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28/05/2015 | FRANCE | N°13/00852

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 28 mai 2015, 13/00852


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 28 MAI 2015



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00852



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2012 - Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 201204645





APPELANTE



SARL AZIMUT TRANS

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses

représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Me Xavier DELPLANQUE-BATAILLE D...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 28 MAI 2015

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00852

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2012 - Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 201204645

APPELANTE

SARL AZIMUT TRANS

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Me Xavier DELPLANQUE-BATAILLE DE MANDELO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0202

INTIMEE

SAS WALON FRANCE

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Christine BAUDE TANNENBAUM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1209

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, chargée du rapport, et Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

La société Walon France exerce l'activité de transport de véhicules automobiles ; en 2005 elle a restructuré son activité en l'externalisant vers des sous traitants et en procédant au licenciement d'un certain nombre de chauffeurs.

C'est dans ces conditions que Mme [E], ancienne salariée de la société Walon France a créé la société Azimut Trans à la fin de l'année 2005, reprenant des chauffeurs de la société Wallon et se voyant confier un certain nombre de camions en location.

Les parties ont à cette occasion signé le 7 décembre 2005 un premier contrat de sous traitance dit «44 semaines» d'une durée de quatre années, renouvelable par tacite reconduction, à compter du 1erjanvier 2006 pour se terminer le 31 décembre 2009, suivi de deux autres contrats en date des 23 janvier 2006 et 27 avril 2009 ainsi que d'avenants, d'autre part de contrats de location de camions appartenant à la société Wallon.

Le 30 juin 2008, par lettre recommandée avec AR, la société Walon France a indiqué à la société Azimut Trans, sa volonté de mettre fin au contrat de sous traitance le 31 décembre 2008, sans que cette lettre contienne de griefs à l'encontre de la société Azimut Trans.

La société Azimut Trans s'estimant victime d'une rupture anticipée et fautive de son contrat, préjudiciable à son activité, constatant également d'autres préjudices liés au déroulement dudit contrat et de ses avenants a assigné la société Walon France devant le tribunal de commerce de Compiègne le 3 décembre 2009.

Toutefois pendant la procédure la société Azimut Trans ayant invoqué les dispositions de l'article L.442-6 du code de commerce, le tribunal de commerce de Compiègne a fait droit, par un jugement du 20 mars 2012, à l'exception d'incompétence soulevée par la société Walon France et a renvoyé l'instance.

C'est dans ces conditions que la société Azimut Trans a fait assigner la société Walon devant le tribunal de commerce de Lille pour la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 29 novembre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Lille a débouté la société Azimut Trans de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Vu l'appel interjeté par la société Azimut Trans le 15 janvier 2013 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Azimut Trans le 25 février 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et déclarer la société Azimut Trans recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau :

À titre principal sur la résiliation contractuelle infondée avant le terme contractuel fixé au 31 décembre 2009 :

- Dire et juger la société Azimut Trans recevable et bien fondée en ses demandes dirigées à l'encontre de la société Walon France,

- Condamner la société Walon France à régler à la société Azimut Trans les sommes de :

* 3 480 444 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la rupture du contrat,

* 685.599,24 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non-respect de la garantie des 44 semaines pour l'année 2008,

* 70.506,03 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non-respect du tarif majoré,

* 10.447,65 euros, pour le solde de ses factures d'intervention,

À titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille en ce qu'il a admis l'état de dépendance de la société Walon France conformément aux dispositions de l'article L.442-6 du Code de Commerce ;

- dire et juger brutale la rupture portant sur l'ensemble des relations contractuelles comprenant le contrat de sous-traitance ainsi que les 20 contrats de location conclus en 2008 pour une durée déterminée de 4 ans et les prestations commerciales annexes ;

- condamner la société Walon France à payer à la société Azimut Trans le montant global de 3 480 444 €, correspondant à un an de préavis ;

- À titre infiniment subsidiaire et pour le cas où la Cour souhaiterait vérifier le montant de la valorisation des préjudices de la société Azimut Trans, ordonner une expertise judiciaire aux fins de vérification de la valorisation des préjudices retenus comme causés par les fautes de la société Walon France et désigner un expert judiciaire afin de :

* prendre connaissance de tous documents et notamment, des comptes détaillés de chacune des parties pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010, entendre tout sachant et notamment les experts de chacune des parties ainsi que le commissaire aux comptes de la société Azimut ;

* déterminer les économies financières réalisées par la société Walon France du fait de l'externalisation du trafic grand routier de la société Walon France, et celles réalisées du fait de sa décision d'y mettre un terme avant la fin de la période contractuelle au 31 Décembre 2009 pour la confier à un autre sous-traitant, notamment en faisant la comparaison des coûts respectifs et le montant des charges fixes économisées ;

* vérifier la valorisation comptable et financière faite par le commissaire aux comptes de la société Azimut de la perte de marge sur coûts variables du 31 décembre 2008 jusqu'au 31 décembre 2009 ;

* vérifier la valorisation comptable et financière de tous les autres préjudices réclamés ;

* répondre à tout dire et procéder avant la remise du rapport définitif à la communication d'un pré rapport.

En tout état de cause :

- condamner la société Walon France au paiement d'une indemnité de 30.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante expose que le contrat de sous-traitance n'est pas, en dépit de son intitulé, un contrat de transport mais qu'il s'agit d'un contrat lié aux contrats de location et qu'il s'agit d'un contrat de location avec chauffeur de sorte qu'il ne saurait être soumis au délai de prescription annale applicable en matière de transport et ce d'autant qu'il existait une convention de compensation des créances et dettes réciproques des deux sociétés.

Elle affirme au demeurant que l'action a été engagée dans le délai d'un an puisque portant sur l'année 2009 et qu'elle a assigné la société Walon le 3 décembre 2009.

Elle soutient que le contrat est un contrat à durée déterminée d'une durée de quatre ans, ne stipulant aucune possibilité de résiliation anticipée au cours de cette période, les délais de préavis étant applicables selon elle aux périodes de reconduction, faisant valoir que l'imprécision du contrat doit s'interpréter en sa faveur.

Elle fait valoir que la société Walon a dénoncé le contrat avant son terme contractuel mais ne l'a pas résilié.

Elle ajoute que les parties ayant conclu des contrats de location de véhicules d'avril à juin 2008 stipulant un préavis d'un an, c'est ce délai qui doit s'appliquer et non celui de six mois prévu par le contrat de sous traitance.

Elle affirme que son préjudice doit être calculé par référence à la situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme contractuel ; elle produit une analyse faite par son commissaire aux comptes.

A titre subsidiaire elle fait valoir que la nature de la relation commerciale qui ne saurait être considérée comme de la sous traitance relève des dispositions de l'article L442-6 du code de commerce et qu'il y a donc eu rupture brutale de celle-ci alors qu'elle était dans une situation de dépendance économique ; elle estime que le préavis raisonnable dont elle aurait dû bénéficier est d'un an.

Vu les dernières conclusions signifiées le 24 février 2015 par la société Walon France, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit non prescrite l'action tendant à obtenir des dommages et intérêts contractuels en raison de la rupture du contrat de sous-traitance de transport routier,

- à défaut, confirmer le jugement entrepris, ce qu'il a jugé que la société Walon n'a pas rompu de manière abusive le contrat qui la liait à la société Azimut Trans,

- dire que les dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la rupture du contrat ne peuvent être fixés à un montant supérieur à 180 000 euros,

- à supposer que la cour ne s'estime pas suffisamment informée sur les éléments permettant d'évaluer le quantum du préjudice subi par la société Azimut Trans, ordonner une mesure d'expertise judiciaire permettant à la cour d'obtenir tous les éléments nécessaires à la fixation du quantum du préjudice contractuel invoqué par l'appelante.

- statuer ainsi que de droit sur le calendrier des opérations d'expertise et le montant des frais y afférents.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé prescrites en application de l'article L.133-6 du code de Commerce et de l'article 32 de la convention CMR les demandes formées par l'appelante au titre de la rémunération concernant des transports accomplis plus d'un an avant la saisine du tribunal et en particulier les demandes de paiement des sommes de 573 244 euros hors taxe, 58 951,33 euros hors taxe et 10 447, 65 euros hors taxe.

- constater que dans ces dernières écritures, l'appelante renonce à sa demande de réparation de préjudice délictuel complémentaire.

- constater que la demande subsidiaire formée par la société Azimut en application de l'article L.442-6-1,5° du code de commerce ne peut concerner un contrat à durée déterminée.

- à supposer que comme le Tribunal de Commerce la Cour estime qu'il y a lieu de requalifer, le contrat signé entre les parties en contrat a durée indéterminée, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré suffisant le délai de préavis qui est le double de celui prévu au contrat type qui constitue l'usage dans le secteur du transport routier.

- constater 1'absence de dépendance économique entre les parties avec toutes conséquences de droit.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelante de l'ensemble de ses demandes.

- condamner la société Azimut Trans au versement d'une indemnité de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que les demandes de la société Azimut relèvent de la prescription d'un an et non de la prescription de droit commun car elles sont nées des contrats de transport. Elle considère donc que l'action de l'appelante est prescrite.

Elle considère que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a requalifié la totalité de la convention en contrat à durée indéterminée avec faculté de dénonciation réciproque sous préavis de 6 mois.

Elle affirme que l'appelante fait une confusion entre le chiffre d'affaires et le préjudice subi. Elle fait valoir que la demande de marge brute perdue par l'appelante ne correspond pas à une demande d'indemnisation de coûts que l'appelante a réellement subis car le personnel licencié a été réaffecté et les camions été restitués ou affectés à d'autres clients. Elle expose que les factures du 31 décembre 2008 ne peuvent être soumises à compensation. Elle estime que ni le préjudice délictuel, ni le lien de causalité ne sont démontrés par l'appelante.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la prescription

Considérant que la société Walon soutient que les obligations de la société Azimut Trans reposaient sur des contrats de transport de sorte que ses demandes sont soumises au délai de prescription de l'article L133-6 du code de commerce soit un an et qu'elles sont dès lors prescrites.

Considérant que la société Azimut Trans soutient que son action n'est pas prescrite car :

- le contrat de sous-traitance n'est pas, en dépit de son intitulé, un contrat de transport dès lors qu'il est indissociable des contrats de location et qu'il s'agit de contrats de location avec chauffeur qui ne saurait être soumis au délai de prescription annale applicable en matière de transport ;

- il existait une convention de compensation des créances et dettes réciproques des deux sociétés,

- l'action a été engagée dans le délai d'un an puisque sa demande porte sur l'année 2009 et qu'elle a assigné la société Walon le 3 décembre 2009 ;

Considérant que les parties ont conclu un contrat intitulé contrat de sous traitance de transport routier de marchandises, stipulant que le sous traitant s'engage à effectuer des transports publics de véhicules roulant ;

Considérant toutefois que ce contrat vise expressément en annexe chacun des véhicules qui sera utilisé pour réaliser ces transports, véhicules appartenant à la société Walon et qui font l'objet de contrats de location au profit de la société Azimut Trans ; que les contrats de location de véhicules prévoient leur affectation obligatoire aux contrats dits de sous traitance ;

Considérant que le contrat de sous traitance stipulait un volume indicatif confié au sous traitant consistant en «un travail correspondant au minimum à une exploitation de matériel 44 semaines par an, 6 jours sur sept», précisant qu'il ne s'engageait en aucun volume minimum ; qu'il n'était ainsi fait référence à aucun transport de marchandise mais à une mise à disposition de véhicules ; que le contrat précisait que ceux-ci devaient respecter des caractéristiques permettant de les identifier comme étant des véhicules Walon ;

Considérant de plus que la société Walon était l'émetteur de la lettre de voiture et son cachet figurait au titre du transporteur ;

Considérant que la société Azimut Trans ne facturait pas des prix de transports de marchandises mais un prix fixé au kilomètre parcouru selon le type de camion utilisé sous déduction du prix de location ainsi que ponctuellement une mise à disposition de chauffeurs ;

Considérant que la société Walon a incité la société Azimut Trans à acquérir des camions neufs, écrivant «Nous avions convenu qu'Azimut Trans assurerait 50% de sa flotte contractuelle en camions neufs, sur les deux ou trois prochaines années, Walon mettra progressivement à disposition des camions neufs en location à Azimut Trans pour les 50% restant» ; qu'il en résulte que l'activité de la société Azimut Trans, à l'occasion de sa relation avec la société Walon, reposait sur l'exploitation d'une part de camions, propriété de la société Walon et donnés en location, d'autre part de camions que la société Walon lui avait fait acheter, tous affectés aux besoins de la société Walon et revêtus extérieurement de signes permettant de les identifier comme étant des camions Walon ;

Considérant enfin que les contrats de sous traitance et de location de véhicules étaient tellement liés que le contrat stipule que «De convention expresse toute créance certaine de l'opérateur de transport sur le transporteur est compensée de plein droit même si elle n'est pas liquide et exigible avec les sommes dues par l'opérateur ou sous traitant dans le cadre du présent contrat» ; qu'il existait donc une compensation automatique entre le prix au kilomètre payé par la société Walon et celui de la location à charge de la société Azimut Trans ; que cette disposition met en évidence l'organisation de relations croisées créant des dettes et créances réciproques que les parties ont décidé de gérer selon un compte unique ; que cette compensation est démontrée en pratique par les éléments comptables envoyés par la société Walon à la société Azimut Trans retraçant la compensation opérée entre les créances de la société Walon à titre de location et celles de la société Azimut Trans au titre des prestations de sous traitance ; que, quand bien même l'action engagée par la société Azimut Trans n'est par une action en paiement du solde de ce compte, son existence démontre que les opérations de sous traitance et de location de véhicules étaient indissociables et répondaient à une seule opération économique qui consistait pour la société Azimut Trans à mettre à disposition de son loueur les véhicules loués en y associant un chauffeur ;

Considérant qu'il résulte de des éléments que la société Walon s'est réorganisée en incitant d'anciens salariés à créer une entreprise et leur a loué des camions à charge par eux de les entretenir et de les mettre à sa disposition avec un chauffeur ; que la société Walon a ainsi poursuivi l'activité qui était la sienne à travers cette organisation, la société Azimut Trans n'entretenant pour sa part aucune relation directe avec les clients, expéditeurs et destinataires ce qui résulte notamment des lettres de voiture ;

Considérant que le litige qui porte sur la fin des relations commerciales ne concerne pas les opérations de transport elle-mêmes mais d'une part un contrat de sous traitance ayant eu pour objet la mise à disposition de camions avec chauffeurs, d'autre part des contrats de location de ces mêmes camions auprès de la société Walon qui en était propriétaire, les deux contrats participant d'une même économie et ne pouvant être dissociés ;

Considérant que, de par la nature des relations commerciales liant les parties, de par l'existence de la convention de compensation, les dispositions de l'article L133-6 du code de commerce disposant d'un délai de prescription annale en matière d'opération de transport n'ont pas lieu de s'appliquer ;

Considérant de surcroît que la société Azimut Trans a délivré son assignation le 3 décembre 2009 alors que les relations commerciales se sont poursuivies au cours de l'année 2009 de sorte qu'elle n'est pas prescrite dans sa demande portant sur la fin de celles-ci ;

Sur la nature du contrat du 7 décembre 2005

Considérant que la société Azimut Trans soutient que le contrat de sous traitance du 7 décembre 2005 est un contrat à durée déterminée d'une durée de quatre ans, ne stipulant aucune possibilité de résiliation anticipée au cours de cette période, les délais de préavis étant applicables selon elle aux périodes de reconduction, faisant valoir que l'imprécision du contrat doit s'interpréter en sa faveur ;

Considérant que la société Walon fait valoir que le contrat a clairement prévu pour les parties la possibilité de mettre fin à leur relation de façon anticipée, y compris durant les quatre premières années de son exécution et que s'il doit être requalifié, c'est en contrat à durée indéterminée ;

Considérant que le contrat de sous traitance du 7 décembre 2005 stipule en son article 9 que

«Le présent contrat est conclu pour une durée de 4 ans renouvelable ensuite année par année par tacite reconduction ;

L'exécution du présent contrat commence le 1er janvier 2006.

Chaque avenant précise sa date d'effet propre et se limite au terme du contrat qu'il complète.

Le présent contrat et ses avenants peuvent être résiliés par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis. La résiliation n'a pas à être motivée et justifiée ;

Le préavis est de trois mois quand le temps écoulé depuis le début d'exécution ne dépasse pas deux ans. Ce préavis est de six mois quand cette durée est supérieure à deux ans» ;

Considérant qu'il résulte de cette rédaction que les parties ont distingué les quatre premières années d'exécution du contrat de la période postérieure résultant alors d'une reconduction tacite d'année en année ; que la société Walon l'a interprété ainsi puisqu'elle a écrit le 30 juin 2008 à son sous traitant en ces termes «Selon l'article 9 du contrat cadre de sous traitance liant nos deux sociétés... celui-ci arrive à échéance le 31 décembre prochain. Nous vous informons de notre souhait de dénoncer ce contrat, notre objectif étant de discuter avec vous de la mise en place d'un nouveau contrat cadre pouvant inclure une prévision d'investissement dans du matériel neuf ;

Nous sommes déjà en cours de négociations avec plusieurs d'entre vous, et si nous ne pouvons pas encore vous contacter à ce propos nous vous serions reconnaissants de bien vouloir prendre contact avec nous» ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de prendre en compte l'hypothèse de son évolution en contrat à durée indéterminée puisque celle-ci résidait dans une reconduite tacite et que la société Walon a entendu le dénoncer au terme de quatre ans.

Considérant en conséquence qu'il en résulte que le contrat était à durée déterminée ; que la société Walon soutient que néanmoins les parties demeuraient libres de prévoir sa résiliation anticipée ;

Considérant que la rédaction de l'article 9 n'est pas claire en ce qu'elle a d'une part dissocié deux périodes d'exécution, d'autre part qu'elle n'a pas évoqué clairement au titre de la première période l'hypothèse d'une résiliation anticipée relevant des deux préavis qu'elle énonce ;

Considérant que la société Walon ne saurait nier cette confusion puisqu'elle a transmis les 7 avril et 6 juin 2008 un projet de contrat de sous traitance et location d'une durée de quatre ans renouvelable ensuite année par année par tacite reconduction qui, tout en prévoyant une possibilité de résiliation anticipée au cours de chacune des deux périodes, précisait un délai de préavis d'un an au cours des quatre premières années, et de six au cours des périodes de reconduction ;

Considérant de plus que les contrats de location de véhicules étaient conclus pour une durée de quatre ans avec un préavis de dénonciation d'un an ; que les derniers avaient été signés entre le 10 avril et le 2 octobre 2008 ; que la signature de ces contrats, indissociables du contrat de sous traitance démontre que les parties entendaient alors renégocier un nouveau contrat à l'issue des quatre années ; que ce préavis d'un an rendait par ailleurs impossible l'application d'un préavis de 6 mois propre au contrat de sous traitance en ce qu'il aurait privé celui-ci d'une partie de son objet à savoir l'exécution de transports avec des véhicules affectés ;

Considérant que dans le doute la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que les parties ont conclu le 7 décembre 2005 un contrat à durée déterminée de quatre ans sans que cette durée soit assortie d'une possibilité de résiliation anticipée ; que dès lors la société Walon était tenue d'exécuter celui-ci jusqu'à son terme ;

Considérant en conséquence que la société Walon qui avait seulement dénoncé le contrat en ce qu'il arrivait à son terme, a poursuivi l'exécution du contrat au moins jusqu'au 17 décembre 2008, date à laquelle elle a notifié sa décision de le résilier en évoquant alors une faute de la société Azimut Trans, ce qu'elle n'invoque pas dans la présente procédure ; que le 5 janvier 2009 la société Walon sans avoir informé préalablement son cocontractant a notifié directement aux chauffeurs de ce dernier qu'aucun fret ne leur serait plus confié, le contrat étant terminé ; qu'elle a donc mis un terme, à tort, au contrat à cette date alors que celui-ci arrivait à son terme seulement le 31 décembre 2009 ;

Sur l'indemnisation

Considérant que la société Azimut Trans affirme que son préjudice doit être calculé par référence à la situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme contractuel ; qu'elle produit une analyse faite par son commissaire aux comptes ;

Considérant qu'aux termes des quatre avenants au contrat commercial de sous traitance et notamment celui signé le 17 juillet 2006 il a été stipulé que « Le volume indicatif de transport qui peut être confié au sous traitant s'élève à un travail correspondant au minimum à une exploitation du matériel 44 semaines par an et 6 jours sur sept » ;

Considérant que la société Azimut Trans fait état de ce que le nombre de camions affectés n'a cessé d'augmenter à la demande de la société Walon, étant de 47 camions à la date du 13 juin 2007et la société Walon exigeant alors la mise en place de 22 nouveaux véhicules neufs représentant un investissement de 3 740 000€ ; qu'à la date du 10 janvier 2008, elle comptait 21 ensembles routiers qui étaient sa propriété, 23 ensembles propriété de la société Walon qui étaient en circulation pour le compte de la société Walon, outre 7 ensembles routiers loués à la société Walon et non roulant ;

Considérant que, si la société Walon critique la méthode d'évaluation de son préjudice par la société Azimut Trans, elle produit une note de son expert comptable qui indique que « Pour déterminer le préjudice qui aurait été subi par Azimut Trans au titre de cette période, il conviendrait de déterminer la situation qui aurait été celle d'Azimut Trans si ce contrat avait été exécuté et de la rapprocher de celle qui a été la sienne au 31.12.2009. Le préjudice financier correspondrait alors à la baisse de résultats constatée par Azimut Trans sur l'exercice 2009 » ;

Considérant qu'il ajoute que ce préjudice de la société Azimut Trans devrait être fixé en considérant « la capacité de réduire et d'affecter sur de nouveaux contrats » ;

Considérant que si ce raisonnement est recevable à l'occasion de la fixation d'un préavis destiné à permettre une réorganisation de la société, il n'a pas lieu d'être retenu dans la mesure où il s'agit de chiffrer un préjudice contractuel reposant sur une inexécution des relations contractuelles pendant un an, inexécution qui a donc fait perdre à la société Azimut Trans la marge sur coûts variables qu'elle dégageait habituellement de son activité avec la société Walon et qui peut être appréciée au regard de celle dégagée les années précédentes ; que ce préjudice ne saurait être diminué au regard des décisions prises par la société Azimut Trans en raison de la rupture imputable à la société Walon dont celle de procéder à des licenciements, étant observé que la société Walon avait pour sa part bénéficié de la reprise de ses salariés par la société Azimut Trans faisant ainsi supporter à celle-ci une partie des coûts de sa restructuration ; que le calcul du préjudice de la société Azimut Trans ne saurait pas davantage être impacté par d'autres contrats que la société Azimut Trans a souscrits auprès de sociétés concurrentes de la société Walon, la société Azimut ayant déployé son énergie pour éviter les conséquences irrémédiables de la rupture ; que, si un certain nombre de camions ont été restitués à la société Walon, la société Azimut Trans qui, certes n'a pas eu à régler les loyers et n'a plus supporté les charges d'entretien de ces véhicules, n'en a pas moins perdu la marge qu'elle tirait de leur exploitation et qui était fixée à partir d'une facturation sur un prix fixé au kilomètre ; que la société Azimut Trans produit un compte détaillé du chiffre d'affaire qu'elle a réalisée en 2008 et 2009 à l'occasion de ses relations avec la société Walon, soit respectivement 9 296 059,00€ et 14 285 112,00€, chiffres qui ne sont pas discutés par la société Walon ; qu'elle détaille ensuite les charges prises en compte pour dégager sa marge à savoir les dépenses de gazole diminuées du remboursement de la TIPP, le coût des locations Walon, les frais d'entretien et de réparation, enfin le coût des péages ; que les montants ainsi déduits ne sont pas contestés et permettent de retenir une marge brute de 3 413 245,30€ soit 52% en 2007 et 3 176 507,02€ soit 51% en 2008 ;

Considérant que la société Azimut Trans produit le rapport de son commissaire aux comptes qui indique « vous nous avez demandé en notre qualité de commissaire aux comptes de la société Azimut Trans de vous certifier les montants nécessaires au calcul de la perte d'exploitation et à la détermination de la marge sur coûts variables.

Nous avons recherché le chiffre d'affaires réalisé entre les deux sociétés en 2007 et en 2008. Pour chaque semaine des années en question, nous avons déterminé le nombre de camions en service, le nombre de km parcourus et le chiffre d'affaires qui en résultait (tableaux ci joints des factures au km pour 2007 et 2008).

Nous avons pu ainsi déterminer un chiffre d'affaires moyen au km ainsi qu'un nombre moyen de kilomètres parcourus par camion chaque semaine.

Il ressort de cette étude que le chiffre d'affaires moyen au kilomètre est de 1,25€ et que le nombre moyen de kilomètres parcourus par camion est de 2 820 km » ;

Qu'il conclut sur la base de cette méthode à un préjudice de 3 480 444€ ;

Considérant que cette analyse est purement technique et repose sur les factures de la société Walon ; que cette dernière n'apporte aucun élément pertinent pour la remettre en cause ;

Considérant qu'au vu des éléments détaillés et pertinents produits par la société Azimut Trans, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise, la Cour s'estimant suffisamment renseignée et en mesure de fixer le préjudice de la société Azimut Trans à la somme de 3 480 444€ ;

Sur la demande portant sur l'exploitation du matériel garanti sur 44 semaines en 2008

Considérant que la société Azimut Trans fait valoir que les parties avaient convenu d'une exploitation garantie du matériel au minimum 44 semaines par an et 6 jours par semaines et qu'à de nombreuses reprises au cours de l'année 2008 la société Walon n'a pas respecté ce minimum sans pour autant la dédommager alors que les véhicules sont restés immobilisés et qu'elle a continué de régler les loyers ;

Considérant que la société Walon soutient que cette demande est prescrite ;

Considérant que, comme il a été vu précédemment les parties entretenaient des relations croisées donnant lieu à compensation de leurs dettes et créances respectives ; que la facture au titre des semaines qui étaient garanties s'inscrit dans ce cadre convenu ; que, de plus, cette facturation concerne des prestations qui auraient dû lui être garanties au cours de l'année 2008 de sorte qu'elle ne pouvait pas intervenir avant la fin de l'exercice ; qu'elle a donné lieu à l'envoi d'une facture en date du 31 décembre 2008 et d'une lettre recommandée du 25 mars 2009 valant mise en demeure ; qu'en conséquence elle n'est pas atteinte par le délai de prescription ;

Considérant que la société Walon n'apporte aucun élément portant sur un cette absence d'exploitation qui avait donné lieu à garantie contractuelle ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la société Azimut Trans ;

Sur la demande au titre du défaut de respect du tarif majoré

Considérant que la société Azimut Trans fait valoir qu'aux termes du contrat du 7 décembre 2005, il avait été convenu d'un tarif majoré qui n'a pas été appliqué et qui a donné lieu à l'établissement de sa part d'une facture en date du 31 décembre 2008 d'un montant de 70 506,03€ qui ne lui a pas été réglée ;

Considérant que la société Walon fait valoir comme pour la demande au titre de l'exploitation garantie que cette demande est prescrite en ce qu'elle concerne des prestations effectuées entre 2006 et la semaine 27 de l'année 2008 ;

Considérant que l'article 7-1 du contrat du 7 décembre 2005 stipule que «Parmi les périodes de forte activité, évoquées à l'article 2 du présent avenant. L'opérateur de transport se réserve le droit de sélectionner 8 semaines dénommées semaines» rouges» pendant lesquelles le sous traitant se verra appliquer un tarif majoré. Pour ce faire l'opérateur de transport préviendra le sous traitant le jeudi de la semaine précédente, l'obligation étant faite à ce dernier de mettre à disposition les véhicules visés dans le contrat», l'article 7.3 précisant ce tarif majoré ;

Considérant que la société Walon ne conteste pas le principe de cette créance de la société Azimut Trans ; que les parties ayant convenu de la compensation de leurs dettes et créances réciproques, cette demande n'est pas prescrite et la Cour, en l'absence de contestation sur son principe, y fera droit ;

Sur le non-paiement des factures

Considérant que la société Azimut Trans fait valoir que sa demande en paiement portait sur la somme de 52 589,89€, somme qui a été compensée par la société Walon au titre de prétendues avaries ; qu'elle expose que lui reste due la somme de 10 447,65€ correspondant à une réclamation de la société Walon pour un transport et qu'elle avait rejetée car la lettre de voiture ne comportait aucune réserve ;

Considérant que la société Walon fait état d'une compensation à l'occasion d'une avarie qui a donné lieu à expertise ;

Considérant que la société Azimut Trans ne conteste pas l'avarie invoquée par la société Walon à l'appui de la compensation qu'elle avait opérée ; qu'elle fait état de la somme de 10 447, 65€ qui correspondrait au solde de ses interventions sans pour autant en justifier alors qu'elle indique avoir obtenu restitution d'une somme de 79 453,25€ en avril 2009 ; que sa demande sera rejetée ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société Azimut Trans a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la société Walon à payer à la société Azimut Trans les sommes suivantes :

* 3 480 444€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la rupture du contrat ;

* 685 599,24€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non-respect de la garantie des 44 semaines pour l'année 2008 ;

* 70 506,03€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non-respect du tarif majoré ;

DIT que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 3 décembre 2009 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

CONDAMNE la société Walon à payer à la société Azimut Trans la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNE la société Walon aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

B.REITZERC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/00852
Date de la décision : 28/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°13/00852 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-28;13.00852 ?
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