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20/03/2024 | FRANCE | N°22/00817

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-4, 20 mars 2024, 22/00817


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-4



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 MARS 2024



N° RG 22/00817

N° Portalis DBV3-V-B7G-VB7O



AFFAIRE :



[Z] [H]





C/



Association PIERRE FRANÇOIS JAMET









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : ADr>
N° RG : F 21/00091



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Caroline BERNARD



Me Jean-Oudard DE PREVILLE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 MARS 2024

N° RG 22/00817

N° Portalis DBV3-V-B7G-VB7O

AFFAIRE :

[Z] [H]

C/

Association PIERRE FRANÇOIS JAMET

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : AD

N° RG : F 21/00091

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Caroline BERNARD

Me Jean-Oudard DE PREVILLE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, dont la mise à disposition a été fixée au 13 mars 2024, puis prorogée au 13 mars 2024, dans l'affaire entre :

Madame [Z] [H]

née le 21 mars 1959 à [Localité 6] (Pays-Bas)

de nationalité néerlandaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Caroline BERNARD de l'AARPI INLAW AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: D2149

APPELANTE

****************

Association PIERRE FRANÇOIS JAMET

N° SIRET : 785 045 527

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-Oudard DE PREVILLE de l'AARPI RICHELIEU AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0502

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [H] a été engagée à compter du 1er septembre 1987, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 20 heures par semaine, en qualité de monitrice d'éducation physique et sportive (EPS) au sein de l'établissement scolaire [5] au [Localité 7] (78), par l'association Pierre-François Jamet qui gère cet établissement, les relations contractuelles étant alors régie par les dispositions de la convention collective de l'enseignement catholique.

L'effectif de l'association était, au jour de la rupture, de plus de dix salariés.

Mme [H] percevait une rémunération brute mensuelle de base de 1 909, 54 euros, outre une rémunération variable.

Sur réinscription après une radiation, le 7 avril 2021, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye aux fins de paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Le 1er octobre 2021, Mme [H] a fait valoir ses droits à la retraite.

Par jugement du 26 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye (section Activités diverses) a :

. débouté Madame [Z] [H] de l'intégralité de ses demandes ;

. débouté l'association PF Jamet de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

. laissé à la charge de Madame [Z] [H] les dépens éventuels.

Par déclaration adressée au greffe le 11 mars 2022, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [H] demande à la cour de :

. Infirmer le jugement entrepris dans son intégralité, et notamment en ce qu'il a débouté Madame [H] de l'ensemble de ses demandes et a laissé à sa charge les éventuels dépens ;

Statuant à nouveau,

. juger Madame [H] recevable et bien-fondée en ses demandes,

En conséquence,

. condamner l'Association PF JAMET à payer à Madame [H] :

. à titre principal, la somme de 21 006,29 euros bruts à titre de rappels de salaire pour la période de mars 2017 à septembre 2021, outre 2 100,62 euros bruts au titre des congés payés afférents;

. à titre subsidiaire, la somme de 16 543,16 euros bruts à titre de rappels de salaire pour la période de mars 2017 à avril 2020, outre 1 654,31 euros bruts au titre des congés payés afférents;

. condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] la somme de 4 474 euros bruts à titre de rappel de prime individuelle annuelle pour les années 2017 à 2020 inclus ;

. condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] la somme de 447,40 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

. condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] la somme de 1 122,08 euros bruts à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de départ en retraite;

. condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

. condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice lié à la perte de droits à la retraite. ;

. condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

. condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] les intérêts légaux à compter de la date de convocation en bureau de conciliation pour les sommes ayant le caractère de salaires, échues à la date de ladite convocation ;

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le le 3 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l'association PF Jamet demande à la cour de :

A titre principal,

. confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société PF Jamet de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

. juger que la rémunération et la durée du travail de madame [Z] [H] n'ont pas été modifiés,

. juger que les demandes de rappel de salaire de madame [Z] [H] sont injustifiées dans leur principe et dans leur montant,

. juger que madame [Z] [H] n'est pas recevable ni bien fondée à solliciter le paiement d'une prime individuelle annuelle réservée au personnel non enseignant,

A titre subsidiaire,

. juger que madame [Z] [H] ne rapporte pas la preuve de l'existence ni de l'importance des préjudices qu'elle invoque,

. réduire les prétentions de madame [Z] [H] à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

. condamner madame [Z] [H] à payer l'association PF JAMET la somme de 3 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

. La condamner aux dépens.

MOTIFS

Sur la modification unilatérale du contrat de travail

A l'appui de sa demande en paiement de la somme de 21 006,29 euros bruts à titre de rappels de salaire pour la période de mars 2017 à septembre 2021, outre 2 100,62 euros bruts au titre des congés payés afférents, la salariée rappelle qu'elle a travaillé pendant 33 années pour l'association à temps partiel de 112,35 heures mensuelles, correspondant à 20 heures de cours par semaine, soit 20/27ème, c'est-à-dire 74 % de la durée du travail d'un instituteur, sans jamais bénéficier d'aucune évolution professionnelle ni salariale, l'employeur refusant d'appliquer les dispositions de la convention collective des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes, et continuant à appliquer de façon erronée la convention collective de l'enseignement primaire catholique. Elle expose qu'elle n'a jamais eu d'entretien avec sa hiérarchie, que ses multiples contestations émises dans le courant de l'année 2019 ont été vaines et qu'une modification unilatérale de son contrat de travail est intervenue le 25 mai 2020, à la suite de laquelle elle a vu sa durée du travail mensuelle ramenée sur ses bulletins de salaire à 74,29 heures (soit 48,98 % d'un temps plein) et ce, sans qu'elle n'y ait jamais donné son accord, cette modification constituant donc tout à la fois une modification de sa durée du travail (réduction et annualisation alors que sa durée du travail a toujours été constante) et du mode de calcul de sa rémunération. Elle fait valoir que l'employeur a agi de la sorte en réaction à la saisine judiciaire de la salariée, et ce dans l'unique but de tenter d'échapper aux rappels de salaire qui sont dus, dès lors qu'elle est parfaitement fondée à opérer ses calculs de rappels de salaire en retenant une durée mensuelle de travail de 112,35 heures.

L'employeur objecte que la salariée n'était pas titulaire des diplômes lui permettant la qualification d'enseignante, qu'elle était dans le même temps salariée de l'association sportive [5] et intervenante pour l'association Créalyne, qu'elle a refusé toutes les adaptations de son contrat de travail suite au regroupement des conventions collectives de l'enseignement privé.

Sur la convention collective applicable à la relation contractuelle

Au cas présent, la salariée a été engagée en qualité de monitrice d'EPS selon contrat de travail régi par les dispositions de la convention collective nationale de l'enseignement primaire catholique (IDCC 1545).

En 2008, elle a revendiqué l'applicabilité de la convention collective nationale (IDCC 1326) des maîtres de l'enseignement primaire privé enseignant dans les classes hors contrat et sous contrat simple et ne relevant pas de la convention collective de travail de l'enseignement primaire catholique du 27 novembre 1984 (cf pièce 22S).

Toutefois, il n'est pas contesté que depuis le 12 juillet 2016 les différentes conventions collectives préexistantes de l'enseignement privé, dont la CCN de l'enseignement catholique, la CCN précitée des maîtres de l'enseignement primaire privé enseignant dans les classes hors contrat, et la CCN des salariés des établissements privés du 7 juillet 2015, ont été regroupées (cf pièce 1S) dans la convention collective nationale de l'enseignement privé à but non lucratif (EPNL).

Il n'est pas davantage contesté que cette convention EPNL (IDCC 3218) est désormais applicable aux salariés OGEC relevant de l'ancienne CCN des personnels administratifs et économiques, des personnels d'éducation et des documentalistes des établissements d'enseignement privés (CCN PSAE), à laquelle a été substituée la CCN des salariés des établissements privés (SEP) du 7 juillet 2015 -IDCC 2408), qui indiquait qu'elle est applicable aux salariés exerçant dans les établissements privés notamment d'enseignement primaire, ayant ou non conclu un contrat avec l'État, « à l'exclusion de ceux bénéficiant de dispositions conventionnelles ou statutaires spécifiques ».

Auparavant, un accord de classification conclu le 7 juillet 2010 a intégré les intervenants en éducation physique et sportive en primaire dans la classification « Auxiliaire pédagogique spécialisé (strate III) » des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes des établissements privés (pièce 7E) (l'ancienne CCN PSAE).

C'est cette convention collective PSAE qui est mentionnée sur les bulletins de paie de la salariée de 1999 (pièce 25S) et septembre 2006 (pièce 17S), sur un emploi de «prof. Éducation physique », coefficient 440. Toutefois, sur le bulletin de paie de janvier 2012 (pièce 18S), la convention collective nationale indiquée est celle de l'enseignement du 1er degré hors contrat (autrement dit la CCN IDCC 1326 précitée).

Par la suite, aucune convention collective nationale n'a plus été mentionnée sur les bulletins de paie produits par les parties jusqu'à janvier 2020 où est indiquée la convention collective de l'enseignement primaire catholique, jusqu'en mai 2020 où le bulletin de paie produit par l'employeur indique la CCN EPNL/SEP (pièce 17E), mention reprise ensuite sur tous les bulletins de paie produits.

Dans une lettre à l'employeur le 9 décembre 2019 de l'avocat de Mme [H] indiquait en effet que « malgré l'absence de toute mention de la convention collective applicable sur les bulletins de salaire de Mme [H], la convention collective applicable est celle des établissements d'enseignement privé non lucratif (EPNL) du 12 juillet 2016, plus précisément ses dispositions relatives au personnel salarié de ces établissements » .

Dans une lettre adressée à la salariée le 25 mai 2020 dans le cadre de leurs échanges sur sa classification et sa rémunération, l'employeur lui indique avoir « décidé de régulariser, sans plus attendre, l'actualisation de (sa) classification conformément à cette convention collective (EPNL) qui a comblé le vide antérieur.

Ce qui correspond à 1705 points de classification en strate 3 avec 10 degrés (cf. fiche de classification jointe), avec pour conséquence l'affiliation aux caisses de retraite des cadres en tant qu'agent de maîtrise à ce niveau de classification. ( ...) »

Il en résulte que la convention collective nationale applicable à la relation contractuelle était donc la convention collective nationale PSAE à laquelle s'est substituée, à compter du 12 juillet 2016, la convention collective de l'enseignement privé non lucratif (EPNL), ce qui n'est plus contesté.

Il s'agit donc d'examiner si cette convention a été correctement appliquée pour déterminer la classification de la salariée.

Sur la classification

En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu'il requiert (Soc., 19 décembre 1979, Bull. V, n° 1019).

L'appréciation des fonctions exercées par le salarié relève du pouvoir souverain des juges du fond (Soc., 22 octobre 2003, pourvoi n° 01-44.911). Ces derniers doivent rapprocher les fonctions réellement exercées par le salarié des dispositions de la grille de classification fixée par la convention collective (Soc., 26 octobre 1999, pourvoi n° 97-43.625, Bull. civ. 1999, V, n° 412; Soc., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.048).

Au cas présent, il ressort des pièces produites que la salariée a été engagée en qualité de monitrice moyennant « un traitement brut mensuel ind. 302 de 5 080,20 francs ; selon la valeur du point au 5/09/1988 pour 20 heures par semaine », et qu'elle est titulaire d'un diplôme néerlandais lui permettant d'enseigner dans l'enseignement primaire et le premier cycle de l'enseignement secondaire aux Pays-Bas, qui lui permet de se présenter au CAPEPS (cf sa pièce 5).

Un compte-rendu de réunion du 5 mai 1988, établi par l'employeur, indique que « le contrat de travail a été signé en septembre 1988 [NdR :1987] par les deux parties sans aucune remarque de Mme [H] alors qu'il n'est pas fait de cette reprise d'ancienneté mais que l'indice de base du salaire a été majoré de 38 points par rapport à l'indice de stagiaire 1ère année. (') Sur la base de départ, M. [U], intendant a recalculé tous les passages d'échelon et d'indices sur les 20 ans écoulés, et Mme [H] n'a en aucun cas été lésée. Elle en convient elle-même et Mme [P] (représentante syndicale) approuve.

II Mme [H] demande à passer sur la grille des professeurs des écoles

Or l'établissement se conforme, pour toutes les catégories, aux directives préconisées par l'Urogec, les intervenants extérieurs relèvent de la grille des instituteurs. Mme [H] est donc dans la bonne grille.(...) »

Par lettre du 1er juillet 2008 l'employeur indique à Mme [P] que :

« si effectivement Mme [H] lors de son embauche en 1988 a été rattachée à la convention collective des écoles hors contrat ou contrat simple, c'est qu'à l'époque les intervenants extérieurs faisaient timidement leur entrée dans les écoles, çà ne veut pas dire qu'elle était enseignante et d'ailleurs elle n'a pas le diplôme requis comme le précise l'article 27 de ladite convention.

La grille indiciaire pour ceux qui n'ont pas un diplôme dans la discipline enseignée, ce qui est le cas de Mme [H], puisque son diplôme obtenu au Pays-Bas n'est pas reconnu en France, est celle des instructeurs. Or, depuis 1987 elle est rémunérée dans la grille des instituteurs qui est plus favorable. »

Dès janvier 1988 ses bulletins de paie indiquaient ainsi qu'elle occupe un emploi de « professeur » d'EPS au coefficient 302.

Ses bulletins de paie de l'année 2017 indiquent qu'elle occupe un emploi de « professeur d'éducation physique » indice 515, sur une base de 112,35h par mois, soit une rémunération brute mensuelle de 1 777 euros, majorée d'une prime de résidence de 53,31 euros.

Pour l'année 2018, il est indiqué un indice 523, correspondant à un salaire de 1815,42 euros bruts mensuels. Pour l'année 2020, il est indiqué un indice 528 correspondant à un salaire de 1 832,78 euros pour 112,35, jusqu'en avril 2020.

La fiche de classification du 18 avril 2020 (pièce 13-1 de l'employeur) indique qu'elle occupe le poste de « professeur » d'EPS et effectue mensuellement 74,29 heures, au coefficient global de 1705 points (Points de la strate : 850 ; points du poste : 700 / points personnels : 155).

Le bulletin de paie de mai 2020 indique ainsi qu'elle occupe un emploi de « professeur » pour 74,29 heures par mois, au coefficient 1705.

En effet, dans la lettre précitée du 25 mai 2020, l'employeur indique à la salariée avoir « décidé de régulariser, sans plus attendre, l'actualisation de (sa) classification conformément à cette convention collective (EPNL) qui a comblé le vide antérieur.

Ce qui correspond à 1705 points de classification en strate 3 avec 10 degrés (cf. fiche de classification jointe), avec pour conséquence l'affiliation aux caisses de retraite des cadres en tant qu'agent de maîtrise à ce niveau de classification. ( ...) 

D'autre part, comme vous travaillez 20 heures effectives par semaine, votre durée annuelle effective de travail est de 720 heures avec 36 semaines d'école.

Or le temps plein conventionnel pour votre fonction est de 1470 heures effectives annuelles hors journée de solidarité. Vous êtes donc à 720/1470 = 48,98 % d'un temps plein, correspondant à une durée mensuelle de rémunération de 74,29h sur la base de la durée d'un temps plein qui est de 151,67h ((35 heures * 52 semaines)/12 mois)

(') Nous avons décidé de vous verser un complément mensuel de salaire de 597,49 euros bruts pour maintenir votre rémunération antérieure (') Vous bénéficiez donc toujours d'un salaire brut mensuel 1887,76 euros en ajoutant l'indemnité de résidence ». »

Ainsi qu'il a été dit précédemment le contrat de travail de Mme [H] a donc été régi par deux conventions collectives successives. La première étant la CCN PSAE jusqu'au 12 juillet 2016, puis la convention collective de l'enseignement privé non lucratif (EPNL). Ce sont ces conventions collectives qui devaient successivement figurer sur les bulletins de paie de la salariée et être appliquées à la relation contractuelle.

La CCN EPNL intègre les dispositions de la CCN PSAE mais ne change pas les critères de classification des salariés ni les modalités d'attribution des points.

Ainsi qu'il a été également dit précédemment, un accord de classification conclu le 7 juillet 2010 a intégré les intervenants en éducation physique et sportive en primaire dans la classification « Auxiliaire pédagogique spécialisé (strate III)» des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes des établissements privés (pièce 7E) (l'ancienne CCN PSAE).

Les dispositions conventionnelles prévoient que chaque strate comprend 5 critères classant composés chacun de 3 degrés, valorisés en points, si bien que l'attribution de points supplémentaires entraîne une augmentation de salaire.

L'architecture de la rémunération annuelle, dépend d'un coefficient global, multiplié par la valeur du point conventionnelle (désigné point SEP) qui se décompose des éléments suivants :

- les points liés au poste de travail :

* relatifs à la strate de rattachement

* liés aux critères classant

*valorisant la plurifonctionnalité

- les points liés à la personne :

* ceux relatifs à l'ancienneté

* ceux valorisant la formation professionnelles

* les points découlant de l'implication professionnelle.

La classification de la salariée doit être déterminée en fonction de la grille par la convention collective des salariés des établissements privés du 17 juillet 2015, en vigueur sur la période antérieure au 12 juillet 2016 puis dans un second temps par la convention collective de l'enseignement privé non lucratif ( 3218), applicable après le 12 juillet 2016.

La cour relève que la seconde convention collective a repris les termes de la première en adjoignant certains points.

En l'espèce, Mme [H] est agent de maîtrise, et son positionnement, au terme de la lettre de l'employeur du 25 mai 2020, correspond à la strate III au degré 10 sur les 15 existants. Elle ne conteste pas la strate mais revendique l'attribution de points supplémentaires au regard des degrés fixés par l'employeur pour certains des 5 critères.

La cour rappelle d'abord qu'au 1er mai 2020, suite à sa réclamation et sa saisine du conseil de prud'hommes, la salariée a été positionnée par l'employeur au coefficient 1 705 points, répartis comme suit, selon la fiche de classification précitée (pièce 18E) :

* Points de la strate = 850

* Points du poste = 700

répartis ainsi :

Critères

Degré

Points

Technicité

3

210

Responsabilité

3

210

Autonomie

2

140

Communication

2

140

Management

0

0

Total

10

700

* Points liés à la personne = 185

répartis comme suit :

Points

Ancienneté (33 ans et 6 mois)

160

Formation

25

Implication

0

La salariée sollicite que lui soit accordé des points supplémentaires depuis 1er septembre 2016, cette date, correspondant à la date d'entrée en application des dispositions de la CCN EPNL, selon la répartition suivante :

- sur le critère de l'autonomie : la salariée revendique à juste titre l'attribution de 210 points correspondant au degré 3/3, alors que l'employeur lui a attribué le degré 2/3 soit 140 points.

En application de la convention collective le degré 1 est retenu si le salarié planifie les actions et encadre les personnels relevant de son champ de compétences. Le degré 3 peut être retenu si le salarié est en capacité d'engager l'établissement dans des domaines excédant ses champs de compétences habituels. Or, la salariée établit par les pièces produites et notamment son évaluation pour l'année 2019/2020 qu'elle a organisé le cross, une formation yoga, un projet cirque, ce qui excède son champ de compétence.

=$gt; Soit un total de « points liés au poste » de 850 + 770 = 1 620 points au lieu de 1 550 points.

S'agissant des « points liés à la personne », la salariée revendique :

- sur le critère de l'ancienneté : la salariée rappelle à juste titre qu'elle doit bénéficier de 5 points par an à compter de la troisième année, et qu'eu égard à son ancienneté (embauche le 1er septembre 1987), ses points à ce titre se décomptent de la façon suivante depuis le 1er septembre 2016 :

1er septembre 2016 : 135 points d'ancienneté ;

1er septembre 2017 : 140 points d'ancienneté ;

1er septembre 2018 : 145 points d'ancienneté ;

1er septembre 2019 : 150 points d'ancienneté ;

1er septembre 2020 : 155 points d'ancienneté ;

1er septembre 2021: 160 points d'ancienneté;

La cour relève que la fiche de classification de mai indique 160 points au titre de l'ancienneté, ce qui est donc conforme à sa demande mais seulement au titre des deux dernières années (2020 et 2021).

- sur le critère « formation » : la salariée revendique à juste titre l'attribution de 50 points au titre de la formation, dès lors qu'elle a suivi de sa propre initiative trois formations, en 2011, 2013 et 2015, soit 25 points au titre de la période allant du 1er septembre 2010 au 1er septembre 2015 (première période de 5 ans où elle a suivi deux formations), et 25 points au titre de la période allant du 1er septembre 2015 au 1er septembre 2020 (seconde période de 5 ans où elle a suivi une formation).

En effet, les dispositions conventionnelles n'imposent pas, contrairement à ce que soutient l'employeur, que les formations suivies soient, avant 2017, des formations « en vue du développement des compétences », et les formations suivies étant en tout état de cause des formations qui ont développé les compétences de Mme [H] dans son domaine d'enseignement.

- sur le critère « implication » : la salariée expose que les points liés à l'implication professionnelle ne sont pas le reflet des entretiens professionnels puisque l'employeur ne lui a attribué aucun point.

Elle revendique à juste titre l'attribution de 280 points au titre de son implication professionnelle, au regard notamment de l'évaluation professionnelle produite qui souligne une « forte implication » de la salariée, qui bénéficie sur cet item de la note la plus élevée, l'employeur ne produisant aucun élément de nature à contredire cette constatation.

Au regard de l'ensemble de ces constatations, il sera en conséquence fait droit à la demande de la salariée de classification au coefficient 2 085 (1620 +50 +280 + 135) à compter du 1er septembre 2016, qui a ensuite évolué de la façon suivante :

- Au 1er septembre 2017 : 2 090 points (1620+50+280+140)

- Au 1er septembre 2018 : 2 095 points (1620+50+280+145)

- Au 1er septembre 2019 : 2 100 points (1620+50+280+150)

- Au 1er septembre 2020 : 2 105 points (1620+50+280+155)

- Au 1er septembre 2021: 2 110 points (1620+50+280+160) jusqu'à son départ en retraite, le 1er octobre 2021

Compte tenu de cette reclassification ainsi ordonnée, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire, pour la période du 1er mars 2017 à son départ en retraite, à hauteur de 21 006,29 euros bruts, outre 2 100,62 euros bruts au titre des congés payés afférents, selon le calcul produit par la salariée en page 26 et 27 de ses écritures, non utilement autrement critiqué par l'employeur que par la contestation des points supplémentaires sollicités, et qui tient compte du versement spontané par l'employeur de la somme de 871,14 euros bruts.

La cour ayant fait droit à la demande formée à titre principal par la salariée au titre de la classification, la demande formulée à titre subsidiaire au titre de la modification du contrat de travail à compter de mai 2020 est dès lors sans objet.

Sur la prime individuelle annuelle

La salariée expose qu'à compter de l'année scolaire 2005/2006, l'employeur a remplacé le versement de la prime d'intéressement qu'elle touchait comme les autres salariés, par une prime annuelle sur objectifs dont elle a été seule exclue du champ d'application, en réalité en raison de son refus de consentir, en 2005, à l'annualisation de sa durée du travail, de sorte que l'exclusion de la salariée du bénéfice de cette prime n'est absolument pas liée à son statut d'enseignante, et elle est donc fondée à solliciter le rappel de salaire afférent à cette prime sur les trois dernières années, durant lesquelles elle aurait dû bénéficier d'une prime de 1 118,5 euros (1 510 Euros x 112,35 heures / 151,67 heures), ainsi qu'au titre de l'année 2020 où elle en a également été privée.

L'employeur objecte que la salariée, professeur « hors contrat », ne peut pas revendiquer le paiement de la prime annuelle individuelle qui a été instaurée unilatéralement en 2005 par l'établissement, que cette prime a été instaurée au profit du personnel qui n'occupe pas un poste d'enseignant, comme l'a reconnu expressément la représentante syndicale qui assistait la salariée, que de plus, contrairement à ce qu'elle affirme, l'appelante n'est pas « la seule salariée » dans cette situation, dès lors qu'aucun des autres enseignants « hors contrat » (70 personnes) ne perçoit cette prime annuelle réservée au personnel non enseignant.

Il ajoute que la demande de congés payés afférents à cette prime annuelle est injustifiée, que ce type de prime annuelle, qui n'est pas affectée par les périodes de congés, n'entre pas dans l'assiette de calcul des congés payés (Soc., 6 nov. 2019, n°18-10.367), contrairement à la prime « assise sur des résultats produits par le travail personnel de l'intéressé » visée dans l'arrêt invoqué à tort par la salariée (Soc., 24 sept. 2014, n°12-28.965).

Sur le bénéfice de la prime individuelle annuelle

Il n'est pas contesté que cette prime annuelle individuelle, instaurée par l'employeur en 2005, prévoit que «  l'ensemble du personnel ayant un contrat avec l'association PF Jamet et n'occupant pas un poste d'enseignement (professeur hors contrat par exemple) peut bénéficier d'une prime annuelle individuelle après entretien annuel individuel d'appréciation et d'évaluation avec le supérieur hiérarchique en fin d'année scolaire » (cf pièce 14 de l'employeur).

En l'espèce, Mme [H] n'avait pas le statut de « professeur hors contrat » mais, selon les conclusions mêmes de l'employeur (cf ses conclusions page 3), d'auxiliaire pédagogique spécialisée (strate III) de la CCN des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes des établissements privés (PSAE) puis CCN de l'enseignement privé non lucratif (EPNL), précitées, peu important que ses bulletins de paie mentionnent qu'elle occupait un emploi de « professeur d'EPS ».

Ainsi l'employeur indique (également en page 3 de ses conclusions) que « depuis le 12 avril 2017, les chargés de cours n'ayant pas le statut d'enseignant, comme madame [Z] [H], dépendent de la convention collective de l'enseignement privé non lucratif (EPNL) ' section 9, conclue le 12 juillet 2016 en suite du regroupement des conventions collectives antérieures de l'enseignement privé. »

Il en résulte que Mme [H] n'occupait pas un poste d'enseignement, de sorte qu'elle était fondée à percevoir la prime instaurée en 2005 au bénéfice du personnel non enseignant de l'association.

En outre, l'allégation de l'employeur selon laquelle la salariée n'était pas la seule dans cette situation est dépourvue d'offre de preuve quant aux 70 autres « professeurs hors contrat » ne percevant pas ladite prime, seule une pièce (15) étant produite et correspondant au bulletin de paie de juin 2019 d'un salarié exerçant la fonction de « professeur des écoles HC EP », qui n'est pas le libellé figurant sur les bulletins de paie de Mme [H].

Enfin, la salariée établit qu'elle a perçu une prime d'intéressement de 1999 à 2003, et qu'elle n'a perçu aucune prime par la suite, ainsi que cela ressort de ses bulletins de paie.

Mme [H] est en conséquence bien fondée à solliciter le bénéfice de cette prime pour les années 2017 à 2020, aucune prescription de sa demande ne lui étant opposée.

Sur les congés payés afférents

L'article L. 3141-22 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que l'indemnité de congé est calculée sur la base de un dixième de la rémunération totale perçue par le salarié pendant la période prise en considération pour l'appréciation de son droit au congé.

Il est constant qu'une prime dont le montant est déterminé en fonction du temps de travail effectif accompli au cours de la période de référence, n'a pas pour objet de rémunérer des périodes de travail et de congés confondues, de sorte qu'elle doit être prise en compte dans l'assiette de calcul des congés payés , peu important qu'elle soit allouée pour une année entière.

Une telle prime ouvre droit à indemnité compensatrice de congés payés (Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 18-16.351, publié, s'agissant d'une prime de vacances conventionnelle).

En l'espèce, le montant de la prime individuelle annuelle revendiquée par la salariée est déterminé en fonction du temps de travail effectif accompli au cours de la période de référence, et n'a pas pour objet de rémunérer des périodes de travail et de congés confondues, de sorte que ladite prime ouvre droit au paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés afférentes.

Par voie d'infirmation, il convient donc de condamner l'Association PF Jamet à payer à Madame [H] la somme de 4 474 euros bruts à titre de rappel de prime individuelle annuelle pour les années 2017 à 2020 inclus, outre 447,40 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité conventionnelle de départ en retraite

La salariée expose que l'indemnité conventionnelle de départ en retraite est égale à 3 mois de salaire (Pièce n°2), qu'elle a perçu la somme de 5 728,59 euros bruts, montant calculé sur un salaire de base de 1909,54 Euros bruts, que si on tient compte des rappels de salaire dus, la moyenne de ses 3 derniers mois de salaire (et base de calcul de son indemnité de départ) aurait dû être de (2.281,75 x 2 + 2287,17 ) / 3 = 2.283,55 euros, que son indemnité de départ aurait donc dû être de 3x 2283,55 = 6.850,67 euros, soit un rappel d'indemnité conventionnelle de 6.850,67 - 5.728,59 = 1.122,08 euros bruts.

L'employeur ne réplique pas sur ce point.

**

Compte tenu du rappel de salaire précédemment ordonné au titre de la classification, il convient, par voie d'infirmation, de faire droit à la demande de la salariée au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de départ en retraite et de condamner l'association PF Jamet à lui payer à ce titre la somme de 1 122,08 euros bruts.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée expose que durant plus de 20 ans la salariée a multiplié les démarches afin d'obtenir la revalorisation de son statut, constatant que ses collègues de travail étaient nettement mieux rémunérés qu'elle pour un travail de valeur égale, que l'association n'a jamais voulu entendre ses réclamations légitimes, même lorsque celle-ci a porté ses demandes par le biais d'un syndicat, que la déloyauté de l'employeur est d'autant plus établie qu'il est démontré qu'il avait parfaitement conscience et connaissance des dispositions de la CCN des PSAEE applicables à la salariée à compter du 1er septembre 2004, que c'est donc volontairement que l'école l'a maintenue dans un statut conventionnel lui étant défavorable, particulièrement à compter de l'entrée en vigueur de l'annexe n°1 sur les classifications et salaires, dont il est reconnu qu'elle lui était applicable.

L'employeur objecte qu'il appartient à la salariée de rapporter la preuve tant de l'existence que de l'importance du préjudice qu'elle allègue, et qui n'existe pas « nécessairement », même en présence d'un manquement, d'ailleurs inexistant au cas présent, qu'elle ne justifie pas de l'existence d'une faute, ni de la réalité et la nature de son préjudice, que contrairement à ce qu'elle affirme pour les besoins de la cause, ses responsables successifs ont régulièrement échangé avec la salariée, pour faire le point sur son activité, ses fonctions et sa situation professionnelle, qu'aucune de ses demandes récentes n'est restée sans réponse, et qu'elle a été reçue à plusieurs reprises pour évoquer ses revendications salariales, que de plus, ainsi qu'il a été précédemment démontré, le refus de ses revendications salariales était parfaitement justifié.

**

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Les allégations de l'employeur selon lesquelles les responsables de la salariée ont régulièrement échangé avec elle sont dépourvues d'offre de preuve, tandis qu'il est établi que la salariée a sollicité à plusieurs reprises l'employeur sur l'application à la relation salariale des bonnes dispositions conventionnelles, et que celui-ci n'y a donné suite, partiellement, que dans le courant de l'année 2020, les premières réclamations datant de 1988.

Toutefois, d'une part, le caractère intentionnel de la non application par l'employeur des dispositions conventionnelles adéquates à la situation spécifique de la salariée dans cet établissement d'enseignement n'est pas établi, d'autre part, elle n'établit pas avoir subi un préjudice qui ne soit pas déjà réparé par les rappels de salaire précédemment alloués au titre de la classification conventionnelle, majorés des intérêts de retard ainsi qu'il sera dit ci-après.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur le préjudice lié à la perte de droits à la retraite

La salariée expose que durant près de 20 ans, elle s'est vue appliquer par son employeur une convention collective erronée, que cela a généré à son seul préjudice une perte de salaire mensuel très conséquente, qu'il peut être évalué qu'au cours des dernières années, qu'elle a eu un manque à gagner d'environ 400 Euros bruts mensuels en termes de salaire, soit 4 800 euros bruts de perte annuelle, que ses droits à la retraite subissent de fait une perte en conséquence puisque ces 4 800 euros bruts annuels auraient dû être pris en compte dans le calcul de sa retraite, qu'il en résulte donc pour elle un manque à gagner au titre de ses droits à retraite, que de l'aveu même de l'école dans son courrier du 25 mai 2020, la "reclassification" a opéré à son profit affiliation à la Caisse de retraite des Cadres, à laquelle elle aurait dû être affiliée depuis 2010, soit 11 ans de cotisations retraite qui sont perdues, que son préjudice est indéniable.

L'employeur objecte que la salariée se contente d'affirmer qu'elle se serait « vue appliquer une convention collective erronée », et ce « durant 32 ans », affirmant que cela aurait « nécessairement impacté » ses droits à la retraite, que cette demande est injustifiée dans son principe, qu'en l'absence de toute convention collective applicable jusqu'en avril 2017, elle a été rémunérée conformément à la grille des instituteurs, qui est plus favorable que celles des instructeurs qui aurait dû lui être appliqué en l'absence de diplômes permettant d'avoir le statut d'enseignant en France,

**

Selon le principe de réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à un salarié doivent réparer intégralement le préjudice subi sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.

En l'espèce, d'abord, l'allégation de l'employeur selon laquelle la salariée a bénéficié d'un traitement plus favorable que celui auquel elle avait droit en application de son contrat de travail est contredit par le rappel de salaire précédemment alloué au titre de la classification conventionnelle.

Ensuite, compte tenu du rappel de salaire précédemment alloué, il est établi que le manque à gagner de la salariée s'est élevé mensuellement, selon les calculs non critiqués en leur quantum figurant en page 25 et 26 de ses écritures, à la somme de :

435 euros bruts / mois de mars à août 2017,

455,9 euros bruts / mois de septembre 2017 à août 2018,

454,88 euros bruts / mois de septembre 2018 à août 2019,

460,91 euros bruts / mois du 1er septembre au 31 décembre 2019,

443,55 euros bruts / mois du 1er janvier au 31 août 2020,

448,97 euros bruts / mois du 1er septembre au 31 décembre 2020,

372,21 euros bruts / mois du 1er janvier au 31 août 2021,

377,63 euros bruts / mois du 1er septembre au 30 septembre 2021

Cependant, au soutien de sa demande, la salariée ne produit aucune lettre de notification du montant de sa retraite, qui n'est d'ailleurs pas précisé dans ses écritures, ni aucun élément de nature à justifier du préjudice dont elle sollicite réparation, lequel ne découle pas nécessairement du rappel de salaire auquel la cour a précédemment fait droit, et qui devra donner lieu à versement par l'employeur de cotisations de sécurité sociale notamment en matière de retraite, calculé en tout état de cause sur ses meilleures années travaillées, en application de la réglementation en vigueur.

La salariée ne démontrant pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation du rappel de salaires, il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'association, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute Mme [H] de ses demandes de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et de dommages-intérêts réparant le préjudice lié à la perte de droits à la retraite,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT que la convention collective nationale applicable à la relation contractuelle est la convention collective de l'enseignement privé non lucratif (EPNL),

CONDAMNE l'association PF Jamet à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

21 006,29 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la reclassification, pour la période du 1er mars 2017 au 30 septembre 2021, outre 2 100,62 euros bruts au titre des congés payés afférents,

4 474 euros bruts à titre de rappel de prime individuelle annuelle pour les années 2017 à 2020 inclus, outre 447,40 euros bruts au titre des congés payés afférents,

1 122,08 euros bruts à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de départ en retraite,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,

CONDAMNE l'association Pierre-François Jamet à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'employeur de sa demande à ce titre,

CONDAMNE l'association Pierre-François Jamet aux dépens de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-4
Numéro d'arrêt : 22/00817
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;22.00817 ?
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