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30/05/2013 | FRANCE | N°10/23488

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 30 mai 2013, 10/23488


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 30 MAI 2013



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23488



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 octobre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - 11ème CHAMBRE - RG n° 2005041748





APPELANTE



SA ESSO SAF représentée par son Président en exercice et tous représentants légaux, domiciliés

audit siège en cette qualité

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : P0042)...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 30 MAI 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23488

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 octobre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - 11ème CHAMBRE - RG n° 2005041748

APPELANTE

SA ESSO SAF représentée par son Président en exercice et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : P0042)

Assistée de Me Jean DAMERVAL de la SCP SAINT SAUVEUR DAMERVAL BLANCHE (avocat au barreau de PARIS, toque P 116)

INTIMÉE

SARL TINA représentée par son gérant en exercice et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Me Nicolas PINTO de la AARPI APC AVOCATS (avocats au barreau de PARIS, toque : K026)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth VERBEKE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

Madame [N] a exploité depuis 1990 une station service Esso à [Localité 1], sous couvert de la SARL Tina dont elle est gérante.

Son activité s'est déroulée sous un double régime juridique :

- un mandat pour la distribution des produits pétroliers,

- une location-gérance pour les activités annexes.

Dans le dernier contrat triennal, qui se terminait normalement le 30 juin 2004, figurait une clause autorisant le pétrolier à résilier à tout moment avec un préavis de 2 mois en cas de refonte complète de la station, l'objectif étant de faciliter le développement d'un nouveau concept de stations automates.

La société Esso a résilié le contrat à effet du 3 novembre 2003.

Devant la résistance de la société Tina, le pétrolier a cessé ses livraisons et a demandé en référé l'expulsion du pompiste.

Le 28 novembre 2003, le Président du Tribunal, ne pouvant trancher au fond, et afin de ne pas compromettre l'activité de la société Tina, a ordonné à la société Esso, sous astreinte de 3.000 € par jour, de reprendre les livraisons. Cette ordonnance a été confirmée en appel le 27 février 2004.

Le 22 mars 2004, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte initiale à 100.000 € et a fixé une nouvelle astreinte de 5.000 € par jour. La cour d'appel de Paris a rejeté le 1er juillet la requête formée par la société Esso en suspension de l'exécution immédiate de ce jugement, et a confirmé, le 16 décembre 2004, le jugement du 22 mars 2004.

Le 8 juillet 2005, le juge de l'exécution a liquidé la seconde astreinte à la somme de 150.000 €, et la cour d'appel a rejeté, le 5 octobre 2005, la demande de consignation de cette somme formée par la société Esso.

Le 2 juin 2005, la société Esso a assigné la société Tina afin de faire prononcer la résolution du contrat. La société Tina a assigné la société Esso en septembre 2005 afin d'obtenir le remboursement des pertes du mandat et l'indemnisation de la rupture du contrat qu'elle considérait comme brusque et abusive.

Par jugement en date du 2 avril 2007, le Tribunal de commerce de Paris a dit le contrat entre les sociétés Esso et Tina résilié à effet du 12 novembre 2003 aux torts exclusifs de la société Esso, dit les astreintes liquidées non remboursables et a désigné un expert pour chiffrer les pertes subies par la société Tina comme mandataire et celui résultant de la rupture du contrat par la société Esso.

La société Esso a interjeté appel de ce jugement qui a été confirmé dans toutes ses dispositions par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 14 janvier 2010.

L'expert a entre temps rendu son rapport le 26 mai 2008 et le tribunal de Commerce de Paris a rendu le 16 février 2009 un jugement de sursis à statuer en attendant l'arrêt de la Cour d'appel de Paris.

La société Esso a formé un pourvoi en cassation et la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 septembre 2011 a rejeté ce pourvoi.

L'affaire est revenue devant le Tribunal pour fixation des préjudices.

Par jugement en date du 21 octobre 2010, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- écarté la demande de sursis à statuer de la société Esso

- condamné la société Esso à payer à la société Tina les sommes de:

. 37.811 € à titre de dommages et intérêts,

. 108.066,76 € au titre des pertes liées au mandat,

. 9.909,18 € au titre de la prime de fermeture,

. 19.017,31 € au titre du solde créditeur apparaissant dans les livres de la société Esso SAF,

- accordé les intérêts au taux légal sur ces trois dernières sommes, avec capitalisation, à compter du 3 novembre 2005,

- condamné la société Esso à payer à la société Tina la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires.

Vu l'appel interjeté le 3 décembre 2010 par la société Esso contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 1er février 2013 par la société Esso par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- dire la société Esso recevable et bien fondée en son appel, y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

- sur ouverture du raport de Monsieur [R], fixer les pertes d'exploitation cumulées pour la période de 1996 à 2003 de la société Tina à la somme de 10.124,10 €,

- dire et juger, compte tenu des résultats de la société Tina mis en évidence par l'expert pour les années 1996 à 2003, que la société Tina n'a subi aucun préjudice du fait de la rupture anticipée du contrat,

- fixer à 18.178,43 € le solde créditeur de la société Tina, tel qu'il ressort du relevé de compte du 16 novembre 2006.

La société Esso soutient que la clef de répartition de 70 % retenue par l'expert dans sa note de synthèse, qu'elle avait acceptée dans son dernier dire du 15 avril 2008, a été modifiée par l'expert, sans qu'il lui ait été donné l'occasion de répliquer sur ce point.

Elle soutient que le mandataire ne ne peut s'exonérer de sa responsabilité et faire supporter au mandant les pertes dont celui-ci n'a pas la maîtrise et, qu'en l'espèce, le mandataire, et lui seul, pouvait constater des fuites dans les cuves ou éviter que soient commis des vols.

Concernant l'indemnisation de la rupture brutale du contrat, elle estime que les calculs en apparence complexes de l'expert pour arriver à cette conclusion, qui reprend des charges théoriques et une activité mandat en 2004 qui a été totalement inexistante, doivent être écartés. La société Tina compte tenu des résultats précédents du fonds, à propos desquels elle demande une indemnisation pour pertes d'exploitation, est mal fondée à prétendre avoir subi un préjudice du fait de la cessation des relations contractuelles au 12 novembre 2003.

Enfin, concernant l'apurement des comptes, elle précise que le solde créditeur de la société Tina dans les livres de la société Esso est de 18.178,43 € et que la somme de 838,88 € ajoutée par l'expert correspond en réalité à des coupons « Esso-collection » que la société Esso a remis à ses clients dans le cadre de l'opération baptisée ainsi.

Vu les dernières conclusions signifiées le 31 mai 2011 par la société Tina par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Tina au titre de la rupture anticipée du contrat au seul préjudice financier,

- condamner la société Esso à payer à la société Tina la somme de 68.811 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive et brutale du contrat avant terme,

- condamner la société Esso à payer à la société Tina la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Tina estime que la société Esso ne pouvait pas résilier le contrat à durée déterminée dont l'échéance était fixée au 26 juin 2004 par lettre du 7 août 2003 avec effet au 3 novembre 2003 au motif qu'elle souhaitait unilatéralement « modifier le mode d'exploitation » de la station-service et que la clause sur laquelle se fonde la société Esso est par ailleurs purement potestative.

Elle rappelle qu'il est de jurisprudence constante qu'en cas de rupture abusive, le préjudice de l'exploitant équivaut à la marge brute que ce dernier aurait pu réaliser si le contrat n'avait pas été rompu, soit en l'espèce 37.811 €. La brutalité de la rupture, le procédé déloyal utilisé par la société Esso et le refus de reprendre les livraisons justifient sa demande de 30.000 € au titre de son préjudice moral.

Concernant l'apurement des comptes, elle retient que la société Esso a persisté à conserver des sommes qu'elle reconnaissait pourtant lui devoir sans le moindre motif et que par la suite, la société a unilatéralement réévalué cette somme en lui facturant des jeux pour une période postérieure à la rupture des relations commerciales. Par ailleurs, conformément aux Accords Interprofessionnels du 12 janvier 1994, la société Esso doit être condamnée au paiement d'une indemnité de fermeture.

Concernant l'indemnisation des pertes du mandat, elle fait valoir que conformément à l'état du droit positif et à la jurisprudence y afférent, les pertes du mandat doivent clairement être mises à la charge de la société Esso. Elle ajoute que, l'activité quasi exclusive de la station service étant de vendre du carburant, la clef de répartition de 75 % est particulièrement favorable à la société Esso.

Enfin, elle fait valoir que s'agissant des installations de distributions, que ce soit l'étanchéité des cuves ou les vols de carburants, elle n'a aucune maîtrise de l'exploitation et qu'il appartenait à la société Esso de vérifier ses installations et de les modifier au besoin, le mandant ne pouvant faire supporter au mandataire les pertes dont il n'a pas la maîtrise.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Considérant que la société Esso n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Sur les pertes d'exploitation consécutives au mandat pour la période 1996 à 2003

Considérant que la société Esso fait grief à l'expert d'avoir retenu dans sa note de synthèse une clé de répartition entre les charges liées au mandat et celles liées aux autres activités de 70%, puis d'avoir dans son rapport retenu un taux de 75%, sans justifier de cette augmentation, alors qu'elle n'est pas négligeable puisqu'elle correspond à la somme de 108.066,76€ ;

Considérant que, dans son rapport, l'expert indique que, par un dire du 15 avril 2008, le conseil de la société Tina a fait des observations répondant à la note de synthèse qu'il avait transmise aux parties le 25 mars 2008 et qu'il a intégré l'argumentaire de celle-ci dans son rapport définitif , rapport au terme duquel il a conclu au taux de 75% ;

Considérant que la société Tina fait valoir que le pourcentage de répartition retenu finalement par l'expert reste favorable à la société Esso dans la mesure où celui-ci n'a imputé que 75% des charges au mandat alors même que, dans son dire , elle avait exposé que ce pourcentage était de 98% ce qu'elle maintient devant la cour ;

Considérant que l'expert a procédé à une analyse pertinente des deux activités exercées par la société Tina, écartant notamment les observations de la société Tina tendant à faire supporter à la seule activité de mandat des coûts financiers communs aux deux activités, comme la location de l'alarme et les frais de carte de crédit, celui-ci faisant observer que, dans la mesure où la société n'avait pas de paiement automatisé permettant le fonctionnement de la station 24/24, et que l'ensemble des achats donnait lieu à un seul paiement ; qu'il a, à juste titre, imputé les charges liées à l'utilisation de cartes de crédit aux deux activités ; que, même si, pour des raisons de sécurité, l'activité boutique devait cesser à 20h ce que l'expert a retenu comme élément d'appréciation, les salariés encaissaient les paiements au titre des deux activités ; que l'expert a tiré les conséquences de ces circonstances et a fait une juste appréciation de la répartition des charges entre les deux activités ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le chiffre avancé par l'expert ;

Considérant que la société Esso critique le rapport d'expertise en ce qu'il a estimé que les pertes de carburant devaient être intégrées à l'activité mandat, observation que le tribunal a fait sienne, alors que l'article 5.1 des conditions générales du contrat de location gérance stipule que « Esso donne mandat à la société (Tina) de vendre au détail au nom et pour le compte d'Esso les produits énergétiques définis (') pour lesquels Esso met en dépôt un stock de travail utile.

Dans le cadre de ce mandat, la société:

a la garde des produits... »;

Qu'elle fait valoir que le mandataire et lui seul peut constater des fuites dans les cuves ou éviter que soient commis des vols ;

Considérant que s'agissant de fuite dans les cuves ou de vol, celles-ci relèvent des installations, de leur entretien et de la mise en oeuvre de système de sécurité, dispositions qui incombent en premier lieu au mandant ; qu'en conséquence, la société Esso ne saurait faire subir à son mandataire des pertes qui ne résultent pas de son fait ; que dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Esso à payer à la société Tina la somme de 108 066, 76€ au titre des ses pertes.

Sur l'apurement des comptes

Considérant que la société Esso soutient que le solde créditeur de la société Tina dans ses comptes s'établit à la somme de 18 178,43€ et que, c'est à tort, que l'expert et les premiers juges l'ont fixé à 19 017,31€ soit une différence de 838,88€ ; qu'elle fait valoir que cette somme correspond à des coupons Esso-collection qui ont été remis par la société Tina à l'occasion de l'opération ainsi baptisée ;

Considérant que la société Tina demande à la cour de retenir le montant arrêté par l'expert sauf à ajouter la condamnation de la société Esso aux intérêts et a en ordonné la capitalisation, faisant valoir qu'il s'est agi de jeux postérieurs à la rupture des relations contractuelles ;

Considérant que l'expert a constaté que, alors que la société Tina avait quitté ses locaux le 30 juin 2004, c'est en janvier 2005 que la société Esso a procédé à des compensations au titre de paiements qui lui auraient été réclamés par des clients de la société Tina au titre d'une opération ponctuelle ; que l'expert a relevé que la société Esso ne lui fournissait aucun élément, ni sur l'opération alléguée , ni sur les remboursements et leurs bénéficiaires; que devant la cour, la société Esso n'apporte pas davantage d'éléments pour justifier que la compensation, qu'elle a effectuée, correspondrait à des opérations antérieures à la résiliation de sa relation avec la société Tina ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont entériné les conclusions de l'expert tendant à réintégrer cette somme au profit de la société Tina ;

Considérant que la société Tina expose qu'elle a adressé les quitus sociaux et fiscaux dès septembre 2004 ;

Considérant que l'expert rappelle que la société Esso a produit deux arrêtés de comptes, dont le dernier, en date du 16 novembre 2006, fait état d'une dette de 18 178,43€ ;

Considérant que l'article 5.2 des accords interprofessionnels dispose que :

« a)La société dispose d'un délai de quarante cinq jours pour fournir à l'exploitant les éléments nécessaires à son arrêté de compte

b)L'exploitant fera diligence pour obtenir et fournir à la société les pièces justificatives notamment : bordereau de situation fiscale, quittances d'eau, d'électricité , de gaz et de téléphone

c)Dans la mesure où le compte de l'exploitant est créditeur et compte tenu de sa situation fiscale la Société lui versera une provision dans l'attente de l'apurement de ses comptes

d)Les comptes sont apurés par la société au maximum trente jours après la réception des pièces justificatives

e) Toute somme retenue indûment au delà de ces trente jours portera intérêt au taux légal » ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Tina a rempli les obligations mises à sa charge ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'ajouter au jugement entrepris, d'ordonner le paiement d'intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2004 ainsi que leur capitalisation.

Sur la prime de fermeture

Considérant que la société Tina fait valoir que, par application des accords interprofessionnels, la société Esso devait lui verser une indemnité de fermeture ;

Considérant que le tribunal a fait droit à cette demande ; que la société Esso ne conteste pas devant la cour cette disposition.

Sur la rupture des relations commerciales

Considérant que la société Tina fait grief au jugement entrepris de ne pas avoir réparé l'intégralité de son préjudice résultant de la rupture brutale par la société Esso des relations commerciales qui duraient depuis 14 ans, 8 mois avant leur terme, la privant ainsi de la marge brute qu'elle aurait pu réaliser au cours de cette période, préjudice aggravé par le refus de la société Esso d'exécuter les décisions de justice lui ordonnant de reprendre ses livraisons de carburant ;

Considérant que la société Esso fait valoir que la société Tina, qui a subi chaque année, à l'exception de l'année 2003, des pertes d'exploitation, n'a subi aucun préjudice du fait de la résiliation anticipée du contrat et, qu'au surplus, par l'application des astreintes, elle a bénéficié d'une rémunération supérieure à celle qu'elle aurait pu escompter d'une poursuite d'activité ;

Considérant qu'il ressort de l'expertise que, d'une part, l'activité résultant du mandat en 2003, année précédant la résiliation, d'autre part, celle résultant des autres activités complémentaires, boutique et lavage, ont été bénéficiaires.

Considérant que la poursuite de l'activité mandat de la société Tina, au cours de l'année 2004, a été manifestement entravée par la société Esso qui a cessé de l'approvisionner à compter du 6 novembre 2003, de sorte qu'elle n'a plus eu de carburant dans ses cuves dès le 8 novembre 2003 ; que, si par ordonnance du 28 novembre 2003, la société Esso a été condamnée sous astreinte à reprendre ses livraisons, elle n'a pas exécuté cette décision qui a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 février 2004, sans pour autant qu'elle ait alors repris ses livraisons ; que, de ce fait, ses autres activités ont également dû cesser ;

Considérant que la société Esso ne saurait arguer de sa mauvaise foi manifeste, qui l'a conduite à ne pas exécuter les décisions de justice, pour prétendre que le montant des astreintes aurait constitué une contrepartie supérieure aux charges qui auraient été celles de la société Tina si celle-ci avait poursuivi ses activités jusqu'au terme contractuel ; qu'en effet, elle ne peut préjuger du chiffre d'affaires qu'aurait pu réaliser la société Tina si elle avait été régulièrement livrée, d'autant que son activité mandat n'était pas déficitaire en 2003 et que celle hors mandat avait toujours été bénéficiaire ; que, par son obstruction, elle a entrainé une désaffection de la station, privant celle-ci de toute activité ;

Considérant que l'expert a constaté que la société Tina n'avait plus eu d'activité hors mandat au cours de l'exercice 2004 ; qu'il a chiffré à 71 370€ la marge brute annuelle réalisée par la société Tina hors mandat sur la période 2000-2003 ; qu'il a chiffré l'économie de charges réalisée par la société Tina sur la période du 13 novembre 2003 au 30 juin 2004 au prorata de cette activité et qu'il a pu ainsi, de manière cohérente, chiffrer la perte d'exploitation subie par la société du fait de l'absence d'activité hors mandat à la somme de 21 298€ ;

Qu'il a constaté que ces charges avaient continué d'être supportées par la société au titre de l'activité de mandat en 2004 qu'il a effectivement déduit des charges au titre de l'activité mandat et conclut qu'il en résulte une perte d'exploitation supplémentaire liée à l'activité mandat de 16 513€ ;

Considérant que l'expert n'a pas, à juste titre, pris en compte de prétendus salaires que la gérante n'aurait pas perçus jusqu'au terme du contrat, dans la mesure où la société Tina n'a pas justifié de l'existence de salaire au profit de celle-ci durant la période d'exécution du contrat ;

Considérant que, c'est par une analyse pertinente des éléments chiffrés communiqués, que l'expert a pu constater que la société Tina avait dégagé une marge brute d'exploitation de la station pour la période de novembre 2003 à juin 2004 et a exactement chiffré à la somme de 37 811€ le préjudice subi par la société Tina au titre de l'ensemble de ses activités ;

Considérant que la société Tina, qui a été brutalement privée de ses livraisons de carburant et qui n'a pu obtenir exécution des décisions de justice ordonnant leur reprise, a manifestement subi un préjudice moral dans la mesure où elle n'a plus pu satisfaire sa clientèle ; que la cour estime à la somme de 30 000€ le montant de la réparation due à ce titre ; qu'il y a lieu d'ajouter au jugement entrepris de ce chef de préjudice.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société Tina a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif .

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré, sauf à y ajouter

DIT que les intérêts au taux légal sur les sommes de :

108 066,76€

9909,18€

19 017,31€

courront à partir du 1er novembre 2004 et produiront eux mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

CONDAMNE la société Esso à payer à la société Tina la somme de 30 000€ au titre de son préjudice moral

CONDAMNE la société Esso à payer à la société Tina la somme de 15 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Esso aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/23488
Date de la décision : 30/05/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°10/23488 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-30;10.23488 ?
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