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01/04/2015 | FRANCE | N°12/09369

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 01 avril 2015, 12/09369


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 01 Avril 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09369



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 juin 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° 10/10097









APPELANT

Monsieur [Z] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Emma

nuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, E1355







INTIMEE

SA AIR LIQUIDE ELECTRONICS MATERIALS (ALEM) venant aux droits de la SA Air Liquide

[Adresse 3]

[Localité 1]

SIRET n°414 6...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 01 Avril 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09369

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 juin 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° 10/10097

APPELANT

Monsieur [Z] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, E1355

INTIMEE

SA AIR LIQUIDE ELECTRONICS MATERIALS (ALEM) venant aux droits de la SA Air Liquide

[Adresse 3]

[Localité 1]

SIRET n°414 610 790 00019

représentée par Me Cyprien PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, P0461,

PARTIE INTERVENANTE :

FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES CGT

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, E1355

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Madame Joëlle CLÉROY, conseillère

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [Z] [I] a été embauché par un contrat à durée déterminée de septembre 1999 à août 2000, par la SA Air liquide, en qualité de technicien de laboratoire, puis la relation contractuelle s'est poursuivie par la conclusion d'un contrat à durée indéterminée le 28 juin 2000 en qualité d'analyste contrôle qualité, coefficient 225 selon la classification des emplois issue de la convention collective nationale des industries chimiques. Il exerce aujourd'hui les fonctions de technicien méthodes gaz.

En mai 2011, les activités opérationnelles de la société Air liquide SA ont été filialisées et c'est dans ce cadre que le contrat de travail de M. [Z] [I] a été transféré à la filiale Air Liquide Electronics Materials dite ci-après ALEM.

La société exerce une activité de gaz pour l'industrie, la santé, l'électronique et l'environnement et emploie plus de 10 salariés.

M. [Z] [I] a adhéré au syndicat CGT en 2002 et est titulaire d'un mandat syndical depuis 2004.

Soutenant avoir été victime de discrimination syndicale et sollicitant le paiement diverses sommes au titre d'un préjudice financier et moral,, M. [Z] [I] a saisi, le 29 juillet 2010, le conseil de prud'hommes de Paris qui par jugement du 26 juin 2012, a :

' débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes

' débouté la société de sa demande reconventionnelle

' condamné solidairement les parties aux entiers dépens

M. [Z] [I] a régulièrement formé appel de cette décision et aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, demande à la cour d'appel de :

' constater la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 juin 2012;

' infirmer, à titre subsidiaire, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes;

' dire et juger qu'il a été victime de discrimination syndicale;

- fixer au 1er janvier 2009 son coefficient à 300 et son salaire de base hors ancienneté à 2 334 € bruts;

' dire que ce salaire devra être majoré annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par la catégorie de salarié à laquelle il appartient, déduction faite des augmentations individuelles et générales dont il a bénéficié;

' fixer au 1er janvier 2013 son coefficient à 325;

' condamner la société ALEM au rappel de salaire correspondant avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil, le tout sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir;

' ordonner la délivrance des bulletins de salaire rectifiés à partir de janvier 2009, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours en suite à la notification de la décision à intervenir;

' condamner la société ALEM à lui verser les sommes de:

' 9 590,75 € au titre du préjudice financier subi

'20 000 € en réparation du préjudice moral subi

'20 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des accords relatifs au droit syndical en vigueur au sein de l'entreprise et des dispositions conventionnelles

'2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

' ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil;

' condamner la société ALEM aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels;

La société ALEM, venant aux droits de la société Air Liquide, a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de :

' confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris

' rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [I]

' condamner M. [I] à lui verser la somme 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de :

' constater la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 juin 2012,

' à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes,

' condamner in solidum les sociétés ALFI, ALEM, et Cryopal à verser au profit de la Fédération Nationale des Industries Chimiques CGT les sommes de:

' 10 000 € au titre du préjudice moral et financier, direct ou indirect

' 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

' condamner in solidum les sociétés ALFI, ALEM, Cryopal aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement du conseil de prud'hommes

Aux termes de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial.

L'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé.

M. [I] soutient que le jugement du conseil de prud'hommes du 26 juin 2012 a été rendu le soir même de l'audience, sans aucun examen des dossiers, qu'il est identique à celui concernant les 10 autres salariés et qu'il ne comporte aucune motivation.

Le jugement du 26 juin 2012 ne mentionne, au titre des motifs de la décision, que la phrase suivante : «'Le conseil après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire en premier ressort, après examen des pièces déposées à la barre, les explications du demandeur et du défendeur, après l'observation et la comparaison des situations sur le panel mis en place et signé par les parties, déboute Monsieur [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes.'»

Il en résulte que cette décision n'est pas motivée. Il convient en conséquence d'en prononcer l'annulation et, dès lors que les parties ont présentement conclu sur le fond du litige, l'affaire est en état de recevoir une solution définitive devant la cour qui fera usage en l'espèce de son droit d'évocation en application de l'article 568 du code de procédure civile.

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article'L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

Selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [I] soutient que l'analyse du panel des comparants, élaboré conjointement par le syndicat CGT et la direction, révèle une inégalité de traitement au regard de la moyenne des salaires des salariés qui le composent, affirmant que seul le calcul via la moyenne permet une approche globale et réaliste de la situation salariale de chacun. M. [I] fait valoir en outre que les graphiques élaborés à partir de ce panel démontrent que le déroulement de sa carrière a cessé de suivre celui des autres agents dès que son engagement syndical est devenu visible.

M. [I] souligne par ailleurs qu'en comparaison avec l'ensemble des salariés de la société, il est resté deux fois plus longtemps au coefficient 250 que les autres.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [I] a été embauché au salaire mensuel de base de 9.800 francs par mois sur 13 mois, soit une moyenne de 10.616,67 francs, correspondant à 1.618,50 € brut. Il est indiqué, dans le procès-verbal de clôture de l'examen des situations individuelles de représentants du personnel CGT établi entre la société Air Liquide et la CGT, que la date à partir de laquelle la société ALFI ne pouvait ignorer l'engagement syndical de M. [I] a été conjointement fixée à l'année 2004.

M. [I] souligne qu'il a été embauché en 1999 au coefficient 225, est passé en 2001 au coefficient 250, puis au coefficient 275 en 2007, et au coefficient 300 en 2011.

M. [I] verse aux débats des tableaux pour les années 2010, 2011 et 2012, dans lesquels il compare ses augmentations individuelles avec le montant moyen des augmentations individuelles accordé à l'ensemble des salariés hommes de la filiale à laquelle il appartient, afin de démontrer qu'il a bénéficié d'augmentations nettement supérieures à la moyenne à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur s'employant ainsi à effectuer un rattrapage salarial.

Il ressort en effet de ces tableaux qu'il a bénéficié d'une augmentation annuelle de 1.000 € en 2010 lorsque le montant moyen d'augmentation individuelle était de 932 € dans sa tranche de rémunération, d'une augmentation de 1.209 € en 2011 alors que le montant moyen était de 860 €, et de 608 € en 2012 alors que le montant moyen était de 430 €.

Il y a toutefois lieu de souligner que, si M. [I] prétend avoir établi le montant des augmentations individuelles annuelles moyennes dans la filiale à partir des données issues du bilan de la paritaire salaire pour chaque année, force est de constater que ces bilans ne sont pas produits. En tout état de cause, cette comparaison est inopérante dans la mesure où M. [I] ne saurait invoquer une discrimination en se comparant à l'ensemble des salariés de sa filiale, fondée sur une moyenne, ce qui ne permet pas d'établir si les salariés auxquels il se compare se trouvent dans une situation identique à la sienne, que ce soit en terme de coefficient, d'ancienneté ou de qualification. Il y a lieu de relever en outre que l'augmentation de 1.000 € est intervenue en mars 2010, alors que le conseil de prud'hommes a été saisi le 2 août 2010, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme étant liée au présent litige.

Il n'est pas contesté qu'un panel de comparaison a été conjointement établi au cours de l'année 2009 par la direction et la CGT, rassemblant des salariés ayant des caractéristiques comparables à celles du salarié dont la situation est examinée, à savoir :

' une embauche au même coefficient

' une ancienneté et un âge comparable

' une qualification à l'embauche similaire

' une appartenance au même département Air Liquide.

M. [I] a ainsi bénéficié d'un panel de comparaison comprenant 7 salariés. Il en résulte qu'en 2003, cinq d'entre eux bénéficiaient d'une rémunération inférieure à la sienne et deux d'entre eux d'une rémunération supérieure. En 2008, alors qu'il bénéficiait d'un salaire de 2.107 € et du coefficient 275, cinq de ces salariés étaient mieux rémunérés que lui, les deux d'entre eux étant moins bien rémunérés, cinq étaient au coefficient 250, un au coefficient 325 et le dernier au coefficient 460. La moyenne des salaires des 8 salariés composant le panel s'élevait en 2003 à 1.730,43 € et en 2008 à 2.334 €. Ce mode de calcul doit être retenu en ce qu'il permet de tenir compte des niveaux de rémunération de chacun, les plus bas comme les plus hauts, et intègre donc de façon concrète les évolutions professionnelles de chacun, alors que le fait de retenir, comme le suggère l'employeur, le salaire médian, revient à éliminer les salaires les plus bas ainsi que les plus hauts, ce qui ne permet pas de refléter la diversité des possibilités d'évolution.

M. [I] percevait donc en 2003 une rémunération supérieure de 99,57 € à la moyenne des salariés du panel, et en 2008 d'une rémunération inférieure de 227 € à cette moyenne.

Il y a lieu de relever en outre qu'entre 1999 et 2003, il a bénéficié d'une augmentation de 343 €, soit 85,75 € par an, et qu'entre 2003 et 2008, il a bénéficié d'une augmentation de 270 €, soit 54 € par an.

Il en résulte qu'à compter de 2004, date retenue comme marquant le point de départ des activités syndicales de M. [I], la carrière de celui-ci, tant en terme de coefficient que de rémunération, a connu un décrochage certain. M. [I] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

La société ALEM, venant aux droits de la société Air Liquide, conteste toute discrimination syndicale dans l'entreprise. Elle expose que 348 salariés sont élus et/ou mandatés, et que seuls 9 d'entre eux se prétendent discriminés. La société soutient qu'aucun d'eux n'est le plus mal placé au sein de son panel de comparant, qu'ils sont au niveau ou proches de la médiane, qu'aucun arrêt ou ralentissement de leur évolution professionnelle n'est perceptible ou notable depuis que la date de leur appartenance syndicale a été connue. Elle précise que la politique de rémunération repose sur trois principes : la performance, la fonction et le marché, les contributions des collaborateurs étant évaluées chaque année.

La société expose que le panel n'est pas probant dès lors qu'il est composé exclusivement de salariés appartenant à d'autres sociétés du groupe Air Liquide et qui, avant la filialisation de 2011, n'étaient pas affectés à l'établissement ALEM. Elle fait valoir que M. [I] n'a jamais démontré sa volonté de bénéficier d'une mobilité géographique en-dehors du site d'ALEM de [Localité 3] où il est affecté. La société soutient par ailleurs que l'évolution de M. [I] en termes de coefficient et de rémunération est pratiquement identique avant et après 2004, date de son engagement syndical.

Il convient de relever que d'une part, la société ALEM ne justifie pas de ses allégations, le panel de comparaison ne mentionnant que les lieux géographiques d'affectation des salariés le composant, ce qui ne permet pas d'établir qu'ils appartenaient à des sociétés distinctes de celle de M. [I]. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal de clôture de l'examen des situations individuelles de représentants du personnel CGT en date du 1er février 2010 que la société Air Liquide et la CGT ont convenu de retenir la méthode du panel, et que le panel de référence de chaque salarié a été construit au cours des réunions successives. Dès lors que la direction de la société Air Liquide a ainsi participé et validé la constitution des différents panels, et notamment celui de M. [I], la société ALEM venant aux droits de la société Air Liquide ne saurait valablement remettre en cause la pertinence de ce panel dans le cadre du présent litige.

L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par M. [I] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La discrimination syndicale est ainsi établie.

Aux termes de l'article L.1134-5 du code du travail, les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Dès lors que le salaire mensuel moyen résultant de l'étude du panel s'élève au 31 décembre 2008 à la somme de 2.334 €, et le coefficient moyen à 290, il convient de fixer le salaire de M. [I] à compter du 1er janvier 2009 à la somme de 2.334 € et son coefficient à 290, et de condamner la société ALFI au rappel de salaire en découlant.

M. [I] demande que ce salaire soit majoré des augmentations annuelles moyennes perçues par la catégorie du salarié, et que son coefficient soit fixé à 325 à compter du 1er janvier 2013, sans autre précision. Il résulte toutefois des développements qui précèdent que M. [I] reconnaît avoir bénéficié d'augmentations individuelles supérieures à la moyenne de l'ensemble des salariés de la société à compter de 2010. En tout état de cause, M. [I] ne saurait opérer une comparaison avec l'ensemble des salariés de sa catégorie, dès lors qu'aucun élément ne permet de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique à cet ensemble de salariés. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à ces demandes.

En outre, s'agissant d'une fixation de salaire et de coefficient et d'une condamnation au rappel de salaire consécutif à ces fixations, dont le montant n'est pas fixé, ces dispositions ne peuvent être assorties d'une astreinte.

Compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'elle a eu pour M. [I] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment du manque à gagner mensuel en terme de rémunération à compter de la date retenue comme marquant le début de son engagement syndical significatif en 2004 jusqu'au 31 décembre 2008, le préjudice en résultant pour lui doit être évalué à la somme de 5.902 €, ainsi que la somme de 1.770,60 € au titre de l'incidence sur la retraite, soit la somme totale de 7.672,60 €, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur la demande indemnitaire afférente de la Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC) CGT

La Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC) CGT qui, nonobstant ce que soutient l'intimée, est valablement représentée par son secrétaire fédéral - M. [P] - habilité sur le fondement de l'article 29 de ses statuts à agir en justice «chaque fois que la FNIC CGT a un intérêt à agir», a subi, au sens des articles L2131-1 et L.2132-3 du code du travail, en raison des agissements de discrimination syndicale au détriment de M. [K], «un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession» qu'elle représente.

La société ALEM sera en conséquence condamnée à payer au syndicat FNIC CGT, partie intervenante volontaire en cause d'appel, la somme indemnitaire à ce titre de 3.000 € avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur le préjudice moral

M. [I], qui soutient avoir été victime de la part de son employeur d'une marginalisation en raison de ses activités syndicales, ainsi que d'une dévalorisation face aux autres salariés qui constituent la base des électeurs, ce qui aurait pu mettre gravement en cause sa santé, ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations, et permettant d'établir l'existence d'un quelconque préjudice à ce titre.

En conséquence, M. [I] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur la violation de l'accord d'entreprise

En application de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur qui ne respecte pas les dispositions conventionnelles et accords d'entreprises s'imposant à lui manque à cette obligation, et est tenu de réparer le préjudice en résultant.

M. [I] soutient que la société n'a pas respecté l'accord d'entreprise sur le droit syndical, qui dispose en son article 5 que «'l'engagement syndical et de représentation du personnel ne doit pas empêcher, modifier ou ralentir l'évolution professionnelle en terme de promotion et de salaire'», et en son article 11 que «'la moindre disponibilité d'un salarié mandaté ne doit pas intervenir dans l'évaluation par sa hiérarchie de la performance réalisée'».

La société ALEM, venant aux droits de la société Air Liquide, souligne qu'aux termes de l'accord de droit syndical signé le 11 septembre 2002 entre la direction et les organisations syndicales représentatives, dont la CGT, la direction s'est engagée à ce que le pourcentage de représentants promus et/ou augmentés ne soit pas inférieur à celui obtenu pour l'ensemble des salariés.

Compte tenu des développements qui précèdent, il est cependant établi que l'article 5 de l'accord d'entreprise n'a pas été respecté à l'égard de M. [I].

Il convient donc de condamner la société ALEM à verser à M. [I] la somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la remise des bulletins de salaires rectifiés

Il y a lieu d'ordonner la remise des bulletins de salaire conformes à la présente décision à compter du 1er janvier 2009, sans qu'il n'apparaisse nécessaire d'assortir cette remise d'une astreinte.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil, laquelle est de droit.

La société ALEM sera condamnée à verser à M. [I] la somme de 2.000 € et au syndicat FNIC CGT celle de 600 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

ANNULE le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 26 juin 2012 ;

ÉVOQUE l'affaire et statuant,

FIXE à compter du 1er janvier 2009 le salaire de base de M. [I] à la somme de 2.334 € brut et son coefficient à 290 ;

CONDAMNE la société ALEM au rappel de salaire en découlant avec intérêts de droit à compter du 25 août 2010 ;

DÉBOUTE M. [I] de sa demande tendant à assortir cette condamnation d'une astreinte ;

CONDAMNE la société ALEM à verser à M. [I] les sommes suivantes :

' 7.672,60 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination

' 3.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non respect de l'accord d'entreprise

CONDAMNE la société ALEM à payer au syndicat FNIC CGT la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la remise des bulletins de salaire à compter du 1er janvier 2009 conformes à la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil ;

CONDAMNE la société ALEM à verser à M. [I] la somme de 2.000 € et au syndicat FNIC CGT la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [I] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la société ALEM aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/09369
Date de la décision : 01/04/2015
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-01;12.09369 ?
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