automatique d'une partie de droits de vote.

Par arrêt du 28 février 2012 , la cour d'appel a dit n'y avoir lieu à transmission de cette question.

Par dernières conclusions au fond signifiées le 14 juin 2012, la société Madag demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la qualité à agir de Madag et débouté Acadomia de ses demandes reconventionnelles, de l'infirmer en ce qu'il a rejeté la demande relative à la nullité de la privation des droits de vote et refusé de constater la nécessité d'un rapport des commissaires aux comptes au conseil d'administration décidant de l'émission des OBSAAR , en conséquence, de constater le caractère irrégulier de l'augmentation de capital par exercice des BSAAR et la suspension corrélative des droits de vote et des droits au dividende attachés aux actions ainsi émises, de prononcer la nullité des décisions de privation de droits de vote prises par le bureau de l'assemblé générale des actionnaires d'Acadomia Groupe à l'égard de Madag, d'ordonner la restitution immédiate de l'ensemble des droits de vote dont Madag a été abusivement privée, de condamner l'intimée au paiement de la somme de 80 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 10 septembre 2012, la société Acadomia Groupe demande à la cour :

- en ce qui concerne la suspension des droits de vote de Madag, de juger que les dispositions légales relatives aux franchissements de seuils et, en toute hypothèse, la clause statutaire de déclaration de franchissement de seuils sont applicables à tous les actionnaires de la société, de confirmer l'action de ce concert entre Madag, Capris et M. [C] [Z], de juger qu'il n'y a pas eu de déclaration valable et dans les délais exigés par la loi de seuils individuels et collectifs des membres de l'action de concert à laquelle appartient Madag, dire qu'il n'y a pas eu de régularisation des déclarations de franchissement de seuils irrégulières, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madag de ses demandes tendant à annuler les décisions de privation de droits de vote prises par le bureau de l'assemblé générale des actionnaires d'Acadomia Groupe du 29 février 2008 à l'égard de Madag et rejeter la demande aux fins de restitution des droits,

- en ce qui concerne la régularité de l'émission d'OBSAAR, de constater que sont nouvelles les demandes de Madag tendant à voir constater le caractère irrégulier de l'augmentation de capital réalisée en 2008 et la suspension corrélative des droits de vote et des droits à dividendes attachés aux actions ainsi émises et de les déclarer irrecevables en application de 564 du code de procédure civile, de constater que toute demande tendant à l'annulation de cette émission d'OBSAAR a été abandonnée par Madag, de dire que l'émission est régulière et de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madag de sa demande de nullité relative à l'émission d'OBSAAR, à titre subsidiaire, de rejeter la demande tendant à voir constater le caractère irrégulier de l'augmentation de capital réalisée en 2008 par l'exercice de BSAAR en raison de l'irrégularité alléguée en 2007 au regard des dispositions de l'article L.225-135 du code de commerce, à titre très subsidiaire, de constater que les dispositions de l'article L.225-150 du code de commerce ne sont pas applicables à l'espèce et, par suite, de rejeter la demande tendant à la suspension des droits de vote et droits à dividende attachés aux actions émises par exercice des BSAAR, à titre incident, réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation d'Acadomia Groupe, de condamner Madag à lui payer la somme de 8 200 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et, en toute hypothèse, 200 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Sur les limites de l'appel :

Le procès en appel oppose Madag, seule partie appelante parmi les actionnaires minoritaires demandeurs en première instance, à la société Acadomia Groupe.

La qualité à agir de la société Madag n'est plus discutée.

Le dispositif des dernières conclusions de la société appelante, qui lient la cour, tend à la confirmation du jugement en en ce qu'il a reconnu la qualité à agir de Madag et débouté Acadomia de ses demandes reconventionnelles et à son infirmation en ce qu'il a rejeté la demande relative à la nullité de la privation des droits de vote et refusé de constater la nécessité d'un rapport des commissaires aux comptes au conseil d'administration décidant de l'émission des OBSAAR.

Il n'est plus sollicité le prononcé de la nullité de l'émission des OBSAAR et il n'est rien dit, au dispositif, de la demande de dommages intérêts dont le tribunal a débouté la société Madag et les autres actionnaires demandeurs.

Sur la demande tendant à voir constater l'irrégularité de l'augmentation de capital par exercice des BSAAR et la suspension des droits de vote et aux dividendes attachés à ces actions :

Il convient d'observer qu'en première instance, la société Madag recherchait la nullité de l'émission d' OBSAAR décidée le 3 avril 2007, que dans ses premières conclusions d'appel, elle demandait à la cour, par dispositions infirmatives, de prononcer dans les mêmes termes la nullité de l'émission d'OBSAAR décidée le 3 avril 2007, que dans ses conclusions en réplique et récapitulatives, elle sollicitait le constat de la nullité de l'émission des BSAAR dont l'impact dilutif devra être neutralisé en faisant bénéficier tous les actionnaires minoritaires d'une attribution gratuite d'actions par incorporation de réserves au capital.

Désormais, au constat du caractère irrégulier de l'augmentation de capital par exercice des BSAAR, elle poursuit la suspension "corrélative" des droits de vote et au dividende attachée aux actions émises par l'exercice des BSAAR.

Aux motifs de ses dernières écritures (page 15), la société Madag explicite ce chef de demande en précisant qu'en ce qui concerne la nullité des OBSAAR, elle reste "convaincue d'avoir raison" mais que, devant la défense 'suicidaire' adoptée par les dirigeants d'Acadomia Groupe qui refusent de simplement neutraliser leur impact dilutif, elle préfère "se désister de sa demande en annulation" pour ne pas pénaliser cette société dont elle est actionnaire, qu'en revanche elle persiste à demander l'application de l'article L.225-150 du code de commerce aux actions irrégulièrement émises par l'exercice des BSAAR de sorte que les droits de vote et les droits au dividende attachés à ces actions seront suspendus.

Loin de renoncer à critiquer l'émission des OBSAAR, la société Madag persiste à dénoncer l'irrégularité de czette opération au même motif de l'absence de remise préalable au conseil d'administration appelé à décider d'une émission réservée du rapport des commissaires aux comptes sur les conditions définitives de l'opération établi conformément à l'article L 225-135 du code de commerce et observe que le tribunal "laisse planer le doute" sur la régularité de l'émission des OBSAAR qui conditionne celle des BSAAR en 2008 alors qu'une disposition impérative du code de commerce n'a pas été respectée.

Mais, à la sanction de la nullité qui obligerait la société Acadomia à rembourser l'émission obligataire, elle substitue la sanction établie par les nouvelles dispositions issues de la loi Warsmann du 22 mars 2012 codifiées à l'article L.225-150 du code de commerce qui consiste à faire suspendre les droits de vote et au dividende des actionnaires bénéficiaires.

L'article L.225-150 du code de commerce dans sa version issue de la loi précitée énonce, en effet, que "les droits de vote et les droits à dividende des actions ou coupures d'actions émises en violation de la présente sous-section [sous-section 1 De l'augmentation du capital] sont suspendus jusqu'à la régularisation de la situation. Tout vote émis ou tout versement de dividende effectué pendant la suspension est nul".

La société Acadomia soutient que la demande est irrecevable comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile car portant sur une autre opération financière que l'émission obligataire à savoir les augmentations de capital réalisées en 2008 par l'exercice des BSAAR et souligne que les actionnaires concernés ne sont pas dans la cause et que le nouveau régime de sanction n'est pas applicable aux opérations antérieures à la publication de la loi du 22 mars 2012.

Est nouvelle la prétention qui ne tend pas aux mêmes fins que celle présentée en première instance c'est à dire celle dont l'auteur attend un résultat différent de celui initalement recherché.

La demande en supension des droits des actionnaires bénéficiaires des BSAAR qui laisse subsister l'émission obligataire ne tend pas aux mêmes fins que l'action en nullité de l'émission des OBSAAR qui a pour effet de la mettre à néant.

Le prétention soumise à la cour doit donc être déclarée irrecevable comme nouvelle en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur la privation des droits de vote :

Sur l'obligation de déclaration des franchissements des seuils :

Au soutien de son appel de ce chef, la société Madag fait valoir en premier lieu que les dipositions de l'article L.233-7 du code de commerce relatives aux franchissements des seuils légaux ne s'appliquent pas à Acadomia de sorte qu'elle n'avait pas à déclarer ses franchissements de seuils.

L'article L.233-7,I du code de commerce dispose :

"Lorsque les actions d'une société sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché d'instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire habilité dans les conditions prévues par l'article L.211-4 du code monétaire et financier, toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d'etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède".

Quant à l'article L.211-4 du code monétaire et financier dans sa version antérieure à la réforme du 8 janvier 2009, il dipose (alinéa 2) que "les titres des sociétés par actions qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé doivent être inscrits à un compte tenu chez lui par l'émetteur au nom du propriétaire de titres" et (alinéa 3) que "par dérogation aux obligations de l'alinéa précédent, lorsque les titres sont admis aux opérations d'un dépositaire central, ils peuvent être inscrits en compte chez un intermédiaire habilité si cela est prévu dans les statuts".

Selon la société Madag, les actions nominatives comme celles d'Acadomia ne relèvent pas de la déclaration de franchissement de seuils.

Mais, il est établi que les titres d'Acadomia sont admis aux opérations d'Euroclear France, dépositaire central agréé, et l'article 9 des statuts prévoit l'inscription en compte chez un intermédiaire habilité.

Dans la mesure où les sociétés du marché libre sont soumises aux déclarations de franchissement de seuils dès lors qu'elles autorisent les actions inscrites en compte chez un intermédiaire habilité, l'obligation légale est applicable. Peu importe que les titres inscrits en compte chez un intermédiaire habilité soient au porteur ou au nominatif.

Au surplus, l'obligation légale est reproduite à l'article 13 des statuts de sorte que les actionnaires d'Acadomia sont soumis à la clause statutaire qui stipule :

"Toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d'etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède. L'information mentionnée à l'alinéa précédent est également donnée dans les mêmes délais lorsque la participation en capital ou en droits de vote devient inférieurs aux seuils mentionnés par cet alinéa. La personne tenue à l'information prévue au premier alinéa précise le nombre de titres qu'elle possède donnant accès à terme au capital ainsi que les droits de vote qui y sont attachés.

A défaut d'avoir été régulièrement déclaré dans les conditions prévues au premier alinéa ci-dessus, les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée sont privées du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification".

En vertu du caractère absolu de l'opposabilité des statuts aux associés, cette disposition statutaire est applicable à Madag comme l'ont justement retenu les premiers juge, la prétendue non connaissance de cette clause par M. [Z], au demeurant peu vraisemblable, étant à cet égard indifférente tout comme l'utilité, contestée par Madag, de cette règlementation pour Acadomia.

Par ailleurs, la société Madag argue en vain en cause d'appel, de l'illégalité de cette clause en ce qu'elle prévoit des seuils supérieurs à 5 % dès lors que les statuts sont la loi des associés et qu'ils les obligent.

Sur la privation des droits de vote :

La société Madag critique le jugement pour avoir justifié la privation des droits de vote par un défaut de déclaration de franchissement de seuils et un concert non avérés que le bureau de l'assemblée générale de actionnaires n'avait pas pouvoir de constater.

Il est admis que le bureau de l'assemblée générale des actionnaires n'a pas le pouvoir de priver les actionnaires de leurs droits de vote au motif qu'ils n'auraient pas satisfait à l'obligation de notifier le franchissement d'un seuil de participation dès lors que l'existence de l'action du concert d'où résulterait cette obligation est contestée.

Pour autant, en présence de manquements clairement établis et lorsque la mise en oeuvre de présomptions de concert n'appelle pas l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, le bureau est a même de les constater pour appliquer la sanction de suspension ds droits de vote qui en résulte de droit.

La société Madag produit des mails dont il résulte que M. [Z] a, en certaines circonstances, indiqué aux dirigeants d' Acadomia le nombre de titres détenus.

Cependant comme l'ont justement analysé les premiers juges, il s'agit de déclarations fortuites ou incidentes qui ne sont pas conformes aux exigences légales et statutaires quant à leur forme et au délai de cinq jours de bourse.

Il sera souligné que Madag reconnaît un franchissement de seuil ("le seul") en page 31 de se écritures non déclaré régulièrement, celui de15 % qu'elle a franchi à titre individuel le 2 août 2007 et qu'elle convient ainsi d'un manquement individuel dès lors que la déclaration ultérieure de franchissement d'un seuil plus élevé, serait-elle régulière, n'exonére pas du défaut de déclaration du seuil antérieurement franchi.

S'agissant du concert, il résulte de l' application de la présomption de l'article L.233-10 du code de commerce qui joue notamment entre une société et ses dirigeants, entre une société et les sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L.233-3 du code de commerce, entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes.

En effet, Madag et Capris sont contrôlées par le même groupe de 18 personnes physiques, qui détiennent le capital de Capris à l'exception d'une action détenue par la société HFG, le capital de Madag étant détenu à 100% par le groupe Superba lequel est contrôlée par le même groupe familial ([K]/[Z]) notamment via la société HFG. M. [Z] est le gérant des sociétés Capris et HFG et le président du conseil d'administration de Madag.

Il convient d'observer que dans son mail du 2 janvier 2008 à M. [U], M. [Z] évoquait spontanément le "cumul" des actions de Madag et Capris.

C'est donc un cumul de présomptions autour de M. [Z] et HFG que le bureau de l'assemblée générale a pu constater sans excéder ses pouvoirs.

Il sera souligné que la société Capris a acquiescé au jugement admettant le concert avec Madag.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Madag de sa demande relative à la privation de ses droits de vote.

Sur la demande de dommages intérêts :

S'agissant de la demande de dommages intérêts dirigée contre Acadomia dont elle a été déboutée par le jugement dont appel, Madag indique en page 15 de ses dernières écritures que "dans le même esprit", elle a décidé de l'abandonner pour ne pas nuire à la société Acadomia Groupe et ce malgré l'importance des préjudices résultant des fautes commises par les dirigeants.

En l'absence de critique, il convient de confirmer le jugement de ce chef

Sur la demande reconventionnelle de dommages intérêts :

Pas plus qu'en première instance, la société Acadomia ne démontre que la société Madag a agi avec l'intention de nuire, cette intention ne pouvant se déduire de la stratégie de prise de contrôle de cet actionnaire et de la multiplicité des procédures engagées à cette fin.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Acadomia de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de confirmer les dispositns du jugement et, y ajoutant, de condamner la société Madag à payer à la société Acadomia Groupe pour les frais exposée en appel la somme de 25 000 euros.

Partie perdante, la société Madag supportera les dépens sans pouvoir prétendre à l'indemnisation de ses propres frais.

PAR CES MOTIFS,

Déclare irrecevable comme nouvelle la demande tendant à constater le caractère irrégulier de l'augmentation de capital par exercice des BSAAR et la suspension corrélative des droits de vote et des droits au dividende attachés aux actions ainsi émises,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la société Madag à payer à la société Acadomia Groupe la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Madag aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés confomément aux dispsitions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT ,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/03671
Date de la décision : 29/01/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°10/03671 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-29;10.03671 ?
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