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18/12/2015 | FRANCE | N°13/23093

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 18 décembre 2015, 13/23093


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 18 DECEMBRE 2015



(n°208, 11 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23093





Décision déférée à la Cour : jugement du 28 novembre 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°12/13544







APPELAN

TES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES





Mlle [I] [T]

Née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3]

De nationalité française

Exerçant la profession de créatrice

Demeurant [Adresse 4]



S.A.S. AB LIBELLULE, agissant en la...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 18 DECEMBRE 2015

(n°208, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23093

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 novembre 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°12/13544

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

Mlle [I] [T]

Née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3]

De nationalité française

Exerçant la profession de créatrice

Demeurant [Adresse 4]

S.A.S. AB LIBELLULE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 1]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 511.220.279

Représentées par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque B 753

Assistées de Me Odile COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque E 51

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.R.L. H&M HENNES & MAURITZ, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 2]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 398 979 310

Représentée par Me Julien FRENEAUX de la SELAS BARDEHLE - PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque P 390

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 4 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Madame [I] [T] indique avoir créé des bijoux, et plus précisément des colliers et des bracelets appartenant à la collection 'Do Brasil' en juin 2009.

La société A.B Libellule expose commercialiser les bijoux sur le site internet accessible à l'adresse [Courriel 1], en France et à l'étranger, ainsi que dans des magasins multi-marques, dans des corners des grands magasins ainsi que dans sa boutique de la [Adresse 7].

La société H&M Hennes et Mauritz (ci-après H&M) appartient au groupe suédois H&M dont elle est une filiale française, et a pour activité la distribution d'articles de mode de la marque éponyme en France.

En mars 2012, Madame [I] [T] s'est aperçue que la société H&M offrait à la vente un bracelet noir qui constituerait une copie d'un bracelet de sa collection 'Do Brasil'.

Dûment autorisée par une ordonnance du 14 mai 2012, elle a fait procéder le 22 mai 2012 à des opérations de saisie-contrefaçon au siège social de la société H&M situé à [Localité 3]. Ces opérations ont révélé que 1751 bijoux argués de contrefaçon auraient été vendus par la société H&M et 1422 figuraient en stock.

C'est dans ces conditions que Madame [I] [T] et la société AB Libellule ont, selon acte d'huissier en date du 20 juin 2012, fait assigner la société H&M devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement contradictoire en date du 28 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré madame [I] [T] et la société AB Libellule irrecevables à agir en contrefaçon de droits d'auteur, 

- déclaré madame [I] [T] irrecevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire,

- débouté la société AB Libellule de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire, 

- débouté la société H&M de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, 

- condamné mademoiselle [I] [T] et la société AB Libellule à verser à la société H&M la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code procédure

civile, 

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision, 

- condamné mademoiselle [I] [T] et la société AB Libellule aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 septembre 2015 , auxquelles il est expressément renvoyé, madame [I] [T] et la société AB Libellule demandent à la cour, au visa des articles L. 335-2, L. 335-3, L. 331-1-4 et L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 28 novembre 2013 en ses dispositions qui lui sont défavorables,

- le confirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau :

- constater que madame [I] [T] est titulaire du droit moral sur le modèle de bijou collection DO BRASIL décliné sous forme de collier et de bracelet,

- constater que la société AB Libellule est titulaire des droits patrimoniaux sur ledit modèle,

- constater que la société H&M offre à la vente et commercialise un modèle de bijou qui reproduit à l'identique les caractéristiques originales de celui crée par madame [I] [T] et commercialisé par la société AB Libellule,

- dire et juger que la société H&M a commis des actes de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

En conséquence,

- faire interdiction à la société H&M de fabriquer, de faire fabriquer, d'importer, d'offrir à la vente et /ou de commercialiser de quelque façon que ce soit des modèles de bijoux reproduisant le modèle de collier/bracelet sus-décrit et, d'une manière plus générale, reproduisant les caractéristiques originales de leurs modèles et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, que les modèles reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servis à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits et confisqués à leur profit et aux frais de la société H&M,

- condamner la société H&M à payer à madame [I] [T] et à la société AB Libellule la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,

- condamner la société H&M à payer à madame [I] [T] et à la société AB Libellule la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- ordonner, à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de leur choix et aux frais de la société H&M , sans

que le coût de chacune de ces insertions ne soit supérieur à la somme de 5.000 euros HT,

- débouter la société H&M de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société H&M au paiement de la somme de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société H&M en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 7 octobre 2015, auxquelles il est expressément renvoyé, la société H&M entend voir :

- confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables,

Y ajoutant,

- prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon effectuées le 22 mai 2012 au

siège social de la société H&M à [Adresse 6] ; prononcer la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de réception de pièces correspondants, et ordonner leur retrait des débats,

- infirmer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau,

- déclarer la société AB Libellule irrecevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire,

- condamner madame [T] et la société AB Libellule à lui payer la somme de 30.000euros à titre de dommages-intérêts pour saisie et procédure abusives,

en toute hypothèse,

- déclarer madame [I] [T] et la société AB Libellule irrecevables, et en tout cas mal fondées, en l'ensemble de leurs demandes ; les en débouter,

- condamner madame [T] et la société AB Libellule à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner madame [T] et la société ABLibellule aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par son conseil conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2015.

SUR CE,

Considérant que les appelantes revendiquent des droits d'auteur sur un bijou dépendant de la collection Do Brasil, décliné en bracelet ou en collier double, caractérisé par la combinaison des éléments suivants :

- une chaîne type gourmette dont les maillons plats centraux sont en métal,

- de part et d'autre de ces maillons, et avec ceux-ci, sont entrelacés des fils de coton tressés

qui peuvent être de couleurs unies ou multicolores, camouflant ainsi le bord des maillons de la gourmette,

- les deux bords du bijou, constitués de fils de coton, laissent apparaître sur sa ligne centrale et de manière contrastée, comme une colonne vertébrale, les maillons métalliques de la gourmette ;

Que madame [T] indique avoir créé ce bijou en juin 2009 et la société AB Libellule se prévaut de la présomption de titularisée des droits dont bénéficie la personne morale qui exploite sous son nom la ou les créations revendiquées ;

Que l'intimée conteste la qualité à agir des appelantes en arguant de l'insuffisante définition des caractéristiques de l''uvre invoquée et l'insuffisance de preuve de la qualité d'auteur de madame [I] [T] et de la titularité des droits invoqués par la société AB Libellule ;

Considérant ceci exposé ,qu'aux termes des dispositions de l'article L. 111-1 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ;

Que par ailleurs la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;

Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient néanmoins à la personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Qu'enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette

présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est

investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;

Considérant en l'espèce que les appelantes ont donné une définition précise du bijou pour lequel est réclamée la protection au titre des droits d'auteur, contrairement à ce que soutient l'intimée, la cour étant en conséquence en mesure d'apprécier tant la nature que la portée de la protection revendiquée ;

Que les appelantes ont versé aux débats :

- un livret bleu comportant sur la couverture la mention '[I] [T]' et sur la première page les mentions 'AB [I] [T]', non daté mais imprimé par la société César Graphic selon devis accepté du 24 juin 2009 et facture correspondante du 30 septembre 2009 portant le n° 2009 09 055, et dont le contenu et la date sont attestés par l'imprimeur, présentant à deux reprises le modèle de collier revendiqué en neuf exemplaires de couleurs différentes,

- deux attestations de Madame [T], en date du 1er décembre 2011 et 20 février 2014, confirmant avoir cédé à la société AB Libellule, dès leur création en 2009, les modèles de la collection Do Brasil déclinés sous la forme de collier et de bracelet, ainsi que l'ensemble des droits de propriété intellectuelle portant sur ces modèles dont les références sont indiquées et les photographies annexées,

- trois attestations émanant de Madame [J], salariée de la société AB Libellule, à l'une desquelles est annexée la photographie du modèle revendiqué, indiquant que mademoiselle [I] [T] a créé lesdits colliers et bracelets Do Brasil au mois de juin 2009,

- une attestation de monsieur [E] [D] qui a réalisé les 16 et 17 juin 2009 les photographies qui ont été intégrées dans le catalogue, ainsi que la facture correspondant à ses prestations, en date du 28 juillet 2009,

- la photocopie du supplément au Monde n°20179 émanant des archives de la Bibliothèque Nationale de France en date du 10 décembre 2009, et sur laquelle se trouve une photographie reproduisant un collier Do Brasil ainsi que la mention du nom d'[I] [T],

- différents articles de magazines et de journaux (Elle du 23 octobre 2009, L'Express Style de février 2010, Glamour de mars 2010, Jalouse de mars 2010, Elle du 2 juillet 2010, Air France Madame daté d'avril-mai 2010, Vogue du mois de mai 2010, Le Nouvel Observateur du 6 septembre 2012, Grazia du 8 au 14 juin 2012, Le Figaro du 15 juin 2012, Elle du 19 avril 2013, Voici du 22 au 28 juin 2013) divulguant les colliers et bracelets Do Brasil , sous différentes couleurs, et sous le nom d'[I] [T],

- des factures de commercialisation par la société AB Libellule portant sur le modèle revendiqué en date du 2 février 2010 et du 30 mars 2010 ainsi qu'une attestation de la gérante de la société Sarah exploitant la boutique Colette située au [Adresse 1] certifiant avoir acheté auprès de la société AB Libellule le modèle de collier Do Brasil dont elle joint une reproduction,

- une attestation de madame [A], chargée de production au sein de la société AB Libellule, en date du 10 juin 2014, retraçant l'historique du référencement du modèle Do Brasil,

- des factures de commercialisation pendant les années 2010,2011 et 2012 du modèle Do Brasil dans ses différentes versions,

- un procès-verbal de constat d'huissier dressé sur le site Internet [Courriel 1] du 9 octobre 2014 sur lequel apparaissent les références du bracelet Do Brasil à côté de la photographie correspondante,

- une facture du 3 février 2014 émise à l'encontre de la société Jane de Boy comprenant le bracelet Do Brasil dont la référence correspond à celle indiquée par madame [A] et à celle figurant sur le site internet,

- une attestation de monsieur [P] [X], directeur administratif et financier de la société AB Libellule qui confirme la cession par [I] [T], à titre gratuit, de ses droits patrimoniaux sur les bijoux de la collection Do Brasil dont une reproduction est jointe,

- et une attestation de monsieur [V] [C], expert-comptable, qui indique que l'exploitation de l'ensemble des modèles de la collection Do Brasil est faite par la société AB Libellule depuis 2009 ;

Que l'ensemble de ces éléments, nombreux, précis et concordants, que la société H&M poursuivie en contrefaçon ne conteste pas utilement, rapportent suffisamment la preuve de la qualité d'auteur du bijou revendiqué par madame [I] [T] et de celle de titulaire des droits patrimoniaux de la société AB Libellule, et partant la qualité à agir de ces dernières en contrefaçon dans le cadre du présent litige ;

Que le jugement dont appel sera en conséquence infirmé de ce chef ;

Sur la protection du bijou revendiqué par le droit d'auteur

Considérant que les dispositions de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;

Que selon l'article L.112-2, 14° du même code, sont considérées notamment comme oeuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure ;

Considérant que les appelantes revendiquent des droits d'auteur sur un bijou dont les caractéristiques ont été exposées ci-dessus ;

Que pour en contester la protection au titre du droit d'auteur, la société H&M soutient que l'examen de l'art antérieur et de la tendance de la mode à la date des faits litigieux révèle que la combinaison d'une chaîne de métal à maillons plat avec des fils entrelacés de part et d'autre des maillons de la chaîne ne procède pas d'un effort créateur suffisant pour que ladite combinaison soit marquée de l'empreinte de la personnalité d'un auteur en particulier ;

Qu'elle fait ainsi valoir, en substance, que l'article paru dans le journal Le Figaro du 15 juin 2012 et repris sur le site internet éponyme le 16 juin 2012 montre des colliers et des bracelets comportant une chaîne de métal dans les maillons de laquelle sont entrelacés des fils de textile ; que notamment les colliers et bracelets de la collection BEX-ROX 2006, ceux de la collection VENESSA ARIZAGA, dont l'article précité indique qu'elle a été lancée en 2007, et en particulier le collier dit 'Hibiscus', les bracelets gourmette de la maison 5 OCTOBRE, les bracelets de la collection MO BY MONICA ou encore les colliers représentés sur les pages du site internet DAYDREAM NATION datées du 18 septembre 2009, les bracelets MADEMOISELLE ANTOINETTE représentés sur les pages du site internet éponyme, les bracelets KABIRI GATHERS représentés dans le magazine VOGUE de mai 2009, combinent une ou deux chaînes en métal de type gourmette avec des fils de coton multicolores tressés de part et d'autre des maillons de la chaîne, les tresses se terminant par des pompons à la manière des bracelets et colliers brésiliens ;

Considérant ceci exposé, qu'il résulte en effet de l'examen des pièces versées aux débats par l'intimée, lorsqu'elles ont une date certaine, permettent d'identifier les caractéristiques des bijoux qui y figurent et sont antérieures à la date de créations des bijoux revendiqués, soit au mois de juin 2009, que différents types de bijoux combinant une ou plusieurs chaînes en métal avec des fils tressés de part et d'autre des maillons de la chaîne, existaient antérieurement aux créations revendiquées par les appelantes ;

Que toutefois le prétendu caractère usuel des bijoux tels que ci-dessus décrits et commercialisés par la société AB Libellule, s'inscrivant dans la tendance de la mode, n'est nullement démontré et aucune pièce ne révèle l'ensemble des caractéristiques revendiquées ;

Qu'au contraire, en l'espèce, l'originalité des créations de Madame [I] [T] réside dans la combinaison des éléments qui les caractérisent, et qui confère à l'ensemble sa physionomie propre et traduit un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;

Considérant dès lors que les colliers et bracelets Do Brasil doivent donc bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du code de la propriété intellectuelle et il sera ajouté au jugement en ce sens ;

Sur la contrefaçon

* sur demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon

Considérant que le moyen tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mai 2012 faute de titularité de droits d'auteur ne peut prospérer ;

Que l'intimée fait ensuite valoir que l'action au fond n'a pas été engagée dans le délai de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long tout en reconnaissant que les articles L.332-3 et R.332-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2014-315 du 11 mars 2014, prévoyaient seulement une possibilité de mainlevée de la saisie par le président du tribunal statuant en référé à la demande du saisi ou du tiers saisi et non pas la nullité de la saisie ; qu'étant relevé en tout état de cause que la saisie est intervenue en l'espèce le 22 mai 2012 et que l'acte introductif d'instance a été délivré le 20 juin 2012, le moyen ne peut pas plus prospérer ;

Qu'il est ajouté que l'huissier n'a pas présenté au saisi la minute de l'ordonnance et que les investigations ont eu lieu sans découverte préalable de produits argués de contrefaçon, ce que le juge ne pouvait lui-même autoriser ;

Or, considérant qu'une lecture fidèle de l'acte de signification de l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon révèle qu'après avoir rappelé les dispositions des articles 493, 495, 496 et 485 du code de procédure civile, l'huissier a signifié la requête et l'ordonnance rendue le 14 mai 2012 avant d'en laisser copie à la société H&M prise en la personne de son directeur financier monsieur [B] [M] ; qu'il est par ailleurs écrit en toutes lettres dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mai 2012 que l'huissier a agi en vertu d'une requête et d'une ordonnance sur requête rendue par monsieur le président du tribunal de grande instance de Paris de Paris le 14 mai 2012, préalablement signifiée par acte séparé, et dont il est porteur ;

Qu'enfin, l'ordonnance du 14 mai 2012 autorisait expressément l'huissier instrumentaire 'à présenter, lors des opérations, à défaut de trouver les produits argués de contrefaçon sur place, le modèle litigieux de la société H&M, et le modèle original de bracelet et de collier de mademoiselle [I] [T] ', ce qu'aucune disposition n'interdit ;

Que dans ces conditions la société H& M ne peut valablement soutenir que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées dans ses locaux le 22 mai 2012 seraient nulles ;

* sur le caractère non probant de l'achat réalisé le 15 mars 2012

Considérant que la société H& M conteste encore le caractère probant de l'achat réalisé le 15 mars 2012 au motif que celui-ci n'apporterait pas la preuve certaine de ce que le collier incriminé, versé aux débats en pièce n°7 par les appelantes, aurait été acquis dans un magasin H& M exploité par elle ;

Or il y a lieu de relever que ledit ticket atteste d'un achat effectué le 15 mars 2012 auprès du magasin H& M situé [Adresse 5], que la société intimée ne conteste pas exploiter, que ce ticket fait état d'un achat, au prix de 7,95 euros, d'un bijou référencé689700, que cette référence correspond à celle figurant sur le cartonnage à laquelle ont été ajoutés les chiffres 4344 09, lequel cartonnage fait mention également de la société H& M et des conditions de fabrication en Chine, et que le directeur financier de la société H& M, présent sur les lieux au moment des opérations de saisie a, d'une part indiqué que ce numéro de référence était bien vendu par la société H& M, et d'autre part communiqué à l'huissier les informations comptables le concernant et émanant du système informatique de la société ;

Que ce ticket de caisse établit donc sans aucune ambiguïté que la société H&M a commercialisé le collier incriminé ;

Sur la reproduction des caractéristiques des bijoux revendiqués

Considérant qu'aux termes de l'article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle, 'toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque';

Qu'en l'espèce, il résulte tant du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mai 2012 que du ticket de caisse du 15 mars 2012 et de l'examen visuel du produit en cause, que le collier commercialisé par la société H& M reproduit, dans une combinaison identique, l'ensemble des caractéristiques des bijoux Do Brasil ci-dessus décrits, les quelques différences relevées par l'intimée , et tenant principalement à la couleur du bijou ainsi qu'à la présence ou non de petits pompons aux extrémités et d'un fermoir en forme de trombone, étant inopérants dès lors que ces éléments ne sont pas revendiqués et n'affectent pas, en tout état de cause l'impression d'ensemble qui se dégage respectivement des produits en cause ;

Qu'il s'ensuit que la contrefaçon de droits d'auteur est caractérisée ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu'il est constant que seule la société AB Libellule commercialise les bijoux de la collection Do Brasil, à l'exclusion de Madame [I] [T] ; que cette dernière n'est donc pas fondée à agir en concurrence déloyale à l'encontre de la société H& M ;

Que par ailleurs, la société appelante qui invoque la copie des bijoux qu'elle commercialise et le risque de confusion qui en résulte ne caractérise aucun fait distinct de ceux déjà invoqués au titre de la contrefaçon de droits d'auteur ;

Qu'en revanche, la société AB Libellule justifie de l'importance de ses investissements publicitaires relatifs aux modèles en cause, dont certains figurent parmi les fleurons de sa collection, par la production de nombreux articles et de presse ; que l'intimée qui ne justifie quant à elle d'aucun élément de nature à établir ses propres efforts de création et de promotion des colliers incriminés, a ainsi manifesté sa volonté délibérée de se placer dans le sillage de la société appelante pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par ses produits ;

Qu'il en résulte que la société AB Libellule est bien fondée à invoquer des actes de parasitisme commis à son encontre par la société H&M ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la société appelante de ses demandes relatives au parasitisme ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il sera fait droit à la demande d'interdiction dans les termes ci-après précisés au dispositif du présent arrêt ;

Que cette mesure étant suffisante à faire cesser les actes illicites, il n'y a pas lieu de faire droit en outre aux demandes de rappel des circuits commerciaux et de destruction qui sont également sollicitées ;

Considérant que lors des opérations de saisie-contrefaçon du 22 mai 2012, le représentant de la société H& M a déclaré à l'huissier avoir 1422 exemplaires du modèle litigieux en stock à la date du 19 mai 2012 et que la société H& M a vendu 1190 exemplaires du modèle argué de contrefaçon, que la date d'arrivage de ce modèle a eu lieu fin février 2012 et que la première vente a eu lieu à partir du 12 mars 2012 ; que ce même représentant de la société H&M a fait parvenir à l'huissier le 23 mai 2012 une attestation selon laquelle la société H&M FRANCE a commercialisé sur le territoire français la référence 689700-4344-09 à partir du 29 février 2012 et qu'elle a vendu sur l'intégralité de cette période 1751 pièces de ladite référence ;

Qu'il résulte de ces éléments que la masse contrefaisante s'élève donc à 3173 pièces, lesquelles sont vendues au prix unitaire public de 7,95 euros ;

Que, d'autre part, il résulte des éléments fournis par les appelantes, attestés par l'expert comptable de la société AB Libellule, que le collier Do Brasil tressé double en métal doré 42 cm est vendu à un prix public de 512 euros et à un prix détaillant de 205 euros avec un coût de revient de 68 euros, soit une marge de 137 euros ;

Que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à madame [I] [T] la somme de 20.000 euros en réparation des atteintes portées à son droit moral d'auteur, et la société AB Libellule la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon de ses droits patrimoniaux d'auteur ainsi que celle de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme commis à son préjudice ;

Qu'à titre d'indemnisation supplémentaire, il sera fait droit à la demande de publication dans les conditions ci-après définies ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société H& M qui succombe ne peut voir prospérer sa demande de dommages-intérêts pour saisie et procédure abusives ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de la condamner, en tant que partie perdante, aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à Madame [I] [T] et la société AB Libellule, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme totale de 10.000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 28 novembre 2013 entre les parties par le tribunal de grande instance de Paris de Paris sauf en ce qu'il a débouté la société H&M Hennes & Mauritz de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Statuant à nouveau,

Dit que madame [I] [T] est titulaire du droit moral d'auteur sur les colliers et bracelets de la collection Do Brasil et que la société AB Libellule est titulaire des droits patrimoniaux d'auteur sur ledit bijou.

Dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les bijoux référencés 689700-4344-09, objets de l'achat du 15 mars 2012 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 mai 2012, la société H&M Hennes & Mauritz a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur à l'encontre de Madame [I] [T] et de la société AB Libellule.

Dit que la société H&M Hennes & Mauritz a, en outre, commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société AB Libellule.

En conséquence,

Interdit à la société H&M Hennes & Mauritz la poursuite de ces agissements sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt.

Condamne la société H&M Hennes & Mauritz à payer à madame [I] [T] la somme de 20.000 euros en réparation des actes de contrefaçon de droit moral d'auteur commis à son encontre et à la société AB Libellule la somme de 40.000 euros en réparation des actes de contrefaçon de droits patrimoniaux d'auteur commis à son encontre.

Condamne, en outre, la société H&M Hennes & Mauritz à payer à la société AB Libellule la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice subi du fait des actes de parasitisme.

Ordonne la publication du présent arrêt dans trois journaux ou revues au choix des appelantes et aux frais de la société H&M Hennes & Mauritz, sans que le coût de chacune de ces insertions ne soit supérieur à la somme de 4.000 euros HT.

Condamne la société H&M Hennes & Mauritz à payer à madame [I] [T] et à la société AB Libellule, ensemble, la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne la société H&M Hennes & Mauritz en tous les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/23093
Date de la décision : 18/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°13/23093 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-18;13.23093 ?
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