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10/06/2015 | FRANCE | N°12/04460

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 10 juin 2015, 12/04460


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 10 JUIN 2015



R.G. N° 12/04460



AFFAIRE :



[V] [S]





C/

SNC INEO TERTIAIRE IDF, représentée par M. [H] [F] (RRH)









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES



N° RG : 11/00678
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Copies exécutoires délivrées à :



[V] [S]



Me Anne-Marie AUFRERE





Copies certifiées conformes délivrées à :







SNC INEO TERTIAIRE IDF, représentée par M. [H] [F] (RRH)







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 10 JUIN 2015

R.G. N° 12/04460

AFFAIRE :

[V] [S]

C/

SNC INEO TERTIAIRE IDF, représentée par M. [H] [F] (RRH)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° RG : 11/00678

Copies exécutoires délivrées à :

[V] [S]

Me Anne-Marie AUFRERE

Copies certifiées conformes délivrées à :

SNC INEO TERTIAIRE IDF, représentée par M. [H] [F] (RRH)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX JUIN DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne

APPELANT

****************

SNC INEO TERTIAIRE IDF, représentée par M. [H] [F] (RRH)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Anne-Marie AUFRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A740

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 16 Mars 2015, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL

Vu le jugement rendu le 25 septembre 2012 par le Conseil de prud'hommes de Versailles ayant :

- dit que la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ne se justifiait pas,

- condamné la SNC INEO à payer à monsieur [S] les sommes de :

- 2078 euros à titre de dommages-intérêts pour propos racistes prononcés par un de ses préposés,

- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les congés payés seront versés par la caisse des congés payés dans le cadre de la rupture du contrat de travail pour inaptitude,

- dit que les documents sociaux de fin de contrat seront remis à monsieur [S] dans le cadre de la rupture du contrat de travail pour inaptitude,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SNC INEO aux entiers dépens.

Vu la déclaration d'appel de [V] [S] reçue au greffe de la Cour le 19 octobre 2012.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 16 mars 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des motifs de [V] [S] qui demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- condamner la SNC INEO à lui payer les sommes de :

- 19 398,60 euros au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 93 113,28 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 6 234 euros à titre de dommages-intérêts pour propos racistes,

- 6 234 euros pour non respect de l'obligation générale de sécurité,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 4 600 euros au cas où ne lui serait pas restituée sa caisse à outil laissée sur son lieu de travail,

- ordonner l'affichage de la décision aux portes de l'agence et sa publication dans les journaux Electron et Horizon.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 16 mars 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la société INEO TERTIAIRE IDF, ci-après société INEO, qui demande à la Cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé contre elle une condamnation,

- débouter monsieur [S] de toutes ses demandes.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA COUR :

Monsieur [V] [S] a été embauché en contrat à durée indéterminée le 18 juillet 2007 par la société VERGER DELPORTE devenue par la suite INEO TERTIAIRE IDF en qualité d'électrotechnicien niveau III, position 2, coefficient 230, puis de chef d'équipe niveau IV position 250 de la convention collective des ouvriers du bâtiment pour un salaire mensuel s'élevant en dernier lieu à la somme brute de 1939,86 euros.

La société INEO est spécialisée dans la maintenance d'installations électriques et emploie environ 1200 salariés.

A la fin de l'année 2008, monsieur [S] était mis à disposition de la société IBM où il rejoignait un collègue déjà affecté sur ce site, monsieur [O].

En janvier 2010, il restait seul sur le site d'IBM.

Le 12 février 2010, il recevait un courriel de monsieur [O] intitulé : ' Avis à tous les chasseurs : un épagneul baptisé [N] ' et le 30 avril un second intitulé :'[E], le prénom le plus utilisé en France '.

Par courrier du 11 mai 2010, monsieur [S] déposait plainte à l'encontre de monsieur [O] auprès du procureur de la République pour injure à caractère raciste et diffamation non publique et sollicitait l'aide d'un délégué syndical pour que son collègue soit sanctionné.

Le 23 juin 2010, monsieur [O] faisait l'objet d'un avertissement par la société INEO.

Le parquet ayant classé la plainte, monsieur [S], aux termes d'un courrier daté du 28 mai 2011, demandait à son employeur de donner une nouvelle suite disciplinaire aux agissements de monsieur [O].

C'est dans ces conditions que le 23 juin 2011, il saisissait le Conseil de prud'hommes de diverses demandes, dont la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur, et que la juridiction sociale rendait la décision dont appel.

Le 27 juin 2012, il était licencié pour inaptitude, mesure dont il ne conteste pas le bien fondé dans la présente instance.

Sur la résiliation du contrat de travail :

Monsieur [S] soutient que son employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger des faits de harcèlement dont il a fait l'objet de la part de monsieur [O], qu'il s'est senti mis à l'écart, alors même que le groupe GDF/SUEZ dont fait partie l'entreprise avait signé des accords sur la prévention des risques psycho-sociaux par l'amélioration de la qualité de vie au travail, et qu'il en est résulté une dégradation de son état de santé.

La société INEO fait pour sa part valoir qu'elle n'a commis aucun manquement susceptible de justifier à ses torts la résiliation du contrat de travail ; qu'elle a réagi dès qu'elle a été avisée des agissements de monsieur [O], en faisant bénéficier monsieur [S] de toute l'écoute qu'un salarié est en droit d'attendre de son employeur, en sanctionnant monsieur [O], en lui demandant de présenter ses excuses à son collègue et en faisant en sorte que les faits ne se reproduisent pas ; que monsieur [S] n'a nullement été mis à l'écart de l'entreprise mais que, continuant à travailler sur le site d'IBM, il était normal qu'il communique par mail avec sa hiérarchie.

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations.

Si la résiliation judiciaire est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, monsieur [S] soutient que la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat justifie la résiliation de son contrat de travail.

L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral ; l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre.

Il résulte des articles L.1152-1, L.1152-4 et L.4121 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.

En l'espèce, les pièces produites aux débats démontrent que monsieur [S] a reçu des mails à caractère raciste de monsieur [O] le 10 février 2010 et le 30 avril 2010 et qu'il a développé un syndrome anxio-dépressif en lien avec ces événements conduisant à le mettre sous anxiolytiques, ainsi qu'il résulte du courrier du Docteur [B] du 14 septembre 2011 qui signale des troubles du sommeil et une perte de poids de plus de 10 kg et du courrier du Docteur [C] du 6 mars 2012.

Il s'ensuit qu'il ne peut être contesté que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Cependant, la Cour constate que les pièces produites aux débats par la société INEO, notamment l'attestation de monsieur [U], délégué syndical, la copie de l'avertissement adressé le 23 juin 2010 à monsieur [O] et la lettre adressée par l'employeur à l'Inspection du travail le 8 juillet 2011 mettent en évidence que la direction de la société a entendu monsieur [S] sur les faits dès qu'elle en a été avisée, qu'elle a sanctionné monsieur [O] par un avertissement, lui a demandé de présenter ses excuses à monsieur [S], excuses que celui-ci n'a pas cependant pas voulu recevoir, et que les faits ne se sont pas reproduits par la suite.

Il y a également lieu d'observer qu'il résulte de plusieurs mails produits aux débats que l'employeur a toujours reconnu la qualité du travail de monsieur [S] et l'a félicité à plusieurs reprises.

Il s'ensuit que le manquement de l'employeur, qui a réagi avec diligence et efficacité dès qu'il a été informé, ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur [S] de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et de l'indemnité subséquente pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral et pour propos et actes racistes :

La Cour constate que le préjudice moral invoqué par monsieur [S] englobe celui qu'il a subi du fait des propos racistes dont il a fait l'objet, sachant qu'il justifie du dit préjudice par la production des pièces médicales précédemment citées qui établissent qu'il a souffert d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel.

Il y a lieu, dans ces conditions d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser des dommages-intérêts pour propos et actes racistes pour prononcer une condamnation sur le seul fondement du préjudice moral, sachant que la Cour dispose en l'état des éléments suffisants pour lui allouer à ce titre la somme de 5 000 euros.

Sur les dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité :

Il a été démontré ci-dessus que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, les mesures prises pour faire cesser les agissements de monsieur [O] n'étant pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

La Cour dispose en l'état des éléments suffisants pour le condamner à payer de ce chef à monsieur [S] la somme de 3 000 euros.

Sur la caisse à outil :

Monsieur [S] soutient que l'employeur ne lui a jamais proposé de récupérer sa caisse à outils personnelle.

La société INEO fait valoir que la caisse à outils de monsieur [S] est à sa disposition depuis qu'il a quitté l'entreprise mais qu'il n'est jamais venu la chercher.

Le conseil de l'employeur ayant réaffirmé à l'audience que monsieur [S] pouvait venir récupérer sa caisse à outil, il y a lieu de le débouter de sa demande indemnitaire de ce chef.

Sur l'affichage de l'arrêt aux portes de l'agence et publication dans le journal Electron et le journal Horizon :

Les faits ayant définitivement cessé et monsieur [O] ayant été disciplinairement sanctionné, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en ce sens de monsieur [S].

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Partie succombante, la société INEO sera condamnée à payer à monsieur [S] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, les dispositions du jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles étant au surplus confirmées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages-intérêts de monsieur [S] pour propos racistes et en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la violation de l'obligation de sécurité ;

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société INEO à payer à monsieur [S] les sommes de :

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 5 000 euros à titre de préjudice moral en lieu et place de la somme précédemment allouée pour propos racistes ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de monsieur [S] visant à l'affichage et à la publication de la présente décision ;

CONDAMNE la société INEO à payer à monsieur [S] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société INEO aux dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle COLIN, Président et par Madame BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 12/04460
Date de la décision : 10/06/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°12/04460 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-10;12.04460 ?
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