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07/03/2024 | FRANCE | N°22/03279

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 07 mars 2024, 22/03279


4ème Chambre





ARRÊT N° 55



N° RG 22/03279

N°Portalis DBVL-V-B7G-SY5E





















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 MARS 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesse

ur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 08 Janvier 2024



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors...

4ème Chambre

ARRÊT N° 55

N° RG 22/03279

N°Portalis DBVL-V-B7G-SY5E

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 MARS 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 08 Janvier 2024

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Janvier 2024

devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Mars 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [M] [L]

né le 07 Octobre 1977 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Elisabeth PHILY de la SCP GLOAGUEN & PHILY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [C] [V]

née le 21 Mai 1978 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Elisabeth PHILY de la SCP GLOAGUEN & PHILY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

S.A.R.L. IROISE CHEMINEES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Valérie POSTIC de la SELARL ATHENA AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant devis en date du 30 septembre 2015, M. [M] [L] et Mme [C] [V] ont confié à la société Iroise Cheminées la fourniture et la pose d'un poêle moyennant le prix de 6 395,024 euros.

Les travaux ont été réceptionnés le 21 décembre 2015 « sous réserve du bon fonctionnement ».

Constatant l'apparition de rouille et des dysfonctionnements après une saison de chauffe, M. [L] et Mme [V] ont fait diligenter une expertise amiable par l'intermédiaire de leur assureur de protection juridique au contradictoire de la société Iroise Cheminées. Suite à la demande de l'expert amiable le 27 octobre 2017 de ne plus utiliser le poêle compte tenu des désordres et non-conformités qu'il avait constatés, ils ne l'ont plus fait fonctionner.

Par ordonnance du 8 janvier 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest, a fait droit à la demande d'expertise formée par les consorts [L]-[V].

L'expert judiciaire, M. [F] [Z], a déposé son rapport le 18 février 2019.

Par acte d'huissier en date du 4 novembre 2019, M. [L] et Mme [V] ont fait assigner la société Iroise Cheminées devant le tribunal de grande instance de Brest en indemnisation de leurs préjudices.

Par un jugement en date du 28 avril 2022, le tribunal judiciaire a :

- rejeté la demande tendant à écarter l'expertise judiciaire ;

- débouté M. [L] et Mme [V] de toutes leurs demandes ;

- ordonné le partage par moitié des frais d'expertise judiciaire entre M. [L] et Mme [V] et la société Iroise Cheminées ;

- condamné M. [L] et Mme [V] aux dépens et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats en ayant fait la demande ;

- rejeté toutes autres demandes.

M. [L] et Mme [V] ont interjeté appel de cette décision le 24 mai 2022.

L'instruction a été clôturée le 5 septembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions en date du 18 août 2023, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, M. [L] et Mme [V] demandent à la cour de :

- réformer le jugement entrepris ;

En conséquence,

En ouverture du rapport de M. [Z],

- dire et juger que la société Iroise Cheminées a engagé sa responsabilité décennale ;

- en conséquence, la condamner au règlement des sommes suivantes :

- coût de remplacement du poêle : 7 001,19 euros ;

- surconsommation électrique : 1 808,11 euros ;

- préjudice matériel lié à l'achat de radiateurs : 2 403,22 euros ;

- préjudice de jouissance : 8 442 euros ;

- article 700 du code de procédure civile : 7 000 euros ;

- subsidiairement, avant dire droit, solliciter l'avis sur pièces d'un expert en fumisterie ;

- condamner la société Iroise Cheminées aux entiers dépens qui comprendront les frais de référé, d'expertise et de la présente procédure dont distraction au profit de la SCP Gloaguen-Phily en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [L] et Mme [V] font grief au tribunal de les avoir déboutés au motif que le désordre ne relève pas de la garantie décennale. Ils font valoir que l'existence de dégagements de fumées lors du fonctionnement du poêle est démontrée par les photographies qu'ils ont produites même si l'expert n'a pas réussi à allumer le poêle pour le constater, que le refoulement de fumée est dangereux et rend l'usage du rez-de-chaussée inutilisable et impossible à chauffer, l'impropriété à destination étant alors manifestement constituée. Ils reprochent encore à la société Iroise Cheminées l'oxydation du poêle, l'insuffisance de prise d'air, des infiltrations d'eau, l'absence de remplacement de l'aspirateur de cheminée facturé, l'absence de grille de ventilation et de ramonage préalable à l'installation.

Ils demandent en conséquence l'indemnisation du remplacement du poêle, de la surconsommation électrique et du coût de l'achat des radiateurs ainsi que de leur préjudice de jouissance.

Dans ses dernières conclusions en date du 29 août 2023, la société Iroise Cheminées demande à la cour de :

- confirmer la décision du tribunal judiciaire de Brest en date du 28 avril 2022 ;

- débouter M. [L] et Mme [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Iroise Cheminées ;

- condamner solidairement M. [L] et Mme [V] à verser à la société Iroise Cheminées la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les consorts [L] aux entiers dépens.

Elle considère que le refoulement de fumées n'ayant pu être constaté contradictoirement, ce désordre ne peut être retenu, que les distances de sécurité sont respectées, que les appelants se bornent à invoquer un inconfort thermique circonscrit au séjour, que les défauts du poêle ne compromettent pas l'habitabilité de la maison de sorte que l'impropriété à destination de l'immeuble n'est pas prouvée. Elle s'oppose à toute indemnisation et à titre subsidiaire demande qu'elles soient réduites en de notables proportions.

MOTIFS

En cours de délibéré la société Iroise Cheminées a informé la cour de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Iroise Cheminées. La cour rappelle que si la procédure collective survient ou est notifiée après l'ouverture des débats, l'instance n'est pas interrompue (Com., 14 février 1995, n°93-14.198).

M. [Z] a constaté :

- l'oxydation de pièces du poêle,

- le raccordement pour l'alimentation en air frais de la gaine au vide sanitaire, lequel est insuffisamment aéré et humide, ce qui participe à l'oxydation du poêle,

-des traces de coulure au niveau du conduit ayant pour origine des infiltrations d'eau,

-l'absence de ramonage avant tubage,

-la conservation de l'aspirateur béton existant au lieu de son remplacement prévu au devis par un chapeau aspirateur statique+ventilation haute+étanchéité, ce qui réduit l'efficacité du tirage.

L'expert ajoute qu'au regard des photographies transmises par les maîtres de l'ouvrage, le poêle n'est pas étanche aux fumées, ce qui est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.

M. [Z] comme l'expert amiable ont constaté les traces des infiltrations au niveau du coffrage du conduit de cheminée. Il n'est pas contesté que le poêle est un élément d'équipement. L'installation réalisée par la société Iroise Cheminées porte atteinte au clos de l'immeuble.

S'agissant des dégagements de fumées par la porte du poêle, il n'est pas discuté que pour des raisons inconnues, l'expert n'a pas fait fonctionner le poêle et n'a pas lui-même constaté les fumées. Il a cependant estimé que les photographies qui lui avaient été transmises par M. [L] et Mme [V] démontraient la réalité des dégagements de fumées qui s'expliquaient par l'absence d'efficacité du tirage du fait de la conservation de l'aspirateur béton.

L'expert de la société Iroise Cheminées, qui n'a pas assisté aux opérations d'expertise, estime lui-même qu'il est très probable que l'arrivée d'air frais qui prend sa source dans le vide sanitaire soit avec la conservation de l'aspirateur béton existant qui entraine de telles pertes de charges (entrées d'air et sorties de fumées) la cause des refoulements de fumées. Ces éléments rendent dangereux pour les personnes son fonctionnement avec un risque de rejet de monoxyde de carbone.

Enfin, l'accumulation des malfaçons et dommages : corrosion avancée des pièces du poêle, ventilation insuffisante, infiltrations au niveau du conduit de cheminée, fumées qui s'échappent du poêle, le rendent impropre à sa destination, lequel ne pouvant plus fonctionner, rend impossible tout chauffage de la maison.

La responsabilité décennale de la société Iroise Cheminées qui a réalisé les travaux est engagée, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

Sur l'indemnisation

Sur le préjudice matériel

L'expert a estimé à 6 758,54 euros le remplacement du poêle et les travaux connexes.

M. [L] et Mme [V] réclament la somme de 7 001,99 euros.

La société Iroise Cheminées oppose que le remplacement du poêle n'apparait nullement justifié au regard des traces d'oxydation superficielle.

Ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, « une telle oxydation du poêle » (page 14 expertise) n'est pas légère et son importance est visible et illustrée par les photographies page 8. Par ailleurs ainsi que l'a constaté M. [Z] en comparant les devis, le remplacement des pièces oxydées est plus couteux que l'achat d'un nouveau poêle (page 16 expertise).

La facture acquittée du 24 août 2019 du nouveau poêle et de la reprise de l'installation, qui est conforme aux préconisations validées par l'expert, est de 6 966,19 euros TTC. La société Iroise Cheminées sera condamnée à payer cette somme aux consorts [L]-[V] par voie d'infirmation.

Sur la surconsommation d'électricité

Au regard des factures d'électricité de 2016 à 2018, après comparaison avec la consommation électrique de 2016 lorsque le poêle fonctionnait et après déduction du coût de la consommation en bois économisée, l'expert a estimé à 1 150 euros la surconsommation électrique suite à l'arrêt du recours au chauffage par le poêle.

Les appelants soutiennent que la surconsommation électrique s'est élevée à 2 712, 16 euros. Ils réclament après déduction de l'économie réalisée sur l'achat du bois que leur soit allouée une indemnité de 1 808,11 euros.

L'intimée estime qu'il ne s'agit pas d'un poste de préjudice et que le calcul est approximatif.

Pour calculer le montant de la surconsommation électrique, M. [L] et Mme [V] prennent en compte la facture d'électricité annuelle de 2019 alors que le nouveau poêle a été installé en août 2019. C'est donc l'évaluation de M. [Z] qui s'est basé sur une consommation sur six mois en 2019, laquelle n'est pas utilement critiquée, qui sera retenue.

La société Iroise Cheminées sera condamnée à payer la somme de 1 150 euros aux appelants. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l'achat de radiateurs

Les appelants réclament la somme de 2 403,22 euros au titre des radiateurs qu'ils ont dû acheter pour chauffer la maison suite à l'impossibilité d'utiliser le poêle.

M. [L] et Mme [V] justifient par la facture, leur relevé de compte et des photographies de ce qu'ils ont fait installer quatre radiateurs en octobre 2017 pour remplacer le poêle afin de pouvoir chauffer la maison. Ainsi que l'a relevé l'expert, la puissance du poêle ne permettait que de chauffer la pièce de vie. Les consorts [L]-[V] sont donc fondés à demander l'indemnisation des deux radiateurs APP12167SE dont ils démontrent l'installation au rez-de-chaussée de leur habitation pour un coût de 1 197,60 euros TTC.

La société Iroise Cheminées sera condamnée à leur payer cette somme par voie d'infirmation.

Sur le préjudice de jouissance

M. [L] et Mme [V] demandent l'octroi d'une indemnité de 8 442 euros correspondant à la valeur locative mensuelle de 402 euros de leur pièce à vivre de 55m² sur la base de 7,31 euros par m² sur 7 mois de chauffe par an soit 21*402. Ils font valoir que l'absence de poêle et le coût important de l'électricité conduisent à un confort moindre par économie d'énergie qui justifient l'indemnisation de leur préjudice.

Les appelants qui ont été indemnisés de l'achat de deux radiateurs et de la surconsommation d'électricité ne démontrent pas avoir subi un préjudice de jouissance. Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande.

Sur les autres demandes

Les dispositions prononcées par le tribunal relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées.

La société Iroise Cheminées sera condamnée à payer à M. [M] [L] et Mme [C] [V] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [M] [L] et Mme [C] [V] de leur demande d'indemnité au titre du préjudice de jouissance,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Iroise Cheminées à payer à M. [M] [L] et Mme [C] [V] les sommes suivantes :

- 6 966,19 euros au titre des frais de remplacement du poêle et des travaux de reprise,

-1 150 euros au titre de la surconsommation électrique,

- 1 197,60 euros TTC euros au titre des radiateurs,

- 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Iroise Cheminées aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/03279
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.03279 ?
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