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11/02/2014 | FRANCE | N°12/20194

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 11 février 2014, 12/20194


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 11 FEVRIER 2014



(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20194



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09051603





APPELANTE



SAS COBALT CAPITAL Agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte du fonds commun

de placement à risques COBALT INVESTMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Maître Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 11 FEVRIER 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20194

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09051603

APPELANTE

SAS COBALT CAPITAL Agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte du fonds commun de placement à risques COBALT INVESTMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Maître Barbara DE BAUDRY D'ASSON de la SELURL BBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0030

INTIMES

Monsieur [W] [G]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] (Belgique)

de nationalité belge

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et assisté de Maître Stéphane BOUILLOT de la SCP HB &ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497

SELARL GARNIER GUILLOUET représentée par Maître [A] [Q], Agissant en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés GF PARTICIPATIONS, COUNTRY AND CITY LINE et VETEMENT TOUT TERRAIN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assisté par Maître Thierry MONEYRON de la SCP RABIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

Le groupe Gentleman Farmer, spécialisé dans la conception, la fabrication et la distribution de prêt-à-porter masculin, était à l'origine composé de deux sociétés : Country and City Line Sas (ci-après CACL) et Vêtement Tout Terrain Sas (ci-après VTT). Le capital était intégralement détenu par les actionnaires historiques, parmi lesquels [Z] [M], fondateur et actionnaire principal.

Fin 2007, les actionnaires du groupe ont souhaité céder la majorité du capital des sociétés le composant. A cette fin, ils se sont rapprochés du FCPR Cobalt Investment (ci-après le Fonds Cobalt ) en vue d'un rachat sous forme de LBO. C'est ainsi que le Fonds Cobalt, représenté par Cobalt Capital, en qualité de société de gestion, s'est associé d'une part aux actionnaires fondateurs, d'autre part à une société d'investissement, Aloïs Finance, et enfin, à des cadres du groupe dont M. [W] [G]. Ensemble, ils ont constitué la société GF Participations Sas (ci-après, GFP ), cette dernière servant de véhicule de rachat de 100% des titres CACL et VTT.

Trois conventions ont été signées:

- un contrat de transfert signé le 30 octobre 2007 par lequel GFP a acquis la totalité des titres de CACL et VTT,

- un protocole d'investissement, du même jour auquel étaient parties à la fois les vendeurs, le Fonds Cobalt et M. [G],

- un pacte d'actionnaires, conclu à la date fixée pour le transfert des titres entre les actionnaires de GPF dont le Fonds Cobalt et M. [G] portant promesses réciproques d'achat et de vente moyennant un prix différencié selon les circonstances du départ en distinguant départ involontaire et départ hostile.

Devenu actionnaire de GFP et dirigeant des trois sociétés composant désormais le groupe, M. [G] a été révoqué de ses fonctions de président de GFP par le conseil de surveillance de cette dernière le 12 janvier 2009 et remplacé par Mme [X] [B].

Le 20 janvier suivant, il a été révoqué de ses fonctions de dirigeant des sociétés opérationnelles CACL et VTT, sur décision de leur associé unique, GFP, pris en la personne de sa nouvelle présidente, [X] [B], qui invoquait une faute grave.

Informé par GFP de la révocation de M. [G], le 22 janvier 2009, le Fonds Cobalt, a exercé la promesse de vente dont il bénéficiait aux conditions d'un départ hostile au sens du pacte d'actionnaires.

C'est ainsi que le 13 mai 2009, le Fonds Cobalt a demandé à l'ancien dirigeant de lui transférer ses titres GFP pour le prix d'un euro, obtenu par application des stipulations du pacte dans le cas d'un départ hostile ce que M. [G] a refusé.

Affirmant avoir été révoqué dans des conditions brutales et vexatoires en méconnaissance du principe du contradictoire, se considérant, en outre, victime d'un dol de la part de GFP qui l'aurait conduit à renoncer à son bonus au titre de l'exercice 2008 et se prévalant d'une créance correspondant au véritable prix de cession des actions GFP, soit le prix obtenu par application des dispositions du pacte dans le cas d'un départ involontaire, par acte du 17 juin 2009, M. [G] a assigné les sociétés GFP, CACL et VTT et la société Cobalt Capital, tant en son nom personnel que comme gestionnaire du Fonds Cobalt, aux fins de paiement notamment de dommages et intérêts et de la somme de 300.001,10 euros pour prix de ses actions.

Les sociétés CACL et VTT ayant par la suite fait l'objet d'une décision de liquidation judiciaire, M. [G] sollicitait en définitive la condamnation du Fonds Cobalt à lui verser l'ensemble des sommes qu'il réclamait initialement aux seules sociétés GFP, CACL et VTT en se prévalant de manoeuvres dolosives et de faute personnelle de la part de l'actionnaire majoritaire .

Par jugement du 8 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris a

- rejeté les fins de non-recevoir prises du défaut de qualité à agir de M. [G], soulevées par la Selarl Garnier Guillouet, ès qualités, et la société Cobalt Capital,

- condamné Cobalt Capital, agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte du Fonds Cobalt , à payer à M. [G] la somme de 300.001,10 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2010 en contrepartie de la remise par lui d'un ordre de mouvement dûment signé de ses 73171 actions de la société GFP avec capitalisation des intérêts précités dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil,

- dit que le transfert de propriété de ses 73171 actions de la société GFP sera réalisé lors de la remise de l'ordre de mouvement contre complet paiement du prix,

- condamné la société Cobalt Capital, agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte du Fonds Cobalt, à payer à M. [G] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société Cobalt Capital, agissant tant en son nom personnel que pour le compte du Fonds Cobalt, a relevé appel selon déclaration du 9 novembre 2012.

Par conclusions signifiées le 3 juin 2013, elle demande à la cour, vu les articles 1108, 1131,1134, 1165, 1156, 1170 et suivants, 589 et suivants du code civil, L. 214-20 et suivants du code monétaire et financier, le pacte d'actionnaires de la société GFP du 28 novembre 2007, de recevoir Cobalt Capital , agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte du Fonds Cobalt, en ses écritures et l'en dire bien fondée, de mettre hors de cause Cobalt Capital, prise en tant que telle, celle-ci n'étant pas liée par le pacte d'actionnaires du 28 novembre 2007, de dire que le départ de M. [G] au sens du pacte d'actionnaires conclu le 28 novembre 2007, constitue un départ hostile au sens de ce même pacte, de constater que le Fonds Cobalt a exercé, par courrier du 22 janvier 2009, la promesse de vente par M. [G] de l'intégralité des 73.171 actions qu'il détenait dans la société GFP, de dire parfaite la cession à son profit de la totalité des 73.171 actions détenues par M. [G] dans la société GFP et ce, à compter du 13 mai 2009, au prix de un euro, d'ordonner en conséquence le remboursement par M. [G] à Cobalt Capital, agissant en qualité de société de gestion du Fonds Cobalt, de la somme de 313.951,53 euros qui lui a été versée en exécution du jugement dont appel avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir et capitalisation dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil, subsidiairement, et pour le cas où, par extraordinaire, la cour considérerait que le départ de M. [G] du groupe Gentleman Farmer constitue un départ involontaire au sens du pacte, de constater que le Fonds Cobalt n'a jamais consenti à l'exercice de la promesse de vente dans les conditions du départ involontaire, qu'au contraire, le départ hostile de M. [G] a été la cause déterminante de sa levée d'option, d'en tirer toutes les conséquences, de prononcer la caducité rétroactive de la cession des titres sous promesse et d'ordonner le remboursement par M. [G] à Cobalt Capital, agissant en qualité de société de gestion du Fonds Cobalt, de la somme de 313.951,53 euros qui lui a été versée en exécution du jugement dont appel avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir et capitalisation dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil, infiniment subsidiairement pour le cas où, par extraordinaire, la cour considérerait que le mode détermination du prix des titres sous promesse de vente et plus globalement les conditions d'exercice de cette promesse de vente sont potestatives, de prononcer la nullité de la promesse de vente et d'ordonner le remboursement par M. [G] à Cobalt Capital, agissant en qualité de société de gestion du Fonds Cobalt, de la somme de 313.951,53 euros qui lui a été versée en exécution du jugement dont appel avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir et d'ordonner la capitalisation dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil, en tout état de cause, de confirmer le jugement dont appel en toutes ses autres dispositions, de constater l'absence de man'uvres dolosives de la part du Fonds Cobalt à l'occasion de la renonciation par M. [G] à son bonus 2008 et à l'occasion de la révocation de ses fonctions de dirigeant des sociétés GFP, CACL et VTT, de constater l'absence de faute personnelle du Fonds Cobalt à l'occasion de la révocation de M. [G] de ses fonctions de dirigeant des sociétés GFP, CACL et VTT et l'absence d'exécution de mauvaise foi du pacte d'actionnaires du 28 novembre 2007, de débouter par conséquent M. [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, de condamner M. [G] au paiement de la somme de 10.000 euros à Cobalt Capital SAS et la même somme au Fonds Cobalt au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens d'accorder aux appelantes le bénéfice de l'exécution provisoire du 'jugement à intervenir', sans condition ni constitution de garantie et de condamner M. [G] au versement d'une astreinte de 200 euros par jour de retard dans le versement des sommes dues et de se réserver, le cas échéant, la liquidation de cette astreinte.

Par conclusions signifiées le 3 avril 2013, M. [G] demande à la cour de débouter la société Cobalt Capital de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de confirmer partiellement le jugement frappé d'appel en ce qu'il a, d'une part, condamné la société Cobalt Capital, agissant tant en son nom personnel, qu'au nom et pour le compte du Fonds Cobalt, à lui payer la somme de 300 001,10 euros en principal, en contrepartie de la remise par lui d'un ordre de mouvement dûment signé de ses 73.171 actions de la société GFP d'autre part, condamné la société Cobalt Capital, agissant tant en son nom personnel, qu'au nom et pour le compte du Fonds Cobalt, à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'infirmer pour le surplus, de recevoir son appel incident, y faisant droit, de juger que la somme de 300.001,10 euros sera augmentée de l'intérêt Euribor 3 mois calculé du 1er décembre 2007, jusqu'au 12 janvier 2009, puis, avec intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 15 janvier 2010, et de condamner la société Cobalt Capital au paiement des dits intérêts, de condamner la société Cobalt Capital à payer à M. [G] la somme de 70.000 euros , qui correspond à la part variable de sa rémunération, et dont il a été privé du fait des man'uvres dolosives de cet actionnaire, de dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 31 mars 2009, date d'exigibilité de cette créance, de fixer au passif de la liquidation de la société GFP, tenue in solidum, cette même somme de 70.000 euros en principal, de fixer au passif de la liquidation de la société GFP la somme de 6.296,03 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 27 juillet 2009, date de l'assignation, de condamner la société Cobalt Capital à lui payer la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des conséquences préjudiciables de la révocation abusive et vexatoire de son mandat de président de la société GFP, de dire que cette somme portera intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 27 juillet 2009, date de l'assignation, de fixer au passif de la liquidation de la société GFP P, tenue in solidum, cette même somme de 350.000 euros en principal, de fixer au passif des sociétés GFP, CACL et VTT, la somme de 10.000 euros chacune, la société Cobalt Capital étant en outre condamnée à 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral et professionnel subi à raison des conséquences brutales et vexatoires de sa révocation, de condamner in solidum la société Cobalt Capital, et les sociétés GFP , CACL et VTT, au paiement de la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens avec distraction.

Par conclusions signifiées le 25 avril 2013, la Selarl Garnier Guillouet, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire des sociétés GFP, CACL et VTT, s'en rapporte sur le mérite de l'appel formé par Cobalt Capital et demande à la cour de débouter M. [G] de toutes ses demandes dirigées contre les sociétés GFP, CACL et VTT..

SUR CE

- Sur la demande en paiement du bonus 2008

La demande est fondée sur les dispositions relatives à la rémunération du dirigeant résultant de sa décision de nomination par le conseil de surveillance en date du 28 novembre 2007 qui prévoit, en plus de la part fixe de 180 000 euros par an, une part variable ou bonus.

M. [G] critique le jugement qui l'a débouté de ce chef de demande en faisant valoir que s'il a accepté le 7 janvier 2009 de renoncer à la part variable de sa rémunération 2008, c'est dans le seul but de permettre à la société de respecter les engagements souscrits auprès des banques ayant financé l'opération de reprise du groupe GFP, qu'il n'aurait pas donné son consentement s'il avait su qu'il devait être révoqué de ses fonctions cinq jours plus tard, que le conseil de surveillance de GFP et Cobalt Capital se sont abstenus volontairement de l'informer de sa prochaine révocation avant d'obtenir la signature du formulaire que cette réticence constitue une manoeuvre dolosive ouvrant droit à dommages et intérêts .

Il n'est pas contesté que le conseil de surveillance de GFP a évoqué tout au long de l'année 2008 les résultats et ratios de performance économique qui n'atteignaient pas le niveau requis au regard des engagements souscrits auprès des banques ayant financé l'opération de reprise du groupe GFP .

La lettre à l'attention de M. [Z], président du conseil de surveillance de GFP, dont le projet était remis à M. [G] à l'issue d'une réunion informelle du 17 décembre 2008 et que ce dernier a signé le 7 janvier 2009 est rédigée en ces termes:

'Ainsi qu'il en a été convenu entre nous à l'occasion des dernières réunion de votre conseil de surveillance et afin de préserver les résultats du groupe pour lui permettre de faire face notamment à ses obligations au titre de ses contrats bancaires, les dirigeants clé de GFP ne percevront aucune rémunération variable au titre de l'exercice 2008 en cours. En ma qualité de président du groupe, je renonce purement et simplement à la partie variable de ma rémunération.... Ma renonciation est expresse et irrévocable ...Par ailleurs, les autres dirigeants clé de la société GPF devront être notifiés de l'absence de versement de bonus sur l'année 2008".

Il résulte des procès-verbaux des réunions du conseil de surveillance en date des 5 mars et 29 avril 2008 que dès le début de l'exercice 2008, le résultat d'exploitation du groupe se situait très en deçà du budget établi par M. [G], le dernier de ces documents faisant état d'une prévision de trésorerie, fin juin, donnant un retard d'un million d'euros sur le budget. Les procès-verbaux des réunions ultérieures des 22 octobre et 26 novembre 2008 font apparaître que le budget réactualisé (re-forecast) en août 2008 à partir des résultats du mois de mai risquait de ne pas être réalisé. Ainsi lors du conseil du 26 novembre 2008, M. [G] indiquait qu'à fin octobre 2008, le chiffre d'affaires était en retard de 739 000 euros par rapport au re-forecast de juillet 2008.

C'est dans ce contexte de dégradation des résultats qu'a été envisagée la renonciation au bonus 2008 dont il convient de souligner qu'elle concernait non seulement M. [G] mais tous les 'dirigeants clé' .

De ces éléments il s'évince que la mesure procédait d'un impératif de gestion à savoir le respect des ratios bancaires.

Les allégations de dol qui reposent sur la proximité de la renonciation avec la révocation du mandat de président de GFP, en date du 12 janvier 2009, sont formellement contredites par ces éléments objectifs et c'est par une exacte appréciation que les premiers juges ont débouté M. [G] de ce chef de demande.

- Sur la révocation de M. [G] de ses trois mandats sociaux

Il résulte de l'article 10.1.1 des statuts de la société GFP que M.[G] était révocable de son mandat de président sur décision majoritaire du conseil de surveillance et des articles XXIX des statuts de CACL et 13.4 des statuts de VTT que le mandat de président de chacune de ces sociétés était librement révocable sans juste motif.

Il est admis que même si elle n'est pas soumise à un juste motif, la révocation d'un mandataire social ouvre droit à des dommages et intérêts si elle est prononcée de manière brutale sans respecter le principe de la contradiction.

Il est acquis que M [G] a été révoqué de son mandat de président de la société GFP suivant délibération du conseil de surveillance en date du 12 janvier 2009 puis de ses fonctions de président des sociétés CACL et VTT par décision de l'associé unique, GFP, en date du 20 janvier 2009.

M. [G] argue du caractère abusif et vexatoire des trois révocations.

S'agissant de la révocation de la présidence de GFP, il critique le tribunal pour avoir écarté son caractère abusif et vexatoire et fait plaider que la non inscription de cette question à l'ordre du jour de la réunion du conseil de surveillance alors même que la décision avait été anticipée par ses membres, ne lui a pas permis de préparer sa défense ni de formuler la moindre observation comme l'atteste la lecture du procès-verbal du 12 janvier 2009, du moins dans sa première version certifiée conforme le 28 avril 2009, le document ayant été ultérieurement modifié, ce qui heurte manifestement le principe du contradictoire. Il souligne qu'aucune critique ne lui avait jamais été adressée et qu'il subit un préjudice important par la perte de la rémunération qu'il aurait pu percevoir jusqu'à l'expiration de son mandat soit jusqu'au 28 novembre 2012 outre un préjudice moral et professionnel.

Il est établi que la réunion en cause a été précédée d'une convocation du 6 janvier 2009, transmise par courriel et que la question du la révocation du président ne figurait pas à l'ordre du jour.

Mais l'ordre du jour incluait la question suivante : 'Point sur les difficultés rencontrées en 2008 et organisation 2009".

A la lumière des difficultés récurrentes précédemment évoquées en présence de M. [G] qui était sommé de s'en expliquer, la question posée de l'organisation incluait nécessairement celle de la présidence de la société.

Par ailleurs, le procès-verbal de la réunion du 12 janvier 2009 relate que le président de séance a dressé un bilan détaillé des difficultés rencontrées durant l'exercice clos le 31 décembre 2008 et les erreurs de management qui leur sont rattachées, qu'il s'est adressé à M. [G] pour lui rappeler chacun des aspects insatisfaisants de l'exercice par ce dernier de ses fonctions de président de la société, qu'il lui a rappelé l'ensemble des reproches qui lui avaient été communiqués au fur et à mesure par le conseil de surveillance durant l'année 2008 dont notamment une mauvaise projection de la situation financière du groupe et une absence de maîtrise de données financières, le non respect du business plan, les lacunes en matière de marketing, le mauvais management des équipes, l'absence de motivation des salariés et l'absence de suivi de l'endettement bancaire du groupe, tous éléments que le conseil considère comme nuisant à la bonne marche du groupe et au respect des engagements financiers et qui le conduisent à envisager sa révocation immédiate.

Il est noté que le conseil a décidé de révoquer M. [G] 'après avoir entendu les motifs invoqués par lui en défense' .

La fidélité de cette relation du conseil est confirmée par le compte rendu précis et circonstancié de la réunion fait par M. [P], membre du conseil de surveillance, qui présente toutes garanties d'objectivité et qui atteste de la tenue d'un débat contradictoire.

C'est donc sans en rapporter la preuve que M. [G] argue tant de l'absence de tout reproche que d'une modification du procès-verbal.

De même, il n'est pas démontré que l'invitation qui lui était faite de remettre son matériel professionnel et de libérer les lieux et l'annonce de son départ aux salariés et par voie de communiqué de presse revêtent un caractère vexatoire, étant souligné que s'il était alors encore président des sociétés filiales, dans la suite de sa révocation de son mandat de président de GFP, il avait été proposé à M. [G], qui l'avait accepté, de démissionner de ses mandats de CACL et VTT .

A cet égard, le procès-verbal de la réunion du conseil du surveillance du 12 janvier 2009 précise que 'le président sollicite l'avis de M. [G] sur les modalités effectives de son départ de la société et de l'information des salariés du groupe' et que celui-ci 'exprime alors son souhait de ne pas retourner aux locaux du groupe Gentleman Farmer et accepte qu'une information immédiate soit faite aux salariés du groupe'.

C'est donc par une juste appréciation que les premiers juges ont écarté l'abus invoqué.

S'agissant de la révocation des mandats de président des sociétés CACL et VTT, on peut lire au procès-verbal de la réunion du conseil du surveillance du 12 janvier 2009:  

'M. [G] accepte de donner sa démission des sociétés CACL et VTT mais souhaite consulter ses conseils sur le texte des lettres de démission Il est entendu qu'il donnera rapidement ses lettres de démission dûment signées au président'.

Il n'est pas contesté que M. [G] ayant tardé à remettre sa démission, l'associé unique de CACL et VTT l'a révoqué par deux décisions du 20 janvier 2009 notifiées à M. [G] par courrier reçu par lui le 22 janvier 2009 qui faisaient état d'une révocation pour faute grave, grief lui étant fait d'avoir depuis sa révocation de GFP et contrairement à ses engagements pris devant le conseil de surveillance de cette société, d'une part, 'communiqué avec la presse, notamment la presse spécialisée, en leur donnant volontairement et manifestement en vue de porter préjudice à [S] [T] des informations erronées sur sa révocation', d'autre part, 'indiqué à la société Mc Arthur Glen que le projet de [S] [T] de leur louer un emplacement dans un centre de [Localité 2] était tout simplement annulé ce qui cause une faute gravement préjudiciable à [S] [T] puisque cela n'était pas vrai puisque le projet initié en juillet 2008 était d'une importance significative pour [S] [T]'.

Il n'est pas contesté que M. [G] a pu avoir accès aux procès-verbaux de décisions de l'associé unique auprès du tribunal de commerce.

Le tribunal a considéré que si la révocation des deux mandats des sociétés filiales était intervenue à l'issue d'un débat contradictoire et de façon non brutale, la mention dans les procès-verbaux rendus publics d'une révocation pour faute avait rendu ces circonstances vexatoires. Il a en conséquence condamné, mais aux seuls motifs du jugement, les sociétés CACL et VTT à verser à Monsieur [G] la somme de 4.000 euros chacune

Cependant, il est établi que M. [G] dont le départ n'était pas encore formalisé n'a pas été convoqué pour répondre de la faute grave qui lui était reprochée de sorte qu'il n'a pas été en mesure de présenter sa défense en méconnaissance du principe de la contradiction.

Cette circonstance caractérise un abus.

La mention dans des documents accessibles de la révocation prononcée pour faute grave en méconnaissance du contradictoire présente un caractère vexatoire.

Cela est d'autant plus vrai que la faute grave alléguée n'est pas démontrée comme les premiers juges l'ont justement retenu .

En effet, il n'est aucunement établi que M. [G] aurait volontairement donné des informations erronées à la presse spécialisée, aucun exemple n'étant d'ailleurs fourni pour étayer ce grief énoncé de manière générale et non circonstanciée.

Quant au deuxième grief, la société Cobalt se borne à affirmer que M. [G] n'a pas hésité à interrompre des pourparlers engagés avec Mc Arthur Glen en vue de la cette location d'un emplacement au centre commercial de [Localité 2] ' en lui indiquant au téléphone que le projet de [S] [T] de s'y installer était abandonné ce qui était faux' sans rapporter aucune preuve du contact 'au téléphone' allégué. Il sera observé que Mme [B], successeur de M. [G], a été informée par Mc [U] [C] de la location à un tiers le 16 janvier 2009 en ces termes: ' Je pense que le magasin sur lequel nous étions en discussion avec [W] [G] est désormais loué; une belle alternative semble possible', que ce message n'évoque nullement une manoeuvre de M. [G] qu'on ne saurait davantage déduire de la chronologie des faits, qu'enfin M. [G] a produit dès la première instance un courriel en date du 13 mars 2010 envoyé par le responsable de Mc Arthur Glen lequel indique qu'après le départ de M. [G] sa société a finalement opté pour l'enseigne Camper, que c'est en vain que la société Cobalt Capital prétend que ce courriel ne démontre en rien l'absence de responsabilité de M. [G] dans l'abandon du projet (page 22 de ses conclusions) dès lors que la démonstration de sa responsabilité qui seule importe ne résulte d'aucun élément probant.

La révocation des mandats des deux filiales apparaît ainsi abusive et vexatoire.

Le préjudice de M [G] résultant de ces circonstances sera justement réparé par deux indemnités de 4 000 euros chacune qui seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de chacune des sociétés CACL et VTT par disposition additionnelle, le tribunal ayant omis de statuer de ce chef au dispositif du jugement .

Pas plus qu'en première instance il n'est démontré que la société Cobalt Capital, gestionnaire du Fonds Cobalt, actionnaire majoritaire, aurait été animée à l'encontre de M. [G] d'une animosité ou d'une volonté de nuire qui l'aurait conduite à provoquer la révocation injustifiée de ses mandats sociaux, au risque de méconnaître l'intérêt social du groupe.

Faute de preuve d'une telle faute, c'est à juste titre que le tribunal a débouté M. [G] de ses demandes de condamnation à dommages et intérêts dirigées contre la société Cobalt Capital.

- Sur la cession des actions

Aux termes du pacte d'actionnaires, la société Cobalt Capital, en sa qualité de gestionnaire de l'actionnaire Fonds Cobalt, bénéficiait d'une promesse de vente consentie par M. [G] applicable dans toutes les hypothèses de départ du dirigeant, le départ étant défini comme ' la cessation pour quelque motif que ce soit de toutes les fonctions de salarié et/ou de mandataire social exercé au sein de la société ou de l'une quelconque des filiales qui lui verse la principale quote-part de sa rémunération au sein du groupe pour l'une des causes suivantes : révocation ou non renouvellement de son mandat social'.

On trouve aux articles 16 et 17 du pacte la formule de prix applicable qui dépend de la nature du départ en distinguant le départ hostile, le départ non hostile et le départ involontaire.

Le départ hostile inclut la révocation du mandat social pour faute grave ou faute lourde, la faute grave décrite comme ' le fait d'avoir commis intentionnellement des faits assimilables en droit du travail à une faute grave'.

La société Cobalt Capital qui a exercé l'option pour le fonds Cobalt, actionnaire, par lettre en date du 22 janvier 2009 se référant expressément à la notification d'exercice de la promesse dans les termes de l'article 16 du pacte dans le délai conventionnel de six mois prétend voir appliquer la formule de prix relative au cas de départ hostile énoncée à l'article 16.8.1 (a) dont elle retient un prix de un euro en soutenant que le départ consécutif à une révocation du mandat social pour faute grave caractérise le départ hostile.

Mais aucune faute grave n'a été retenue à l'encontre de M. [G] au soutien de sa révocation de GFP qui lui servait sa rémunération et la révocation de la présidence des deux filiales ne repose pas, comme il a été dit, sur une faute grave.

Il s'ensuit que le départ doit être tenu pour involontaire au sens du pacte comme l'a décidé à juste titre le tribunal et que l'exercice de l'option doit produire son plein effet aux conditions convenues dans ce cas, étant souligné que la validité de la levée d'option ne saurait dépendre de l'appréciation de l'auteur de la révocation quant aux conditions du départ du dirigeant, que le pacte ne méconnaît pas la prohibition de la condition potestative dès lors que le prix ne dépend pas de la seule volonté de celui qui s'oblige et qu'il est indifférent que M. [G] n'ait pas lui-même exercé la promesse d'achat de ses titres dont il bénéficiait en vertu du pacte d'actionnaires durant un délai de deux mois à compter de son départ.

Il résulte de l'article 16.8.1 (c) que dans l'hypothèse d'un départ involontaire, le prix de cession est égal au plus élevé des deux montants suivants:

' la valeur ressortant de la formule ...ou la valeur de souscription ou d'acquisition des titres sous promesse, augmenté d'un intérêt annuel Euribor 3 mois (non capitalisé) calculé de la date de souscription ou d'acquisition des titres sous promesse jusqu'à la date de départ du promettant (sur le fondement d'un nombre de jours écoulés et d'une année de 360 jours'.

Le tribunal a fait une juste application de cette clause en condamnant la société Cobalt Capital, en sa qualité de gestionnaire du Fonds Cobalt, à payer à M. [G] la somme de 300.001,10 euros en principal qui correspond à la valeur de souscription des actions en contrepartie de la remise des titres mais non en ce qu'il a écarté l'intérêt annuel Eurobor comme il était convenu.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement sauf du chef des intérêts et de dire que la somme de 300.001,10 euros sera augmentée de l'intérêt Euribor 3 mois calculé du 1er décembre 2007 jusqu'au 12 janvier 2009, avec intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 15 janvier 2010.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de confirmer les dispositions du jugement et de condamner la société Cobalt Capital, en sa qualité de gestionnaire du Fonds Cobalt, à payer à M. [G] la somme de 4 000 euros pour ses frais exposés en appel, toutes autres demandes de ce chef étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf du chef des intérêts calculés sur la somme de 300.001,10 euros,

L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau

Dit que la somme de 300.001,10 euros sera augmentée de l'intérêt Euribor 3 mois calculé du 1er décembre 2007 jusqu'au 12 janvier 2009, avec intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 15 janvier 2010,

Y ajoutant

Fixe la créance d'indemnité de M. [G] pour révocation abusive au passif de la liquidation judiciaire de la société CACL à la somme de 4 000 euros,

Fixe la créance d'indemnité de M. [G] pour révocation abusive au passif de la liquidation judiciaire de la société VTT à la somme de 4 000 euros,

Condamne la société Cobalt Capital, en sa qualité de gestionnaire du Fonds Cobalt Investment, à payer à M. [G] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Cobalt Capital, en sa qualité de gestionnaire du Fonds Cobalt Investment, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/20194
Date de la décision : 11/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°12/20194 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-11;12.20194 ?
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