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28/05/2015 | FRANCE | N°14/00099

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 28 mai 2015, 14/00099


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 28 MAI 2015



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/00099



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2013 - Tribunal de Commerce de LILLE-METROPOLE - RG n° 2012006926









APPELANTE



SA COOPERATIVE DES TRANSPORTEURS EN BENNE

ayant son siège social [Adresse 2]
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br>[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 28 MAI 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/00099

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2013 - Tribunal de Commerce de LILLE-METROPOLE - RG n° 2012006926

APPELANTE

SA COOPERATIVE DES TRANSPORTEURS EN BENNE

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE

INTIMEE

SARL SPS ROLAND VANBELLE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée de Me Elisabeth GOBBERS VENIEL, avocat au barreau de BETHUNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, et Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président

Madame Françoise LUCAT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

La société Coopérative des Transporteurs en Benne (CTB), coopérative d'entreprises de transport routier de marchandises, a, selon délibérations de son conseil d'administration du 28 mars 2012 et de l'assemblée générale du 23 juin 2012, décidé l'exclusion de la SARL SPS [P] [G], spécialisée dans le transport de bennes et de mobile homes, membre de la coopérative depuis février 2001.

Contestant cette exclusion, la société SPS [P] [G] a, par acte en date du 28 septembre 2012, assigné la société CTB devant le tribunal de commerce de Lille pour rupture brutale de la relation commerciale et aux fins de reversement de chiffre d'affaires et de remboursement de ses parts sociales au sein de CTB.

Par jugement rendu le 18 décembre 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit que la clientèle correspondant aux opérations de transport de mobile homes pour les particuliers appartenait à la société SPS [P] [G] ;

- jugé sans motif réel et sérieux l'exclusion de [P] [G] et débouté CTB de ses moyens, fins et conclusions ;

- jugé que l'article L 442-6 I, 5° du code de commerce devait s'appliquer ;

- condamné CTB à payer à [P] [G] la somme de 40.599,00 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies entre les sociétés ;

- condamné CTB à communiquer à [P] [G], sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter du 15ème jour calendaire suivant la notification du jugement, les pièces justifiant du chiffre d'affaires encaissé et devant être reversé, après imputation des charges de fonctionnement, à [P] [G] et l'a condamnée à payer à [P] [G] la somme devant lui revenir à ce titre, augmentée des intérêts légaux à compter du 28 septembre 2012, date de l'assignation et ce jusqu'à parfait paiement ;

- réservé au tribunal la liquidation éventuelle de l'astreinte ;

- condamné CTB à payer à [P] [G] la somme de 28.784,00 euros au titre du remboursement de la part du capital social détenu par [P] [G] ;

- prononcé l'exécution provisoire ;

- condamné CTB au paiement de la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- débouté [P] [G] de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires.

La société CTB a interjeté appel de ce jugement le 2 janvier 2014.

Par ses dernières conclusions signifiées le 20 février 2015, elle demande à la Cour de :

Vu les articles L 3441-2 et suivants du code des transports,

Vu la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération,

Vu les statuts et le règlement intérieur de la Coopérative des Transports en Benne 'CTB',

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 décembre 2013 en ce qu'il a :

* jugé sans motif réel et sérieux l'exclusion de la SPS [P] [G] par CTB ;

* jugé que l'article L 442-6 du code de commerce trouvait à s'appliquer et condamné CTB à indemniser la SPS [P] [G] au titre d'une brutale rupture de relation commerciale ;

* condamné CTB à fournir les pièces justifiant du chiffre d'affaires encaissé et devant être reversé, et condamné CTB à payer cette somme ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

- dire que la SPS [P] [G] a violé tant son obligation d'exclusivité que de loyauté à l'égard de CTB ;

- en conséquence, constater, dire et juger que l'exclusion de la SPS [P] [G] est légitime ;

- dire que l'exclusion, de la SPS [P] [G] a entrainé l'arrêt de toute activité avec la coopérative conformément à l'article 3 de la loi de 1947 précitée ;

- dire que, postérieurement à son exclusion du 27 mars 2012, la SPS [P] [G] a violé son obligation de non concurrence ;

- Sur la réparation du préjudice lié aux manquements de la SARL SPS [P] [G], la condamner à payer à la société CTB :

o une somme de 46.762,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation d'exclusivité ;

o une somme de 117.683,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de non concurrence ;

A titre subsidiaire :

- dire que la rupture des relations commerciales est imputable à la SPS [P] [G] et qu'à tout le moins elle est la conséquence d'une faute commise par cette dernière ;

- en conséquence, dire que CTB n'a pas brutalement rompu la relation commerciale :

- condamner la SPS [P] [G] à indemniser CTB de son préjudice :

o une somme de 46.762,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation d'exclusivité ;

o une somme de 117.683,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de non concurrence ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 décembre 2013 en ce qu'il a constaté que la SARL SPS [P] [G] a droit au remboursement du montant nominal de ses actions, soit la somme de 28.784,00 euros ;

En conséquence :

- prononcer la compensation entre les créances réciproques et connexes des parties, soit un solde au bénéfice de CTB de 135.661,00 euros et condamner la SPS [P] [G] à payer un solde de 135.661,00 euros au bénéfice de CTB ;

- condamner la SARL SPS [P] [G] au paiement d'une somme de 10.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que l'article L 442-6 I, 5° du code de commerce sur la rupture brutale des relations commerciales ne peut trouver en l'espèce à s'appliquer dans la mesure où :

- les relations entre le coopérateur et la coopérative ne s'inscrivent pas dans un partenariat commercial, qu'il s'agit d'un contrat de société, dont les règles sont exclusivement et limitativement posées d'une part par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, dont les dispositions sont d'ordre public, d'autre part par les statuts et le règlement intérieur de la coopérative ;

- il n'existe pas de contrat commercial entre le coopérateur et sa coopérative, la relation entre la coopérative et ses associés/coopérateurs ne reposant pas sur la conclusion d'un contrat de transport, ou de location de véhicules avec conducteurs, ou de sous-traitance.

Elle indique que l'exclusion de la SPS [P] [G] est fondée sur un manquement à ses obligations issues de la loi de 1947, des statuts et du règlement intérieur de la coopérative, en l'espèce un manquement à l'obligation d'exclusivité et de loyauté sur la clientèle mise à la disposition de la coopérative : elle fait ainsi grief à [P] [G] d'avoir :

- détourné la clientèle de la coopérative en ce que, alors qu'elle travaillait au sein de la coopérative pour l'activité bennes, elle traitait en direct, hors de l'entremise de la coopérative, l'activité de transport de mobile homes ; or :

* c'est postérieurement à son adhésion à CTB que la SARL Etablissement [P] [G] a développé une activité de transport de mobile homes ;

* la société SPS, autre membre de la coopérative, exerçait alors une activité de transport de benne ;

* SPS a racheté en 2007 le fonds de commerce de transport de mobile homes de la société Etablissement [P] [G] - cession qui n'a pu porter que sur les éléments d'actifs corporels et incorporels, à l'exception de la clientèle - a modifié sa dénomination sociale en SPS [P] [G], et a, au sein de la coopérative, étendu son activité au transport de benne et de mobile homes ;

* il s'en déduit que la clientèle de transport de mobile homes à destination des particuliers a bien été créée par CTB et n'a jamais appartenu à la SPS [P] [G] ;

- fait supporter à la coopérative la charge de l'augmentation de la prime d'assurance liée à la déclaration d'un sinistre survenu dans le cadre de l'activité de transport de mobile homes.

Elle précise que la décision de sanction prise par la coopérative est la reconnaissance d'une faute suffisamment grave pour justifier la rupture des relations commerciales sans préavis, et qu'il convient se demander si un adhérent est autorisé à remettre en cause la qualification d'une faute constatée par un organe collégial dont il n'a pas contesté la légitimité de la décision dans les délais de la loi. Elle ajoute subsidiairement que la rupture des relations commerciales est à l'initiative de la SPS [P] [G] qui avait manifesté son souhait de se retirer de la coopérative pour le transport de mobile homes, bien avant la notification de son exclusion.

Elle sollicite par ailleurs la condamnation de la SPS [P] [G] pour manquement à ses obligations :

- d'exclusivité, [P] [G] ayant réalisé une partie de son chiffre d'affaires en dehors de la coopérative entre 2010 et 2011 ;

- de non-concurrence, [P] [G] ne contestant pas avoir poursuivi son activité de transport en benne et de convoyage de mobile homes postérieurement à son exclusion alors que la clientèle demeurait la propriété de CTB.

La SARL SPS [P] [G], par ses dernières conclusions signifiées le 24 mars 2014, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions non contraires, et :

I - de confirmer le jugement en ce qu'il a dit la rupture et l'éviction de brutale et fautive ;

- condamner CTB au paiement d'une somme équivalente à une année de perte de marge brute, soit à la somme de 121.800,00 euros ;

- condamner CTB au paiement d'une somme de 4.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par [P] [G] ;

- condamner CTB, sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à communiquer les pièces justifiant du chiffre d'affaires encaissé et devant être reversé après imputation des charges de fonctionnement à [P] [G] ;

II - dire que [P] [G] avait droit, en sa qualité de sociétaire, au reversement du capital mouvement par le volume de son activité au sein de CTB ;

- d'enjoindre à CTB de communiquer les éléments justifiant du montant actualisé de la somme devant revenir à [P] [G], sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard, courant à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner CTB au reversement de cette somme au profit de [P] [G], avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure effectuée conformément à l'article 1153 du code civil, soit à compter du 10 avril 2012 ;

III - dire que [P] [G] a droit au remboursement du montant de ses parts sociales, conformément aux statuts ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné CTB au paiement de la somme de 28.784,00 euros ;

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise aux fins notamment de déterminer la valeur actuelle des parts détenues au sein de la société coopérative et de déterminer la valeur de rachat desdites parts, et condamner CTB au remboursement desdites parts ;

IV - condamner CTB à restituer à [P] [G] les montants en trop versés par elle au titre de l'assurance et des frais divers qui ne seraient pas justifiés ;

- ordonner à CTB de communiquer les justificatifs des appels de cotisations d'assurance et frais divers engagés par elle justifiant des versements sollicités et effectués par les adhérents ;

- en tout état de cause, dire CTB irrecevable et mal fondée en ses demandes, dire n'y avoir lieu à condamnation de [P] [G] à quelque somme que ce soit ;

- condamner [P] [G] au paiement de la somme de 7.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l'article L 442-6 I, 5° du code de commerce est applicable aux relations existant entre la société coopérative CTB, société de droit commercial, et les coopérateurs, que la rupture de la relation commerciale est intervenue sans préavis et hors de toute justification susceptible de permettre une rupture immédiate, et que les motifs invoqués au soutien de la rupture sont abusifs :

- tant sur le détournement de clientèle : elle précise que CTB n'a, à aucun moment, été propriétaire de la clientèle relative à l'activité de transport de mobile homes pour les particuliers, activité qui a toujours été une activité propre de [P] [G] ;

- que sur le transfert de charge de prime d'assurance, la déclaration de sinistre en cause ne présentant aucun caractère frauduleux.

MOTIFS

Sur la rupture brutale des relations entre les parties

Considérant que la société [P] [G] fonde son action sur l'article L 442-6 I, 5° du code de commerce, disposition dont CTB soutient qu'elle n'est pas en l'espèce applicable ;

Considérant que l'article L 442-6 I, 5° du code de commerce dispose qu''engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure.' ;

Considérant que l'article L 442-6 I, 5° s'applique à toute relation commerciale portant sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service ; que CTB constitue une société coopérative de transport routier régie par l'article L 3441-1 du code des transports qui dispose que 'les sociétés coopératives de transport routier sont exclusivement formées par des personnes physiques en vue de l'exploitation en commun d'un fonds de commerce de transport public routier de marchandises ou de personnes' ; qu'établie entre personnes morales à caractère commercial et portant sur l'exploitation d'un fonds de commerce, la relation existant entre la SA coopérative CTB et le coopérateur, la SARL [P] [G], est une relation commerciale au sens de l'article L 442-6 I, 5° ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont dit l'article L 442-6 I, 5° en l'espèce applicable ;

Considérant qu'il est constant que, par lettre en date du 28 mars 2012, CTB a notifié à [P] [G] son exclusion de la société coopérative ; que cette exclusion est intervenue sans préavis ; que l'article L 442-6 I, 5° ne permet la rupture d'une relation commerciale sans préavis qu'en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ; que CTB invoque à cet égard deux manquements imputables à [P] [G] : un détournement de clientèle et un transfert, à la coopérative, d'une charge de prime d'assurance ;

Considérant, sur le détournement de clientèle, que CTB se prévaut des dispositions du règlement intérieur adopté par la coopérative le 15 décembre 2007, en particulier de son article 26 qui stipule que 'Toute clientèle appartenant à un sociétaire avant son entrée dans C.T.B devient, par le seul fait de son adhésion à C.T.B. et de l'organisation de celle-ci, la propriété collective et indivisible de l'ensemble des coopérateurs.

En cas de retrait ou d'exclusion d'un coopérateur de C.T.B., pour une cause quelconque, ce dernier ne pourra prétendre à dédommagement pour la clientèle apportée au moment de son adhésion.' ;

Que [P] [G] prétend que ce règlement ne lui est pas opposable et que le seul règlement intérieur applicable est celui du 17 février 1993 dont les dispositions régissant la clientèle sont :

- l'article 24, qui dispose que 'la coopérative CTB est une personne juridique distincte des coopérateurs qui la composent. Sa clientèle, c'est à dire par opposition à la clientèle des sociétaires qui est visée à l'article 26 ci-après, celle qu'elle a créée elle-même et dont elle satisfait les besoins, en sa qualité de transporteur ou de loueur de véhicules, avec son matériel ou avec le matériel mis à sa disposition par les sociétaires est la propriété collective et indivisible de ceux-ci.' ;

- l'article 25 : 'la clientèle de la coopérative CTB étant considérée comme la propriété exclusive et indivisible de l'ensemble des coopérateurs sociétaires, aucun adhérent n'a pouvoir pour traiter directement avec quelque client que ce soit.' ;

- l'article 26, qui prévoit que 'toute clientèle appartenant à un sociétaire avant son entrée dans CTB reste sa propriété exclusive.(...)' ;

Considérant que la société [P] [G] était représentée à l'assemblée générale du 15 décembre 2007 lors de laquelle a été approuvée une modification des statuts de la société coopérative et de son règlement intérieur, ainsi que cela ressort du procès-verbal de cette assemblée (pièce n° 17 communiquée par CTB) ; qu'en application de l'article 30 des statuts - qui dispose qu' 'il est établi un règlement intérieur approuvé par l'assemblée générale ordinaire. Chaque coopérateur reconnaît avoir reçu un exemplaire dudit règlement et les deux parties s'engagent à le respecter' - l'opposabilité du règlement intérieur n'est soumise à aucune autre condition que son approbation par l'assemblée générale ordinaire, approbation qui n'est en l'espèce pas contestée ; qu'au surplus, CTB produit une première page du règlement intérieur du 15 décembre 2007 paraphée par les sociétaires (pièce n° 18 communiquée par CTB) ; que, compte tenu de ces éléments, [P] [G] ne saurait contester l'opposabilité du règlement du 15 décembre 2007 ;

Mais considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition de ce règlement intérieur que son article 26 serait d'application rétroactive et s'étendrait aux adhésions déjà intervenues à la date du 15 décembre 2007 ; qu'il s'en déduit que la seule disposition en matière de clientèle, applicable à la société [P] [G] est celle de l'article 26 du règlement intérieur du 17 février 1993 aux termes duquel toute clientèle appartenant à un sociétaire avant son entrée dans CTB demeure sa propriété exclusive ;

Considérant que [P] [G] établit que la société Etablissements [P] [G] exerçait une activité de transport de mobile homes dès les années 1980 (pièce n° 24 communiquée par [P] [G]), soit très antérieurement à son adhésion à la société coopérative ; que, par acte en date du 16 avril 2007, la SARL Etablissements [P] [G] a cédé à la SARL SPH Transports son fonds de commerce, dont la clientèle (pièce n° 6 communiquée par [P] [G]) ; que SPH Transports a pris la dénomination de SPS [P] [G] ;

Considérant que, dès lors qu'elle exerçait l'activité litigieuse avant son adhésion à la coopérative, la société Etablissements [P] [G] est restée propriétaire de la clientèle 'mobile homes' ; que cette clientèle, acquise par la société SPS [P] [G] postérieurement à son adhésion et avant l'entrée en vigueur du nouvel article 26 issu de la modification du 17 décembre 2007, ne relève pas de celle apportée par la société [P] [G] lors de son adhésion ; que CTB ne fait état d'aucun acte caractérisant la volonté du sociétaire d'apporter cette clientèle à la société coopérative ; qu'au surplus, l'appelante ne démontre pas avoir elle-même développé le transport de mobile homes, le seul récépissé de transport de tels équipements établi sur le carnet à souches de la société coopérative étant insuffisant à démontrer la propriété, par CTB, d'un fonds de commerce de transport de mobile homes ; qu'en conséquence, CTB ne saurait, en application de l'article 26 du règlement intérieur applicable, revendiquer la propriété de la clientèle correspondante, dont [P] [G] est demeuré propriétaire ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à arguer d'un détournement de clientèle au titre de la poursuite, par [P] [G], de son activité de transport de mobile homes ;

Considérant, sur le transfert à la coopérative d'une charge de prime d'assurance, qu'il est établi que [P] [G] a déclaré un sinistre du 13 mai 2011 à l'assurance de CTB Diot Méditerranée ; que ce seul élément, dont CTB n'établit pas qu'il ait donné lieu à une majoration des primes d'assurance pour l'ensemble des adhérents, est insuffisant à caractériser un manquement d'une gravité telle qu'elle ait justifié une rupture sans préavis ;

Considérant qu'aucun des manquements invoqués par CTB n'étant caractérisé, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit brutale la rupture, par la société coopérative, de la relation commerciale ; qu'il le sera également en ce qu'il a dit qu'un préavis de rupture d'un an aurait dû être mis en oeuvre et a alloué à [P] [G], sur la base d'un chiffre d'affaires annuel moyen de [P] [G] avec CTB de 221.854,00 euros (665.563,00 euros / 3) et d'un taux de marge brute moyen - non discuté - de 18,30 %, une indemnité de 40.599,00 euros ;

Sur le remboursement du montant des parts sociales

Considérant que, [P] [G] sollicitant la confirmation de la décision déférée sur le montant alloué par le tribunal au vu de la répartition du capital social au 31 décembre 2011 (pièce n° 6 communiquée par CTB), le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté [P] [G] de sa demande d'expertise judiciaire et a condamné CTB au paiement de la somme de 28.784,00 euros au titre du remboursement de la part du capital social détenu par [P] [G] ;

Sur les autres demandes de [P] [G]

Considérant que [P] [G] demande, au visa de l'article 14 des statuts de CTB, le versement d'un capital mouvementé par le volume de son activité au sein de la société coopérative ; que, CTB n'apportant aucune critique sur la disposition du jugement relative à ce point, la décision entreprise sera confirmée de ce chef ;

Que [P] [G] réclame par ailleurs le remboursement par CTB des montants en trop versés par elle au titre des cotisations d'assurance et de frais divers ; que toutefois sa demande de condamnation d'une part n'est ni chiffrée, ni déterminable, d'autre part ne repose sur aucun élément précis ni quant à la nature des dépenses en cause, ni quant à l'existence-même de trop-perçus ; que [P] [G] ne fait état, au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, d'aucun élément susceptible de caractériser un quelconque préjudice ; qu'il sera en conséquence débouté de ses demandes sur ces points ;

Sur les demandes reconventionnelles de CTB

Considérant que la poursuite, par [P] [G], hors de la coopérative, de son activité de transport de mobile homes, distincte de celle des transports de bennes, et concernant une clientèle qui lui était propre, ne peut être constitutive d'un manquement de [P] [G] à ses obligations d'exclusivité et de non concurrence ; que, par ailleurs, CTB ne démontre pas que [P] [G] aurait exercé l'activité de transport de bennes hors de la coopérative en 2010 et 2011 - années pour lesquelles CTB limite sa demande - les chiffres communiqués par CTB au soutien de l'existence d'un écart entre le chiffre d'affaires total de [P] [G] et son chiffre d'affaires au sein de la coopérative (pages 14 et 15 des dernières conclusions de CTB) n'établissant pas que cet écart correspondrait pour autant à une activité de transport de bennes hors de la coopérative ; que, le tribunal n'ayant pas statué sur cette demande de CTB, la Cour, ajoutant au jugement entrepris, l'en déboutera ;

Considérant que [P] [G] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris,

DÉBOUTE la SARL SPS [P] [G] du surplus de ses demandes,

Ajoutant au jugement entrepris,

DÉBOUTE la SA Coopérative des Transporteurs en Benne de sa demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE la SA Coopérative des Transporteurs en Benne à payer à la SARL SPS [P] [G] la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SA Coopérative des Transporteurs en Benne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

B.REITZER C.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/00099
Date de la décision : 28/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°14/00099 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-28;14.00099 ?
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