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11/09/2013 | FRANCE | N°11/10848

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 11 septembre 2013, 11/10848


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1



ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/10848



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2011 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 08/15065





APPELANTE



Madame [O] [U]

[Adresse 2]

[Localité 2],

Comparante en personne>
Assistée de Me Michel FILLIOZAT (avocat au barreau de PARIS, toque : C2281)





INTIMEE



Association BOUTIQUES DE GESTION PARIS ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Is...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/10848

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2011 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 08/15065

APPELANTE

Madame [O] [U]

[Adresse 2]

[Localité 2],

Comparante en personne

Assistée de Me Michel FILLIOZAT (avocat au barreau de PARIS, toque : C2281)

INTIMEE

Association BOUTIQUES DE GESTION PARIS ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Isabelle SANTESTEBAN (avocat au barreau de PARIS, toque : G0874)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire et Madame Claire MONTPIED, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Irène CARBONNIER, président

Claire MONTPIED, conseiller

Claude BITTER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Nathalie GIRON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène CARBONNIER, président et par Mme Nora YOUSFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement prononcé le 7 juillet 2011 par le conseil de prudhommes de Paris, ayant débouté Mme [O] [U] de ses demandes en paiement de salaires et congés payés calculés en application de la convention collective de la formation (niveau G), ainsi que de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral, l'Association Boutiques de gestion Paris Ile-de-France de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'appel interjeté par Mme [O] [U] et ses conclusions d'appelante tendant à voir juger que la convention collective des organismes de formation est applicable à l'association «'Boutiques de Gestion Paris Ile-de-France'» et que cette dernière a commis des actes de harcèlement moral à l'encontre de Mme [U], en conséquence, requalifier le contrat à durée déterminée du 2 septembre 2004 en contrat à durée indéterminée, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, condamner l'association à lui payer les sommes de :

- 32 484,52€ à titre de rappels de salaires de 2004 à mai 2013, outre la somme de 3 248,45€ au titre des congés payés afférents,

- 60 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 34 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9 854,10€ à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- 5 637,36€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 563,73€ au titre des congés payés afférents,

- 3 000€ à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

- 3 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions développées à l'audience par l'association «'Boutiques de Gestion Paris Ile-de-France'» (BGPaRIF) qui demande la confirmation du jugement, le débouté de Mme [U] de ses demandes nouvelles et sa condamnation à lui payer la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Considérant que, par contrat du 2 septembre 2004, l'association Entreprendre en Seine-et-Marne a embauché Mme [O] [U] jusqu'au 31 décembre 2004 en remplacement d'un conseiller senior en arrêt maladie pour 39 heures de travail et un salaire brut de 2 001€, outre les tickets restaurants et une prime de fin de contrat ;

Que, suivant contrat de travail à durée indéterminée, l'association a engagé Mme [U] à compter du 1er décembre 2004 pour exercer la fonction de conseiller senior aux mêmes conditions, notamment de rémunération, que précédemment ;

Que les bulletins de paie remis par Entreprendre en Seine-et-Marne de septembre 2004 à septembre 2005, qui font état d'un statut cadre, échelon C, se réfèrent à la convention collective des'organismes de formation'; que les bulletins de paie à compter du mois d'octobre 2005 ne se réfèrent plus qu'au code du travail ;

Considérant qu'il est établi qu'une opération de fusion-absorption a réuni, en mai 2006, l'association Entreprendre en Seine-et-Marne-Boutique de gestion à la Boutique de gestion de Paris et sa Région et à la Boutique de gestion de l'Essonne pour former l'association Boutiques de gestion PaRIF (BGPaRIF) ; que cette dernière a repris le contrat de travail de Mme [U], laquelle fait encore partie des effectifs de l'association, percevant un salaire mensuel brut de 2 459,28 € ;

Considérant, sur la demande présentée pour la première fois en cause d'appel d'indemnité de requalification, que [O] [U] sollicite la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat'de travail à durée indéterminée ;

Mais considérant que l'article L 1242-12 du code du travail énonce que le contrat de travail à durée déterminée comporte la définition précise de son motif, à défaut de quoi, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; que s'il s'agit d'un contrat de remplacement, l'absence de la mention du nom et/ou de la qualification du salarié remplacé entraîne la requalification du contrat ;

Qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de requalifier en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée de [O] [U], qui comporte l'indication précise de la qualification du conseiller senior remplacé durant les deux mois de son arrêt maladie ;

Considérant que Mme [U] invoque ensuite l'application de la convention collective des organismes de formation, plus favorable que le code du travail, à laquelle son employeur serait assujetti compte tenu de son activité principale ;

Qu'elle fait en effet valoir que les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées par les boutiques de gestion aux créateurs ou repreneurs d'entreprise, initialement assimilées à des actions de formation, sont, depuis la loi n°2005-882 du 2 août 2005, légalement définies comme des actions de formation professionnelle continue ; qu'elle conclut de cet élargissement du champ d'application que cette convention collective serait indiscutablement applicable à la BGPaRIF ;

Considérant que la convention collective applicable, aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail, est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur ;

Que la convention collective des organismes de formation du 10 juin 1988, étendue par arrêté du 16 mars 1989 (modifiée en dernier lieu par un accord du 9 juin 1998), règle les rapports entre les employeurs et les salariés des organismes privés de formation ; qu'aux termes de son article 1er, elle concerne les organismes qui assurent, à titre principal, l'activité de formation de personnes au travail souhaitant actualiser, élargir leurs connaissances ou augmenter leurs possibilités de promotion (conformément aux lois, règlements et conventions relatifs à la formation professionnelle continue) ou à la recherche d'un emploi pour augmenter leurs chances de trouver ou de retrouver une activité professionnelle ; que cet article précise que ces organismes peuvent relever notamment de l'un des codes APE (NAF) suivants : 804 C, 804 D, 913 E ; qu'il ajoute que les dispositions qu'elle contient ne s'étendent pas aux intervenants occasionnels tirant l'essentiel de leurs revenus d'une activité professionnelle autre que celle exercée pour le compte des organismes de formation qui les emploient et ne font pas obstacle au recours, par les organismes de formation, à des interventions effectuées par des personnes physiques ou morales agissant en tant que prestataires indépendants ;

Que, si l'article L. 6313-1 du code du travail établit une liste des actions de formation auxquelles les salariés ont accès au titre de la formation professionnelle continue prévue par le livre troisième de la sixième partie du code du travail, où figurent aux côtés d'une douzaine d'autres «'les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité'», seraient-elles soumises aux mêmes règles de TVA et au contrôle administratif et financier de l'État rappelé par la circulaire DGEFP n°2006-35 du 14 novembre 2006 invoquée par l'appelante, ces actions inscrites dans la loi au titre du droit à la formation professionnelle ne constituent pas une définition de la formation continue s'imposant à la convention collective des organismes de formation, laquelle convention détermine elle-même son champ d'application en termes d'activités économiques ;

Que tout en admettant que le code n°913 E de l'association Entreprendre en Seine-et-Marne était bien visé par la convention collective des organismes de formation, la BGPaRIF relève que son code est celui des «'autres activités de soutien aux entreprises'» (8299Z), avant d'avoir été celui des «'services annexes à la production'» (748K), qui ne sont ni l'un, ni l'autre visés par la convention collective ;

Qu'en tout état de cause, ainsi que le relève à juste titre l'association intimée, ces références n'ont qu'une valeur indicative, l'application d'une convention collective au personnel d'une entreprise dépendant d'abord de l'activité principale effectivement exercée par celle-ci ;

Considérant qu'il est constant, comme ressortant notamment de l'instruction H-5-98 du 15 septembre 1998 applicable au réseau des boutiques de gestion que, participant au développement ou au maintien d'une économie locale, leur objet est l'aide et le conseil à la création d'entreprise à fin d'insertion des personnes en difficulté dans une vie économique normale et que leur action consiste essentiellement, par une démarche globale, à accompagner, dans le cadre d'entretiens individuels, les porteurs de projets de création d'entreprise qui leur sont adressés par les services sociaux et à leur transmettre une culture économique et entrepreneuriale ;

Qu'il résulte de la liste détaillée des actions de développement et des comptes rendus de réunions de travail tenues en Seine-et-Marne que les missions effectives des conseillers consistent, en partenariat avec l'ensemble des acteurs locaux, à structurer des projets en vérifiant leur faisabilité commerciale, en définissant une stratégie commerciale, en analysant leur viabilité économique et financière, en étudiant le statut juridique le plus adapté, en recherchant les financements nécessaires, avant de les faire valider par un comité d'experts en vue de l'obtention d'un label ;

Qu'il apparaît ainsi que l'activité de la BGPaRIF, si elle englobe des prestations de «'formation à la gestion'» à l'usage des porteurs de projets et des créateurs d'entreprise, n'est pas principalement une activité de formation mais que celle-ci constitue une activité annexe à son champ d'application professionnelle ; que l'expert comptable de la BGPaRIF a d'ailleurs attesté que l'activité «'formation'» ressortait à 4,58 % des recettes en 2006 et à 8,27 % des recettes en 2007, tandis que le commissaire aux comptes d'Entreprendre en Seine-et-Marne a certifié que les éléments comptables relatifs au chiffre d'affaires «'formation'» au titre des exercices 2003 à 2005 étaient de relativement faible importance (12 à 17%) au regard du chiffre d'affaires de l'association ;

Considérant, sur l'application volontaire de la convention par l'employeur, que la mention de la convention collective des organismes de formation sur le contrat de travail d'un salarié conclu en 2003 ou sur les propres bulletins de paie de Mme [U] de septembre 2004 à septembre 2005, en cohérence chronologique avec les données ressortant d'une ordonnance de référé prudhomal de Melun du 20 octobre 2005 faisant état de la même convention collective sur le contrat de travail d'une autre salariée depuis son embauche le 22 février 2005 jusqu'à la fin de la relation contractuelle le 6 octobre 2005, ne peut être confortée par deux attestations versées pour la salariée par Mmes [J] [S] et [D] [F] qui ont certifié avoir vu sur le panneau d'affichage l'indication que la convention collective applicable était celle des organismes de formation, la première depuis son embauche le 24 avril 2006, la seconde du 9 décembre 2005, date de son embauche, jusqu'au 12 janvier 2007, date à laquelle le secrétaire général de la boutique l'aurait effacée ; que ces attestations, qui tentent d'étayer les mentions portées sur les bulletins de paye, manquent singulièrement de vraisemblance, portant sur des faits postérieurs à la date des bulletins de paie et de la décision prudhomale de 2005 et seront donc écartées ; qu'une manifestation claire et non équivoque de volonté de l'employeur d'appliquer la convention collective des organismes de formation est d'autant moins établie que les procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise de septembre 2006 à novembre 2007, comme le courrier adressé le 20 novembre 2008 par le secrétaire général de BGPaRIF à [O] [U] démontrent au contraire qu'il s'agissait-là de l'un des principaux enjeux des menées de la déléguée CGT à l'encontre de la direction de la boutique de gestion ; qu'ainsi, le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 18 septembre 2006 mentionne qu'à la question de [O] [U] : «'est-ce que l'on pourrait appliquer une convention collective à la BGPaRIF ''», le directeur général [I] [N] avait répondu : «'pour le moment on n'applique pas de convention, mais nous étudions la question'» ;

Qu'alors qu'il n'est pas démontré que l'activité principale de la BGPaRIF soit la formation, la preuve de la volonté de l'employeur d'appliquer la convention collective des organismes de formation n'est pas davantage rapportée ;

Considérant, enfin, sur la demande de Mme [U] en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, que la salariée, déléguée du personnel et membre titulaire du comité d'entreprise depuis les élections de juillet 2006, invoque des agissements répétés, brimades, agressions de tous ordres et discrimination, de son employeur ;

Que l'appelante s'appuie de façon générale sur un rapport d'audit commandé par les élus du CHSCT à Technologia en septembre 2007 qui établit la «'dégradation majeure des situations de travail dans le 77'» ;

Qu'elle relève en particulier, au titre des agissements dont elle a été victime, avoir fait l'objet, le 12 avril 2007, de propos calomnieux de la part de la directrice générale de BGPaRIF, [Q] [L], l'accusant de bloquer délibérément les négociations sur l'harmonisation des 35 heures, ce qui ressort du compte-rendu de réunion d'équipe du 19 avril 2007 signé par tous les salariés présents et qu'elle a été discréditée par les réactions indignes de la direction ; qu'elle note également que la direction lui a cherché querelle à propos d'une semaine de congés qu'elle souhaitait prendre du 13 au 18 août 2007 (équivalant à 3 jours et demi) posée et acceptée le 24 mai 2007 et qui a nécessité l'intervention de l'inspection du travail, outre nombre de courriers et plusieurs coups de téléphone en juillet-août 2007 pour qu'elle obtienne enfin satisfaction ; qu'elle ajoute que, le 18 mars 2008, après avoir vainement tenté d'obtenir le règlement de ses frais kilométriques datant de 2005, elle a dû adresser un courrier recommandé, puis saisir le conseil de prudhommes pour que l'employeur se décide à lui régler cette somme «'à titre exceptionnel'» ; qu'elle fait encore valoir que, le 11 septembre 2008, elle a reçu un mail doublé d'un courrier recommandé de la responsable de la Seine-et-Marne, Mme [M] [G], lui demandant des explications sur son remplacement le 9 septembre 2008 par une collègue pour assurer une formation à l'IUT de [Localité 3] et sur son emploi du temps à [Localité 4] ce jour-là, demande qui a été suivie d'un échange de mails agressifs du 11 au 23 septembre et de l'envoi de deux recommandés relatifs au même objet en dépit de ses précédentes explications ;qu'elle remarque aussi que, le 24 septembre 2009, M. [T], responsable de la Seine-et-Marne, qui avait envoyé un mail aux salariés de l'antenne de [Localité 4] destiné à leur présenter l'attribution des bureaux dans les nouveaux locaux, l' a reléguée, bien qu'elle fit partie des plus anciens salariés à plein temps contrairement à ses collègues occupant les deux bureaux de 15 m2, fermés et calmes, dans un box d'environ 9 m2, très bruyant et ne permettant pas la confidentialité des entretiens ; qu'ayant été conviée, le 8 octobre, par M. [T] pour un entretien destiné à trouver une solution acceptable pour chacun, elle a été très choquée du ton sarcastique dont avait usé ce dernier en lui proposant une «'mutation'», si bien qu'elle a dû lui envoyer un recommandé le 17 octobre dénonçant une fois de plus ses méthodes de déstabilisation ; qu'elle argue enfin des attestations mensongères que la direction n'a pas craint d'utiliser dans le cadre de la présente procédure en exerçant des pressions sur certains salariés, tel M. [X], M. [B] ou Mme [H] qu'elle n'a pourtant rencontrés qu'une ou deux fois ;

Qu'elle fait valoir que cette succession d'agissements, avec pour point d'orgue un mail de menaces du 16 février 2010, a eu pour objet et, en tout cas, pour effet une dégradation de ses conditions de travail ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité, altéré sa santé physique et mentale et compromis son avenir professionnel ; qu'elle justifie la dégradation de son état de santé par la production d'une décision de la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM de Seine-et-Marne du 5 novembre 2012, qui n'a fait l'objet d'aucun recours, ayant reconnu la dépression de Mme [U] comme une maladie professionnelle et par le rapport de l'expert mandaté par la compagnie d'assurance SOGECAP, le Dr [Y], qui a conclu que «dans ce type de situation, seule la rupture du lien juridique avec l'employeur permet de voir un début d'amélioration» ; qu'elle fait en définitive valoir que, de tels agissements, n'auraient-ils pas été intentionnels, engagent la responsabilité de l'employeur au titre de son obligation de sécurité de résultat ;

Considérant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par des supérieurs hiérarchiques dès lors qu'elles se manifestent à l'encontre d'une salariée déterminée et qu'elles ont été répétées dans le temps ; qu'il incombe à l'employeur de prouver que de tels faits argués par la salariée, laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, n'étaient pas constitutifs de ce comportement ;

Considérant que la BGPaRIF ne conteste pas l'existence d'un climat social difficile entre 2005 et 2007, à l'origine de l'expertise du cabinet Technologia, mais réfute l'accusation de harcèlement moral, dont le rapport de l'expert ne fait d'ailleurs pas état ;

Qu'ainsi, l'employeur réplique, au sujet de l'accusation d'avoir tenu des propos diffamatoires lors d'une réunion d'équipe le 12 avril 2007, qu'aucun des salariés présents n'en a attesté et que le compte-rendu n'en fait pas état, alors qu'au contraire Mme [U], élue et trésorière du comité d'entreprise, n'a pas hésité à prendre l'ensemble des salariés à témoin par voie de tracts, produits aux débats, critiquant la direction avec véhémence ; qu'au sujet de l'accusation de discrimination dans la prise de ses congés 2007, il relève que le président en personne a dû intervenir pour régler ce différend en expliquant la procédure par mail du 17 juillet 2007, puis en accordant de guerre lasse à la salariée une prise de congés non conforme aux procédures mises en place et annoncées par une «'réponse'» aux délégués du personnel datée du 14 mai 2007 et une note par mail sur les congés d'été en date du 16 mai 2007 imposant de prendre trois semaines pendant la période estivale ; qu'à ses yeux, le remboursement de 2 716 € de frais kilométriques demandé pour la première fois en mars 2008 a, en effet, été remboursé à titre exceptionnel eu égard à leur ancienneté, puisque ces frais avaient été engagés entre décembre 2004 et mars 2005 et qu'il n'avait pas été réclamés à l'époque de la fusion ; qu'au sujet des échanges de courriers relatifs à la journée de formation du 11 septembre 2008, il fait valoir que la supérieure de la salariée, dont cette dernière n'a supporté ni qu'elle soit à l'origine d'une cellule syndicale concurrente, ni qu'elle obtienne une promotion, n'a fait qu'user de son pouvoir hiérarchique à l'égard de cette dernière qui ne lui a envoyé avec désinvolture son planning que le 18 novembre ; que la question de la répartition des bureaux lors du changement de locaux démontre pour la BGPaRIF que la salariée cherche à «'saboter'» l'association, alors que le responsable de la boutique de Seine-et-Marne avait décidé d'attribuer les deux locaux totalement cloisonnés aux deux salariés les plus anciens et d'affecter les deux autres, l'un à Mme [U] et l'autre à lui-même et qu'il a cependant pris l'initiative d'un entretien, exclusif de toute agression verbale, pour trouver une solution qui convienne à cette dernière ; qu'enfin, il n'a jamais exercé de pression sur aucun salarié pour obtenir des attestations favorables, lesquelles ne sont pas stéréotypées mais sont corroborées par d'autres pièces de la procédure, tel le mail de M. [C] [V] en date du 5 décembre 2006 en correspondance avec son attestation ;

Qu'en réponse à l'imputation d'une dégradation de l'état de santé de Mme [U] causée par les agissements de l'employeur, celui-ci rappelle que le mail de son directeur des ressources humaines en date du 16 février 2010 annonçant à la salariée sa convocation à un entretien préalable à sanction disciplinaire est une réponse à un courrier et à un courriel adressés le 3 février par cette dernière elle-même à la directrice générale et à la présidente de la boutique, ainsi qu'au directeur des ressources humaines et aux deux responsables de la boutique de Seine-et-Marne, aux termes desquels elle leur reproche de la tenir pour une «'fauteuse de trouble'» et à la présidente de lui avoir écrit être d'accord pour une médiation, tout en souhaitant tous se débarrasser d'elle comme ils l'avaient fait d'un autre salarié, [P] [A], attendant dès lors des explications de leur part et annonçant devoir alerter le CHSCT et les inspecteurs du travail ;

Considérant qu'en l'état de ces éléments, s'il est constant que les arrêts maladie de Mme [U] du 18 novembre 2009 au 3 janvier 2010, puis du 17 février 2010 au 4 avril 2012 font état d'un état dépressif réactionnel à du harcèlement au travail et que le médecin du travail a relevé avoir vu la patiente le 16 février 2010 dans un «'état d'extrème épuisement lié à l'intensification des pressions professionnelles venant de son employeur'» au point de l'obliger à quitter son environnement professionnel en raison du risque très élevé de passage à l'acte et de ses «'idées suicidaires pour en terminer avec cette souffrance permanente liées aux conditions de travail'», puis lui prescrire un mi-temps thérapeutique du 5 avril au 16 septembre 2012 avant un nouvel arrêt maladie du 17 septembre au 20 novembre 2012 suivi d'une déclaration, le 21 novembre, d'aptitude sous réserve de ne pas effectuer un trajet domicile travail supérieur à 30 minutes, l'employeur l'ayant dispensée d'activité tout en étant payée, dans l'attente de pouvoir la reclasser, il convient de constater que la BGPaRIF rapporte en tous points la preuve que ses décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en effet, le rapport d'expertise Technologia, s'il a mis en lumière des maladresses de «'management'» dans le contexte d'une opération de fusion-absorption en 2006, avec des dysfonctionnements internes mal ressentis par les agents de la BG77 soumis à la sommation de plusieurs facteurs de tension : isolement géographique et informationnel, manque de crédit donné par la direction aux différentes alertes des élus, sentiment d'un regard négatif porté sur le travail des agents et relevé une radicalisation des postures défensives et une crise identitaire chez ce personnel en souffrance manifestée par des «'troubles cardio-vasculaires et/ou anxio-dépressifs, des certificats médicaux et déclarations d'AT'», ainsi qu'une mauvaise organisation et une absence de communication tant ascendante que descendante dans la hiérarchie, ne fait pas état de harcèlement du personnel, encore moins de harcèlement dirigée contre Mme [U], au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Que la BGPaRIF justifie par ailleurs plus particulièrement que les agissements répétés taxés de harcèlement, invoqués par Mme [U] comme ayant été commis à son encontre, ont procédé de motifs exclusifs de tout harcèlement moral, révéleraient-ils un véritable bras de fer engagé par celle-ci à l'encontre de son employeur, démultipliés par un usage inconsidéré de l'envoi de courriers recommandés avec accusé de réception ;

Considérant qu'il y a lieu de constater que l'appelante, qui invoque pourtant les conclusions du Dr [Y], expert mandaté par la SOGECAP, pour qui «'seule la rupture du lien juridique avec l'employeur (permettrait) de voir un début d'amélioration'», ne rapporte pas la preuve que ce dernier n'aurait pas exécuté ses obligations de bonne foi ;

Qu'en effet, faute d'avoir rapporté la preuve d'un harcèlement moral, l'employeur ne peut se voir reprocher la violation de son obligation de sécurité de résultat ; que s'agissant de l'obligation de reclassement, Mme [U] argue de sa mise à l'écart alors qu'elle est médicalement autorisée, depuis le 23 décembre 2011, à reprendre son travail à mi-temps, sous réserve de ne pas effectuer un trajet domicile travail supérieur à 30 minutes et qu'elle n'est plus en arrêt de travail depuis le 5 avril 2012 ;

Mais considérant que l'appelante ne peut tenir pour une mise à l'écart la nécessité pour l'employeur de se conformer aux avis médicaux tout en assurant sa formation après deux années d'éloignement de son poste de travail et en respectant les règles de son fonctionnement interne exigeant que chaque salarié dispose d'un bureau, ainsi qu'il l'a indiqué dans son courrier en réponse au mail de sa salariée du 19 avril 2012 ;

Considérant que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la BGPaRIF ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute Mme [U] de toutes ses demandes,

Déboute la BGPaRIF de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] aux entiers dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/10848
Date de la décision : 11/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°11/10848 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-11;11.10848 ?
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