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17/04/2013 | FRANCE | N°12/08253

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 17 avril 2013, 12/08253


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 17 Avril 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08253



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Avril 2012 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 11/05471 -





APPELANTE



Madame [S] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]



comparante en personne,

assistée de Me Suzanne BE

NTO CARRETO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806





INTIMÉE



SELAS LA GRANDE PHARMACIE BAILLY

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Chantal MEININGER BOTHOREL, avocat au barrea...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 17 Avril 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08253

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Avril 2012 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 11/05471 -

APPELANTE

Madame [S] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Suzanne BENTO CARRETO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806

INTIMÉE

SELAS LA GRANDE PHARMACIE BAILLY

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Chantal MEININGER BOTHOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : J149

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre

Madame Claire MONTPIED, Conseillère

Mme Claude BITTER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats et Nathalie GIRON lors de la mise à disposition.

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition par Madame Irène CARBONNIER, Présidente de chambre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène CARBONNIER, présidente et par Nathalie GIRON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'arrêt du 19 décembre 2012 ayant infirmé le jugement de sursis à statuer prononcé le 12 avril 2012 par le conseil de prudhommes de Paris et décidé d'évoquer au fond,

Vu les conclusions déposées par Mme [S] [O], salariée de la grande Pharmacie Bailly selon contrat à durée indéterminée du 10 avril 2001, aux fins de constatation que la moyenne de ses trois dernières rémunérations s'élève à 5.007,10€ et de condamnation de son employeur à lui payer les sommes de 90.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 120.000€ à titre d'indemnité contractuelle, en suite de son licenciement pour motif économique en date du 31 août 2010, outre 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société La Grande Pharmacie Bailly tendant à débouter Mme [O] de toutes ses demandes, juger que son licenciement pour cause économique et réorganisation de l'entreprise est bien fondé et la condamner au paiement de la somme de 6.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Considérant comme constant que La Grande Pharmacie Bailly est une SARL créée en 1942, devenue SELAS, exploitant une officine de pharmacie située [Adresse 2]) ; que, par jugement du 6 mai 1999, le tribunal de commerce de Paris, qui a fixé au 6 novembre 1997 la date de cessation des paiements de la société, a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et conféré à l'administrateur judiciaire une mission d'assistance pour tous les actes de gestion ; que la période d'observation de six mois a été prolongée à plusieurs reprises et que, par jugement du 28 juin 2001, M. [U] [B], devenu titulaire de la pharmacie, a été désigné pour exécuter un plan de continuation sur dix ans prévoyant notamment qu'aucun versement jusqu'au 31 janvier 2002 ne serait fait afin de laisser à la pharmacie Bailly le temps de consolider sa situation de trésorerie, qu'aucun actionnaire, tous membres de la famille de [U] [B], ne pourrait toucher de rémunération sauf accord préalable exprès du tribunal et que les postes de travail seraient maintenus ; que le plan a été substantiellement modifié par jugement du 17 septembre 2002 sur la base d'un rapport de l'administrateur judiciaire relevant que la société s'était trouvée confrontée à un accroissement des charges de personnel dû à l'impact des 35 heures, aux augmentations de salaire et à l'embauche de personnel ;

Que Mme [O], qui travaillait avec M. [U] [B] dans le cadre d'une autre société depuis le mois de septembre 1992, a été engagée par ce dernier suivant contrat à durée indéterminée du 10 avril 2001, en qualité de directrice d'exploitation au salaire mensuel brut de 20.303,36€, soit 3.095,23€ par mois pour 37 heures de travail par semaine ; que, par avenant du 5 septembre 2008, elle a été promue adjointe de direction, au coefficient 700 selon la convention collective de la pharmacie d'officine ; que, par courrier du 17 avril 2001, M. [B] s'est engagé à lui verser, indépendamment des indemnités légales et réglementaires, une indemnité supplémentaire égale à deux années de salaire, calculée sur la base brute de la rémunération normale habituelle des trois derniers mois ; que la moyenne de ses trois dernières rémunérations était de 5.007,10€ ;

Qu'à la suite du décès de [U] [B] fin 2009, son successeur a été désigné pour continuer l'exécution du plan et son fonds de commerce a fait l'objet d'une cession, le contrat de travail de Mme [O] étant transféré au cessionnaire qui a convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement ; qu'au cours de cet entretien, qui a eu lieu le 5 août 2010, la convention de reclassement personnalisé a été remise à la salariée ; que, par lettre du 31 août 2010, celle-ci s'est vu notifier son licenciement pour motif économique, en raison de la suppression de son poste consécutive à la réorganisation de l'entreprise, toutes les tentatives de reclassement tant dans l'entreprise que dans le groupe s'étant révélées infructueuses, et a été dispensée de l'exécution de son préavis de trois mois ; que Mme [O] a refusé la convention de reclassement personnalisé ;

Considérant que La Grande Pharmacie Bailly, qui invoque la plainte qu'elle a déposée le 2 mai 2012 contre personne non dénommée visant le document daté du 17 avril 2001 et signé du pharmacien titulaire [U] [B], produit par Mme [O] comme avenant à son contrat du travail du 10 avril 2001, observe que la pièce, communiquée tardivement, lui parait être un faux dès lors que le papier utilisé par M. [B] n'est pas le même que celui de la lettre d'embauche et qu'au reste sa date lui paraît curieuse, à dix jours du contrat et en pleine période d'observation du redressement judiciaire ; qu'elle demande dès lors d'écarter cette pièce en raison de son caractère douteux et « contraire à l'intérêt social de la société » ; que l'employeur fait par ailleurs valoir, quant à la motivation du licenciement, que les services de la société ont dû être réorganisés dans le cadre d'une gestion maîtrisée pour faire face aux difficultés financières de la société, dont le passif réel de 5 millions d'euros au 31 mars 2009 avait été masqué par l'ancienne équipe dirigeante constituée de M. [B] et de Mme [O], ce qui justifiait le licenciement économique de cette dernière ; que la gérante de l'officine déclare en outre justifier n'avoir aucun emploi disponible à proposer à la salariée, n'avoir procédé à aucun recrutement sur le poste de Mme [O] et avoir cherché à reclasser cette dernière en externe, chez Bailly Santé ; que, selon l'employeur, la réglementation relative à l'ordre des licenciements n'avait pas à s'appliquer, la salariée étant seule de sa catégorie professionnelle ; qu'en tout état de cause, l'employeur remarque que Mme [O] n'a fait que peu de recherche d'emplois et ne justifie donc pas du préjudice qu'elle allègue ;

Que la lettre du 17 avril 2001, communiquée en photocopie par Mme [O] en décembre 2011, a été produite en original au cours de l'audience d'appel, ce qui a permis de constater l'absence de tout montage ; que ni l'en-tête du papier, ni l'adresse de la salariée apposée sur le document ne permettent de soupçonner que l'engagement de M. [B], gérant de la société de 2001 à 2009, dont la signature n'est pas remise en cause, aurait été antidaté ; qu'au reste, [F] [L], relation amicale de M. [B], a attesté que ce dernier l'avait informé qu'en raison des qualités professionnelle de Mme [O], il avait décidé de lui octroyer une indemnité contractuelle équivalant à vingt-quatre mois de salaires ; qu'il est, par ailleurs acquis que Mme [O] a contesté dans les deux mois de sa remise le solde de tout compte en date du 4 décembre 2010 et a sollicité l'indemnité contractuelle de licenciement dès la saisine du bureau de conciliation le 4 février 2011 ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 621-23 (ancien) du code de commerce, le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur fixée par le tribunal lequel peut le charger d'assister le débiteur dans tous les actes de gestion ; qu'il en résulte que le débiteur ne peut accomplir seul que les actes de gestion courante;

Qu'il n'est pas contesté que le contrat de travail de Mme [O] a été signé le 10 avril 2001 par le gérant seul pendant le cours de la procédure de redressement judiciaire, précisément durant la période d'observation et avant même que ne soit décidé le plan de continuation ; que, dans les mêmes circonstances, le gérant a signé seul l'engagement contractuel du 17 avril 2001 ;

Que l'un des anciens administrateurs de la société indique dans son courrier du 20 mars 2012 que « le dirigeant dispose toujours durant la période d'observation du redressement judiciaire du pouvoir d'embaucher des salariés notamment pour remplacer des salariés démissionnaires ou absents.

« Cependant, l'avantage particulier consenti par le dirigeant à cette salariée revêtait un caractère exorbitant et a été manifestement consenti par le dirigeant à l'insu de l'administrateur judiciaire » ;

Qu'en effet, si la conclusion d'un contrat de travail ne constitue pas un acte de gestion courante au sens du deuxième alinéa de l'article L. 621-24 (ancien) du code de commerce, le contrat de travail signé le 10 avril 2001, quoique conclu sans l'assistance de l'administrateur judiciaire, a nécessairement été avalisé par ce dernier qui a payé les salaires de Mme [O] du mois d'avril 2001 au mois d'avril 2010 ; que le contrat de travail de Mme [O] est donc opposable à La Grande Pharmacie Bailly, cessionnaire du fonds de commerce ;

Qu'en revanche, l'octroi d'une indemnité contractuelle de 120.000€ en cas de départ, avantage exorbitant consenti par le pharmacien à Mme [O] une semaine après la signature de son contrat de travail, ne peut s'analyser en un acte de gestion courante et faute d'avoir été soumis à l'administrateur judiciaire, n'est opposable ni à la procédure collective, ni au cessionnaire du fonds de commerce ; qu'il y a donc lieu de débouter Mme [O] de sa demande en paiement d'une indemnité contractuelle ;

Considérant, sur la demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la lettre de licenciement de Mme [O] du 31 août 2010 invoque l'obligation du repreneur, compte tenu de ses difficultés économiques et financières, de supprimer le poste administratif de la demanderesse qui n'a plus d'utilité dans le cadre de la réorganisation des services à laquelle ont dû procéder les repreneurs, alors que ces derniers ont besoin d'un certain nombre de spécialistes dans des domaines bien précis (orthopédistes, préparatrices) nécessitant des diplômes dont la salariée est dépourvue ; que l'employeur précise que « cette réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la société devant faire face à des dettes exigibles extrèmement importantes (2,6 millions d'euros au 31/12/2009) par rapport à son actif disponible » ;

Considérant que, pour décider du licenciement de Mme [O], la Grande Pharmacie Bailly s'est appuyée sur la présentation de l'exercice clos le 31 mars 2009, dernier exercice complet à cette date établi par l'ancienne équipe dirigeante, dont il ressort qu'à cette date, la société devait faire face à une dette de 2,6 millions d'euros, que le chiffre d'affaires était en baisse de 3,54 à 3,33 millions d'euros, que le résultat d'exploitation était déficitaire de presque 247.000€, le résultat final étant déficitaire de près de 242.000€ ;

Qu'indépendamment des conclusions du rapport du commissaire aux comptes sur l'exercice clos le 31 mars 2011 ayant dû refuser la certification en raison d'une insuffisance de provision des comptes et de l'absence de justificatifs de prêts consentis à de nouveaux actionnaires, toutes opérations résultant de la gestion précédente, il est justifié par la Grande Pharmacie Bailly que la réorganisation décidée par ses repreneurs correspondait à l'intérêt de l'entreprise, comme nécessaire au vu de son état d'endettement pour maintenir sa compétitivité et faire face à la concurrence dans un quartier de [Localité 3] où les pharmacies ne manquent pas ;

Qu'il est également démontré par le registre unique du personnel de la société, ainsi que par les procès-verbaux de conseil d'administration que les tâches, purement administratives, d'adjointe de direction exercées par Mme [O] ont été réparties entre le pharmacien titulaire et deux autres pharmaciens adjoints, ce qui correspond bien à une suppression du poste de la demanderesse ; qu'il en est de même lorsqu'une partie des fonctions est assurée par l'employeur, en l'occurrence Mme [Y] [W], associée et membre du conseil d'administration ;

Mais considérant, sur l'obligation de reclassement consistant pour l'employeur en l'envoi au salarié dont le licenciement est envisagé d'offres de reclassement écrites et précises sur des postes de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fut-ce par voie de modification substantielle du contrat de travail, qu'il est incontestable que la Grande Pharmacie n'a pas proposé de reclassement à Mme [O], s'étant contentée d'affirmer avoir « activement (mais vainement) recherché toutes les possibilités de reclassement tant dans l'entreprise que dans le groupe », et de faire valoir que la salariée était a priori dépourvue des diplômes nécessaires aux emplois d'orthopédiste ou de préparatrice ;

Que le licenciement de Mme [O] est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois ;

Qu'eu égard aux neuf années d'ancienneté de Mme [O] à la Grande Pharmacie, ainsi qu'aux difficultés de la demanderesse, telles qu'elle en justifie, pour retrouver un emploi, il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer la somme de 35.000€ en réparation de son préjudice ;

Considérant que l'équité commande de mettre à la charge de la société La grande Pharmacie Bailly une part des frais engagés par Mme [O] à l'occasion de cette procédure ;

Par ces motifs,

La cour,

par arrêt rendu publiquement et contradictoirement,

condamne la SELAS La Grande Pharmacie Bailly à payer à Mme [S] [O] la somme de 35.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

déboute Mme [O] du surplus de ses demandes,

condamne La Grande Pharmacie Bailly aux dépens et à payer à Mme [O] la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/08253
Date de la décision : 17/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°12/08253 : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-17;12.08253 ?
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