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12/02/2020 | FRANCE | N°18/17158

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 12 février 2020, 18/17158


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17158 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ALZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2018 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 15/08518









APPELANT



Monsieur [Y] [R]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 18] (91

)

[Adresse 3]

[Localité 13]



représenté par Me Martine BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1216







INTIMES



Madame [D], [U], [P] [I] veuve [R]

née le [Date naissance 8] 1933 à [Localité 1...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17158 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ALZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2018 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 15/08518

APPELANT

Monsieur [Y] [R]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 18] (91)

[Adresse 3]

[Localité 13]

représenté par Me Martine BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1216

INTIMES

Madame [D], [U], [P] [I] veuve [R]

née le [Date naissance 8] 1933 à [Localité 16] (91)

[Adresse 12]

[Localité 18]

Madame [H] [R] épouse [M]

née le [Date naissance 10] 1655 à [Localité 18] (91)

[Adresse 9]

[Localité 18]

Monsieur [Z], [K] [A]

né le [Date naissance 2] 1951 au [Localité 19] (97)

[Adresse 6]

[Localité 18]

représentés par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC- HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [G] [F] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

[L] [R] est décédé le [Date décès 5] 2010, à [Localité 17] (Essonne) laissant pour recueillir sa succession :

- son épouse, Mme [D] [R] née [I], avec laquelle il s'est marié le [Date mariage 11] 1952 sous le régime de la communauté de biens meubles et acquêts à défaut de contrat de mariage préalable,

- leurs trois enfants : [S] [R] épouse [A], Mme [H] [R] épouse [M] et M. [Y] [R].

Par acte authentique dressé le 18 juin 1981 par Maître [J] [V], notaire à [Localité 14] (Loiret), [L] [R] et Mme [D] [R] ont consenti une donation partage à leurs enfants, en se réservant l'usufruit jusqu'au 'jour du décès des donateurs ou du survivant d'eux', par laquelle :

- [S] [A] a reçu la moitié indivise d'une parcelle de terrain sis à [Localité 18] (Essonne), lieudit 'La Brûlée', d'une superficie de 10 ares et 58 centiares, évaluée à la somme de 180.000 francs,

- Mme [H] [M] a reçu la moitié indivise de la même parcelle précitée,

- M. [Y] [R] a reçu une propriété sise à [Adresse 15], d'une superficie d'un hectare et 79 ares, comprenant une maison d'habitation, des bâtiments d'exploitation et hangars, un jardin, des près et des terres cultivées, évaluée à la somme de 90.000 francs.

Mme [H] [M] a également reçu donation d'une maison située en Espagne.

Par procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 15 juillet 1981, M. [Y] [R] faisait effectuer, pour la préservation de ses droits tant présents que futurs, un état des lieux de la propriété qu'il venait de recevoir par donation-partage.

Par acte d'huissier du 1er août 2013, Mme [D] [R], [S] [A] et Mme [H] [M] ont fait assigner M. [Y] [R] devant le tribunal de grande instance d'Evry aux fins de voir dire qu'il ne peut prétendre à une créance de salaire différé, valider la déclaration de succession établie par Maître [C], notaire à [Localité 20], et renvoyer les parties devant Maître [C] pour l'établissement de l'acte de partage successoral.

[S] [A] est décédée le [Date décès 7] 2014, laissant pour recueillir sa succession son époux, M. [Z] [A], et ayant institué sa soeur, Mme [H] [M], en qualité de légataire particulier suivant testament authentique en date du 4 septembre 2014.

M. [Z] [A] est intervenu volontairement en première instance aux côtés de Mmes [D] [R] et [H] [M].

Par jugement rendu le 18 avril 2018, le tribunal de grande instance d'Evry a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [Z] [A],

- ordonné qu'aux requêtes, poursuites et diligences de l'une quelconque des parties à la présente instance, en présence de Mmes [D] [R], [H] [M], MM. [Z] [A] et [Y] [R], ou ceux-ci dûment appelés, il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[L] [R],

- commis le Président de la Chambre des Notaires de l'Essonne pour procéder à ces opérations, avec faculté de délégation à tout membre de sa compagnie, à l'exception de Maître [C], notaire à [Localité 20],

- ordonné à Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] de verser au notaire commis la somme de 1.000 euros à titre de provision sur le coût des opérations de partage, étant toutefois rappelé que, par application de l'article 870 du code civil, les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend,

- dit que les parties devront remettre au notaire commis, dés la première convocation, l'ensemble des pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- dit que le notaire commis pourra se faire communiquer tous renseignements bancaires concernant le défunt directement auprès des établissements concernés, des fichiers FICOBA ou AGIRA, sans que le secret professionnel lui soit opposé,

- rappelé que le notaire commis doit faire usage des dispositions des articles 1365 et suivants du code de procédure civile, ainsi que de celles de l'article 841-1 du code civil, et que, notamment, il doit dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre les copartageants, la masse partageable et les droits des parties,

- rappelé que l'état liquidatif comprendra notamment les libéralités consenties par [L] [R], ainsi que les dettes et les créances de chaque héritier à l'égard de la succession,

- rappelé que les dispositions des articles 1368 et 1310 du code de procédure civile imposent au notaire commis de dresser l'état liquidatif dans le délai d'un au suivant sa désignation, sauf prorogation pour un délai maximal d'une nouvelle année en raison de la complexité des opérations, et sauf les cas de suspension du délai prévus à l'article 1369 du même code,

- rappelé que, par application de l'article 1373 du code de procédure civile, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif et que, par application de l'article 1375 du code de procédure civile, le tribunal statuera sur les points de désaccord,

- commis le président de la troisième chambre civile de ce tribunal pour surveiller les opérations de partage et faire rapport sur l'homologation de la liquidation s'il y a lieu,

- dit qu'en cas d'empêchement du juge ou du notaire, il sera procédé à leur remplacement sur simple requête,

- débouté M. [Y] [R] de sa demande quant à une créance de salaire différé,

- débouté Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] de leur demande de validation de la déclaration de succession établie par Maître [C],

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 9 juillet 2018, M. [Y] [R] a interjeté appel de jugement.

Par ses dernières conclusions remises par RPVA le 13 février 2019, il demande à la cour de :

- dire les intimés mal fondés en leurs prétentions et demandes, les en débouter,

Vu les articles L 321-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à la reconnaissance et à la fixation d'une créance de salaire différé dans la succession d'[L] [R], époux de [D] [I],

Jugeant à nouveau,

- dire et juger que le notaire devra tenir compte, avant tout partage, de la créance de salaire différé qui lui sera reconnue pour la période du 1er août 1977 au 31 décembre 1984,

- confirmer le jugement en ses autres dispositions,

- condamner solidairement les intimés à lui payer une indemnité de 5.000 euros au fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions remises par RPVA le 25 novembre 2019, Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] demandent à la cour de :

Vu l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 559 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement du 18 avril 2018 rendu par le tribunal de grande instance d'Evry,

- les déclarer, ainsi que [K] [A] recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions d'intimés,

Y faisant droit,

- débouter M. [Y] [R] en son appel et l'en déclarer mal fondé,

- débouter M. [Y] [R] de sa demande de créance de salaire différé,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 avril 2018 par le tribunal de grande instance d'Evry,

- condamner M. [Y] [R] à rapporter à la succession la somme de 92.000 euros au titre de l'indemnité d'occupation du bien sis [Adresse 15] du 1er juillet 1981 au 31 octobre 2019,

- condamner M. [Y] [R] à leur régler, ainsi qu'à [K] [A] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à la somme de 10.000 euros d'amende civile,

- condamner M. [Y] [R] à leur régler, ainsi qu'à [K] [A] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Y] [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR :

1°) Sur la demande de créance de salaire différé :

M. [Y] [R] reproche au jugement dont appel de l'avoir débouté de sa demande de créance de salaire différé au motif qu'il ne rapportait pas suffisamment la preuve du caractère gratuit de sa participation à l'exploitation agricole de son père et qu'il ne justifiait ni n'expliquait l'origine, la nature et le montant des ressources qui lui ont permis de subsister durant la période considérée.

Il estime infondée une telle exigence, soulignant qu'elle revient à l'obliger à apporter une preuve négative absolue impossible. Il ajoute que les intimés ne justifient d'aucun indice pouvant commencer à établir l'existence d'une quelconque rémunération ou d'un intéressement aux bénéfices et pertes de l'exploitation.

En réponse, les intimés soutiennent qu'il appartient à l'appelant de justifier notamment du caractère gratuit de sa participation à l'exploitation agricole de son père, sans inverser la charge de la preuve. Ils ajoutent qu'il ne justifie pas de son impossibilité d'apporter une preuve négative et qu'il a bénéficié de toutes les conditions requises pour travailler et vivre du fruit de son travail.

Aux termes des dispositions de l'article L.321-13 du code rural, 'Les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers ; le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant'.

Aux termes de l'article L.321-18 de ce même code, 'La preuve de la participation agricole dans les conditions définies aux articles L.321-13 à L.321-18 pourra être apportée par tous moyens.

En vue de faciliter l'administration de cette preuve, les parties pourront effectuer chaque année une déclaration à la mairie, laquelle devra être visée par le maire qui en donnera récépissé'.

Il appartient donc bien à M. [Y] [R] qui sollicite une créance de salaire différé d'apporter la preuve de sa participation directe et effective à l'exploitation agricole familiale, sans avoir été associé aux bénéfices ni aux pertes, et sans avoir reçu de salaire en argent en contrepartie de sa collaboration.

A ce titre, l'appelant indique qu'il était déclaré par ses parents en qualité d'aide-familial auprès de la Mutualité Sociale Agricole (ci-après 'MSA'). Selon le relevé de la MSA en date du 20 mai 2011, il a été affilié au régime non salarié agricole à compter de 1978 et au régime salarié agricole depuis 1988 (pièce 8 de l'appelant), tandis que le responsable de département de la MSA Beauce Coeur de Loire a attesté le 21 septembre 2011 que M. [Y] [R] a été inscrit du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1984 en qualité d'aide familial chez son père [L] [R] (pièce 9 de l'appelant).

Les intimés affirment toutefois que M. [Y] [R] est resté auprès de son père pour être affilié à la MSA en qualité d'aide familial contre la volonté du défunt et dans le seul but de ne pas déclarer ses revenus (page 8 des conclusions des intimés), ce qui n'est pas confirmé par M. [Y] [R] qui indique n'avoir déposé aucune déclaration de revenus avant 1983, année de son mariage, et produit les avis de non-imposition de son couple au titre des années 1983 et 1984 (pièces 31 et 32 de l'appelant), soit alors qu'il était toujours affilié au régime non salarié agricole.

Mais, comme le rappelle l'appelant lui-même, l'affiliation d'un descendant d'exploitant agricole en tant qu'aide familial n'implique pas que celui-ci perçoive une rémunération pour cette activité (Cass, civ. 1ère, 11 février 1997, n° 95-13.304). Le paiement d'un salaire à M. [Y] [R] ne peut donc se présumer ni se déduire de son affiliation à la MSA en qualité d'aide familial.

Si M. [Y] [R] rappelle également à juste titre que 'la créance de salaire différé est compatible avec le fait d'être logé, nourri et blanchi sur l'exploitation familiale; et même de recevoir un peu d'argent de poche' (page 2 des conclusions de l'appelant), il ne produit néanmoins aucun élément permettant d'établir l'absence de rémunération pour son travail sur l'exploitation familiale pour la période du 1er août 1977 au 31 décembre 1982. Les attestations qu'il verse aux débats confirment en effet son travail sur l'exploitation familiale pour la période de août ou septembre 1977 à fin 1984 ou 1985 (pièces 11 à 14, 34 à 37 de l'appelant), mais ne comportent aucune mention relative à l'absence ou non de rémunération de l'intéressé pour cette activité, peu important dès lors les autres éléments produits relatifs à l'exploitation pour son compte du domaine agricole postérieurement à la période visée à sa demande de créance de salaire différé.

Il s'ensuit que M. [Y] [R] ne démontre pas le caractère gratuit de sa participation à l'exploitation agricole et ne rapporte pas la preuve qu'il remplit les conditions légales précitées pour bénéficier d'une créance de salaire différé.

En conséquence, le jugement entrepris qui l'a débouté de sa demande de ce chef sera confirmé.

2°) Sur la demande reconventionnelle d'indemnité d'occupation pour le bien sis '[Adresse 15] :

Les intimés soutiennent que l'appelant a toujours refusé aux usufruitiers l'accès au bien depuis 1981, alors que l'acte de donation prévoyait expressément une réserve d'usufruit au profit des donateurs et qu'il ne règle aucun loyer. Ils demandent donc qu'il rapporte à la succession la somme de 92.000 euros à titre d'indemnité d'occupation (soit 200 euros x 460 mois) pour la période de juillet 1981 à octobre 2019 inclus. Ils ajoutent que Mme [D] [R] qui n'a pas renoncé à cet usufruit ne possède pas les clés du bien dont elle n'a pas la jouissance.

M. [Y] [R] ne répond pas sur ce point.

Aux termes des dispositions de l'article 949 du code civil, 'Il est permis au donateur de faire la réserve à son profit ou de disposer, au profit d'un autre, de la jouissance ou de l'usufruit des biens meubles ou immeubles donnés'.

Aux termes des dispositions de l'article 582 du même code, 'L'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civiles, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit'.

Aux termes des dispositions de l'article 583 du code civil, 'Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes.

Les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils'.

Aux termes des dispositions de l'alinéa 1er de l'article 599 du code civil, 'Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière que se soit, nuire aux droits de l'usufruitier'.

La clause de réserve au profit des donateurs qui figure à l'acte de donation-partage du 18 juin 1981 (pièce 10 des intimés) prévoit que : 'Monsieur et Madame [R], donateurs, ont fait réserve expresse à leur profit, pour en jouir pendant leur vie et celle du survivant d'eux, de l'usufruit de tous les biens compris au présent partage anticipé.

En conséquence, les donataires seront propriétaires des biens compris dans leurs attributions à compter de ce jour, mais ils n'en auront la jouissance qu'à partir du jour du décès des donateurs ou du survivant d'eux, à charge de supporter et exécuter tous baux et locations qui auront pu être consentis par les donateurs dans les droits et obligations desquels ils se trouvent subrogés.

Les donateurs jouiront de l'usufruit réservé en bon père de famille et aux charges de droit, sauf toutefois celle de faire dresser état des immeubles'.

A la date de cet acte, M. [Y] [R] demeurait à 'La Cour' sur la commune de Le Charme, soit à l'adresse du bien dont la nue-propriété lui a été attribuée par l'acte de donation-partage susvisé et où il réside toujours selon ses dernières écritures, tandis que ses parents n'y résidaient pas puisque déclarant aux termes de l'acte de donation-partage résider au [Adresse 4]).

Les intimés indiquent d'ailleurs que l'appelant réside à 'la Cour' depuis 1981, qu'il acquitte des charges courantes, mais ne paie aucun loyer, éléments qui ne sont pas contredits par M. [Y] [R]. Ce dernier a ainsi écrit le 6 juin 2012 'Pour le loyer, il est vrai que je n'ai payé aucun loyer ni avant, ni après le décès de mon père je les en remercie, mais c'était à la demande et la volonté de mon Père [R] [L]' (pièce 4 des intimés). Cette prétendue renonciation du défunt à ses droits d'usufruitier sur ce bien n'est toutefois pas discutée par les intimés qui mentionnent seulement que Mme [D] [R] n'a jamais renoncé à l'usufruit, ne possède pas les clés de ce bien et n'en n'a donc pas la jouissance (page 15 des conclusions des intimés). Il s'ensuit qu'il n'est ainsi pas justifié, ni démontré que M. [Y] [R] ait empêché le défunt d'exercer ses droits d'usufruitier.

Dans ces conditions, leur demande de condamnation de M. [Y] [R] à rapporter à la succession du défunt la somme de 92.000 euros à titre d'indemnité d'occupation est mal fondée et ils en seront donc déboutés.

3°) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'amende civile :

Les intimés soutiennent que M. [Y] [R] bloque les opérations de liquidation et partage en maintenant, depuis le décès de leur père survenu en 2010, sa demande de salaire différé sans justifier du bien fondé de cette demande. Ils estiment que son appel est à l'évidence dilatoire et abusif.

M. [Y] [R] ne répond pas sur ce point.

L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol dont la preuve ne saurait résulter du caractère mal fondé de sa demande de créance de salaire différé, ni du fait qu'il aurait 'changé de tactique par rapport à la procédure de première instance' et que cette procédure constituerait en réalité pour lui un règlement de compte familial comme l'affirme les intimés, la cour ne relevant pas de fait particulier pouvant caractériser un abus par M. [Y] [R] de son droit à défendre ses intérêts de co-héritier.

Par ailleurs, une partie n'a pas qualité pour demander la condamnation d'une autre partie à une amende civile qui profite à l'Etat.

En conséquence, Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] seront déboutés de leurs demandes de ces chefs.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] de leur demande de condamnation de M. [Y] [R] à rapporter à la succession la somme de 92.000 euros au titre de l'indemnité d'occupation du bien sis [Adresse 15] du 1er juillet 1981 au 31 octobre 2019 ;

Déboute Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] de leur demande de condamnation de M. [Y] [R] à la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déboute Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] de leur demande de condamnation de M. [Y] [R] à la somme de 10.000 euros d'amende civile ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [Y] [R] à payer à Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] la somme de 3.000 euros et condamne solidairement Mmes [D] [R], [H] [M] et M. [Z] [A] à payer à M. [Y] [R] la somme de 3.000 euros ;

Dit que les dépens d'appel seront payés pour moitié chacune par les parties.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/17158
Date de la décision : 12/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°18/17158 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-12;18.17158 ?
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