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27/04/2023 | FRANCE | N°20/01802

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 27 avril 2023, 20/01802


PC/DL































ARRET N° 207



N° RG 20/01802 -

N° Portalis DBV5-V-B7E-GB6H













CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE VIENNE



C/



[K] [V]























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale



ARRÊT

DU 27 AVRIL 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 juillet 2020 rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de LIMOGES





APPELANTE :



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE VIENNE

[Adresse 2]

TSA 14602

[Localité 3]



Représentée par Me François CARRE de la SCP BCJ BROSSIER - CARRE - JOLY, avocat au barre...

PC/DL

ARRET N° 207

N° RG 20/01802 -

N° Portalis DBV5-V-B7E-GB6H

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE VIENNE

C/

[K] [V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 juillet 2020 rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de LIMOGES

APPELANTE :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE VIENNE

[Adresse 2]

TSA 14602

[Localité 3]

Représentée par Me François CARRE de la SCP BCJ BROSSIER - CARRE - JOLY, avocat au barreau de POITIERS

INTIMEE :

Madame [K] [V], prise en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [H] [B]

née le 18 novembre 1983 à TBILISI (GEORGIE)

de nationalité géorgienne

CHRS

[Adresse 1]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000159 du 29/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

Représentée par Me Jean-Eric MALABRE, avocat au barreau de LIMOGES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 07 février 2023, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Damien LEYMONIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Mme [K] [V], de nationalité géorgienne, est arrivée en France le 4 juin 2016 et est titulaire d'une autorisation provisoire de séjour en sa qualité d'accompagnant d'un enfant malade, son fils, [H] [B], né le 21 mars 2009.

Par courrier du 17 juillet 2017, la Caisse d'Allocations Familiales de Haute-Vienne a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé (AEEH) à compter du 1er janvier 2017, par un courrier du 17 juillet 2017, ainsi rédigé : 'Les allocations sont versées aux personnes de nationalité étrangère en situation régulière sur le territoire français. Or, après étude de votre dossier, je constate que vous ne justifiez pas d'un des titres de séjour permettant d'en bénéficier. C'est pourquoi vous ne pouvez pas recevoir ces allocations...'.

La caisse a notifié à Mme [V] un nouveau refus par courrier du 15 septembre 2017, ainsi rédigé : 'suite à votre courrier je vous confirme que votre titre de séjour permet en effet le versement des prestations familiales. Le refus n'est pas lié à votre titre de séjour mais à la situation de votre fils. En effet, nous avons reçu un accord de la MDPH pour le versement de l'AEEH pour votre fils à compter du 1er janvier 2017. Cependant, pour pouvoir enregistrer votre fils sur votre dossier et permettre ainsi le versement de cette prestation, nous avons besoin de la copie du certificat de l'OFII...'

Par décision du 7 décembre 2017, la commission de recours amiable a confirmé le rejet des demandes de prestations familiales et d'AEEH aux motifs qu'elle ne produit pas le certificat médical de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration et qu'elle n'est pas titulaire d'un autre titre de séjour lui permettant l'ouverture de droits aux prestations familiales.

Par acte du 12 mars 2018, Mme [V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Limoges d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement du 21 juillet 2020, assorti de l'exécution provisoire, le pôle social du tribunal judiciaire de Limoges a :

- constaté que l'action de Mme [V] agissant tant en som propre qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [H] [B] n'est pas forclose,

- dit que la procédure diligentée par la Caisse d'Allocations Familiales de Limoges est irrégulière,

- annulé en conséquence la décision de la commission de recours amiable du 7 décembre 2017,

- condamné la Caisse d'Allocations Familiales de Limoges aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019 et à payer à Me Malabre la somme de 1 920 € à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat,

- ordonné en conséquence la liquidation et le versement des allocations sollicitées avec intérêts au taux légal à compter de la date de chaque échéance mensuelle.

Au soutien de sa décision, le tribunal a considéré, en substance, au visa de l'article L211-5 du code des relations entre le public et l'administration, que, contrairement aux allégations de la caisse, il résulte du courrier de saisine de la commission de recours amiable du 13 septembre 2017 que Mme [V] avait parfaitement compris le motif de refus clairement avancé par l'organisme dans son premier courrier du 17 juillet 2017 et que c'est donc à tort que la caisse n'a pas transmis ce courrier à la commission, en s'offrant la possibilité de modifier le fondement juridique de son refus par une nouvelle notification et ce, en dehors de tout cadre procédural.

La Caisse d'Allocations Familiales de Haute-Vienne a interjeté appel de cette décision par courrier du 21 août 2020.

Après plusieurs renvois sollicités par les parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 7 février 2023 à laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions transmises les 12 janvier 2022 (appelante) et 17 mars 2022 (intimée).

La Caisse d'Allocations Familiales de Haute-Vienne demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la liquidation et le versement des allocations familiales en faveur du fils de Mme [V],

- de confirmer le refus d'ouverture à Mme [V] du droit aux prestations en faveur de l'enfant [H],

- de débouter Mme [V] du surplus de ses demandes.

Elle expose en substance :

- que le 17 juillet 2017, elle a notifié à Mme [V] un premier refus de prestations familiales car elle ne possédait pas de titre de séjour permettent l'ouverture des droits, refus que Mme [V] a contesté en saisissant la commission le 13 septembre 2017, faisant valoir qu'elle était titulaire d'une autorisation provisoire de séjour de plus de trois mois,

- qu'elle n'a pas soumis cette contestation à la commission mais précisé le motif réel du refus, à savoir la non-production du certificat médical délivré par l'OFII pour son fils [H] et qu'elle a rejeté une nouvelle fois la demande de prestations familiales puis soumis son dossier à la commission de recours amiable que Mme [V] avait à nouveau saisie,

- que le bénéfice des prestations familiales pour les mineurs étrangers résidant sur le territoire national est soumis à la double condition de la régularité du séjour du parent allocataire (article 512-1 du code de la sécurité sociale) et de la régularité de l'entrée et du séjour des enfants dont ils ont la charge (article L512-2 du code de la sécurité sociale), la liste des documents attestant de cette régularité étant fixée par l'article D512-2 du même code,

- qu'ainsi, sauf situation particulière, les enfants doivent être entrés dans le cadre du regroupement familial pour ouvrir droit aux prestations familiales et qu'à ce titre doit être produit le certificat médical délivré par l'OFII,

- que selon une jurisprudence constante, l'exigence de ce certificat médical ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale, qu'elle n'est pas contraire aux dispositions des articles 8 et 14 de la CEDH et qu'elle est justifiée par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants,

- que Mme [V] n'est pas titulaire d'une carte de séjour délivrée sur le fondement de l'article L313-11 7° du CESEDA mais seulement d'une autorisation provisoire en tant qu'accompagnant d'enfant malade,

- que [H] n'est pas né en France, n'est pas membre de la famille d'un réfugié (cette qualité n'étant reconnue qu'aux conjoint, concubin, enfants ou ascendants directs au premier degré) et qu'il n'est pas l'enfant d'un étranger bénéficiant d'une carte de séjour avec la mention spécifique,

- que l'attestation préfectorale indiquant qu'il est entré en même temps que Mme [V] ne saurait permettre l'ouverture d'un droit aux prestations familiales à son égard, qu'en effet, une telle attestation n'est un justificatif permettant d'ouvrir un droit que dans le cas où le parent bénéficie d'un titre de séjour délivré sur le fondement de l'article L313-11 7° du CESEDA, ce qui n'est pas le cas de Mme [V],

- que dès lors, un droit aux prestations ne peut être ouvert que si Mme [V] transmet, pour [H], un certificat médical établi par l'OFII au titre du regroupement familial (article D512-2 du code de la sécurité sociale).

Mme [V] demande à la cour :

- de juger que l'appel de la caisse est dépourvu d'effet dévolutif,

- subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- en toute hypothèse, de condamner la Caisse d'Allocations Familiales de Haute-Vienne à payer à son conseil la somme de 2 400 euros, le règlement valant renonciation à l'indemnité d'AJ, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, au titre de la procédure d'appel.

Elle expose pour l'essentiel :

- que la mention dans la déclaration d'appel d'un appel total, sans indication des chefs du jugement critiqués, ne défère à la cour la connaissance d'aucun des chefs du jugement qu'il critique et qu'en l'absence de régularisation dans le délai imparti pour conclure, le juge ne peut que constater qu'il n'est saisi d'aucune demande et confirmer le jugement,

- que les décisions de refus d'allocation, tant initiale du 17 juillet 2017 que confirmative du 15 septembre 2017, ne comportent aucun motif de droit ni le moindre visa d'un quelconque texte alors que, s'agissant de décisions individuelles défavorables, elles devaient être motivées en droit et en fait (articles L211-5 et suivants du CRPA),

- que la caisse ne soulève pas en cause d'appel la forclusion de sa contestation, laquelle n'est nullement acquise,

- que l'article 8 de la CEDH est le seul fondement possible à la délivrance d'un titre de séjour pour accompagner un enfant malade et que dans l'hypothèse où l'enfant ne peut pas être pris en charge par son père et eu égard à la nécessité évidente de la présence de la mère auprès de son enfant malade, le refus de séjour opposé à celle-ci aurait porté une atteinte disproportionnée à leur droit à la vie privée et familiale, que les autorisations de séjour et de travail dont elle bénéficie sont des titres temporaires entrant dans le cadre de l'article L313-11 7°,

- qu'en toute hypothèse, même s'il était considéré qu'elle n'est pas titulaire d'un titre de séjour au sens de l'article L313-11 7°, les dispositions relatives à la procédure de regroupement familial et la nécessité subséquente d'un certificat de l'OFII ne sont pas applicables, s'agissant d'un enfant entré en France, régulièrement et en même temps que son parent,

- que la position de la caisse est contraire aux dispositions de la convention n°97 de l'O.I.T. sur les travailleurs migrants énonçant (article 6-b) un principe de non-discrimination,

- que les titres successifs lui conférant droit au séjour et au travail sont expressément prévu par les textes internes comme donnant lieu aux prestations familiales (article D511-1 du code de la sécurité sociale : carte de séjour temporaire, autorisation provisoire de séjour d'une validité supérieur à trois mois),

- qu'en toute hypothèse, le droit à allocations se fonde sur l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'affirmé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant de New-York du 6 janvier 1990,

- qu'en l'espèce, la Caisse d'Allocations Familiales ne démontre pas en quoi le refus d'allocations serait conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant, s'agissant d'un enfant lourdement handicapé, atteint d'une tumeur au cerveau, qui subit des hospitalisations et des séances régulières de chimiothérapie qui ne peuvent être interrompues et ne sont pas disponibles dans son pays d'origine.

MOTIFS

I - Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'effet dévolutif de l'appel :

Si, lorsque la procédure d'appel est avec représentation obligatoire, la déclaration d'appel doit mentionner les chefs expressément critiqués, faute de quoi la dévolution n'opère pas, il n'en est pas de même en procédure d'appel sans représentation obligatoire, pour laquelle les charges procédurales doivent être allégées de manière à permettre aux parties d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

En conséquence, la déclaration d'appel, en procédure sans représentation obligatoire, qui ne mentionne pas les chefs critiqués opère en tout état de cause dévolution pour l'ensemble des chefs du jugement (Civ. 2e, 9 sept. 2021, n° 20-13.662).

Le moyen soulevé par Mme [V] tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel sera rejeté.

II - Sur la recevabilité du recours :

La cour n'est saisie, tant dans le dispositif que dans les motifs des conclusions de la caisse, d'aucune contestation du chef de dispositif du jugement par lequel le tribunal a déclaré recevable le recours formé par Mme [V] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 7 décembre 2017.

III - Sur la régularité de la procédure diligentée par la Caisse d'Allocations Familiales :

Le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a déclaré la procédure irrégulière et annulé la décision de la commission de recours amiable, étant considéré :

- que cette décision du 7 décembre 2017, telle que retranscrite dans le courrier de notification du 11 décembre 2017 (la commission a confirmé le rejet de votre demande de prestations familiales et d'AEEH en faveur de votre fils [H]. En effet, contrairement aux dispositions des articles D512-1 et D512-2 du code de la sécurité sociale, vous ne produisez pas le certificat médical délivré par l'OFII. En outre, vous n'êtes pas titulaire d'un autre titre de séjour vous permettant l'ouverture de droits aux prestations familiales. Ainsi nous ne pouvons considérer [H] à charge au sens des prestations familiales. Je vous rappelle que par deux arrêts en date du 3 juin 2011, la Cour de cassation, en assemblée plénière, a considéré que la production d'une certain nombre de documents administratifs prévue par le code de la sécurité sociale ne méconnaissait pas les dispositions des articles 8 et 14 de la CEDH et l'article 3-1 de la CIDE. Ce principe a été rappelé dans un arrêt du 6 novembre 2014) est conforme aux exigences de motivation posées par l'article L211-5 du code des relations entre le public et l'administration,

- qu'aucun texte n'interdisait à l'organisme social de notifier à Mme [V] deux décisions successives de refus, motivées par l'absence de détention d'un titre de séjour ouvrant droit aux prestations familiales puis, après constat du caractère infondé de ce motif, par l'absence de certificat médical OFII pour son fils.

IV - Sur le fond:

Il résulte des dispositions combinées des articles L.512-1, L.512-2, D.512-1 et D.512-2 du code de la sécurité sociale applicables que toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales, sous réserve pour les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse :

-qu'elle soit titulaire d'un titre exigé d'elle en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires (et notamment d'une des pièces limitativement énumérées à l'article D.512-1 du code de la sécurité sociale), soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France,

-et qu'il soit justifié de la régularité de l'entrée et du séjour des enfants qui sont à sa charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées (et ce par l'une des pièces limitativement énumérées à l'article D.512-2 du code de la sécurité sociale qui vise notamment le certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial).

En l'espèce, il est constant que [H] [B] est entré en France en dehors de la procédure de regroupement familial de sorte que Mme [V] n'a pas pu fournir, au soutien de sa demande de prestations familiales, un certificat de contrôle médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour cet enfant.

Mme [V] invoque le fait que les dispositions des articles L.512-2 et D.512-2 du code de la sécurité sociale doivent être écartées comme violant diverses dispositions supra-légales, dès lors que leur application entraîne des discriminations et portent atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Cependant, en donnant un caractère limitatif aux situations dans lesquelles un ressortissant étranger résidant en France a droit aux prestations familiales, et en subordonnant le versement des prestations familiales prévues à l'article L.512-1 à la production d'un document attestant que le ressortissant étranger et les enfants à sa charge au titre desquels les prestations familiales sont demandées se trouvent dans l'une des situations limitativement énumérées par la loi, les articles L.512-2, D.512-1 et D.512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale et au principe de non-discrimination garantis par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de la convention n°97 de l'OIT, ni celles de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, ces dispositions revêtant un caractère objectif, justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants.

Notamment, les articles L.512-2 et D.512-2 applicables, subordonnant le versement des prestations familiales à la production d'un document attestant d'une entrée régulière des enfants étrangers en France revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ainsi qu'en a décidé la Cour de cassation (Cass., ass. plén., 03 juin 2011) alors qu'une distinction opérée entre les enfants entrés au titre du regroupement familial et les autres ne constitue pas une discrimination fondée sur la nationalité (Cass., civ. 2e, 06 novembre 2014).

Ainsi, ces dispositions, qui ménagent un juste équilibre entre la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants d'une part, le principe de non-discrimination, le droit à la protection de la vie familiale et l'intérêt supérieur de l'enfant d'autre part, ne méconnaissent pas les exigences résultant de la convention n°97 de l'OIT ni de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, alors même que la situation de l'enfant [H] est susceptible de faire l'objet d'une régularisation dans le cadre d'une procédure de regroupement familial sur place qui, sous réserve de justification des conditions habituelles, permettrait de lui ouvrir un droit effectif aux prestations familiales litigieuses.

Il convient dès lors, infirmant le jugement entrepris, de confirmer le refus d'ouverture, au profit de Mme [K] [V], du droit aux prestations de la Caisse d'Allocations Familiales de Limoges en faveur de l'enfant [H] [B].

V - Sur les demandes accessoires :

Mme [V] qui succombe dans ses prétentions sera déboutée de ses demandes en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 tant au titre de la procédure d'appel que de celle de première instance.

Mme [V] sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance nés à compter du 1er janvier 2019, lesquels seront recouvrés conformément aux textes sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Limoges en date du 21 juillet 2020,

Déclare l'appel de la Caisse d'Allocations Familiales de Haute-Vienne recevable,

Constate que le chef de dispositif par lequel le tribunal a déclaré non forclose l'action de Mme [K] [V] tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [H] [B] ne fait l'objet d'aucune contestation,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau :

- Déclare régulière la procédure suivie par la Caisse d'Allocations Familiales de Haute-Vienne,

- Déboute Mme [K] [V] de ses demandes d'octroi de prestations familiales et d'allocations d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) relatives à son fils [H] [B],

- Déboute Mme [K] [V] de ses demandes en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 tant au titre de la procédure d'appel que de celle de première instance,

- Condamne Mme [K] [V] aux dépens d'appel et de première instance nés à compter du 1er janvier 2019. Lesquels seront recouvrés conformément aux textes sur l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D.LEYMONIS P.CASTAGNÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01802
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;20.01802 ?
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