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12/09/2013 | FRANCE | N°11/08640

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 12 septembre 2013, 11/08640


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2013



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/08640



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 mars 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS 9ème CHAMBRE - RG n° 2008027526





APPELANTE



SAS ADYAL FACILITIES agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qual

ité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS, toque : L00...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2013

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/08640

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 mars 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS 9ème CHAMBRE - RG n° 2008027526

APPELANTE

SAS ADYAL FACILITIES agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS, toque : L0020)

Assistée de Me Hubert MAZINGUE de la SELAFA HUBERT MAZINGUE ET ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS, toque : K0008)

INTIMÉES

SAS BULL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée et assistée de Me Bruno GREGOIRE SAINTE MARIE de la SELARL FERAL-SCHUHL SAINTE MARIE ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : J106)

SARL OZ CONSULTING

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)

Assistée de Me Rémi GIRARD de la SELARL Cabinet Rémi GIRARD (avocats au barreau de PARIS, toque : A0520)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

.

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

La société Bull avait conclu avec la société GPES, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Adyal Facilities deux contrats :

. un contrat, en date du 1er avril 1997, de mandat de gestion immobilière de divers sites appartenant à la société Bull ou à ses filiales,

. un contrat de prestations de services, en date du 1er décembre 2004, pour l'exécution des prestations de surfaces et des effectifs, la gestion des énergies et des fluides, la coordination des déménagements et des travaux courants pour 3 sites.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2006, la société Bull a fait part à la société Adyal Facilities de la résiliation du contrat de prestations de services, avec effet au 31 décembre 2006. La société Adyal Facilities a pris acte de cette résiliation par lettre du 20 juillet 2006, le contrat de mandat de gestion immobilière arrivant à échéance à cette même date du 31 décembre 2006. La société Bull a indiqué qu'elle envisageait de procéder à un appel d'offre.

Cet appel d'offre ayant été retardé, la société Bull a signé avec la société Adyal Facilities un avenant n°3 prorogeant le contrat de gestion immobilière jusqu'au 30 juin 2007, et y apportant quelques aménagements. Il était prévu que le contrat devienne ensuite à durée indéterminée, avec possibilité de dénonciation à tout moment avec un préavis de 3 mois.

Le 19 octobre 2007, la société Bull a lancé une consultation, précisant en préambule de celle-ci: «Les sites de la société Bull en France sont gérés par un prestataire mandaté ayant les fonctions de Maître d'ouvrage Délégué pour les métiers des Services Généraux, d'Administration de biens, et de Gestionnaire Technique du Batiment. Le contrat de prestataire actuel finissant au 31 décembre 2007, la société Bull recherche un nouveau partenaire pour la réalisation de tout ou partie des missions actuellement confiées. Le Titulaire du marché devra démarrer impérativement sa mission le 2 janvier 2008».

Les offres devaient être adressées à la société OZ Consulting dont la société Bull avait demandé l'assistance pour la préparation de l'appel d'offre. L'appel d'offres comportait 3 lots:

lot 1: pilotage immobilier et services généraux;

lot 2: gestion des plans, des surfaces et des effectifs;

lot 3: mandat de gestion immobilière».

Le même jour, la société Adyal Facilities a été invitée par la société OZ Consulting à répondre à cette consultation. La société Adyal Facilities a présenté une offre qu'elle a été invitée à soutenir le 6 décembre 2007, devant les représentants de la société Bull et de la société OZ Consulting.

Finalement, le 18 décembre 2007, la société Bull a notifié à la société Adyal Facilities que ses offres n'étaient pas retenues, et que le contrat prendrait fin le 31 décembre 2007 ; elle a demandé en outre à la société Adyal Facilities de mettre en oeuvre la clause de 'réversibilité des prestations', consistant à assurer la transition avec ses successeurs, qui étaient:

pour le lot 1: la société Groupe TFN Maintenance Technologique Optimisée dite MTO

pour le lot 2: la société OZ Consulting

pour le lot 3: la société Nexity Saggel Properties Management.

Le 27 février 2008, la société Adyal Facilities a assigné la société Bull, la société OZ Consulting, M. [M], la société Nexity Sagel Gestion Privée et la société Nixity Sagel Property Management devant le président du tribunal de commerce de Paris, faisant valoir, d'une part, que la société Bull n'avait pas respecté le délai de préavis de 3 mois et demandant des dommages-intérêts à ce titre, et, d'autre part, que la société Bull n'avait pas respecté les règles de la concurrence, la société OZ Consulting ayant été attributaire du lot 2, ce qui justifiait la suspension du contrat. Elle a été déboutée de ses demandes par ordonnance du 19 mars 2008.

Par actes en date des 4, 11 et 15 avril 2008, la société Adyal Facilities a assigné les sociétés Bull, OZ Consulting, Groupe TFN Maintenance Technologique Optimisée dite MTO, Nexity Saggel Propertie Management devant le tribunal de commerce de Paris afin qu'il constate que la société OZ Consulting s'était attribuée à elle-même le Lot n°2 et en tire les conséquences.

Vu le jugement en date du 31 mars 2011, du tribunal de commerce de Paris qui a :

- déclaré recevable, mais mal fondée l'exception soulevée, relative à la motivation de l'assignation,

- débouté la société Adyal Facilities de sa demande visant à déclarer nulle la procédure d'appel d'offre initiée par la société Bull, et déclaré les contrats signés par la société Bull avec les nouveaux prestataires parfaitement réguliers,

- débouté donc la société Adyal facilities de toutes ses demandes à l'encontre de la société OZ Consulting de la société Groupe TFN Maintenance Technologique Optimisee dite MTO et de la société Nexity Saggel Properties Managment,

- condamné la société Bull à payer à la société Adyal Facilities la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'intégralité du préavis de rupture, la déboutant du surplus de sa demande,

- débouté la société Bull et la société OZ Consulting de leurs demandes visant à la condamnation de la société Adyal Facilities à une amende civile et à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société Adyal Facilities à payer à chacune des sociétés OZ Consulting, Groupe TFN Maintenance Technologique Optimisée dite MTO, la SA Nexity Saggel Properties Management, la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les déboutant du surplus de leurs demandes.

- débouté la société Adyal Facilities et la société Bull de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire;

- débouté les parties de toutes leurs demandes autres plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 9 mai 2011 par la société Adyal Facilities contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 novembre 2011, par lesquelles la société Adyal Facilities demande à la Cour de :

- constater que la société OZ Consulting, agissant comme mandataire ou, subsidiairement, assistante de la société Bull, rédactrice de l'appel d'offres et l'instruisant pour la société Bull, ayant connaissance des prix de toutes les soumissions et n'ayant pas pu soumissionné dans les conditions définies par elle au Règlement de Consultation, s'est attribuée à elle-même le Lot n°2 qui était au surplus susceptible d'être attribué en commun avec un autre lot ou avec les deux autres,

En conséquence,

- ordonner la communication par les sociétés Bull et OZ Consulting de l'intégralité des pièces ayant servi aux opérations de constat conduites par Me. [L], Huissier de Justice,

- dire et juger que la fraude, à fautes des sociétés OZ Consulting et Bull, commise au préjudice de la société Adyal Facilities a vicié l'entière procédure d'appel d'offres notifiée au nom et pour le compte de la société Bull par la société OZ Consulting le 19octobre 2007,

- dire et juger qu'en présence de résiliations fondées sur un acte entaché de fraude, les sociétés Bull et OZ Consulting ont causé un préjudice constitué par la perte des avantages liés aux contrats de mandat et de prestations de services en cours à cette date et qui pouvaient légitimement se poursuivre jusqu'à tout le moins le 30 juin 2007,

- condamner in solidum les sociétés OZ Consulting et Bull à lui payer à titre de dommages et intérêts, le sommes suivantes:

. la somme de 416.496 euros majorée de la TVA, au titre du gain manqué au 30 juin 2008 pour défaut de résiliations valables,

. la somme de 43.520 euros majorée de la TVA, à titre indemnitaire pour le temps passé à la préparation du dossier d'appel d'offre et à sa soutenance,

- condamner les sociétés OZ Consulting et Bull, in solidum, au paiement d'une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Adyal Facilities soutient que la société OZ Consulting a agi en total conflit d'intérêt, par sa double qualité, de mandataire de la société Bull, dans l'instruction des dossiers de candidatures à l'appel d'offres, et d'entreprise soumissionnaire, en violation de son obligation de loyauté et des conditions fixées par le Règlement de consultation. Elle fait valoir que la défaillance de la société OZ Consulting dans l'exécution de son mandat a engagé sa responsabilité quasi délictuelle et celle de la société Bull à son égard, quand bien même la qualité de mandataire ne serait pas retenue.

Elle ajoute que la société OZ Consulting a manqué au respect des principes régissant la concurrence des entreprises dans le cadre d'appels d'offres en faussant délibérément le jeu de la concurrence et a commis une fraude manifeste en s'attribuant le Lot n°2 avec la complicité de la société Bull au préjudice de la société Adyal Facilities.

Elle estime que la résiliation des contrats par la société Bull a engagé sa responsabilité sur le plan contractuel et subsidiairement sur le plan délictuel sur le fondement de l'article 1382 du code civil et que son préjudice doit être indemnisé.

La société Adyal Consulting considère enfin que, contrairement aux allégations des sociétés OZ Consulting et Bull, ces dernières étaient bien liées par un mandat et que la société Adyal Consulting avait intérêt à agir pour obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi en raison notamment de la fraude avérée dans le choix des attributaires, de l'absence d'éléments prouvant que sa proposition était la plus élevée, compte tenu du caractère non contradictoire du procès verbal de l'huissier et du caractère illicite de la cause du contrat portant atteinte à l'ordre public, ou, au minimum, prohibée par la loi.

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 septembre 2011, par la société Bull, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- dire et juger que les juges de première instance ont justement constaté que:

la procédure de consultation menée par la société Bull est dépourvue d'irrégularité et de fraude

les demandes d'indemnisation de la société Adyal Facilities ne sont pas fondées ni dans leur principe ni dans leur quantum

constater que:

la société Adyal Facilities s'est vue notifiée par la société Bull la résiliation des contrats qui les liaient par lettre du 19 octobre 2007

la société Adyal Facilities a acté de la fin des contrats au 31 décembre 2007

la société Adyal Facilities a refusé de maintenir ses équipes au-delà de cette date

la résiliation des contrats était donc effective au 31 décembre 2007, sans que la société Adyal Facilities ne puisse prétendre à aucun préjudice de ce fait

En conséquence,

- confirmer le jugement de première instance rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 31 mars 2011 en ce qu'il a débouté la société Adyal Facilities de ses demandes d'indemnisation

- réformer le jugement de première instance rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 31 mars 2011 en ce qu'il a condamné la société Bull à payer à la société Adyal Facilities la somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'intégralité du préavis de rupture

En tout état de cause:

- condamner la société Adyal Facilities à payer à la société Bull la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Bull soutient qu'aucune fraude n'a été commise lors de la procédure de consultation et de la conclusion des contrats, en ce que les sociétés Bull et OZ Consulting n'étaient pas liées par un mandat et qu'elle était libre d'accepter ou non les offres présentées et donc d'écarter l'offre de la société Adyal Facilities, attestée par huissier comme étant la plus élevée.

Elle fait également valoir que la société Adyal Facilities n'a subi aucun préjudice du fait de la résiliation des contrats, qui pouvait intervenir à tout moment, et qui lui a été notifiée dès le 19 octobre 2007, cette dernière ayant accepté sans réserve leur fin anticipée au 31 décembre 2007.

Elle ajoute que la société Adyal Facilities n'a subi aucun préjudice du fait du temps passé pour la préparation de sa soumission à l'appel d'offres.

Vu les dernières conclusions signifiées le 26 septembre 2011, par la société Oz Consulting, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- déclarer la société OZ Consulting recevable et bien fondée en les présentes conclusions;

- constater que l'attribution du Lot n°2 de la consultation organisée par la société Bull, à la société OZ Consulting est parfaitement conforme aux règles résultant du «règlement de la consultation» notifié aux sociétés candidates le 19 octobre 2007;

- constater que la «fraude» invoquée par la société Adyal Facilities est inexistante et que cette dernière ne justifie d'aucun intérêt pour agir à l'encontre de la société OZ Consulting;

- débouter la société Adyal Facilities de toutes ses demandes fins et conclusions;

- confirmer le jugement prononcé par la 9ème Chambre du Tribunal de Commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Adyal Facilities de toutes ses demandes articulées à l'encontre de la société OZ Consulting;

Y ajoutant:

- condamner la société Adyal Facilities à payer à la société OZ Consulting une indemnité de 5.000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société OZ Consulting soutient qu'elle n'était pas mandataire de la société Bull selon les termes de l'article 1984 du code civil, n'ayant aucun pouvoir de représentation, que la société Bull avait l'initiative de la consultation et jugeait seule de son résultat et enfin que sa désignation pour le Lot n°2 est bien intervenue conformément aux dispositions du Règlement de la consultation, écartant ainsi toute fraude.

Elle fait par ailleurs valoir que la société Adyal Facilities n'avait pas d'intérêt légitime pour agir car l'attribution du Lot n°2 à la société OZ Consulting n'a pas été effectuée en fraude de ses droits et ne lui a pas été préjudiciable.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Adyal Facilities n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

A titre préliminaire, il y a lieu d'observer qu'aucune des deux intimées ne met en cause l'intérêt à agir de la société Adyal Facilities, de sorte que les développements de cette dernière à ce propos sont sans objet.

Sur la régularité de l'appel d'offres

La société Adyal Facilities soutient que la procédure d'appel d'offres mise en oeuvre par la société Bull est entachée de fraude.

Elle estime en effet que les sociétés Bull et OZ Consulting ont mélangé la qualité de mandataire de cette dernière, qui représentait la société Bull dans l'instruction des dossiers de candidatures, et sa qualité d'entreprise soumissionnaire, puisqu'elle sera en définitive attributaire du lot n°2.

Les premiers juges ont tout d'abord justement relevé que les règles des marchés publics ne s'appliquaient pas à l'appel d'offres lancé par la société Bull.

Le document intitulé 'Règlement de la Consultation Maîtrise d'Ouvrage Déléguée en Pilotage de Gestion de Sites', correspondant à l'appel d'offres de la société Bull, précise les éléments suivants :

'Article 1er 'Contexte de la Consultation' :

Les sites de Bull en France sont gérés par un prestataire mandaté ayant les fonctions de Maître d'Ouvrage Délégué pour les métiers de Services Généraux, d'Administration de Biens, et de gestionnaire Technique de Bâtiment. Le contrat de prestataire actuel finissant au 31 décembre 2007, Bull recherche un nouveau partenaire pour la réalisation de tout ou partie des missions actuellement confiées. Le titulaire du marché devra démarrer impérativement sa mission le 2 janvier 2008.

Article 2 'Objet de la Consultation' :

La présente consultation a pour objet de rechercher un ou plusieurs fournisseurs pour des prestations de Maîtrise d'Ouvrage Déléguée en Pilotage de gestion de Sites.

La Consultation est effectuée selon une procédure de marché négocié.

Cette Consultation donnera lieu à la conclusion d'une commande qui sera passée dans le cadre des 'Conditions Générales d'achat de Bull'.

Il est constant que l'article 3 de cet appel d'offres prévoyait que les offres étaient adressées à la société OZ Consulting. La société Adyal Facilities en déduit que celle-ci aurait été le mandataire de la société Bull et qu'elle aurait donc manqué à l'obligation de loyauté du mandataire en agissant en conflit d'intérêts avec sa mandante.

Il convient cependant de rappeler que, selon l'article 1984 du code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Il n'y a mandat que si une personne charge une autre d'accomplir pour son compte un acte juridique et non de simples actes matériels, sans pouvoir de représentation.

Or, en l'espèce, la société OZ Consulting n'a pas été chargée par la société Bull d'accomplir, en son nom et pour son compte, un quelconque acte juridique.

En effet, l'article 8 de l'appel d'offres, intitulé 'Jugement des offres', indique :

'L'offre jugée la plus intéressante par Bull sera retenue. Tous les autres candidats seront avisés du rejet de leurs offres.

Bull se réserve le droit de déclarer la consultation infructueuse, si Bull ne reçoit aucune offre appropriée au présent dossier, et sans qu'il soit dû la moindre indemnisation aux prestataires.'

Il se déduit de ces dispositions, ainsi que du déroulement de la consultation, que la société OZ Consulting est intervenue aux côtés de la société Bull, pour l'assister dans l'organisation de l'appel d'offres mais non en exécution d'un quelconque mandat. Elle n'était investie d'aucun pouvoir de représentation.

D'ailleurs, l'ensemble des candidats a fait l'objet d'une convocation sur le site de la société Bull 'Les [Localité 1]' afin de soutenir leur proposition devant les représentants de celle-ci. De même, l'acceptation ou le rejet des offres ont été notifiés aux candidats par la Direction des Achats du groupe Bull et non par la société OZ Consulting.

Il convient de relever par ailleurs, que la procédure mise en oeuvre par la société Bull, avec l'assistance de la société OZ Consulting, était une simple invitation adressée à des prestataires à formuler des offres et rien ne contraignait la société Bull à accepter les offres qui lui étaient présentées. Il faut en effet rappeler que la conclusion d'un contrat suppose la rencontre d'une offre et d'une acceptation.

La société Adyal Facilities ne peut donc arguer d'une fraude commise par la société OZ Consulting, avec la complicité de la société Bull, qui lui aurait 'ab initio, fait perdre toute chance de pouvoir prétendre poursuivre sa collaboration dans le cadre conventionnel jusque là en cours avec Bull'.

Les critères de l'attribution des lots ont été définis par l'appel d'offres ainsi qu'il suit :

'-l'adéquation des prestations proposées aux descriptifs du cahier des charges,

-le prix négocié,

-les solutions techniques pouvant être proposées en réponse aux problématiques rencontrées,

-les délais de réalisation respectant le calendrier cible de Bull.'

Or, la proposition de la société Adyal Facilities a été écartée car, s'agissant du lot n° 1, elle était la plus élevée économiquement. Cette dernière contestant ce point, la société Bull l'a fait constaté par huissier le 12 février 2010. Le procès-verbal de Me [L] mentionne en effet les éléments suivants :

'Après examen des meilleures offres remises par chaque candidat en 'short list', je constate que :

-pour le Lot n° [Cadastre 1] 'pilotage immobilier et services généraux', le prix total des prestations proposé par Adyal est supérieur au prix proposé par Nexity et MTO, dans l'ordre, le moins élévé était MTO et le plus élevé Adyal;

-pour la partie 'Services' du Lot n° 1, la volumétrie en jours/homme proposée par Adyal est très inférieure à la volumétrie demandée par Bull et à celle proposée respectivement par MTO ou Nexity pour un prix moindre;

-pour la partie 'Livrables' du Lot n° [Cadastre 1], il apparaît que l'offre du 10 décembre 2007 d'Adyal est amputée de 6 livrables par rapport à celles des 8 novembre et 6 décembre 2007, dont 2 livrables devant expressément apparaître séparément sur le bordereau de prix, les 4 autres exigés par le cahier des charges ne devaient pas apparaître au bordereau de prix.

Après examen des documents suivants :

*les bons de commande n° 312196 et 316073 émis par Bull SAS et adressés à Adyal pour les périodes du 1er janvier au 30 juin 2007 et 1er juillet au 31 novembre 2007,

Et

*les bons de commande n° 330391 et 330952 émis par Bull SAS pour l'année 2008 concernant les Lots n° 1, 2 et 3 adressés à MTO, Nexity et OZ Consulting.

Je constate que :

*le prix total de la prestation réalisée par Adyal en 2007 est supérieur à celui des prestations réalisées par les trois prestataires sélectionnés suite à la consultation (MTO, Nexity et OZ Consulting) en 2008, répondant au cahier des charges;

*le prix des prestations réalisées par MTO, Nexity et OZ Consulting en 2008 est très inférieur au montant total de la meilleure proposition remise par Adyal sur le même périmètre.'

La société Adyal Facilities ne saurait reprocher à la société Bull de ne pas verser aux débats les soumissions des sociétés Nexity et MTO, comme elle le demande, dès lors qu'elle est, tout comme les parties ayant répondu à la consultation, liée par un engagement de confidentialité, expressément prévu par l'article 10.3 du règlement de la consultation et portant sur les informations, documents ou objets communiqués par elles dans le cadre de cette consultation.

En outre, le 'Cahier des Clauses Techniques Particulières', annexé à l'appel d'offres listait 3 lots :

-Lot 'Pilotage immobilier et services généraux'

-Lot 'Gestion des plans, des surfaces et des effectifs'

-Lot de mandat de 'Gestion Immibilière'.

La société Adyal Facilities a été invitée par la société OZ Consulting a participé à l'appel d'offres par courrier du 19 octobre 2007 et, y ayant répondu, elle a été invitée à participer à une soutenance de sa réponse, comme les autres candidats, sur le site des [Localité 1]. Or, à la suite de cette soutenance, la société OZ Consulting lui a écrit : 'Suite à la réunion de présentation de votre offre du 6 novembre dernier, la société Bull souhaite avoir confirmation que le coût de chaque lot de votre offre est bien indépendant des autres lots et que Bull peut choisir de vous confier un ou plusieurs lots de votre proposition technique et financière.' La société Adyal Facilities a répondu : 'Compte tenu des synergies opérationnelles entre les différents lots, la construction de notre offre autorise les souplesses suivantes :

-Lots 1,2 et 3

-Lots 1 et 2

-Lots 1 et 3".

Cette réponse indique clairement que la société Adyal Facilities ne souhaitait pas concourir uniquement pour le lot n° 2. Elle ne souhaitait obtenir que les trois lots ensemble ou, en tout état de cause, le lot n° 1 associé, soit au lot n° 2, soit au lot n° 3.

Il est donc clair que sa proposition ne permettait pas de lui attribuer un des deux lots 2 ou 3 indépendamment du lot 1 pour lequel elle était la plus chère. Dès lors que, pour ce dernier motif, la société Bull choisissait de ne pas attribuer le lot 1 à la société Adyal Facilities, et de l'attribuer à la société MTO, moins disante, elle était fondée à croire que l'appelante n'était pas intéressée par le lot 2 seul. Dans ces circonstances, le fait que le lot n° 2 ait été attribué à la société OZ Consulting, de même que le prix de l'offre de cette dernière, sont indifférents.

La société Adyal Facilities ne peut pas plus reprocher à la société Bull d'avoir fausser le jeu de la concurrence en décidant d'attribuer chaque lot à une entreprise différente, dès lors qu'il y avait bien, dès le départ, 3 lots, et qu'il était bien spécifié qu'étaient recherchés 'un ou plusieurs fournisseurs'. Au demeurant, même si la société OZ Consulting avait été écartée de l'attribution des lots, la société Adyal Facilities n'aurait pas pour autant été attributaire du lot n° 2, de sorte qu'elle ne peut arguer d'aucun préjudice.

L'ensemble de ces motifs justifient la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Adyal Facilities de toutes ses demandes à l'encontre des sociétés Bull et OZ Consulting.

Sur le préavis de rupture

La société Adyal Facilities savait depuis 2006 que la société Bull avait l'intention de la remettre en concurrence pour la réalisation de ses prestations faisant l'objet du contrat de gestion immobilière du 1er avril 1997 et de ses avenants.

Le dernier avenant n° 3 prorogeait sa mission jusqu'au 30 juin 2007, et il était prévu que: 'à compter du 1er juillet 2007, la durée du contrat est indéterminée et il pourra être dénoncé à tout moment par l'une ou l'autre des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin d'en aviser l'autre partie au moins trois mois à l'avance, par lettre recommandée avec accusé de réception'.

La société Adyal Facilities ne peut, en conséquence, prétendre que le contrat ne pouvait prendre fin qu'à son terme, soit au 30 juin 2008. Elle ne peut donc sérieusement demander à être indemnisée à hauteur d'un préavis de 6 mois du 1er janvier au 30 juin 2008 inclus.

Il est constant que la résiliation du contrat a été notifiée à la société Adyal Facilities par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2007, reçue le 22 octobre 2007, par laquelle la société Bull l'a informée de l'appel d'offres, manifestant clairement son intention de ne pas poursuivre les relations commerciales, en tout cas dans les conditions antérieures. Le règlement de consultation rappelait également que 'le contrat du prestataire actuel finissant au 31 décembre 2007, Bull recherche un nouveau partenaire pour la réalisation de tout ou partie des missions actuellement confiées'.

C'est donc à tort que la société Adyal Facilities considère que le préavis n'aurait couru qu'à compter de la lettre de la société Bull du 18 décembre 2007, lui annonçant que sa candidature n'était pas retenue.

C'est également à tort que, la société Bull affirme que la société Adyal Facilities aurait accepté sans réserve la fin anticipée du contrat au 31 décembre 2007. Le fait que cette dernière ait indiqué, dans son courrier du 18 décembre 2007, que 'la majorité des 4 responsables de sites seront affectés à d'autres clients', ne signifie pas qu'elle s'était totalement réorganisée dès cette date. Le fait qu'elle ait tenté de réorienter son activité le plus rapidement possible, ne signifie pas qu'elle n'a pas subi de préjudice lié à la rupture des relations contractuelles. Dans la mesure où elle ne se prévaut pas des dispositions de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce, relatives à la rupture brutale d'une relation commerciale établie, elle a au moins droit à l'intégralité du préavis contractuel.

Le préavis stipulé contractuellement était de trois mois, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il aurait dû courir du 22 octobre 2007 au 21 janvier 2008 et non jusqu'au 31 décembre 2007, comme l'a considéré la société Bull.

La société Adyal Facilities a donc perdu 21 jours de chiffre d'affaires. Cela représente selon les chiffres d'activité mensuels non contestés 69.416 x 21/31= 47.023€ montant auquel il convient d'appliquer une marge brute de 25 %, soit une perte de marge de 11.755,75 €, arrondie à la somme de 12.000 €.

Par contre, elle ne peut invoquer aucun préjudice lié au temps passé pour la préparation de sa soumission à l'appel d'offres, elle seule ayant choisi de formuler une offre, alors qu'elle n'en avait pas l'obligation.

L'équité commande d'allouer à la société Bull une indemnité de 6.000 € et à la société OZ Consulting une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples fins, moyens et coclusions,

CONDAMNE la société Adyal Facilities à payer à la société Bull une indemnité de 6.000€ et à la société OZ Consulting une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Adyal Facilities aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/08640
Date de la décision : 12/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°11/08640 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-12;11.08640 ?
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