La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2014 | FRANCE | N°12/09027

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 27 février 2014, 12/09027


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 27 Février 2014

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09027

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 février 2005 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE, confirmé par la Cour d'appel de Versailles par arrêt du 09 mai 2006, dont la décision a été cassée par arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 mai 2008 qui a ordonné le renvoi devant la Cour

d'Appel de Paris.







APPELANT

Monsieur [O] [C]

[Adresse 2]

non comparant, représenté par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 27 Février 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09027

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 février 2005 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE, confirmé par la Cour d'appel de Versailles par arrêt du 09 mai 2006, dont la décision a été cassée par arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 mai 2008 qui a ordonné le renvoi devant la Cour d'Appel de Paris.

APPELANT

Monsieur [O] [C]

[Adresse 2]

non comparant, représenté par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEES

Me [X] [P] (SCP [Y]) - Représentant des créanciers de MOULINEX

[Adresse 6]

représenté par Me Jean-pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1101

Me [B] [I] - Mandataire ad'hoc de MOULINEX

[Adresse 5]

représenté par Me Jean-pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1101

Me [S] [M] - Adm.jud./commissaire exécution du plan de MOULINEX

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1101

Me [Q] [J] - Commissaire à l'exécution du plan de MOULINEX

[Adresse 4]

représenté par Me Jean-pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1101

SA MOULINEX

élisant domicile chez ses mandataires

représentée par Me Jean-pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1101

PARTIE INTERVENANTE :

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Guillaume TEBOUL, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [O] [C] à l'encontre d'un jugement prononcé le 22 février 2005 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE ayant statué dans le litige qui l'oppose à la S.A. MOULINEX sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui a écarté l'application de l'accord du 27 janvier 1997, a fixé la créance de Monsieur [O] [C] au titre de la bonification de salaire inhérente à la réduction du temps de travail ainsi qu'au titre des repos compensateurs et d'un rappel d'indemnité de licenciement et l'a débouté du surplus de ses demandes.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES en date du 9 mai 2006 confirmant le jugement déféré.

Vu l'arrêt du 28 mai 2008 de la Cour de cassation, chambre sociale, cassant l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES en ce qu'il a rejeté la demande du salarié en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Monsieur [O] [C], appelant, poursuit la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fixé diverses créances au passif du redressement judiciaire de la S.A. MOULINEX, son infirmation pour le surplus et la fixation de sa créance aux sommes suivantes :

- 37 675 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des engagements pris aux termes du plan social,

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de maintien de l'employabilité du salarié,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété,

- 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

avec déclaration d'opposabilité à l'AGS-CGEA IDF OUEST.

La S.A. MOULINEX, prise en la personne de la S.C.P. [X] [P] SENECHAL GORRIAS, représentant de ses créanciers, de la SELAS SEGARD-CARBONI et de Maître [M] [S], mandataires ad hoc, intimée, soutient l'irrecevabilité de la demande de confirmation du jugement et le débouté des prétentions de Monsieur [O] [C], subsidiairement, la réduction à de plus justes proportions des sommes qui pourraient lui être allouées.

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST, intervenante forcée, conclut dans le même sens que la S.A. MOULINEX et rappelle les conditions et limites de sa garantie.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 16 octobre 1969, Monsieur [O] [C] a été engagé par la S.A. MOULINEX en qualité de technicien atelier - ajusteur moyennant une rémunération mensuelle fixée en dernier lieu à la somme de 1 829,03 €.

La société a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de NANTERRE le 7 septembre 2001. Le 22 octobre 2001, la juridiction consulaire a homologué un plan de redressement par voie de cession de l'entreprise au bénéfice du groupe SEB.

L'offre de reprise permettait de sauvegarder une partie seulement des 4 984 emplois existants et 3 064 salariés, dont Monsieur [O] [C], ont fait l'objet d'un plan de licenciement économique collectif, les lettres de licenciement étant datées du 19 novembre 2001.

SUR CE

Sur les demandes de rappels de salaire, de repos compensateurs et d'indemnité de licenciement.

Les demandes de Monsieur [O] [C] en rappels de salaire, de repos compensateurs et d'indemnité de licenciement ont été formées devant le conseil de prud'hommes de NANTERRE. De ce chef, le jugement a été confirmé par la cour d'appel de VERSAILLES. La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES "seulement en ce qu'il a rejeté la demande en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse" du salarié. Il s'avère ainsi que les demandes litigieuses ne sont ni des demande nouvelles ni des demandes dont la cour d'appel de renvoi est saisie aux termes de la cassation intervenue. Elles doivent dès lors être déclarées irrecevables.

Sur la qualification du licenciement.

Monsieur [O] [C] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute pour l'employeur d'avoir totalement exécuté son obligation de reclassement.

Il n'est pas sérieusement contesté qu'aucune possibilité de reclassement ne s'offrait au sein de l'entreprise, la S.A. MOULINEX ayant cessé toute activité et licencié 3 064 salariés, ni au sein du groupe constitué avec la société BRANDT, laquelle, avec ses douze filiales, a été également placée en redressement judiciaire, a procédé à des licenciements massifs (1 170 salariés) et a fait l'objet d'un plan de cession au profit d'une société israélienne. La déconfiture de l'ensemble du groupe rendait toute perspective de reclassement interne parfaitement inexistante.

La recherche de reclassement s'est étendue à l'extérieur du groupe. Il pesait à cet égard sur la S.A. MOULINEX une obligation conventionnelle tirée de l'article 28 de l'accord national du 12 juin 1987 intitulé "accord sur les problèmes généraux de l'emploi" et disposant que l'employeur amené à envisager un licenciement collectif d'ordre économique doit notamment "rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi".

En l'espèce, la recherche de reclassement externe à l'entreprise et au groupe s'est traduite par la mise en oeuvre, de la part de la S.A. MOULINEX puis des organes de la procédure, relayés par les pouvoirs publics, de moyens tout à fait exceptionnels allant jusqu'à la désignation d'un délégué interministériel ou encore la réactivation, pour les seuls salariés MOULINEX, des conventions de conversion qui avaient été abrogées quelques mois auparavant. Dans ce cadre, il a été fait appel aux commissions territoriales de l'emploi de l'Orne et du Calvados, qui ont été saisies comme en attestent les diligences qu'elles ont accomplies (pièce 10 de la S.A. MOULINEX) et dont les membres (deux représentants de chacune des organisations syndicales signataires et un nombre de représentants patronaux égal au total des membres des organisations syndicales, selon l'article 2 de l'accord du 12 juin 1987) ont pu participer, parmi d'autres et dans un environnement élargissant de façon considérable leurs moyens d'action habituels, à un dispositif de recherche hors du commun.

C'est ainsi que le 'délégué interministériel aux restructurations MOULINEX', Monsieur [O] [D], indique dans un courrier du 18 novembre 2008 (pièce 12 de la S.A. MOULINEX) dont les termes ne sont en rien contestés par l'appelant : 'il est apparu indispensable aux pouvoirs publics d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan pour atténuer l'impact des suppressions d'activité de MOULINEX (...) Dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les pouvoirs publics ont décidé de centraliser l'ensemble des moyens destinés non seulement à la ré-industrialisation des sites de production MOULINEX et à la redynamisation des bassins industriels, mais également au reclassement des salariés dont le licenciement allait être inévitablement prononcé (...) Bien avant l'homologation du plan de redressement judiciaire et donc avant notification des licenciements, mes initiatives ont été nombreuses, ayant conduit à ce que se réunissent régulièrement tous les acteurs concernés : ANPE, ASSEDIC, AFPA, DATAR, Chambres de commerce et d'industrie, Chambres de métiers, organisations patronales (MEDEF) et les représentants des principales organisations syndicales (...) en outre, j'ai personnellement contacté de nombreuses entreprises susceptibles de constituer le cadre de reclassement possible de salariés'.

Il est joint à ce courrier des documents de travail démontrant le sérieux et l'ampleur des actions menées dans chacun des bassins d'emploi concernés.

Il s'avère ainsi que l'employeur, par lui-même comme avec le concours particulièrement volontariste des pouvoirs publics, a satisfait pleinement à ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles de reclassement et que le débouté de la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être confirmé.

Sur les engagements du plan social.

Le plan social dispose : "la société MOULINEX S.A. s'engage à ce que les cabinets animateurs proposent des OVE [offres valable d'emploi] à chaque salarié adhérent à la cellule de reclassement. Nombre : au moins 3 (...)".

Il n'est pas contesté que Monsieur [O] [C] n'a pas bénéficié des offres ainsi spécifiées.

Cette disposition du plan, exprimée en termes dépourvus de toute restriction, a manifestement pour objet, et nécessairement pour effet, de mettre à la charge de la S.A. MOULINEX l'aléa lié à la recherche des emplois ainsi définis et constitue pour elle une obligation de résultat.

Cette dernière n'ayant pas été remplie, Monsieur [O] [C] subi un préjudice tenant à la perte de chances de retrouver un emploi, lequel, au regard des circonstances de l'espèce, sera réparé par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 4 000 €.

Sur le maintien de "l'employabilité".

Il n'est pas contesté que Monsieur [O] [C], tout au long de sa carrière au sein de l'entreprise - 32 ans -, n'a bénéficié d'aucune formation. La carence de l'employeur de ce chef a sensiblement accru la difficulté pour Monsieur [O] [C] de retrouver un emploi après son licenciement. Le préjudice subi sera lui aussi réparé par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 4 000 €.

Sur le préjudice d'anxiété.

Il est établi que la S.A. MOULINEX a utilisé habituellement de l'amiante dans les processus de production qu'elle mettait en oeuvre et auxquels Monsieur [O] [C] a été susceptible de participer. Cette circonstance implique une présomption d'exposition qui n'est pas combattue par l'employeur, aucun élément n'étant produit sur les lieux et les modalités précis de l'exercice professionnel du salarié tout au long de la relation contractuelle.

Au regard de la dangerosité du produit incriminé et du risque non négligeable de développement d'une maladie pour le salarié qui y a été de manière habituelle exposé, le préjudice d'anxiété invoqué par Monsieur [O] [C] est certain dans son principe. En dehors de tout élément extérieur permettant de caractériser plus concrètement l'ampleur du trouble dénoncé, ce préjudice sera réparé par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 1 000 €.

Sur l'intervention de l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST.

Les dispositions du présent arrêt seront déclarées opposables à l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST, dans les limites de sa garantie, étant précisé qu'il y a lieu au cas d'espèce à application du plafond 13 tel que défini au second semestre de l'année 2001.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Les dépens de première instance et d'appel constitueront des frais privilégiés du redressement judiciaire de la S.A. MOULINEX, qui reste débitrice de Monsieur [O] [C].

Il y a lieu, en équité, de laisser à Monsieur [O] [C] la charge de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare irrecevable la demande de confirmation du jugement déféré en ses dispositions relatives aux rappels de salaire, de repos compensateurs et d'indemnité de licenciement.

Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Y ajoutant,

Fixe la créance de Monsieur [O] [C] sur le redressement judiciaire de la S.A. MOULINEX aux sommes suivantes :

- 4 000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des engagements pris aux termes du plan social,

- 4 000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation du maintien de l'employabilité du salarié,

- 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété.

Déclare les créances opposables à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST, dans les limites de sa garantie.

Dit que les dépens d'appel constitueront des frais privilégiés du redressement judiciaire de la S.A. MOULINEX.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [O] [C].

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/09027
Date de la décision : 27/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/09027 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-27;12.09027 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award