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20/06/2013 | FRANCE | N°11/02913

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 20 juin 2013, 11/02913


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 20 JUIN 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02913



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2011 - Tribunal de Commerce de PARIS - SIXIÈME CHAMBRE - RG n° 2008078267





APPELANTS



SARL ALTER NEGO prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
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[Adresse 1]

[Localité 1]



Monsieur [Q] [F]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]



Représentés par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, t...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 20 JUIN 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02913

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2011 - Tribunal de Commerce de PARIS - SIXIÈME CHAMBRE - RG n° 2008078267

APPELANTS

SARL ALTER NEGO prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

Monsieur [Q] [F]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représentés par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

Assistés de Me Julien AUGAIS de Gate Avocats( avocat au barreau de PARIS )

INTIMÉE

SA EURONEXT PARIS

Ayant son siège social

[Adresse 2],

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par la SCP FISSELIER en la personne de Me Alain FISSELIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

Assistée de Me Sylvie MORABIA ( avocat au barreau de PARIS, toque : T 12 )

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia POMONTI, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La société Euronext est une « entreprise de marché » selon la définition qu'en donne l'article L. 441-1 du code monétaire et financier. Elle a pour activité principale « d'assurer le fonctionnement d'un marché réglementé d'instruments financiers » en France et délivre à ce titre la carte professionnelle de négociateur pour compte propre (NCP) aux personnes qui après avoir réussi un examen professionnel pour exercer cette activité, ont été agrées par l'Autorité des Marchés Financiers (l'AMF). Elle conclut avec ceux-ci des conventions d'adhésion de négociation pour compte propre sur les différents marchés dont elle a la charge.

De 2000 à 2003, la société Octopus Trading, dont le gérant était M. [F], a exercé l'activité de NCP. En novembre 2003, M. [F] a cédé ses titres dans la société Octopus Trading à la société Teleconsult et par une lettre du 5 janvier 2004, il a informé la société Euronext de sa volonté d'« interrompre » son activité de NCP.

En mars 2004, M. [F] a créé la société Alter Nego et il a, à la fin du mois d'août de la même année, demandé à la société Euronext d'agréer cette société en qualité NCP et la signature d'une convention. Cette demande a été acceptée par la société Euronext le18 février 2005 et une convention d'adhésion a été conclue le même jour.

En avril 2003, la société Euronext avait modifié la tarification des opérations de négociation tout en maintenant l'ancienne tarification pour les NCP agréés à cette date (les NCP historiques). Cette nouvelle tarification a été appliquée à la société Alter Nego, en dépit des réclamations de M. [F] qui réclamait que la nouvelle société puisse bénéficier de la tarification appliquée à la société Octopus Trading.

Soutenant que la société Euronext n'avait pas respecté ses obligations légales de loyauté et de neutralité en mettant en place deux tarifications différentes applicables à une même catégorie de membres de marché, et qu'elle avait abusé de sa position dominante en rendant impossible, par leur impact financier, l'exercice de leur activité par les nouveaux NCP, la société Alter Nego et M. [F] ont fait assigner, le 27 octobre 2008, la société Euronext devant le tribunal de commerce de Paris en réparation.

Par un jugement prononcé le 21 janvier 2011, le tribunal de Commerce de Paris a :

- dit M. [F] irrecevable en son action,

- dit que la SA Euronext Paris n'a pas manqué à son obligation d'information et de transparence,

- dit qu'en fixant une nouvelle tarification à l'égard des négociateurs pour compte propre ou dealers, la SA Euronext Paris n'a pas exploité de façon abusive sa position dominante,

- dit qu'en ne mettant pas fin ' éventuellement de façon progressive ' à l'ancienne tarification appliquée aux NCP dits historiques, la SA Euronext Paris n'a pas respecté ses obligations de neutralité et d'équité,

- débouté la SARL Alter Nego de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté la SARL Alter Nego de sa demande de nomination d'un expert financier

- débouté la SA Euronext Paris de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la SARL Alter Nego de sa demande de publication,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires aux présentes dispositions, y compris celles fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Vu l'appel interjeté le 16 février 2011 par la société Alter Nego et M. [F] contre cette décision ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 12 mars 2013 par la société Alter Nego et M. [F] qui demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu que la société Euronext avait violé ses obligations de neutralité et d'équité,

- dire et juger M. [F] et la société Alter Nego recevables en son action,

- dire et juger que la société Euronext a commis de nombreuses fautes qui ont causé un préjudice considérable tant pour M. [F] que pour la société Alter Nego,

En conséquence,

- condamner la société Euronext à payer, en réparation intégrale des préjudices subis, la somme de :

. 3.769.644 € à titre de dommages et intérêts à la société Alter Nego,

. 1.500.000 € à titre de dommages et intérêts à M. [F],

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais de la société Euronext sur le site internet de l'entreprise de marché et l'AMF pendant une durée de 6 mois, dans les Echos, la Tribune, le Monde, le Financial Times, le Wall Street Journal, l'Echo du TIJD, Het Financieele Dagblad,

- débouter la société Euronext de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Euronext à payer respectivement à M.[F] et la société Alter Nego la somme de 25.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

M. [F] soutient que son action doit être déclarée recevable. Il fait valoir à ce titre que les premiers juges ont opéré une confusion entre les notions d'intérêt et de qualité à agir, cette dernière n'étant pas applicable à l'espèce. Il précise qu'il est titulaire de la carte professionnelle de NCP, qu'il est caution solidaire et indivisible et qu'il a subi un préjudice moral à raison des fautes commises par la société Euronext.

La société Alter Nego et M. [F] soutiennent que la société Euronext a violé les obligations qui lui sont imposées par le code monétaire et financier et le règlement général de l'AMF.

Ils reprochent en particulier à la société Euronext de ne pas avoir identifié, prévenu et géré un conflit entre ses propres intérêts et les leurs, ainsi que de leur avoir imposé un traitement non transparent et discriminatoire.

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 avril 2013 par la société Euronext qui demande à la Cour de :

A titre liminaire :

- déclarer M. [F] irrecevable en son action,

A titre principal:

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de paris en ce qu'il a déclaré M. [F] irrecevable et a débouté M. [F] et la société Alter Nego de l'intégralité de leur action,

- déclarer M. [F] et la société Alter Nego mal fondés en leur action,

- les débouter en conséquence de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner M. [F] et la société Alter Nego au paiement d'une somme de 25.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile à raison des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Euronext.

La société Euronext soutient que l'action de M. [F] n'est pas recevable dans la mesure où il n'est pas personnellement négociateur pour compte propre. Elle fait valoir à ce titre que M. [F] a conclu une convention d'admission au nom et pour le compte de la société Alter Nego en sa qualité de gérant et non à titre personnel.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas manqué à ses obligations spécifiques et qu'elle n'a mis en 'uvre aucune pratique discriminatoire. Elle indique que l'habilitation de la société Octopus Trading avait été retirée à la seule initiative de M. [F] et que les délais d'admission varient selon la qualité, la pertinence et la fiabilité des informations communiquées et correspondent à un examen approfondi des caractéristiques du demandeur. Elle ajoute que la société Octopus Trading et M. [F] avaient connaissance de l'évolution tarifaire intervenue en 2003, un an avant la candidature de la société Alter Nego, et précise qu'elle n'était pas informée par M. [F] de son projet de création d'une nouvelle société.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action de M. [F]

La société Euronext soutient que M. [F] est irrecevable dans la mesure où seule la société Alter Nego qui a la qualité de NCP et qui est signataire de la convention d'adhésion a qualité pour agir et que sa qualité de gérant qu'il n'a d'ailleurs pas perdue est insuffisante à démontrer qu'il aurait subi un préjudice moral du fait des pratiques qu'il dénonce.

Il résulte des pièces produites et relatives à l'agrément de la société Alter Nego par l'Autorité des marchés financiers et par la société Euronext que seule la société Alter nego a été agréée par l'AMF et admise à exercer l'activité de NCP par la société Euronext. De plus, par une lettre du 9 mars 2005, la société Euronext a indiqué à M. [F] que l'inscription sur le registre des cartes professionnelles avait « (') été transférée de Octopus Trading (') vers Alter Nego pour les marchés Matif et Monep ». Il s'en déduit que seule la société Alter Nego a qualité pour demander réparation d'un éventuel préjudice qui lui aurait été causé par les pratiques dénoncées, relatives à l'application d'une tarification discriminatoire concernant les opérations réalisées sur les marchés dérivés dont elle a la charge, ainsi que les conditions dans lesquelles le changement de tarification est intervenu. Cependant, la réglementation de l'activité sur ces marchés impose qu'elle soit exercée par une personne ayant réussi un examen spécifique et qui agit au sein d'une société. Tel est le cas en l'espèce de M. [F] qui a fait bénéficier la société Alter Nego de sa réussite à l'examen professionnel de NCP pour lui permettre d'exercer l'activité de NCP à laquelle elle a été admise. Il en résulte une forte imbrication des intérêts de la personne physique et de la personne morale. En l'espèce, M. [F] agit à titre personnel en réparation du préjudice que lui auraient causé les fautes qu'il impute à la société Euronext. Il agit ainsi non en qualité de gérant ou d'associé de la société Alter Nego, mais en son nom propre, et a par conséquent qualité pour agir en ce qui concerne le préjudice propre qu'il impute aux fautes commise par la société intimée.

Le jugement sera donc réformé sur ce point.

Sur les fautes reprochées à la société Euronext

La société Alter Nego et M. [F] reprochent à la société Euronext un ensemble de comportements qui seront examinés ci-dessous et par lesquels elle n'aurait pas respecté les dispositions de l'article L. 421-11.1 du code monétaire et financier qui lui imposent de prendre les dispositions nécessaires en vue de « Détecter, prévenir et gérer les effets potentiellement dommageables, pour le bon fonctionnement du marché réglementé ou pour les membres du marché, de tout conflit d'intérêts entre les exigences de bon fonctionnement du marché réglementé qu'elle gère et ses intérêts propres ou ceux de ses actionnaires ». Ils indiquent qu'à ces prescriptions s'ajoutent celles prévues par les articles 521.3 à 5 du règlement général de l'AMF qui lui imposent d'exercer son activité « avec diligence, loyauté, neutralité et impartialité dans le respect de l'intégrité du marché », d'établir et maintenir opérationnelle une « politique efficace de gestion des conflits d'intérêts qui doit être fixée par écrit et être appropriée au regard de sa taille de son organisation et de l'ensemble de ses activités » et enfin, d'identifier « (') les situations qui donnent ou sont susceptibles de donner lieu à un conflit d'intérêts comportant un risque sensible d'atteinte aux intérêts d'un ou plusieurs de ses membres ».

Il soutiennent que la société de marché leur aurait délibérément menti sur la coexistence d'une double tarification du fait du maintien de la tarification particulière applicable aux NCP historiques dans le but avoué de s'éviter des demandes indemnitaires de la part de ces derniers et préserver ses intérêts commerciaux au détriment de ses engagements d'entreprise unique de marché.

Il résulte cependant des pièces produites que M. [F] a, à partir du mois de janvier 2001, exercé l'activité de NCP par l'intermédiaire de la société Octopus Trading qui était titulaire de l'agrément de l'AMF et de l'admission de la société Euronext, ainsi que de la carte professionnelle de NCP. En novembre 2003, il a cédé ses parts dans la société Octopus Trading et a, par lettre du 5 janvier 2004, averti la société Euronext de ce qu'il souhaitait « interrompre » son activité de négociation pour compte propre à compter du 31 janvier 2004 et que celle-ci lui a précisé que la cessation temporaire de l'activité n'entraînerait le retrait de la carte professionnelle qu'au 31 janvier 2005. Par lettre du 9 décembre 2004 l'AMF lui a fait connaître que la société Alter Nego était habilitée à devenir membre du Monep et du Matif et qu'elle pouvait dès lors demander à être admise par Euronext en qualité NCP. Cette lettre lui demandait, toutefois, de confirmer que la société Octopus trading devait faire l'objet d'un retrait d'habilitation, ce qu'il a fait dans une lettre du 13 décembre suivant. Par une lettre du 18 février 2005, la société Euronext a confirmé à la société Alter Nego l'acceptation de sa demande d'adhésion et qu'elle devenait « (') « dealer » sur les marchés dérivés d'Euronext Paris traitant de contrats à terme financiers sur actions et sur marchandises à compter du 18 février 2005 (...) », puis dans un courrier du 9 mars 2005, adressé à M. [F], la société Euronext l'a informé que son « (') inscription sur le registre des cartes professionnelles a été transféré de Octopus Trading EURL vers Alter Nego SARL ».

Le déroulement de ces circonstances fait apparaître que si la société Alter Nego a bénéficié du transfert de la carte professionnnelle de M. [F] qui était jusqu'alors exploitée par la société Octopus Trading, ceci n'a pu être réalisé qu'à la condition d'un retrait de l'habilitation d'exercer l'activité de NCP, dont bénéficiait cette dernière. Ainsi, les sociétés Octopus Trading et Alter Nego qui sont deux personnes morales autonomes, n'ont aucun lien entre elles, la seconde ayant dû requérir et obtenir une habilitation propre.

Par ailleurs, la société Euronext a par lettre du 5 février 2003 adressée aux « membres des marchés dérivés d'Euronext Paris », informé ceux-ci que les instruments financiers à terme allaient « migrer » du Matif et du Monep vers une plate-forme électronique dénommée « Life Connect » et que ce changement avait pour effet de rendre caducs les accords souscrits entre elle et les membres pour leur connexion aux plates-formes de négociation. La société Euronext invitait les membres agréés en qualité de NCP à se rapprocher de leur compensateur respectif par l'intermédiaire duquel ils seraient « techniquement connectés à la nouvelle plate-forme « Liffe-Connect » pour connaître les modalités financières et juridiques de leur connexion ».

Il ressort des termes de cette lettre que les NCP ont été informés de la modification tarifaire que la société Alter Nego et M. [F] reprochent à la société Euronext de leur avoir dissimulée, puisque pour continuer leur activité, ils devaient se rapprocher de leurs compensateurs pour connaître les nouvelles conditions tarifaires de leurs activités auprès de la société Euronext. Par ailleurs, il n'est pas contesté qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les conditions financières applicables aux nouveaux entrants étaient affichées sur les sites internet de la société Euronext et de la société LCH Clearnet. En outre, M. [F] n'a informé la société de marché que de ce qu'il souhaitait suspendre son activité et non de ce qu'il avait cédé ses parts dans la société Octopus Trading et entendait reprendre ensuite son activité avec une autre société. Il ne saurait, dans ces circonstances, lui reprocher l'application d'un tarif moins favorable à son activité que celui qu'il avait connu auparavant et d'avoir à ce sujet méconnu ses obligations d'identifier, prévenir et gérer un conflit d'intérêts entre elle et la société Alter Nego qui n'avait pas de raison d'exister puisque M. [F] ne l'avait pas mise en mesure d'appréhender cet éventuel conflit, avant qu'il n'émerge.

Les parties ne contestent pas qu'à compter du mois d'avril 2003, le nouveau tarif des échanges sur le marché des instruments dérivés d'Euronext n'a pas été appliqué aux NCP qui avaient été admis à opérer sur ce marché sous le régime antérieur (les NCP historiques). Par une lettre du 14 septembre 2004, la société Euronext a expliqué à M. [F] les raisons pour lesquelles, elle refusait à la société Alter Nego le bénéfice du tarif applicable aux NCP historiques. Elle a précisé à ce sujet que l'article 3101 des règles du marché disposent que la qualité de membre des marchés d'instruments dérivés d'Euronext, ou tout droit à l'activité de négociation découlant de cette activité, ne peuvent d'aucune manière être transférés par ou pour le compte du membre des marchés d'instruments dérivés d'Euronext. Elle a ajouté à cet argument de texte qu'en qualité d'opérateur de marché règlementé, elle ne pouvait déroger aux règles fixées aux seules fins de rendre des services d'optimisation patrimoniale ou fiscale et ne pouvait créer des situations particulières qui aboutiraient à des différences de traitement dans la catégorie unique des négociateurs pour compte propre. C'est donc, contrairement à ce que soutiennent la société Alter Nego et M. [F], le refus d'opérer des discriminations dans l'application des règles financières liées à l'activité de NCP qui justifie le refus d' appliquer à la société Alter Nego les conditions tarifaires antérieures au mois d'avril 2003.

Il ressort des explications données et des pièces produites par les parties que le maintien de la tarification antérieure a été décidée par l'entreprise de marché dans l'objectif ne pas faire supporter aux NCP, qui avaient pris des risques patrimoniaux conséquents et reconnus, et jusqu'alors lui avaient été utiles pour le bon fonctionnement du marché des produits dérivés, les conséquences de l'apparition des automates de négociation qui pouvaient réaliser un nombre beaucoup plus élevé de négociations. Cette pratique parfaitement légitime au regard des obligations imposées à cette société de marché de prévenir les conflits d'intérêts entre elle et ses membres et de veiller au bon fonctionnement de celui-ci, nécessite, toutefois, sous peine de devenir discriminatoire, l'application objective du critère d'ancienneté par lequel elle justifie la coexistence des deux tarifs. Dès lors, c'est de façon légitime qu'elle a refusé à la société Alter Nego, nouvelle intervenante sur le marché des NCP, de lui appliquer l'ancien tarif seulement applicable aux NCP historiques. Il convient, par ailleurs, de relever que la société Alter Nego et M. [F] ne démontrent pas que le tarif ancien aurait été appliqué à des NCP qui seraient intervenus sur le marché des instruments dérivés après le mois d'avril 2003, la seule exception reconnue par la société Euronext concernant une personne qui avait demandé son admission avant l'application du nouveau tarif et qui ne l'aurait obtenue que quelques semaines après. En outre, la société Alter Nego et M. [F] ne peuvent soutenir qu'ils auraient, du fait de l'application de la nouvelle tarification, subi un « handicap concurrentiel » face aux NCP historiques, dans la mesure où ces opérateurs qui investissent pour leur compte propre, ne peuvent offrir leurs services sur le marché des produits dérivés d'Euronext à des personnes tierces et ne se trouvent donc pas en situation de se faire concurrence sur un marché.

Enfin c'est de façon infondée que la société Alter Nego et M. [F] reprochent à la société Euronext d'avoir tardé à mettre en 'uvre la procédure d'admission, alors même que la situation particulière qu'ils invoquaient nécessitait d'examiner la question d'application de l'ancien ou de nouveau tarif et du transfert de l'agrément obtenu par une société à une autre. En effet, il résulte des pièces produites par la société Alter Nego et M. [F], que la demande a été déposée entre la fin du mois d'août et le début du mois de septembre 2004, soit à une date postérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle tarification, qu'elle a été instruite immédiatement, mais a été retardée par l'examen de la question de savoir si la nouvelle société créée par M. [F] pouvait bénéficier du transfert de la carte professionnelle de NCP qui avait été délivrée à la société Octopus Trading, ainsi que de la coexistence de ces deux sociétés (pièces des appelants n° 18, 19, 20, 21). Cette question étant réglée, la demande a été adressée par la société Euronext à la fin du mois d'octobre à l'AMF qui a délivré son agrément le 9 décembre 2004 et la société Alter Nego a reçu l'approbation de la société Euronext le 18 février 2005, puis son inscription sur le registre des cartes professionnelles le 9 mars suivant. Il n'apparaît pas que ce délai ait, compte tenu de la difficulté résultant de la question du transfert, été particulièrement long par rapport à celle de 4 mois dans laquelle la société Althos trading, que les appelants citent à titre de comparaison, a obtenu son admission auprès d'Euronext.

La société Alter Nego et M. [F] ne sont donc pas fondés à reprocher à la société Euronext d'avoir manqué de neutralité et de transparence, d'une part dans le maintien au profit des NCP historiques de la tarification antérieure au mois d'avril 2003, d'autre part, dans l'application à la société Alter Nego des tarifs applicable après cette date, ni de leur avoir manifesté déloyauté et partialité ou encore de leur avoir imposé un traitement discriminatoire.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a dit qu'en ne mettant pas fin ' éventuellement de façon progressive ' à l'ancienne tarification appliquée aux NCP dits historiques, la SA Euronext Paris n'a pas respecté ses obligations de neutralité et d'équité.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner si les comportements examinés ci-dessus ont causé préjudice à la société Alter Nego ou à M. [F] dont les demandes seront donc rejetées.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il n'apparaît pas justifié de laisser à la charge de la société Euronext l'ensemble des frais qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits et la société Alter Nego et M. [F] seront solidairement condamnés à lui verser la somme globale de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des premiers juges,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DIT que M. [F] est recevable à agir contre la société Euronext ;

REJETTE toutes les demandes de la société Alter Nego et de M. [F]

CONDAMNE la société Alter Nego et M. [F] solidairement à payer à la société Euronext la somme globale de 10 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraire des parties ;

CONDAMNE la société Alter Nego et M. [F] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/02913
Date de la décision : 20/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°11/02913 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-20;11.02913 ?
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