La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2014 | FRANCE | N°12/06809

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 16 octobre 2014, 12/06809


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 16 Octobre 2014

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06809 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section industrie RG n° 11/02649



APPELANT

Monsieur [L] [S]

Chez Mme [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Catherine POSOKHOW,

avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 341



INTIMEE

Sarl SOTRABATIM

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Hélène GUINARD, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 16 Octobre 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06809 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section industrie RG n° 11/02649

APPELANT

Monsieur [L] [S]

Chez Mme [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Catherine POSOKHOW, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 341

INTIMEE

Sarl SOTRABATIM

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Hélène GUINARD, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 247

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre, chargée du rapport, en présence de Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [S] a été engagé par la SARL Sotrabatim suivant un contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2008 au 31 juillet 2008.

Un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été conclu par les parties pour la période du 1er septembre 2008 au 30 novembre 2008, lequel contrat a fait l'objet d'un renouvellement jusqu'au 28 décembre 2009. Les relations contractuelles se sont ensuite poursuivies dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2009.

Le 20 juillet 2010, M. [S] a été victime d'un accident de travail et placé en arrêt du 20 juillet au 2 août 2010. À la suite de la reprise de ses activités, il a fait l'objet d'un arrêt maladie du 7 février 2011 au 29 mars 2011.

Consécutivement à un avis médical d'inaptitude, M. [S] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de le reclasser par lettre du 13 mai 2011.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits et contestant son licenciement, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil aux fins d'obtenir la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, outre l'indemnité de requalification y afférente, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'annulation de sanctions disciplinaires, la nullité du licenciement et le paiement de diverses indemnités.

Par un jugement du 23 mai 2012, le conseil de prud'hommes de Créteil, section industrie a fixé la moyenne des salaires à la somme de 1904,77 euros, annulé la mise à pied disciplinaire du 21 octobre 2010, requalifié le contrat de travail du 1er décembre 2008 en contrat de travail à durée indéterminée et condamné la SARL Sotrabim à verser à M. [S] des sommes suivantes :

- 174,83 euros à titre de rappel de congés payés,

- 1904,77 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a débouté le salarié du surplus de ses prétentions.

Appelant de ce jugement, M. [S] demande à la cour de confirmer le jugement sur les les questions du rappel des congés payés, et de l'annulation la sanction disciplinaire, mais de l'infirmer pour le surplus.

Il réclame paiement des sommes suivantes :

- 11 428,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire en application de l'article L. 8223-1 du code du travail,

- 1904,77 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect des dispositions légales et réglementaires relatives aux congés payés dans les métiers du bâtiment,

- 1904,77 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de remise du certificat de congés payés,

- 16,90 euros à titre de rappel de prime de panier,

- 175,82 euros à titre de rappel de salaire au titre de deux jours de congé sans solde illégaux,

- 1904,77 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi lié à la sanction prononcée pendant une période de suspension du contrat de travail,

- 1904,77 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire,

- 2510,43 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 29 mars au 15 juin 2011 outre les congés payés afférents, avec compensation avec la somme de 840,62 euros déjà versée,

- 1904,77 euros à titre de dommages-intérêts pour retenue illicite de salaire,

- 11 428,62 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite,

- 5714,31 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice distinct subi par le salarié du fait d'un harcèlement,

- 1904,77 euros à titre de dommages-intérêts pour remiser tardive des documents sociaux de fin de contrat,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié demande que les condamnations de nature salariale portent intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, que l'ensemble des condamnations de nature indemnitaire porte intérêts à compter de la notification de la décision à intervenir.

Il sollicite également que la SARL Sotrabatim soit condamnée à verser à l'URSSAF des cotisations sociales dues pour la période d'emploi dissimulé de 10 mois calculés sur la base d'une rémunération forfaitaire égale à six fois le SMIC mensuel et sur la base de 151,67 heures.

À titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement ayant requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 1er décembre 2008 en contrat de travail à durée indéterminée et lui ayant alloué la somme de 1904,77 euros à titre d'indemnité de requalification. Il réclame une somme de 11 428,62 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SARL Sotrabatim a relevé appel du jugement déféré, en ce qu'il a requalifié le contrat du 1er décembre 2008 en un contrat de travail à durée indéterminée, l'a condamnée au versement d'une indemnité de requalification, d'un rappel de congés payés ainsi qu'à une indemnité prévue par les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il s'oppose aux prétentions formulées par M. [S] et réclame une indemnité de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS :

Sur le travail dissimulé :

M. [S] soutient que la SARL Sotrabatim s'était engagée le 18 juin 2007 à l'embaucher à compter du 1er septembre 2007, que consécutivement à l'assouplissement de la réglementation concernant l'embauche de polonais dans le bâtiment, l'employeur n'a pas donné suite à la promesse et l'a fait travailler sans le déclarer.

Il en conclut qu'outre le manquement de la société à ses obligations contractuelles en refusant de conclure le contrat de travail promis, la SARL Sotrabatim s'est rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé pour la période du 1er septembre 2007 au 30 juin 2008 soit, pendant 10 mois.

La SARL Sotrabatim soutient que la promesse d'embauche délivrée avait pour objet de permettre au salarié d'obtenir une autorisation de travail dès lors que M. [S] ne pouvait travailler qu'à condition d'obtenir une autorisation de la DDE, laquelle autorisation n'a jamais été donnée. Elle ajoute que c'est à l'occasion de l'ouverture définitive du marché du travail le 1er juillet 2008, qu'elle a effectivement embauché M. [S] et n'a plus donné suite au recours administratif engagé.

D'après les pièces communiquées, il apparaît que le 18 juin 2007, les parties ont signé un document intitulé « promesse d'embauche ». Aux termes de ce document, il apparaît que la société s'est engagée à établir au profit de M. [S] un contrat de travail «nouvelles embauches » devant prendre effet le 1er septembre 2007, le salarié devant occuper la fonction de peintre décorateur et percevoir une rémunération mensuelle de 1525 euros bruts correspondant à 151,67 heures de travail.

La SARL Sotrabatim communique aux débats la lettre de la direction départementale du travail indiquant « dans le cadre du recours contentieux présenté au tribunal administratif de Paris contre notre décision de refus d'autorisation de travail prise à l'encontre de M. [S], et après lecture de la promesse d'embauche que vous nous avez adressée, [...] »

Une promesse d'embauche qui comporte la mention de l'emploi proposé, de la date d'entrée et de la rémunération du salarié vaut contrat de travail.

Or, en présence d'un contrat de travail écrit, c'est à celle des deux parties qui invoque la fictivité dudit contrat d'apporter la preuve de l'absence de contrat de travail.

Il résulte des circonstances de la cause que la difficulté liée à la nécessaire autorisation de la DDE a été prise en compte par l'employeur qui a engagé un recours devant le tribunal administratif, recours devenu sans objet et auquel il a renoncé lors de l'ouverture définitive du marché du travail le 1er juillet 2008.

Cette démarche conforte en réalité la réalité de relations contractuelles engagées, l'employeur ayant engagé la procédure idoine pour la régularisation de la situation de son salarié.

En tout état de cause, l'employeur n'apporte pas la preuve qui lui incombe que M. [S] n'a pas fourni de prestation de travail à compter du 1er septembre 2007 conformément à la promesse d'embauche signée par les deux parties.

Par ailleurs, selon l'article L.8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, à la délivrance de bulletins de paie.

L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 du code du travail a droit une indemnité forfaitaire égale à six mois de travail.

Dans le cas d'espèce, le contrat de travail ayant été rompu, le salarié est fondé obtenir l'indemnité forfaitaire qu'il réclame, l'élément intentionnel nécessaire à la condamnation de l'employeur résultant de ce que celui-ci n'ignorait pas l'impossibilité d'engager le salarié en l'absence d'autorisation de la DDE, pour la période du 1er septembre 2007 au 1er juillet 2008.

Il sera fait droit à la demande formulée.

Compte tenu d'un salaire mensuel de 1904,77 euros bruts, l'indemnité forfaitaire sera fixée à la somme de 11 428,62 euros.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

Sur la demande relative au non-respect des dispositions légales et réglementaires relatives aux congés payés :

Se fondant sur les dispositions des articles L.3141-30 et D. 3141-1212 et suivants du code du travail selon lesquelles les entreprises exerçant une ou plusieurs activités entrant dans le champ d'application des conventions collectives nationales étendues du bâtiment et des travaux publics doivent obligatoirement adhérer à une caisse de congés payées spéciale, dont le rôle principal est de collecter les cotisations sociales en matière d'indemnités de congés payés et de les reverser aux salariés, M. [S] réclame des dommages-intérêts à un double titre.

Il soutient avoir subi un préjudice d'une part, lié au fait que l'employeur n'a pas respecté les obligations légales précitées et s'est substitué à la caisse pour lui verser des indemnités de congés payés, d'autre part, à raison de la contravention avec les dispositions de l'article D 3141-34 du code du travail, l'employeur ne lui ayant pas remis, avant son départ en congé ou à la date de rupture de son contrat un certificat en double exemplaire lui permettant de justifier de ses droits à congé envers la caisse d'affiliation du dernier employeur.

La SARL Sotrabatim réplique que M. [S] n'a subi aucun préjudice dès lors qu'il a été entièrement réglé de ses congés payés.

Toutefois, le non-respect par la SARL Sotrabatim des dispositions légales s'agissant tout à la fois de la filiation à une caisse de congés payés spéciale et de la remise lors de la rupture du contrat de travail d'un certificat de nature à permettre au salarié de justifier de ses droits à congés envers la caisse d'affiliation du dernier employeur est nécessairement à l'origine un préjudice pour le salarié qui sera exactement réparé par l'allocation d'une somme globale de 300 euros.

Sur la demande de rappel au titre des congés payés :

- sur la période du mois de septembre 2008 et l'année 2009, il avait acquis 22,5 jours de congés et pris un seul jour de congés payés en sorte qu'il restait un solde de 21,5 jours.

- sur la période de juin 2009 mois de mai 2010, il avait acquis 30 jours de congés payés, pris 33 jours de congés payés en sorte qu'il lui restait un solde de 18,5 jours de congés payés ;

- sur la période du mois de juin 2010 au mois de juin 2011, il avait acquis 22,5 jours de congés payés et pris 26 jours de congés payés en sorte qu'il lui restait un solde de 15 jours de congés payés.

Il fait observer que sur l'attestation Pôle emploi, l'employeur a mentionné une indemnisation de 13 jours de congés payés et en déduit qu'il lui doit encore la somme de 174,83 euros.

La SARL Sotrabatim réplique que M. [S] a commis une erreur de calcul dès lors que sur la période juin 2010 à mai 2011 inclus, il n'a pas acquis 22,5 jours mais seulement 20,5 jours compte tenu de ce qu'il a été en arrêt maladie à compter du 7 février 2011.

Il est exact que le droit à congés payés repose sur la notion de travail effectif, que sauf dispositions conventionnelles plus favorables, la notion de travail effectif exclut les périodes au cours desquelles l'exécution du contrat a été suspendue et notamment pendant les périodes de maladie ou d'accident non professionnels.

En l'espèce, M. [S] a fait l'objet d'un arrêt maladie à compter du 7 février 2011 et ne peut donc prétendre à l'acquisition de jours de congés postérieurement à cette date.

C'est donc à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. [S] et lui ont alloué la somme de 174,83 euros à titre de rappel de congés payés.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

Sur la demande de rappel de congés payés pour deux jours non travaillés illégalement du fait de l'employeur :

M. [S] explique qu'au mois d'août 2010, la société a fermé du 1er au 31 août 2010 ce qui a correspondu à une période de 26 jours ouvrables et ce, en contravention avec les dispositions des articles L. 3141-17 et suivants du code du travail limitant la fermeture d'une entreprise pour une période d'au plus égale à 24 jours ouvrables de congé, et a déduit deux jours de congés sans solde, soit la somme de 175,82 euros bruts.

C'est en vain que l'employeur soutient que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition à cette période à défaut pour lui de contester être retourné dans son pays d'origine la Pologne, alors qu'elle ne conteste pas avoir décidé de la fermeture complète de l'entreprise du 1er au 31 août 2010, et avoir ainsi prévu unilatéralement qu'elle ne fournirait aucun travail à ses salariés lors des deux jours ouvrables au-delà des 24 jours légalement prévus.

C'était à juste titre que le salarié réclame paiement de ces deux jours qui lui ont été retenus illégalement.

Il sera fait droit à la demande au paiement de la somme de 175,82 euros au titre de ce rappel.

Le jugement déféré sera réformé.

Sur la demande de rappel de prime de panier :

Se fondant sur les dispositions de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment et de l'avenant 19 du 3 février 2009, selon lesquelles les salariés ont droit à des indemnités de repas dont le montant journalier s'élevait à la somme de 8,45 euros à compter du 1er février 2009, puis de 8,5 euros à compter du 1er février 2010 et enfin de 8,65 euros à compter du 1er janvier 2011, M. [S] estime que la SARL Sotrabatim lui doit encore la somme de 16,90 euros à titre de rappel de la prime de panier compte tenu du versement effectué à hauteur de 48,40 euros le 13 janvier 2012.

Si la SARL Sotrabatim a effectivement régularisé le paiement des primes de panier pour les années 2009 et 2011, elle n'a pas satisfait à l'obligation lui incombant de payer les primes de panier pour les deux jours ouvrables du mois d'août 2010, indûment retenus.

Il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 16,90 euros. Le jugement sera réformé.

Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 21 octobre 2010 :

Le salarié allègue que les reproches et la sanction du 21 Octobre 2010, sont intervenus pendant une période de suspension du contrat de travail et du fait que la sanction est infondée tant sur la forme que sur le fond.

D'après les éléments communiqués, il est exact que M. [S] a été victime d'un accident du travail le 20 juillet 2010 et a été arrêté jusqu'au 1er août 2010 inclus, qu'aucune visite de reprise n'a été effectivement organisée consécutivement à cette absence de plus de huit jours à la suite d'un accident de travail, en tout cas pas avant la notification de la sanction contestée.

Dans ces conditions, l'employeur ne pouvait utilement invoquer des faits commis alors que le contrat de travail était, en l'absence de visite de reprise, conformément aux dispositions de l'article R. 4624 ' 21 du code du travail, toujours suspendu.

Le conseil de prud'hommes a, à bon droit, annulé la sanction notifiée le 21 octobre 2010.

Par ailleurs, M. [S] réclame le paiement de dommages et intérêts tout à la fois pour le préjudice subi lié au prononcé d'une sanction pendant une période de suspension du contrat de travail à l'origine d'une retenue de trois jours de salaire et pour le préjudice spécifique résultant du non-respect de la procédure disciplinaire . Il explique qu'il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 octobre 2010 à 16h30 alors qu'il était retenu sur un chantier jusqu'à 17h00, et n'a pu présenter ses observations.

La retenue sur salaire, le prononcé d'une sanction disciplinaire pendant une période de suspension du contrat de travail pour des faits prétendus commis au cours de cette suspension, et l'entrave faite au salarié de se rendre à l'entretien préalable alors qu'il était retenu sur un chantier sont à l'origine d'un préjudice que la cour arrête à la somme de 800 euros.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de toute demande de dommages-intérêts à cet égard.

Sur le licenciement

M. [S] soutient que la visite médicale du 29 mars 2011 ne peut être considérée comme une visite médicale de reprise au cours de laquelle le médecin pouvait conclure à son inaptitude à reprendre son poste dès lors que cette visite avait été unilatéralement sollicitée par lui et non par l'employeur.

Il considère que par suite le licenciement prononcé postérieurement sur la base de cet avis d'inaptitude est nul comme ayant été notifié pendant la suspension de son contrat de travail à défaut de visite de reprise après l'accident du travail dont il a été victime le 21 juillet 2010.

La SARL Sotrabatim soutient avoir sollicité la visite de reprise en connaissance du fait que le terme de l'arrêt maladie était fixé au 28 mars 2011.

S'il est exact que le salarié avait adressé une lettre au médecin du travail dès le 21 février 2011 pour lui adresser une demande d'examen, la SARL Sotrabatim verse au débat une lettre du docteur [E], médecin du travail, qui confirme avoir examiné M. [S] le 29 mars 2011 en visite de reprise, alors que l'arrêt de travail signé par le médecin de famille se terminait le 28 mars.

Dans ces conditions, cet examen médical doit recevoir la qualification de visite de reprise, en sorte que le licenciement prononcé ultérieurement n'est pas intervenu alors que le contrat était suspendu.

Le moyen tiré de la nullité du contrat pour notification du licenciement au cours d'une suspension du contrat de travail consécutif à un accident du travail est inopérant.

Par ailleurs, M. [S] soutient avait été victime de harcèlement de la part de son employeur.

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [S] considère que le harcèlement était caractérisé selon lui par des insultes permanentes en français et en portugais, des gestes grossiers et déplacés, l'envoi de nombreuses lettres recommandées en vue de multiplier les sanctions, l'interdiction faite à un autre salarié de le conduire à la gare ou de l'y prendre lorsque le chantier était éloigné de plusieurs kilomètres, des sanctions pécuniaires lorsqu'il refusait de travailler le samedi en heures non payées en heures supplémentaires, la nécessité pour lui de réclamer des équipements de protection. Il évoque aussi le fait que M. [B] l'a heurté volontairement avec le camion de l'entreprise et a d'abord refusé de déclarer un accident du travail.

S'agissant de la multiplication des sanctions, M. [S] explique que :

- l'avertissement du 10 septembre 2009 avait vocation à le sanctionner pour avoir volontairement souillé les murs du couloir d'une cave d'un chantier alors qu'il n'est ni carreleur ni peintre, qu'il conteste être l'auteur de ces souillures,

- l'avertissement du 8 février 2010 lui faisait grief d'avoir généré un court-circuit sur un chantier malgré les avertissements de son collègue et d'avoir volontairement sectionné au raz du plafond le câble de l'interphone ce qu'il conteste fermement. Il dénonce au contraire la défaillance de la société qui n'a pas fait intervenir un électricien afin d'éviter d'éviter toute mise en danger des salariés,

- la mise à pied du 21 octobre 2010 est nulle pour avoir été notifiée alors que le contrat de travail était suspendu.

Le salarié explique avoir du, consécutivement à l'interdiction faite à un autre salarié de le conduire sur les chantiers avec le camion de l'entreprise, marcher près de 8 km dans la neige, le 31 janvier 2011 pour se rendre sur le chantier de la société Lafarge.

Il dénonce aussi l'absence d'achats par l'employeur de matériels de protection.

M. [S] soutient avoir été sanctionné financièrement consécutivement à son refus de travailler un samedi et explique avoir reçu une prime de marteau-piqueur de 38,04 euros pour le mois de janvier 2011 alors qu'il avait pourtant travaillé pendant 20 jours sur des travaux de marteau-piqueur et que l'employeur s'était engagé à lui verser une prime de 250 euros à cet égard. Toutefois, aucun document ne justifie le prétendu engagement de l'employeur à lui verser une prime de 250 euros pour l'utilisation du marteau-piqueur au cours du mois de janvier 2011.

M. [S] considère que M. [B] lui-même l'a heurté volontairement le 20 juillet 2010 avec le camion de l'entreprise, qu'au surplus, tout reproche sur le prétendu envoi tardif de l'arrêt de travail révèle la parfaite mauvaise foi de l'entreprise qui ne pouvait pas ignorer la difficulté.

Le salarié fait enfin état des problèmes de santé rencontrés et invoque l'arrêt maladie de février 2011 ayant pour cause un syndrome anxio- dépressif.

L'employeur soutient que les sanctions notifiées au salarié étaient justifiées.

S'agissant du premier avertissement, il est exact que la lettre adressée par l'agence Loiselet et Daigremont n'établit pas la responsabilité du salarié dans la dégradation relevée au mois de juillet 2009, M. [Z] faisant état de souillures réalisées à l'occasion des travaux de carrelage et de peinture du local vide-ordure.Ce témoignage ne met donc pas en cause directement la personne même de M. [S]. Il y a lieu de relever que celui-ci n'était ni carreleur ni peintre, que les souillures ont été réalisées lors de ce type de travaux.

Il s'en déduit que l'employeur n' apporte pas la preuve du caractère fondé de la sanction prononcée à son encontre.

S'agissant de l'avertissement du 8 février 2010, l'employeur communique au débat l'attestation de M. [I] qui déclare avoir réalisé une remise en état de l'alimentation interphone ainsi que l'alimentation EDF sur un palier du deuxième étage consécutive à des travaux effectués par un des employés de la SARL Sotrabatim.

Une fois encore, ce témoignage ne suffit pas à établir que M. [S] est à l'origine des dégâts constatés.

La SARL Sotrabatim communique les deux témoignages de Messieurs [X] et [K] selon lesquels, M. [S] s'est présenté le matin du 7 février 2011 sur un chantier puis est reparti quelques minutes après, sans raison apparente.

Toutefois, il est acquis que le salarié a été placé en arrêt maladie et présentait un syndrome anxio-dépressif.

Il a été relevé que la mise à pied disciplinaire du 21 Ocotbre 2010 est intervenue alors que le contrat de travail était suspendu et par suite qu'elle est nulle. Il a été constaté au surplus que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à un horaire donné alors qu'il était accaparé sur un chantier, ce qui l'a empêché de présenter ses observations.

Pour s'opposer au grief en lien avec les équipements, la société communique une note de Lafarge béton en date du 5 avril 2010 qui l'interpellait sur le fait que le personnel présent sur le site ne respectait pas les consignes de sécurité à défaut de porter les EPI, déposés sur le sol.

L'employeur communique la feuille d'un agenda d'avril 2010 sur laquelle il est indiqué que M. [S] reconnaît avoir reçu une paire de lunettes chez [Q]. S'agissant d'une photocopie, la cour ne peut vérifier si la mention « 3ème » a fait ou non l'objet d'un ajout ainsi que le soutient le salarié.

Par ailleurs, d'après le relevé météo pour le mois de janvier 2011, aucune chute de neige n'est intervenue au cours de ce mois sur [Localité 1] et la région [Localité 1], ce qui est de nature à combattre l'affirmation du salarié, telle que précédemment relatée. Toutefois, il se déduit de cette communication que la SARL Sotrabatim ne conteste pas avoir laissé le salarié se rendre sur le chantier à pied, soit parcourir 8 km, ce matin du 31 janvier 2011.

Enfin, l'employeur conteste avoir volontairement heurté M. [S] le 20 juillet 2010 et avoir refusé de déclarer l'accident du travail expliquant simplement n'avoir pas été en possession sur le chantier du formulaire de déclaration, lequel a été remis le lendemain.

L'attestation du docteur [F], psychiatre, expose que M. [S] a bénéficié à partir de février 2011 d'une prise en charge spécialisée, régulière pour un trouble anxio-dépressif sévère survenu dans un contexte de grandes difficultés professionnelles.

Le médecin du travail le 29 mars 2011 a rendu un avis d'inaptitude au poste avec danger immédiat et ajouté que le salarié serait « apte à un poste sans stress ».

Ces éléments pris dans leur ensemble s'agissant de plusieurs sanctions successives en quelques mois, dont le caractère justifié n'est pas établi, de la fixation d'un rendez vous d'entretien à un horaire alors que le salarié était retenu sur un chantier, de l'absence de visite de reprise à l'issue de l'accident du travail du 20 juillet 2010 dont l'employeur était directement à l'origine, même si le caractère délibéré n'en est pas établi, des éléments médicaux confirmant la réalité d'un syndrome dépressif que le médecin du travail a expressément relié à l'activité du salarié au sein de l'entreprise pour avoir évoqué un « poste sans stress » et constaté l'existence d'un « danger imminent » à la reprise du travail dans l'entreprise révèlent un management partial et inadapté de la part de l'employeur et par suite un harcèlement au sens des dispositions de l'article 1152 et suivants du code du travail.

Dans ces conditions, dès lors que l'inaptitude résulte de la dégradation de l'état de santé en lien avec un harcèlement, le licenciement est nul.

Sur les conséquences financières du harcèlement et du licenciement nul :

Le harcèlement relevé est à l'origine d'un préjudice moral distinct de la rupture justifiant l'allocation d'une somme de 1500 euros.

Par ailleurs, compte tenu de l'effectif de l'entreprise inférieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (1904,77 euros), de son âge, de son ancienneté ( 3 années ), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [S] une indemnité de 11428,62 euros.

De même, le salarié est fondé en sa demande de rappel de salaire pour la période du 29 mars 2011 au 15 juin 2011 à hauteur de la somme de 2 510,43 euros outre les congés payés afférents, qui se compenseront avec la somme de 840,62 euros déjà versée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :

Les dispositions légales imposent à l'employeur de délivrer au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi afin de lui permettre de s'inscrire auprès des organismes concernés pour obtenir des indemnités de chômage.

Dans le cas d'espèce, la SARL Sotrabatim a remis à M. [S] un certificat de travail non signé, une attestation mal renseignée en sorte que M. [S] a rencontré des difficultés pour s'inscrire auprès des services du pôle emploi.

L'absence de diligence de la SARL Sotrabatim est nécessairement à l'origine d'un préjudice certain pour le salarié qui sera exactement réparé par l'allocation d'une somme de 500 €.

Sur la remise des documents sociaux :

La demande de remise d'un bulletin de paie rectifié pour le mois de juin 2011, d'une attestation Pôle emploi et d'un solde de tout compte conformes à ce présent arrêt est légitime ; il y sera fait droit.

Aucune astreinte sera toutefois prononcée, aucune circonstance particulière ne le justifiant.

Sur les intérêts :

Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes. Les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [S] une indemnité de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La SARL Sotrabatim, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'annulation de la sanction du 21 octobre 2010, et accordé au salarié une indemnité de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL Sotrabatim à verser à M. [S] les sommes suivantes :

- 11 428,62 euros au titre du travail dissimulé,

- 300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant tout à la fois de l'absence d'affiliation à la caisse de congés payés et de remise d'un certificat,

- 175,82 euros à titre de rappel de salaire pour deux jours de congé sans solde résultant de la fermeture de l'établissement,

- 16,90 euros à titre de prime de panier,

- 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la notification d'une sanction au cours de la période de suspension du contrat de travail et pour non-respect de la procédure,

- 2510,43 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 29 mars au15 juin 2011 outre les congés payés afférents avec compensation avec la somme de 840,62 euros déjà versée,

- 11 428,62 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice distinct lié au harcèlement,

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour remise des documents sociaux incomplets,

- 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, les créances indemnitaires portant intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Ordonne la remise d'un bulletin de paie rectificatif pour le mois de juin 2011, d'une attestation Pôle emploi et d'un solde de tout compte conformes à la décision,

Déboute M. [S] de sa demande de rappel de congés payés et d' astreinte,

Déboute la SARL Sotrabatim de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Sotrabatim aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/06809
Date de la décision : 16/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/06809 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-16;12.06809 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award