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08/04/2014 | FRANCE | N°12/18260

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 08 avril 2014, 12/18260


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 08 AVRIL 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18260



Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation du 02 novembre 2011 (RG : E10-10-739) - d'un arrêt rendu le 20 novembre 2009 par la Cour d'appel de PARIS (RG : 07/18249) - sur appel d'un jugement rendu le 30 octobre 2006 par le Tribunal de grande instance de PARIS (RG

: 06/870)



APPELANTS



Monsieur [H] [J]

né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 2] (Sarthe)

de nationalité française

[Adresse 1]
...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 08 AVRIL 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18260

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation du 02 novembre 2011 (RG : E10-10-739) - d'un arrêt rendu le 20 novembre 2009 par la Cour d'appel de PARIS (RG : 07/18249) - sur appel d'un jugement rendu le 30 octobre 2006 par le Tribunal de grande instance de PARIS (RG : 06/870)

APPELANTS

Monsieur [H] [J]

né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 2] (Sarthe)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assisté de Maître Yves-Marie RAVET de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

Madame [P] [K] épouse [J]

née le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 1] (Maroc)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assisté de Maître Yves-Marie RAVET de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

INTIMES

SA MUTUELLE DU MANS ASSURANCES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté de Maître Nathalie SIU BILLOT, de l'AARPI CAA JURIS EUROPAE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 094, substitué par Maître Arnaud MANGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0340

Monsieur [U] [W]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté de Maître Nathalie SIU BILLOT, de l'AARPI CAA JURIS EUROPAE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 094, substitué par Maître Arnaud MANGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0340

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

En 2001, le cabinet d'expertise-comptable GEDAC ,dirigé par M. [W], a assisté M et Mme [J] et leurs enfants pour procéder, au moyen de cession de droits sociaux, à un regroupement des sociétés qu'ils contrôlaient par voie de création d'une société holding et ce, afin d'adopter le régime de l'intégration fiscale. En 2004, M et Mme [J] ont reçu un avis de mise en recouvrement portant sur 153 668 euros au titre de l'imposition des plus-values résultant des cessions d'actions et de parts sociales réalisées dont l'administration fiscale retenait le caractère personnel et non professionnel. Le cabinet GEDAC n'ayant plus d'existence juridique, les époux [J] ont assigné en responsabilité à raison de cette imposition M. [W] lequel a appelé en garantie son assureur, la société Mutuelles du Mans Assurances (MMA).

Par jugement du 30 octobre 2006, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. [W] à payer à M et Mme [J] la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'avoir accepté en connaissance de cause les conséquences fiscales d'une telle opération, a rejeté la demande de réparation de préjudice moral, a dit la société MMA tenue de garantir son assuré, a ordonné l'exécution provisoire et condamné M. [W] à payer aux demandeurs la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt confirmatif rendu le 20 novembre 2009 par cette cour a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation chambre commerciale du 2 novembre 2011 au visa de l'article 1147 du code civil pour défaut de base légale au motif que pour condamner M. [W] à payer à M et Mme [J] des dommages et intérêts au titre du préjudice économique et pour, dans cette seule limite, condamner la société MMA à garantir son assuré, l'arrêt retient que, débiteur d'une obligation de conseil à l'égard de ses clients, l'expert-comptable devait les aviser que l'opération pouvait entraîner le paiement de plus-values sur les cessions et notamment que le bénéfice d'un régime dérogatoire ne pouvait être garanti, que, par conséquent, ils pourraient être imposés, que l'arrêt retient encore que, faute de démontrer qu'il avait informé ses clients d'une possibilité d'être imposés au titre des plus-values, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu une faute et qu'ils ont qualifié le préjudice de perte de chance d'avoir eu la possibilité de choisir entre deux options, accepter l'opération en étant informés des conséquences pécuniaires ou la refuser, qu'en se déterminant ainsi sans rechercher s'il n'existait pas une opération alternative à celle conseillée par M. [W] qui n'aurait pas entraîné l'imposition des plus-values résultant des cessions d'actions et de parts sociales, la cour a privé sa décision de base légale.

M et Mme [J] ont saisi la cour de renvoi selon déclaration du 3 octobre 2012.

Par conclusions récapitulatives n°3, ils demandent à la cour, vu l'article 1147 du code civil, l'article 16 du code des devoirs de la profession d'expert-comptable, le contrat responsabilité civile 8318372 920220 001231, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les MMA à garantir M. [W] de toutes ses condamnations, condamné in solidum M. [W] et les MMA à verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre dépens, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de déclarer les époux [J] recevables et bien fondés en leurs demandes, en conséquence, de dire que M. [W] a manqué à son obligation de conseil en sa qualité d'expert-comptable, de dire que les époux [J] ont subi un préjudice économique s'élevant à la somme de 282.762 euros ainsi qu'un préjudice moral qu'ils entendent voir réparer, de condamner M. [W] à leur payer la somme de 282.762 euros au titre du préjudice économique subi, outre les intérêts légaux à compter du jugement de première instance, la somme de 50.000 euros au titre de leur préjudice moral, outre les intérêts légaux à compter du prononcé du jugement de première instance, d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, de condamner la société MMA à garantir M. [W] de ces condamnations, y ajoutant, de condamner in solidum les intimés à verser aux époux [J] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2014, la société MMA IARD et M. [W] demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a cru devoir retenir à l'encontre de M. [W] une faute et un préjudice indemnisable, de le confirmer en ce qu'il a rejeté toutes les demandes des époux [J] au titre du préjudice moral, en conséquence, de débouter les époux [J] de l'ensemble de leurs réclamations et de les condamner à payer à chacun d'eux la somme d e 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Les époux [J] réitèrent les griefs imputés à l'expert-comptable auquel ils reprochent d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information, d'une part, en leur conseillant une opération inappropriée dans la mesure où elle n'était pas intéressante fiscalement alors même qu'il existait d'autres solutions pour arriver au même résultat sans supporter des conséquences fiscales désastreuses, en particulier la cession entre personnes physiques apparentées laquelle bénéficie d'exonérations fiscales en vertu de l'article 150-0 A du code général des impôts, d'autre part, en ne les informant pas des obligations légales en matière de fiscalité du fait de sa propre méconnaissance de celles-ci.

Ils soutiennent que s'ils avaient été utilement renseignés sur les risques de requalification des plus-values déclarées comme professionnelles en plus-values personnelles, ils n'auraient pas poursuivi l'opération proposée par leur expert-comptable ou auraient, en pleine connaissance de cause, accepté les risques inhérents de sorte que leur préjudice économique n'est pas une simple perte de chance mais s'entend de l'intégralité du redressement.

Il est constant que les époux [J] et leurs enfants ont constitué un groupe familial, comprenant une vingtaine de sociétés, spécialisées, les unes, dont la société Mandar anciennement dénommée Agrounit, dans l'achat et la vente de fruits et légumes, activité historique du groupe, les autres principalement dans le secteur de l'immobilier, qu'en 2001, il a été décidé de procéder à une restructuration du groupe à la tête duquel se trouverait la société Mandar ex-Agrounit, que l'opération a été réalisée par voie de cession des titres de certaines sociétés détenues par les époux [J] et par leurs trois enfants à d'autres sociétés du groupe, que la société mère Mandar est ainsi devenue détentrice à 99 % de neuf filiales détenant elles-mêmes deux autres sous-filiales à hauteur de 99 %, qu'il a été mis en place un régime d'intégration fiscale pour l'ensemble du groupe, que les plus-values générées par les différentes cessions ont été déclarées sous le régime des plus-values professionnelles, que l'administration fiscale a considéré qu'il s'agissait de plus-values personnelles réalisées dans le cadre d'une activité non professionnelle, que les dites plus-values (972 092 euros) ont été redressées et imposées au taux de 16 %, entraînant un rappel d'impôt de 153 668 euros sur l'exercice 2001, majoré à la somme de 174 106 euros pour pénalités de retard et frais d'actes.

Les époux [J] prétendent sans aucune justification que l'opération avait pour objectif la transmission de patrimoine à leurs trois enfants, qu'il était possible dans le cadre de la législation fiscale de réaliser une restructuration d'entreprises sans que les détenteurs de capitaux soient confrontés à une taxation fiscale importante et que M.[W] aurait pu pour éviter la fiscalisation des plus-values générées par la cession des titres leur conseiller d'effectuer une cession directe de leurs titres au profit de leurs enfants au sein de la société Mandar, exonération prévue par l'article 150-0-A du code général des impôts.

Il apparaît, au contraire, que l'objectif était celui du bénéfice de l'intégration fiscale, qui a été effectivement atteint à partir du 1er janvier 2002 et qui passait par la filialisation de toutes les sociétés du groupe au bénéfice d'une holding, en l'occurrence la société Mandar, de manière à remédier aux effets de la confusion des activités agro-alimentaires et immobilières .

Au regard de l'objectif établi d'intégration fiscale qui ne se confond pas avec celui de transmission patrimoniale, la faute alléguée prise d'un conseil inapproprié quant au montage réalisé n'est pas démontrée et c'est encore sans aucune justification que les époux [J] affirment que d'autres choix auraient permis d'éviter le redressement fiscal.

En revanche, il ressort des pièces au débat que l'expert-comptable a manqué à son obligation d'information sur les conséquences de l'opération en n'appelant pas l'attention de ses clients sur le risque de requalification des plus-values générées qui n'étaient pas professionnelles mais personnelles et qu'il ne s'est pas assuré que leur déclaration fiscale était conforme aux exigences légales .

En effet, les époux [J] ont établi une déclaration de titres sociaux (imprimé 2759) et le 2 juillet 2003, ils recevaient une mise en demeure de remettre aux services fiscaux leurs déclarations de plus-values (imprimé 2074).

Or, le 18 mars 2003, M. [W] écrivait au centre des impôts pour indiquer que compte tenu du caractère professionnel des cessions une simple déclaration de titres sociaux suffisait et qu'une déclaration 2074 n'était pas nécessaire.

Le fait que les époux [J] ont signé la lettre du 18 mars 2002 sollicitant un régime particulier avec une demande d'étalement de l'imposition sur 5 ans n'est pas de nature à exonérer l'expert-comptable de sa faute étant rappelé que l'expert-comptable doit s'assurer que la déclaration fiscale de son client est conforme aux exigences légales, peu important à cet égard les compétences de celui-ci.

S'agissant du préjudice, comme il a été dit, les appelants ne font pas la preuve d'une solution alternative pour laquelle ils auraient certainement opté permettant d'obtenir le montant de redressement à titre de réparation.

Les conséquences préjudiciables certaines résultant du manquement à l'obligation d'information ne sauraient consister dans l'impôt dû qui n'est pas un préjudice indemnisable mais s'entendent des pénalités de retard à l'exclusion de toute autre somme non justifiée, notamment au titre de frais, soit la somme totale de 24 972 euros se décomposant comme suit:

- 15 367 euros au titre de la majoration de 10 % sur l'impôt sur les plus-values,

- 9 605 euros au titre de la majoration de 10 % sur les contributions.

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [W] au paiement de la somme de 50 000 euros au titre d'une perte de chance et de fixer le préjudice économique des époux [J] à la somme de 20 438 euros sur laquelle les intérêts seront dus à compter du présent arrêt sans qu'il y ait lieu à capitalisation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté de leur demande de réparation d'un préjudice moral qui n'est pas caractérisé.

La solution du litige conduira à confirmer les dispositions du jugement faisant application de l'article 700 du code de procédure civile aux époux [J] et, y ajoutant, à allouer à ceux-ci la somme de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ses dispositions allouant à M et Mme [J] la somme de 50 000 euros au titre d'une perte de chance,

Statuant à nouveau de ce chef

Condamne M. [W] à payer à M et Mme [J] la somme de 24 972 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à capitalisation,

Condamne M. [W] à payer à M et Mme [J] la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit la société MMA tenue de garantir son assuré,

Condamne M. [W] et la société MMA in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/18260
Date de la décision : 08/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°12/18260 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-08;12.18260 ?
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