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16/04/2013 | FRANCE | N°11/19060

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 16 avril 2013, 11/19060


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 16 AVRIL 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19060



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010085577





APPELANTS



Madame [T] [Z] épouse [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par la SC

P GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assistée de Me Laurent SANTANA (avocat au barreau de PARIS, toque : P0043)



Monsieur [A] [S]

[Adresse...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 16 AVRIL 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19060

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010085577

APPELANTS

Madame [T] [Z] épouse [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assistée de Me Laurent SANTANA (avocat au barreau de PARIS, toque : P0043)

Monsieur [A] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assisté de Me Laurent SANTANA (avocat au barreau de PARIS, toque : P0043)

Mademoiselle [Y] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assistée de Me Laurent SANTANA (avocat au barreau de PARIS, toque : P0043)

Mademoiselle [U] [S] épouse [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assistée de Me Laurent SANTANA (avocat au barreau de PARIS, toque : P0043)

Mademoiselle [N] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assistée de Me Laurent SANTANA (avocat au barreau de PARIS, toque : P0043)

INTIMEE

SA SPIE agissant poursuites et diligences en la personne de son président directeur général et administrateur domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par la SELARL HJYH Avocats à la cour (Me Nathalie HERSCOVICI) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0056)

Assistée de Me Renaud DUBOIS de la SDE KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP (avocat au barreau de PARIS, toque : J008)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente,

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère,

Monsieur Joël BOYER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier présent lors du prononcé.

Le groupe [S] Industrie, spécialisé dans le génie énergétique et climatique, est composé de quatre sociétés établies en [Localité 1], parmi lesquelles la société de tête, [S] Sas.

Le capital de ses sociétés était exclusivement détenu par M. [A] [S], arrière-petit fils du fondateur, son épouse, Mme [T] [Z] et leurs filles, [U], [N] et [Y] [S].

En 2002, la société Spie Trindel, aux droits de laquelle vient aujourd'hui Spie SA, a souhaité procéder à l'acquisition de ce groupe. Les audits et missions de vérification comptables du groupe cible réalisés dans le cadre des pourparlers ont mis en évidence une méthode de comptabilisation des chantiers en cours spécifique, dérogatoire aux règles de présentation communes des bilans, qui se trouve à l'origine du présent contentieux.

Cette méthode dite 'à l'achèvement', créée par le groupe [S] et qui a été validée par les instances professionnelles du BTP, consiste pour l'essentiel, à n'enregistrer le chiffre d'affaires et la marge réalisés sur un contrat que sur le résultat de l'exercice au cours duquel le contrat a été achevé, tandis que la société Spie recourt à la méthode plus classique dite 'à l'avancement' qui consiste à comptabiliser le résultat et le chiffre d'affaires, exercice par exercice, au prorata du degré d'avancement du chantier.

A la suite d'un premier audit du cabinet d'expertise comptable et de commissariat aux comptes Fideac mandaté par Spie Trindel, établi le 13 juin 2002, et de vérifications complémentaires que ses propres services ont réalisées en septembre 2002, la société Spie Trindel et les consorts [S] ont conclu un protocole en vue de la cession de la totalité des sociétés du groupe au prix de 5.946.000 €, la date de cession étant fixée au 31 décembre 2002, les parties convenant que les situations intermédiaires devant servir de comptes de référence pour la garantie d'actif et de passif seraient établies au 30 septembre 2002.

Ces dernières, qui ont en réalité été établies au mois de novembre 2002, ont révélé un déficit cumulé pour l'ensemble des sociétés de l'ordre de 850.000 €, à la suite de quoi la société Spie Trindel a demandé au cabinet Fideac de procéder à de nouvelles vérifications qui ont conduit les parties à renégocier le prix de cession à la baisse et à conclure successivement deux avenants au protocole d'accord du 7 octobre 2002.

Par un avenant n°1 du 23 décembre 2002, le prix d'acquisition a été ramené à la somme de 4.200.050 €, outre un complément de prix calculé en fonction du cumul des résultats d'exploitation si ces derniers excédaient respectivement sur les exercices 2003 et 2004 les sommes de 700 000 et 800 000 €, et sous la limite d'une somme de 400 000 € par exercice.

La réalisation de la cession, repoussée au 17 janvier 2003, est intervenue le 10 janvier 2003.

Le même jour, les parties ont conclu un avenant n°2, pour préciser les conditions d'application du complément de prix et notamment la notion de « cumul des résultats d'exploitation » des sociétés cédées. Il y était notamment stipulé que le cumul des résultats s'entendait comme « l'addition des résultats d'exploitation des sociétés au sens de celui figurant à la ligne CG de la liasse fiscale', l'avenant se poursuivant ainsi :

'Il est entendu que les résultats d'exploitation individuels de chacune des sociétés seront calculés pour une durée d'exercices respectifs de chacune des sociétés de douze mois suivant le principe de la permanence des méthodes comptables, étant entendu que celles-ci seront identiques à celles retenues pour l'établissement des comptes des exercices clos au 31 décembre 2002, en neutralisant notamment l'effet du passage à la méthode comptable dite « à l'avancement » telle qu'elle est actuellement pratiquée au sein du groupe Spie.

'Par ailleurs, seront retraitées les incidences éventuelles :

- des prestations de services forfaitaires facturées par le nouvel actionnaire à

l'exclusion de celles qui, d'un commun accord, se substitueront à des prestations actuellement existantes au sein des sociétés,

- des investissements informatiques explicitement nécessités par l'intégration des sociétés au sein du Groupe Spie,

- de la comptabilisation d'engagements de retraite. »

A la suite de la cession, M. [S] s'est démis de ses mandats sociaux et a pris les fonctions de directeur régional de Spie Trindel.

Postérieurement à la cession, les comptes des sociétés cédées, arrêtés au 31décembre 2002, ont fait apparaître un résultat courant au 31 décembre 2002 en déficit de 446 K€.

Les conditions de cette cession ont opposé les parties au travers de plusieurs procédures:

- sur signalement du commissaire aux comptes, lui-même actionné par le groupe Spie, une information judiciaire a été ouverte au tribunal de grande instance de Rouen contre M. [A] [S], mis en examen le 24 novembre 2004 des chefs d'escroquerie et de présentation de comptes annuels inexacts, laquelle, après une expertise confiée à M. [J] [D], s'est conclue par une ordonnance de non-lieu,

- la société Spie a fait assigner en juin 2004 les cédants devant le tribunal de commerce de Paris pour les voir condamner pour dol et, subsidiairement, au titre de la garantie d'actif et de passif, à lui payer une somme de 5 millions d'euros à titre de dommages et intérêts ou de 1, 05 millions € au titre de la garantie, demandes dont elle a été déboutée par jugement du 11 décembre 2009 tandis que les consorts [S] se voyaient octroyer diverses sommes, au titre de la libération de sommes sous séquestre ou à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 100 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la publication de la décision étant par ailleurs ordonnée dans le Moniteur du BTP.

Enfin, par acte du 29 novembre 2010, les consorts [S] ont fait assigner la société Spie en paiement des compléments de prix prévus par les avenants de janvier 2003 au protocole du 7 octobre 2002 - c'est la présente instance.

Ils soutenaient pour l'essentiel que la société Spie s'était délibérément affranchie des méthodes comptables convenues entre les parties pour le calcul du complément de prix, lesquelles devaient obéir au principe de permanence et reposer sur la méthode dite à l'achèvement telle qu'elle était historiquement pratiquée dans le groupe [S] et avait, par ailleurs, massivement recouru à la sous-traitance auprès de certaines de ses filiales à seules fins d'augmenter artificiellement le poste 'autres achats et charges externes'et de diminuer corrélativement d'autant les résultats pour échapper au paiement du complément de prix tout en confortant les accusations alors portées contre M. [A] [S] dans le cadre de l'information judiciaire ouverte du chef d'escroquerie.

Par jugement 7 octobre 2011, le tribunal a débouté Mme [T] [Z] épouse [S], M. [A] [S], Mlle [Y] [S], Mme [U] [S] épouse [E] et Mlle [N] [S] de leurs demandes et les a condamnés in solidum à payer à la société Spie SA la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 13 février 2013, les appelants demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1178 du code civil, de constater que le jugement entrepris a violé l'article 1134 du Code civil en ignorant la convention des parties découlant du protocole de cession et de ses avenants n° 1 et 2 et en jugeant que les résultats d'exploitation qui devaient être retenus pour déterminer si le complément de prix était exigible ou non étaient ceux qui découlaient des liasses fiscales 2003 et 2004,de réformer en conséquence le jugement déféré et, statuant à nouveau, de constater que la société Spie n'a jamais établi les comptes contractuellement définis pour déterminer si le complément de prix était exigible ou non, a volontairement négligé de rassembler et de conserver les données comptables indispensables à l'établissement desdits comptes, de constater que, de ce fait, la société Spie a rendu impossible l'établissement de ces comptes qui constituaient une condition suspensive à l'exigibilité du complément de prix, de constater, de manière surabondante, que les choix de gestion effectués par la société Spie ont entraîné une dégradation des résultats des sociétés cédées de nature à empêcher la réalisation de la condition suspensive, de constater que faute de disposer des données nécessaires, la société Spie ne rapporte pas la preuve de ce que les résultats d'exploitation des sociétés cédées pour les exercices 2003 et 2004, résultant de l'application de méthodes comptables «identiques à celles retenues pour l'établissement des comptes au 31 décembre 2002», puis des retraitements complémentaires prévus par l'avenant n° 2 au protocole de cession, n'auraient pas déclenché l'exigibilité du complément de prix, de condamner en conséquence, par application des dispositions de l'article 1178 du code civil, la société Spie au paiement :

- d'une somme de 164 569 € en principal à M. [A] [S] ;

- d'une somme de 21 428 € en principal à Mme [T] [S] ;

- d'une somme de 204 295 € en principal à Mlle [U] [S] ;

- d'une somme de 204 295 € en principal à Mlle [N] [S] ;

- d'une somme de 204 295 € en principal à Mlle [Y] [S] ;

- avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2005, date de la mise en demeure, et capitalisation des intérêts.

- outre une somme de 60 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 février 2013, la société Spie demande à la cour de débouter les appelants de leurs demandes, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 60.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

Il est constant que l'obligation à paiement d'un complément de prix a été contractée par la société Spie sous la condition suspensive de la réalisation sur les deux exercices suivants la cession d'un résultat d'exploitation situé au-delà du seuil de 700 000 € sur l'exercice 2003 et de 800 000 € sur l'exercice 2004, calculé selon le principe de permanence des méthodes comptables, soit, s'agissant des chantiers en cours, selon la méthode pratiquée par le groupe [S], dite à l'achèvement.

Les appelants soutiennent, au visa de l'article 1178 du code civil, que la société cessionnaire a volontairement empêché la réalisation de cette condition suspensive de sorte que celle-ci doit être réputée réalisée et la société Spie condamnée à leur payer, ensemble, une somme globale de 800 000 € soit la totalité du complément de prix convenu.

Ils invoquent au soutien de leurs demandes :

- à titre principal, la perte ou le délaissement volontaire par la nouvelle équipe de direction d'un logiciel spécifique dit AS 400 qui permettait seul de retraiter les comptes des sociétés cédées selon la méthode [S],

- à titre subsidiaire, un recours massif et délibéré de la nouvelle direction à la sous-traitance à seule fin d'augmenter artificiellement le poste 'achats et autres charges' pour accroître les pertes et rendre impossible la mise en jeu de complément de prix.

Mais le premier moyen est inopérant, l'avenant n°2 au protocole de cession qui fixe les modalités de calcul du résultat susceptible de déterminer le complément de prix ne comportant aucune stipulation relative au maintien ou à l'usage par le cessionnaire d'un logiciel propriétaire auquel le groupe [S] avait recours pour comptabiliser en fin d'exercice les chantiers en cours.

Cet avenant se borne en effet à convenir du principe de permanence des méthodes comptables, en faisant explicitement référence à la neutralisation de l'effet du passage d'une méthode à une autre et aux éventuels retraitement en résultant.

Il en résulte que l'utilisation du logiciel AS 400 n'avait nullement été instituée par les parties comme condition d'appréciation de la réalisation de la condition suspensive de sorte que les développements qui oppose ces dernières sur le point de savoir laquelle d'entre elles se trouve à l'origine, d'une part, de la cessation de son utilisation intervenue semble-t-il à la mi 2003, d'autre part, de la perte des bandes archivées relatives notamment à l'exercice 2002, est sans intérêt pour le règlement du litige.

Enfin, faute de tout engagement souscrit par la société Spie de continuer à utiliser ce logiciel pour retraiter les résultats comptables sur les exercices 2003 et 2004 dans la perspective du calcul du complément de prix, sa non utilisation par les cessionnaires ne caractérise nullement l'empêchement volontaire qui, lorsqu'il est le fait du débiteur qui s'oblige sous condition suspensive, répute sans autre considération la condition accomplie.

Il sera relevé de surcroît, s'agissant des résultats des sociétés cédées postérieurement à la cession:

- que M. [S] laisse sans réplique les observations de l'intimée, étayées par plusieurs attestations, selon lesquelles il a en pratique seul arrêté les comptes au 31 décembre 2002 sans jamais exposer précisément aux principaux collaborateurs de la société cessionnaire les mécanismes et le fonctionnement de sa méthode qui reposait largement sur une saisie manuelle et relativement artisanale de l'état d'avancement des chantiers dans le logiciel AS 400,

- que les comptes tels qu'arrêtés par M. [S] au 31 décembre 2002, selon la méthode à l'achèvement ont mis en évidence un résultat déficitaire de 446 000 euros pour la totalité des sociétés acquises par Spie Trindel,

- que dans son rapport général sur les comptes annuels de l'exercice 2003 de [S] SAS, le commissaire aux comptes a certifié avoir examiné 'la régularité du changement de méthode comptable', avoir 'obtenu les éléments probants recherchés sur le caractère raisonnable de l'évaluation des résultats sur chantiers comptabilisés dans les comptes, selon la méthode de l'avancement', avoir comptabilisé rétrospectivement les résultats sur les chantiers en cours au 31 décembre 2002 selon la méthode nouvelle de l'avancement pour, en définitive, évaluer l'effet de changement de méthode sur l'exercice 2002 à une somme de - 82 980 €,

- qu'un arrêté de comptes intermédiaire établi au 31 mai 2003 sur les cinq premiers mois d'activité, qui n'est pas plus contesté et qui se trouve d'ailleurs à l'origine des premiers soupçons alors portés par la société Spie sur la sincérités des comptes du groupe [S], a encore fait apparaître le caractère sinon marginal du moins assez peu significatif du passage d'une méthode de valorisation des en-cours à l'autre, la perte ayant alors été évaluée à 3 291 667, 10 € avec la méthode à l'achèvement ([S]) pour 3 253 650, 49 € avec la méthode à l'avancement, soit une différence de 38 000 euros (1,15% du total de la perte) pour la totalité des sociétés cédées,

- que les sociétés cédées ont dégagé en 2003 les résultats suivants, tous négatifs, selon la méthode à l'avancement : [S] SAS - 4.848.621 € ; EMC - 401.616 € ; SGI - 214.033 € ; SVDR - 13.422 € , soit un résultat déficitaire total de près de 5, 4 millions d'euros,

- que l'année suivante les résultats, selon la méthode à l'avancement, ont été les suivants [S] SAS - 1.604.026 € ; EMC +170.643 € ; SGI - 66.801 € ; SVDR + 68.998 € , soit un résultat déficitaire total de 1, 4 millions d'euros.

Les résultats ainsi dégagés en 2003 et 2004 sont si éloignés des seuils de déclenchement des compléments de prix que la discussion d'experts, auxquels les parties ont fait appel chacune pour leur compte, sur une éventuelle incidence de la méthode de comptabilisation des en-cours quant à la mise en oeuvre de la clause litigieuse, pour aussi éclairante qu'elle soit, n'est nullement déterminante.

Il sera seulement relevé que les parties s'accordent, avec leurs experts respectifs - rapports de M. [O] pour la société Spie, rapports de M. [G] pour les consorts [S]- à considérer que dans la méthode à l'achèvement le chiffre d'affaires et le résultat dégagés par un contrat ne sont constatés qu'au moment de son achèvement, tandis que dans la méthode à l'avancement, ils le sont sur chaque exercice au prorata de l'avancement du chantier.

Il en résulte que l'abandon de la méthode à l'achèvement pour la méthode à l'avancement est neutre sur les chantiers commencés et achevés sur un même exercice, que s'agissant des contrats se déroulant sur plusieurs exercices, la méthode à l'avancement est plus favorable au cédant puisque le résultat positif est pris en compte dès le premier exercice de réalisation des travaux et que, s'agissant des contrats sur plusieurs exercices mais déficitaires, le changement de méthode est pour l'essentiel neutre dès lors que les parties conviennent que même dans la méthode à l'achèvement, si l'analyse du contrat laisse présager d'une perte à terminaison, une provision qui reflète cette perte prévisionnelle doit être constatée, quel que soit le degré d'avancement du contrat.

M. [G], dans la consultation dont se prévalent les appelants, soutient cependant que la méthode '[S]' se distinguerait en divers points de la méthode à l'achèvement de sorte que les considérations qui précèdent, théoriquement justes, seraient en l'espèce dépourvues de pertinence, pour en déduire, au moins implicitement, que seule l'utilisation du logiciel AS 400 était de nature à permettre une parfaite neutralisation du passage d'une méthode à une autre.

Mais outre le fait, auparavant relevé, qu'aucune disposition de l'avenant n°2 ne faisait obligation au cédant d'utiliser ce logiciel auquel les parties n'ont fait aucune référence dans leur convention et l'attitude attestée peu coopérative de M. [S] lors de l'établissement des comptes en fin d'exercice 2002, et à supposer même que les spécificités de la méthode [S] aient conduit, en pratique, à ne pas provisionner, exercice par exercice, la totalité des pertes constatées sur un chantier, attendant son complet achèvement pour le faire, il en résulterait en l'espèce que si, selon cette méthode, les pertes subies à raison de chantiers commencés en 2004 et non achevés sur cet exercice n'auraient pas dû affecter les résultats 2004, ceux-ci l'auraient été en revanche de la totalité des pertes subies à raison des chantiers achevés sur cet exercice et commencés en 2003 ou antérieurement, ce qui, compte tenu des résultas déficitaires constatés selon la méthode [S] au 31 décembre 2002 (déficitaires) , encore au 31 mai 2003 ( perte de 3, 2 millions €) comme sur la totalité de l'exercice 2003 (- 5, 4 millions € selon la méthode nouvelle qui anticipait sur les pertes constatées relativement aux chantiers en cours et non encore achevés), n'était pas plus de nature à redresser les comptes.

Il résulte de l'ensemble de ces observations, qu'au regard de l'ampleur des résultats déficitaires constatés sur les deux exercices d'assiette du complément des prix - laquelle avait d'ailleurs conduit la société cessionnaire à agir initialement contre les cédants pour dol-, les seuils de mise en oeuvre de clause de complément de prix n'étaient pas atteints quelle que soit la méthode de comptabilisation retenue.

Les appelants invoquent, subsidiairement, l'augmentation volontaire et démesurée des charges d'exploitation des sociétés cédées sur les exercices 2003 et 2004 et la dégradation consécutive de leurs résultats d'exploitation, soit des manoeuvres frauduleuses de la société Spie destinées à échapper à la clause de complément de prix.

Ils relèvent que le poste 'autre achats et charges externes' serait passé d'une moyenne de 27% du chiffre d'affaires sous leur gestion à plus de 70% en moyenne sur les exercices 2003 et 2004, imputent l'augmentation de ce poste à un recours massif à la sous-traitance que ne justifierait aucune augmentation d'activité, d'où ils infèrent qu'un tel mode de gestion avait pour seul objet de réduire la marge autant que nécessaire pour que le chiffre d'affaire soit inférieur au seuil de complément de prix.

La société Spie conteste en tous points de telles allégations en faisant valoir que, société anonyme naturellement exposée à l'évaluation de ses performances par ses actionnaires et les analystes financiers, le comportement qui lui est imputé est absurde dès lors qu'il consisterait à afficher une perte de plus de 5 millions d'euros à seule fin d'échapper à un complément de prix de 800 000 €, qu'elle a d'ailleurs, compte tenu des mauvais résultats sur l'exercice 2003, consenti à sa filiale, en 2004, une subvention de 4 millions € aux fins de reconstituer ses capitaux propres, puis encore en 2005 une subvention de 920 000 €, que contrairement à ce qui est allégué les charges d'exploitation ont diminué quand le chiffre d'affaires de telle société (SVDR en l'espèce) était lui-même en diminution, que le poste 'autres achats et charges externes' résulte en grande partie du regroupement entre les postes d'achat de matières et de charges de sous-traitance, qu'ainsi nouvellement recomposé ce poste a marqué une hausse de 12,1 points de base en 2003 et de 7,1 points de base en 2004, sans rapport avec la hausse initialement appréciée par les consorts [S] de 44, 4 points de base.

Au regard des pièces produites par les parties, le moyen tiré du dol n'est nullement établi par les appelants qui procèdent par voie d'extrapolation à partir d'une ligne comptable du rapport de gestion du président ou de la gérance qu'ils ont interprétée à tort comme étant 'à poste constant' alors que ce poste avait été regroupé avec un autre, pour en déduire un recours frauduleux et contraire à l'intérêt social à la sous-traitance, lequel ne résulte d'aucun des éléments qu'ils invoquent et que les seules données financières relatives aux résultats du groupe [S] en 2003 et 2004 et à la reconstitution des fonds propres qui s'est imposée, suffisent à exclure.

Aussi le jugement déféré sera-t-il confirmé et les consorts [S] déboutés de leurs demandes.

Compte tenu des initiatives procédurales prises par chacune des parties dans le cadre du contentieux qui les oppose depuis plusieurs années, il n'y aura pas lieu, en équité, d'allouer à quiconque, dans le cadre de la présente instance, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Rejette toute autre demande,

Condamne Mme [T] [Z] épouse [S], M. [A] [S], Mlle [Y] [S], Mme [U] [S] épouse [E] et Mlle [N] [S] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIer LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/19060
Date de la décision : 16/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°11/19060 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-16;11.19060 ?
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