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24/04/2024 | FRANCE | N°21/02375

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-4, 24 avril 2024, 21/02375


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-4



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 AVRIL 2024



N° RG 21/02375

N° Portalis DBV3-V-B7F-UU67



AFFAIRE :



[K] [Z]



C/



Société GINGER SOFRECO









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 18/02680

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me David METIN



Me Véronique TUFFAL-NERSON



Copie numérique adressée à:



FRANCE TRAVAIL



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT-QUATRE AVRIL DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 AVRIL 2024

N° RG 21/02375

N° Portalis DBV3-V-B7F-UU67

AFFAIRE :

[K] [Z]

C/

Société GINGER SOFRECO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 18/02680

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David METIN

Me Véronique TUFFAL-NERSON

Copie numérique adressée à:

FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 3 avril 2024 puis prorogée au 24 avril 2024, dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [Z]

né le 23 septembre 1964 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANT

****************

Société GINGER SOFRECO

N° SIRET : 309 600 088

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Véronique TUFFAL-NERSON de la SCP TNDA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0505

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [Z] a été engagé par la société Sofreco, en qualité de directeur de projets, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 3 novembre 2014.

Cette société est spécialisée dans le conseil et l'assistance technique dans le développement économique et social. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale Syntec.

En dernier lieu, il percevait une rémunération brute moyenne mensuelle de base de 7 990, 92 euros, outre une rémunération variable.

Par lettre du 24 janvier 2018, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 2 février 2018.

M. [Z] a été licencié par lettre du 13 février 2018 pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants:

« (')Nous vous avons convoqué par lettre remise en main propre le 24 janvier 2018, à un entretien en vue d'un éventuel licenciement le vendredi 2 février 2018 à 11h00.

Nous ne pouvons que regretter votre refus d'assister à cet entretien, alors que vous étiez présent sur votre lieu de travail, dans nos locaux.

Nous sommes contraints de vous licencier pour insuffisance professionnelle pour les motifs suivants:

Il convient de rappeler que :

La Société MA'ADEN est l'une des plus importantes sociétés minières dans le monde et un acteur majeur dans la production du phosphate mondial.

C'est notre principal et plus important client dans le domaine des mines.

Nous avons conclu un contrat de prestations de services le 19 mai 2014 avec cette société, l'objet du contrat étant l'ouverture d'une mine de taille mondiale pour l'exploitation du phosphate en Arabie Saoudite.

Nous vous avons engagé en qualité de directeur de projets de haut niveau le 3 novembre 2014 en raison de votre expertise dans le domaine minier et de la capacité que vous prétendiez avoir pour des projets de cette nature.

Comme vous le savez, ce contrat de prestations de services est le plus important contrat conclu au sein du département des mines de notre Société.

Dans un premier temps, vous étiez en charge de ce projet et travailliez sur le site.

Vous deviez notamment diriger les équipes sur le site en apportant votre expertise dans la réalisation de ce projet.

C'est parce que le client a demandé votre départ du site que vous avez continué sur le projet depuis notre siège social et que nous avons dû vous confier d'autres missions.

1. Vos fonctions de chef de mission sur le contrat MA'ADEN

Nous n'avons pu que constater vos insuffisances dans le suivi et le contrôle de la qualité des livrables d'experts.

Leurs rapports d'expertises n'ont pu être validés par notre client qu'après plusieurs révisions significatives réalisées par votre supérieur hiérarchique et d'autres experts.

Par ailleurs, en raison de vos carences, nous avons dû mobiliser des experts complémentaires sans pouvoir les facturer au client ; votre supérieur hiérarchique a dû reprendre certaines de vos tâches, pour assurer le suivi de la qualité de nos prestations.

Nous avons dû confier le suivi de l'avancement du projet, et la gestion du planning général au personnel du siège social de notre Société.

En février 2017, le directeur de la mine de la Société MA'ADEN nous a rappelé que votre prestation en tant que chef de mission était particulièrement insatisfaisante.

2. Vos activités d'expertises pendant votre expatriation

Vous n'avez pas réussi à mener à son terme la préparation et la finalisation du dossier d'appels d'offres du client pour l'exploitation de la mine, ce qui a contraint votre responsable hiérarchique à le finaliser à votre place.

Les rapports et les dossiers d'appels d'offre clients que vous avez préparés au cours de l'année 2016 ont été rendus avec plusieurs semaines de retard.

Pour mémoire, ce n'est que le 11 février 2016 que vous avez remis le rapport 2015 sur les réserves de la Société MA'ADEN avec 1 mois de retard.

Vous n'avez rendu le rapport sur les travaux préparatoires pour l'ouverture de la mine qu'en octobre 2016 au lieu d'août 2016, soit avec 2 mois de retard.

De plus, malgré les nombreuses heures que vous avez passées à l'élaboration de ces rapports et appels d'offres clients, ceux-ci étaient mal structurés, contenaient des erreurs structurelles, des affirmations non étayées par des chiffres vérifiés et ne correspondaient pas aux attentes du client.

La base du protocole des travaux préparatoires pour l'ouverture de la mine a dû être effectuée par l'un de vos collègues.

Vous n'avez pas non plus associé, dans les travaux préparatoires pour l'ouverture de la mine, les équipes du client, ce qu'il nous a reproché, faisant état d'une communication très insuffisante et peu efficace avec ses équipes.

Votre rapport d'octobre 2016 sur les travaux préparatoires d'ouvertures de la mine a été qualifié par notre client de « pire rapport soumis par Sofreco depuis 2009 ».

Vos insuffisances ont eu des conséquences très dommageables dans notre relation avec notre client:

- Aucune des propositions que vous avez préparées pour Sofreco à destination de la Société MA'ADEN durant toute l'année 2017 n'a été retenue par celle-ci.

- En novembre 2017, lors de votre dernière mission en Arabie Saoudite, la réunion de restitution avec l'équipe de MA'ADEN a été improductive parce que vous n'aviez apporté ni conclusion ni solution pour finaliser votre mission, mais également, pire, conflictuelle avec le client, ce que ce dernier a reproché à Sofreco.

Les équipes responsables de l'activité mine de la société MA'ADEN ne souhaitent plus travailler avec vous, nous demandent de ne plus proposer vos services pour nos interventions futures.

Notre client nous a précisé que votre simple présence sur une proposition de services en réponse à des appels d'offres empêcherait toute attribution de contrat par la Société MA'ADEN à Sofreco.

Vous avez donc mis en péril nos activités avec notre plus important client dans le secteur des mines.

3. Vos missions au siège social de Sofreco

' Vos contributions sur les 3 propositions de services auxquelles vous avez participées (Algérie Feraal, Arabie Saoudite Heap Leach et Tunisie Terres Rares) ont été très laborieuses. Vous avez démontré un réel manque d'autonomie dans l'organisation de votre travail. Nous avons dû détacher des salariés pour combler vos lacunes professionnelles, ce qui a généré une désorganisation du département des mines dans la réalisation des appels d'offres et dans le suivi des contrats en cours.

' Vous n'avez pris aucun contact avec des établissements bancaires pour référencer notre Société comme ingénieur conseil dans le secteur minier ;

' Vous n'avez effectué aucun développement en Guinée Conakry alors que vous aviez été missionné en tant qu'expert ponctuel pour les contrats bauxites de Guinée.

' Vous n'avez pas assuré le suivi de l'enregistrement de notre Société auprès des sociétés minières.

' Votre contribution en matière de développement d'activités a été inexistante malgré de nombreuses relances de la part de vos responsables hiérarchiques, tant au niveau du département mines que de la division technique.

En janvier 2018, de manière irrationnelle et sans motif légitime, vus nous avez mis en difficulté avec notre client MA'ADEN concernant la certification des réserves pour l'année 2017 de la mine [V].

Alors que vous aviez signé ces réserves pour les années 2015 et 2016 dans les mêmes conditions, sans justification vous avez refusé de certifier ces réserves en 2018, sans qu'à ce jour nous n'en connaissions les raisons.

Parce que vous avez refusé sans raison pertinente de signer ces réserves, nous avons dû demander à un autre expert de Sofreco de reprendre le dialogue avec le client pour certifier ces réserves.

En conséquence, malgré tous les efforts que nous avons déployés, nous devons faire le constat de votre insuffisance dans les missions qui vous ont été confiées. (...) »

Le 23 octobre 2018, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 30 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a:

. dit que le licenciement de M. [Z] par la Société Sofreco est sans cause réelle et sérieuse.

. condamné la Société Sofreco à verser à M. [Z] la somme de 31 963,68 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêt à compter de la présente décision.

. dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire sur la créance indemnitaire.

. débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

. dit ne pas y avoir lieu à remboursement d'indemnité chômage auprès des organismes concernés.

. condamné la Société Sofreco à verser à Monsieur [K] [Z] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

. débouté la Société Sofreco de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

. condamné la Société Sofreco aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 21 juillet 2021, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 9 janvier 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Z] demande à la cour de :

. infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. Débouté M. [Z] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ;

. Débouté M. [Z] de sa demande à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu que le licenciement de M. [Z] était sans cause réelle et sérieuse mais l'infirmer sur le quantum.

Statuant à nouveau,

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :

. juger que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

A titre principal :

. juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable.

. condamner en conséquence la SAS Ginger Sofreco à verser à M. [Z] la somme de 100.000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire :

. condamner la SAS Ginger Sofreco à verser à M. [Z] une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail (plafonnée) : 31.963,68 euros

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :

. condamner la SAS Ginger Sofreco à verser à M. [Z] la somme de 138.384,66 euros en paiement des heures supplémentaires effectuées et non payées outre 13.838,46 euros de congés payés afférents.

. condamner la SAS Ginger Sofreco à verser à M. [Z] la somme de 48.000 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé.

Sur les autres demandes

. condamner la SAS Ginger Sofreco à verser à M. [Z] la somme de 6.340 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

. dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes en application des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil.

. condamner la SAS Ginger Sofreco aux entiers dépens y compris les frais d'exécution de la décision à intervenir.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Sofreco demande à la cour de :

. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. débouté M. [Z] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires effectuées et non payées ;

. débouté M. [Z] de sa demande de versement d'une indemnité de travail dissimulé ;

. débouté M. [Z] de sa demande de voir dire et juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;

. dit n'y avoir lieu à remboursement d'indemnité chômage auprès des organismes concernés ;

. dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire sur les créances indemnitaires.

. infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. dit que le licenciement de M. [Z] par la société Sofreco est sans cause réelle et sérieuse;

. condamné la société Sofreco à verser à M. [Z] la somme de 31.963,69 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêt à compter du jugement de première instance ;

. condamné la société Sofreco à verser à M. [Z] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

. débouté la société la société Sofreco de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

. condamné la société Sofreco aux dépens.

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'Appel de Versailles de :

A titre principal,

. déclarer que le licenciement de M. [Z] par la société Sofreco repose sur une cause réelle et sérieuse ;

. déclarer que Monsieur [Z] ne rapporte pas la preuve de la réalisation d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées ;

En conséquence,

. débouter Monsieur [Z] de sa demande à titre de versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. débouter Monsieur [Z] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

. débouter Monsieur [Z] de sa demande de versement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

subsidiairement,

. réduire à 23.972,76 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourrait être allouée à M. [Z].

En tout état de cause,

.faire application du barème prévu par l'Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 et plafonner l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourrait être allouée à M. [Z] à la somme de 31 963,68 euros ;

. condamner M. [Z] à payer à la société Sofreco la somme de 3 840 euros HT au titre de l'article 700 du CPC ;

. condamner M. [Z] aux entiers dépens s'il en existe.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Le salarié expose qu'alors qu'il était cadre au forfait selon la modalité 2 de la convention Syntec, il a fréquemment été sollicité pour travailler les week-ends, sur sa messagerie personnelle.

L'employeur observe que le salarié ne demande plus que 138 384,66 euros au titre d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées et 13 838,46 euros de congés payés afférents, alors qu'il demandait initialement 165 877,94 euros, et 16 587 euros de congés payés afférents, le salarié ayant retiré ses demandes pour la période antérieure au 13 février 2015, pour laquelle la société n'a donc plus besoin de soulever la prescription.

L'employeur fait valoir que les feuilles de temps étaient remplies par le salarié lui-même, validées par son supérieur, et ensuite non modifiables, qu'il n'y a eu aucun dépassement qui n'auraient pas donné lieu au paiement d'heures supplémentaires, les heures réalisées étant refacturées au client.

**

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, publié au rapport ; 27 janvier 2021 (pourvoi n 17-31.046, publié).

Sous réserve de respecter la règle de preuve, le juge apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis par le salarié et l'employeur. Il détermine souverainement si le salarié a effectivement accompli des heures supplémentaires. Il évalue, tout aussi souverainement, l'importance de celles-ci, sans avoir à préciser le détail de son calcul et fixe ensuite le montant de la créance qui en résulte (Soc., 4 décembre 2013, pourvoi n°11-28.314, Bull. 2013, V, n° 298).

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la convention Syntec impose, mais seulement pour les salariés soumis à une convention de forfait en jours, ce qui n'était pas le cas de M. [Z], cadre au forfait (modalité 2 de la convention Syntec), et rémunéré pour une durée de travail de 38 heures 30 par semaine :

- la tenue de deux entretiens annuels portant sur la charge de travail, et sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée,

- la tenue de « points réguliers » portant sur la charge de travail.

En l'espèce, à l'appui de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, le salarié, produit :

- l'ensemble des pointages journaliers classés par mois : cette pièce 121 constituée des « time sheet » de la période litigieuse indique les jours travaillés et les lieux de travail ([Localité 6], Arabie Saoudite, Guinée...), sans précision des heures réalisées,

- un fichier détaillant précisément les heures de travail effectuées, et tenant compte des pauses déjeuner/dîner : cette pièce 122 détaille les horaires réalisés quotidiennement par le salarié et indique l'heure d'envoi du premier et dernier courriel (ex :21h28 le 10 novembre 2014 ; 4h05 le 20 novembre 2014, pour des horaires collectifs mentionnés sur ce fichier de 5h30 /14h30),

- un document associant certaines données de ce tableau et les copies d'écrans d'archive de courriels envoyés pour justifier du nombre d'heures supplémentaires réalisées (pièce n°142),

- les « copies d'écran d'archive de courriels envoyés en dehors de ses heures de travail, horodatés en heure française » (pièce n°123 du salarié).

La cour relève qu'il s'agit de copies d'écran d'éléments de messagerie extraits des « documents / perso / archive 2015-2016 », dont l'intitulé est « (Archiver ) Novell Group Wise ' archive 2015-16 CBG AluminPro envoyés » jusqu'à la pièce 51/22, mais dont l'intitulé est « « (Archiver ) Novell Group Wise ' archive 2015-16 AlKhabra BAL » pour la suite (jusqu'à 52/222), et non de la boîte « éléments envoyés », dont la seule indication du nom de l'interlocuteur du salarié ne permet en conséquence pas de savoir s'il s'agit ici de courriels dont le salarié a été l'émetteur ou le destinataire.

Il ressort toutefois des pièces 123-50/1 à 50/22 et des pièces 124-49/1 à 49/84 l'envoi par le salarié de courriels tardifs ou matinaux (par exemple 1h46 le 26 novembre 2014 ; 5h12 le 27 novembre 2014 ; 2h59 le 6 novembre 2014, le premier mail du lendemain étant envoyé à 10h19 ; 5h20 le 9 novembre 2014).

- les « copies d'écran d'archive de courriels reçus en dehors de ses heures de travail pour l'exécution de la mission relative au contrat « PMC » (pièce n°124) » ,

La cour relève toutefois que cette pièce est un extrait de « (Archiver ) Novell Group Wise ' archive 2015-16 CBG AluminPro envoyés », sur la période du 3 novembre 2014 au 17 novembre 2016, et non de courriels reçus.

- un courriel du 13 juillet 2016 à 13h57 de Mme [T] (pièce 141) le sollicitant sur sa messagerie personnelle durant ses congés (cf décompte pièce 125 indiquant qu'il n'a pas travaillé la semaine du 11 juillet 2016), et veille de jour férié,

- une pièce 151 constituée d'extraits de la pièce 124 page 49/21 et 49/22 « archive envoyés AlKhabra », dont le salarié soutient qu'elle contredit les motifs des premiers juges selon lesquels les pièces qu'il a produites (6 264 mails envoyés et 11 988 mails reçus) ne comporteraient pas les éléments évoqués par le salarié,

- un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires qu'il n'a pas récupérées et qui ne lui ont pas été payées, (pièce 125) sur laquelle il fonde sa demande chiffrée, dont il ressort qu'il aurait réalisées certaines semaines jusqu'à 43 heures supplémentaires (ex semaine du 24 novembre 2014, du 24 août 2015),

- un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires effectuées (heures au-delà de 38 heures 30 / semaine) sur l'ensemble de sa période d'emploi au sein de la société, établi par le salarié dans une lettre adressée à la société le 23 février 2018 (pièce n°7).

Il expose avoir établi son décompte selon :

- l'horaire collectif de 9h15-18h00 lorsque le travail est réalisé au siège de la société Sofreco, du lundi au jeudi, et 9h15-17h45 le vendredi, avec pause déjeuner d'une heure, précisant que tout le personnel était soumis à ces horaires. Ainsi, tout le monde pointait à l'accès aux bureaux y compris les directeurs de Département. Ces derniers effectuaient à cet égard un contrôle des horaires de leur personnel. (Pièces n°21 et 126),

- un horaire de 7h30-16h30 lorsque le travail est réalisé à Al Khobar, siège du projet de la société MWSPC, avec une pause déjeuner d'une demi-heure, du dimanche au jeudi,

- un horaire de 6h30-16h30 lorsque le travail est réalisé sur le site minier avec une pause déjeuner d'une heure, du samedi au jeudi.

L'allégation selon laquelle « Tout au long de cette période, dans un souci d'économie, la société Sofreco a contraint Monsieur [Z] à utiliser des visas « business » et non des visas «travail » avec une carte de résident. Ce visa « business » nécessite une sortie du territoire saoudien au minimum tous les 30 jours. Le salarié a, par conséquent, perdu beaucoup de son temps personnel pour valider ses visas. » est dépourvue d'offre de preuve.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le salarié présente donc, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Sur ce point, l'employeur se borne à soutenir que le salarié n'a jamais formulé de réclamation au sujet de prétendues heures supplémentaires qu'il aurait été contraint d'effectuer, alors qu'il faisait des points hebdomadaires avec Mme [T], que la société n'a eu connaissance de cette demande qu'à l'occasion du courrier de contestation de son licenciement du 23 février 2018, qu'il avait toute latitude pour organiser son travail comme il le souhaitait, particulièrement sur le site de la mine où il n'avait pas de supérieur hiérarchique à même de constater l'exécution d'heures supplémentaires, qu'il disposait d'un ordinateur portable lui permettant d'envoyer et de recevoir des mails quand il le souhaitait en dehors de ses journées de travail, que les horaires que le salarié prétend avoir effectués ne sont corroborés par aucun autre élément que ses déclarations et envois de mails, et qu'il ne verse aux débats aucune attestation de tiers (clients ou collègues) ou document professionnel prouvant des dates et des horaires des heures effectuées, que le salarié n'indique pas non plus les tâches qu'il aurait effectuées.

L'employeur précise enfin que le salarié a créé sur sa messagerie un dossier « personnel » qui comprenait aussi de nombreux sous dossiers relatifs à des dossiers de la société, auxquels elle n'a donc pas eu accès, ne pouvant dès lors vérifier la teneur des courriels invoqués, et que les heures travaillées par le salarié étant facturées au client, il est évident qu'il n'aurait pas manqué de faire valoir des heures supplémentaires s'il en avait effectué lorsqu'il était en mission sur le terrain, ce qu'il n'a jamais fait. Toutefois, ces facturations aux clients des heures réalisées par le salarié ne sont pas produites par l'employeur.

Cependant c'est à juste titre que l'employeur ajoute que les tableaux que le salarié produit, contredisent les horaires théoriques dont il fait état dans sa requête initiale, qu'en effet il indique que ses horaires sur le site minier et à Al Khabar étaient respectivement de 6h30-16h30 et 7h30-16h30 (cf. conclusions adverses, page 39), alors que le tableau « détaillé » indique très régulièrement des heures de fin comprises entre 14h30 et 15h30 sans aucune justification du travail effectué.

De même, l'employeur relève à juste titre que les décomptes du salarié comportent des invraisemblances, dès lors que, par exemple, pour la journée du 4 novembre 2015, il est indiqué que le dernier courriel envoyé l'a été à 21h36 alors que la journée de travail a été terminée à 14h30, le salarié comptabilisant un temps d'heures supplémentaires de 7 heures 42, comme s'il avait travaillé sans interruption de 14h30 à 21h36, de même s'agissant des jours non travaillés durant lesquels il indique avoir envoyé des courriels.

A ce titre, l'employeur est fondé à soutenir que le salarié utilisait sa messagerie professionnelle pour la préparation de séjours d'ordre privé, la recherche d'appartement à [Localité 7], l'organisation de week-end ou de rencontres entre amis, dans des courriels non signalés comme étant personnels.

Ainsi la cour relève que sur le décompte (pièce 122) figure, à la date du 18 août 2017 sur laquelle le salarié ne s'explique pas, un dernier courriel envoyé par le salarié à 19h58, qui correspond en réalité à un courriel qu'il a adressé à un hôtel pour annuler une réservation faite pour ses congés (cf pièce 43 de l'employeur) et non dans un cadre professionnel.

Toutefois, la cour relève également que la société elle-même produit des messages adressés par le salarié à des horaires très tardifs ou matinaux (ex : pièce 6 de l'employeur constituée d'un courriel du salarié à Mme [T] du 26 juin 2015 à 3h34).

Après examen des pièces produites tant par le salarié que par l'employeur, et au regard, d'une part, du fait que le contenu des premiers et derniers courriels envoyés par le salarié n'est pas connu de la cour, laquelle ne trouve pas de concordance entre les horaires des premiers et derniers courriels mentionnés dans le décompte et ceux figurant dans la pièce 123 au titre des 'élements envoyés', et, d'autre part, du fait que l'employeur, qui assure le contrôle de la charge de travail, ne produit aucun élément de ce contrôle, il y a lieu de considérer que le salarié a accompli des heures supplémentaires n'ayant pas donné lieu à rémunération ou récupération mais dans une proportion moindre que ce qu'il revendique.

Par voie d'infirmation, l'employeur sera en conséquence condamné à payer au salarié la somme de 32 956,63 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 3 295,66 euros bruts de congés payés afférents.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Le salarié expose qu'au cours de la relation de travail, qui a duré trois ans et trois mois, il a effectué 2 481 heures supplémentaires, soit en moyenne 63 heures chaque mois qui ne figuraient pas sur son bulletin de paie, que la société était parfaitement informée de cette situation, qu'elle ne pouvait ignorer les horaires de travail effectués par le salarié, notamment, eu égard à la charge de travail démesurée qu'elle imposait à ce dernier et aux multiples courriels envoyés par l'appelant à sa hiérarchie directe, à toute heure et sur ses jours de repos, pour accomplir convenablement ses missions, que la société a, dès lors, intentionnellement mentionné sur ses bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

L'employeur objecte que Monsieur [Z] devant être débouté de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, sa demande au titre du travail dissimulé n'est pas justifiée. Subsidiairement, si par impossible, la société Sofreco devait être condamnée au paiement d'heures supplémentaires, dès lors qu'elle ignorait qu'il en ait effectuées et en l'absence d'élément intentionnel, Monsieur [Z] devra être débouté de sa demande.

**

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées. Il ne peut davantage se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite (Soc., 28 février 2018, pourvoi n° 16-19.060).

Si la cour a précédemment retenu que le salarié a réalisé des heures supplémentaires, ce rappel d'heures supplémentaires résulte d'un manque de diligence de l'employeur, qui justifie avoir tenu de manière régulière le décompte des jours de travail effectivement accomplis par le salarié, concernant le contrôle des horaires effectivement réalisés par le salarié, cadre expatrié, libre de l'organisation de son travail.

Si la société n'a pas opéré de contrôle suffisant sur les heures de travail effectivement réalisées par le salarié, pour les raisons précédemment exposées le comportement de l'employeur est cependant exclusif de toute dissimulation.

L'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas caractérisé.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur le licenciement

Le salarié expose que les griefs invoqués par l'employeur à l'appui de l'insuffisance professionnelle alléguée ne sont pas fondés, que les dysfonctionnements internes étaient connus de l'employeur, qui a en réalité programmé son licenciement, motivé par la fin du marché pour lequel il avait été recruté, son expertise n'y étant plus nécessaire.

L'employeur objecte que les multiples insuffisances du salarié sont établies, que la société a dû envoyer des experts pour faire son travail à sa place, que le salarié a retrouvé un emploi trois jours après son licenciement, et n'a subi en tout état de cause aucun préjudice financier.

**

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l'employeur d'apporter au juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et durable, d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation.

En l'espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié des insuffisances dans le suivi et le contrôle de la qualité des livrables d'experts dans le cadre de ses fonctions de chef de mission sur le contrat Ma'Aden, le fait de ne pas avoir réussi à mener à son terme la préparation et la finalisation du dossier d'appels d'offres du client pour l'exploitation de la mine, et un manque d'autonomie et des propositions laborieuses dans le cadre de ses missions au siège social de Sofreco.

Ces faits sont qualifiés par l'employeur d'insuffisance professionnelle, cette qualification n'étant pas critiquée par le salarié, qui soutient que les faits invoqués par l'employeur ne sont pas fondés, ce qu'il convient donc d'examiner, au vu des pièces produites par les parties et en premier lieu par l'employeur.

Il n'est pas contesté que le salarié a été engagé le 6 novembre 2014 en qualité de directeur de projets, pour travailler dans un premier temps sur le projet Waad Al Shammal en Arabie Saoudite, et plus précisément en qualité de chef d'équipe, expert minier dans le cadre du contrat « G 1778 [V] Mining PC » signé le 19 mai 2014 entre Sofreco et Ma'aden.

La cour relève que pour établir le caractère réel et sérieux du licenciement, la société produit pour l'essentiel des pièces (contrats, courriels, comptes-rendus) rédigées en anglais, sans aucune traduction, ne permettant pas à la cour d'une part, d'en apprécier la teneur et la portée, et d'autre part, d'identifier les missions qui étaient confiées au salarié et qu'il n'aurait pas assurées.

Les seules pièces en langue française et donc à ce titre exploitables par la cour, sont constituées de deux attestations de supérieurs de M. [Z] au sein de la société Sofreco, et de quelques courriels suivants :

Ainsi, l'employeur produit une longue attestation de M. [R], directeur technique de Sofreco, indiquant que le 18 mai 2015 le directeur d'exploitation de la société Ma'aden lui a fait part de son insatisfaction quant à la qualité des rapports et livrables soumis par M. [Z], et quant à son encadrement et management des équipes placées sous son autorité, son mode de communication, cet interlocuteur lui disant « j'avais besoin de quelqu'un qui m'aide... et je suis obligé de corriger ses rapports ». M. [R] précise que le 18 février 2017 il a rencontré de nouveau ce même directeur d'exploitation qui a renouvelé ses remarques et lui a indiqué que la prestation de Sofreco a été validée grâce aux multiples interventions de Mme [T], directrice du département des mines de Sofreco, qui ont suppléé les insuffisances de M. [Z]. Il conclut en indiquant que c'est à la suite des réunions de bilans / points d'avancement qu'il a conduit de septembre à décembre 2017 que le salarié a demandé le 19 décembre 2017 que Sofreco lui fasse des propositions pour un départ négocié.

Il produit également une attestation de treize pages, très précise et explicite de Mme [T] (pièce 20E), directrice du département des mines de Sofreco, indiquant qu'à la fin de sa mission, le salarié n'avait préparé qu'une petite partie de ses livrables, mais pas de planning de mise en 'uvre, ni la formation HSE (hygiène, sécurité, environnement) pour les nouveaux arrivants, les procédures préparées ne correspondant pas aux besoins de la société, que le salarié n'a pas procédé d'action pour corriger les livrables, que Sofreco a engagé un autre expert HSE qui a travaillé sous la supervision du siège et dont les livrables ont été acceptés et utilisés par la suite par le client. Elle écrit que le salarié n'a pas fait correctement la supervision et la coordination de la mission, que le premier signe que le salarié n'était pas à la hauteur de la tâche a été la préparation du dossier d'appel d'offres pour la sous-traitance minière, pour lequel le salarié n'a pas finalisé la déclaration d'appel d'offres (DAO) avant son départ en congés, de sorte qu'elle a dû la finaliser à sa place le 9 juillet 2015, et l'envoyer aux soumissionnaires le 25 juillet 2015, soit avec 5 mois de retard par rapport au délai fixé par le salarié lui-même.

Elle indique que le salarié a commencé le travail sur le PCW en juin 2015 et a décidé de ne pas tenir compte des versions précédentes, que les documents qu'il a préparés ne correspondaient pas aux besoins, et que le siège a donc demandé à M. [M] d'élaborer le protocole qui a ensuite fait l'objet d'ajustements par le client et M. [Z]. Elle explique que le directeur de la mine lui a téléphoné en mars 2017 et lui a dit que le rapport PCW était le pire rapport que Sofreco ait soumis à Ma'aden depuis 2009, à la suite de quoi elle relate que les relations avec le client se sont dégradées, ce dernier s'étant plaint du comportement insultant du salarié à l'égard du personnel de la mine.

Elle atteste également que l'appel d'offres Feraal (Algérie) n'a pas été remporté par la société Sofreco, en raison des insuffisances de préparation par le salarié. Elle liste dans son attestation une série de pièces dont la cour constate qu'elles ne sont pas produites par l'employeur, qui ne produit aucun échange de Mme [T] et M. [R] de nature à corroborer leur témoignage respectif, ni aucun courriel du client se plaignant des insuffisances du salarié.

L'employeur ne produit qu'une simple copie d'écran du PCW indiquant que le dernier enregistrement a été effectué le 20 juillet 2015 par M. [M], ce qui n'établit pas l'absence d'implication de M. [Z] dans la réalisation de ce document.

Il produit également les seuls courriels en français suivants  :

- un courriel du 3 décembre 2014 du salarié à Mme [T] dans lequel il écrit, sans autre précision du sujet concerné, « je maîtrise plutôt mal le sujet »

- un courriel du 16 mars 2016 de Mme [T] à M. [Z] lui demandant d'apporter les corrections / ajouter les lignes où nécessaire, sans explicitations de l'importance ou des enjeux de cette demande,

- un courriel du 7 février 2018 du salarié à Mme [T], lui adressant « ci-joint ma version dernière et définitive » qui lui a indiqué la veille souhaiter envoyer la note le lendemain afin de clore le sujet.

- un courriel du 8 février 2018 de Mme [T] au salarié lui indiquant « je suis surprise de ton refus de signer les réserves d'[V] en 2017 à cause de la dilution dans le modèle des ressources. (') peux tu m'expliquer davantage ton raisonnement ' »,

Enfin, l'employeur produit en pièce 49E un document intitulé CR mission KSA 12-19 mai 2015 « G 1778 PMC Mines (') pb des délivrables et retard et ¿ délivrables... (') », qui n'est pas explicite quant aux raisons de ce problème, notamment vis-à-vis du salarié.

Il résulte de ces constatations que les faits reprochés au salarié et tirés de son insuffisance professionnelle ne sont pas établis.

Par des motifs pertinents que pour le reste la cour adopte, les premiers juges ont en conséquence retenu que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il expose que suite à son licenciement, il n'a pas immédiatement retrouvé un contrat de travail à durée indéterminée (CDI), qu'en raison de son âge (licencié à l'âge de 53 ans, il est aujourd'hui âgé de 59 ans) et de son métier (très hautement spécialisé), ses chances de retrouver un CDI, en France, a fortiori à temps plein et lui garantissant un revenu comparable à celui qu'il percevait au sein de la société Sofreco, sont quasiment nulles, que s'il a pu bénéficier de 2 courtes périodes d'activité salariée entre mai 2018 et mars 2019 (en Australie et en Alsace), il s'est ensuite de nouveau retrouvé au chômage et indemnisé par Pôle Emploi, contrairement à ce qu'a pu retenir à tort le Conseil de prud'hommes, que face aux difficultés pour retrouver un emploi salarié (cela impliquant quasiment nécessairement un déménagement à l'étranger et donc un impact sur sa vie personnelle et familiale), le salarié a été contraint de passer sous le régime de l'auto-entreprenariat, sans bénéficier d'aucune aide, qu'il n'a finalement retrouvé un CDI que depuis le mois de novembre 2022, soit après 5 années continues d'une recherche d'emploi assidue, pour un salaire qui  reste inférieur à celui qu'il percevait chez Sofreco.

Le salarié demande à la cour de juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable, et invoque un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 7 novembre 2023 (RG 21/3362) statuant en ce sens.

L'employeur objecte que la Cour de cassation a réaffirmé sa position quant à l'application de l'article L.1235-3 du code du travail, notamment dans un arrêt du 11 octobre 2023, dont ne fait pas mention M. [Z] dans ses dernières écritures, que le salarié ne saurait prétendre à une somme supérieure à 23 972,76 euros (3 x 7 990,92) parce que le barème Macron est licite et qu'il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice supérieur au minimum prévu par ce barème.

**

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

En l'espèce le salarié a acquis une ancienneté de 3 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement plus de onze salariés. Le montant maximal de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 4 mois de salaire. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, publié), les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-15.247, publié).

La cour ajoutera simplement ici que la formation plénière de la chambre sociale, dans son arrêt n°21-14.490 précité, n'a pas suivi l'avis de l'avocate générale qui, pour proposer à la Cour de rejeter le pourvoi, exposait que « l'application du barème aux salariés ayant une ancienneté inférieure ou égale à cinq ans et des chefs de préjudice spécifiques pourrait s'analyser comme une discrimination indirecte au sens de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. », ajoutant que « Dans le cas d'espèce d'une salariée âgée de plus de 50 ans, ayant une ancienneté de trois années et qui n'a pas retrouvé d'emploi après quatre ans, il est manifeste que le préjudice est plus important que pour un salarié âgé d'une trentaine d'années. A cet égard, il faut noter que 55% des chômeurs de 50 ans et plus le restent pendant plus d'un an, tandis que cette situation ne concerne que 20,6 % des 15-24 ans et 35,9 % des 25-49 ans » (cf avis de l'avocate générale sous le pourvoi n°21-14.490 publié sur le site internet de la Cour de cassation).

Mais, ce moyen, tiré de l'existence d'un caractère discriminatoire de la disposition légale critiquée, a été écarté par la jurisprudence précitée, rendue dans une formation solennelle de la Cour de cassation, au terme d'un arrêt revêtu de la plus haute publication, qui, s'impose à la présente cour. De nombreux arrêts de la chambre sociale rendus en formation restreinte (notamment Soc., 1er février 2023, pourvoi nº 21-21.011 ; Soc., 11 octobre 2023, pourvoi n°21-24.857) ont, depuis, été rendus en application de la doctrine de la Cour de cassation énoncée dans les arrêts publiés précités, et qu'il appartient à la présente cour de respecter, conformément à son office et au principe de sécurité juridique qui constitue une garantie fondamentale pour le justiciable.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (7 990,92 euros bruts, non critiqué par l'employeur), de son âge (53 ans), de son ancienneté (3 années complètes), de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, dont il ressort :

- qu'il a été admis au bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi le 28 mai 2018, pour 913 jours à 136,54 euros/jour, jusqu'au 24 juin 2018, puis à nouveau à compter du 8 mars 2019 jusqu'au 30 septembre 2019, puis du 1er janvier 2020 au 30 juin 2020, puis du 1er août 2020 au 31 juillet 2021,

- qu'il justifie une perte de revenus de 22 666 euros entre les revenus déclarés en 2017 et ceux déclarés en 2018, puis à nouveau une perte d'environ 20 000 euros entre 2018 et 2019, puis 2019 et 2020, son revenu fiscal de référence passant de 102 061 euros pour 2019 à 85 997 pour 2020, puis 93 212 pour 2021, puis 80 447 pour 2022,

- qu'il a effectué de nombreuses démarches pour retrouver un emploi, son relevé de carrière indiquant un nouvel au sein de la société Rio Tinto en novembre 2022, moyennant une rémunération brute globale annuelle de 90 000 euros,

il y a lieu de confirmer la condamnation de l'employeur à payer au salarié la somme de 31 963,68 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi au sein de la société Sofreco.

Sur l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, et dont les dispositions d'ordre public sont dans le débat, par voie d'infirmation, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage.

En effet, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le salarié établit avoir bénéficié d'indemnités de chômage suite à son licenciement.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et, par voie de confirmation, les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont à la charge de la société Ginger Sofreco, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

En revanche, la présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l'exécution forcée, lesquels sont régis par l'article L. 111-8 au code des procédures civiles d'exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l'exécution.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il déboute M. [Z] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, et en ce qu'il dit ne pas y avoir lieu à remboursement d'indemnité chômage auprès des organismes concernés,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,

CONDAMNE la société Ginger Sofreco à payer à M. [Z] la somme de 32 956,63 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 3 295,66 euros bruts de congés payés afférents,

ORDONNE d'office le remboursement par la société Ginger Sofreco aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [Z] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,

DIT qu'il n'appartient pas à la présente juridiction de statuer sur la demande relative aux frais d'exécution,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Ginger Sofreco à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Ginger Sofreco aux dépens d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-4
Numéro d'arrêt : 21/02375
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.02375 ?
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