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18/02/1969 | FRANCE | N°67-13482

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 février 1969, 67-13482


Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 1967), que la société du Cabaret des Noctambules et la société Le Cujas qui exploitent à Paris, des salles de cinéma sises respectivement ... et ..., ainsi que la Fédération nationale des cinémas Français, ont fait assigner devant le Tribunal de commerce, en concurrence déloyale, les demoiselles Y..., copropriétaires d'un débit de boissons dit La Chope de la Contrescarpe situé ... ; que les trois demanderesses reprochaient aux demoiselles Y..., qui avaient installé un appar

eil récepteur de télévision dans leur établissement, d'avoir dans la soi...

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 1967), que la société du Cabaret des Noctambules et la société Le Cujas qui exploitent à Paris, des salles de cinéma sises respectivement ... et ..., ainsi que la Fédération nationale des cinémas Français, ont fait assigner devant le Tribunal de commerce, en concurrence déloyale, les demoiselles Y..., copropriétaires d'un débit de boissons dit La Chope de la Contrescarpe situé ... ; que les trois demanderesses reprochaient aux demoiselles Y..., qui avaient installé un appareil récepteur de télévision dans leur établissement, d'avoir dans la soirée du 6 janvier 1963 fourni à leurs clients le spectacle du même film qui avait été projeté dans leurs salles situées à quelques centaines de mètres, pendant la période du 26 décembre 1962 au 1er janvier 1963, au Cabaret des Noctambules et la semaine suivante au cinéma Le Cujas ; que les deux sociétés et la Fédération précitées demandaient, outre l'allocation de dommages-intérêts pour concurrence "illicite et en tout cas déloyale", qu'il fût interdit aux demoiselles Y... de projeter à l'avenir dans leur établissement, à la vue du public, et par voie de la télévision, tout film ne résultant pas de l'activité propre de l'ORTF ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif déféré d'avoir débouté les deux sociétés et la Fédération de leur demande, aux motifs notamment que les exploitantes du café faisant fonctionner dans leur débit de boissons un poste de télévision qui diffusait un film n'exerçaient pas une activité d'entrepreneur de spectacles, n'usaient pas de procédés irréguliers, ne contrevenaient pas aux lois, et, par suite, ne faisaient pas déloyalement concurrence aux salles de spectacles, alors que selon le pourvoi, la concurrence déloyale existe indépendamment de toute activité irrégulière ou contraire aux lois et de toute intention de nuire et qu'il appartenait dès lors aux juges du fond de rechercher si, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, les propriétaires du débit de boissons n'avaient pas, abstraction faite de toute irrégularité ou de toute intention de nuire, commis un abus de droit, et, par suite, un acte de concurrence fautive, en permettant au public d'assister gratuitement à la projection d'un film qui, au même moment était à l'affiche de deux cinémas voisins ;

Mais attendu qu'outre les motifs susvisés retenus à juste titre par l'arrêt pour écarter le grief de concurrence déloyale la Cour d'appel déclare que les demoiselles Y... n'avaient pas d'organisation "préétablie" d'entrepreneur de spectacles, que l'objet de leur commerce était de vendre des boissons, la diffusion des programmes de télévision constituant pour leurs clients un agrément accessoire ; que l'arrêt ajoute que les demoiselles Y... avaient acquitté une redevance qui leur permettait la projection publique de ces programmes ;

Attendu que ces motifs et les circonstances de fait retenues par la Cour d'appel excluent non seulement un détournement de clientèle réalisé volontairement à l'aide de manoeuvres ou un abus de droit, mais aussi de simples imprudences ou négligences susceptibles d'être considérée comme fautives dans les rapports entre commerçants par application des dispositions de l'article 1383 du Code civil ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF DEFERE D'AVOIR DEBOUTE LES DEUX SOCIETES ET LA FEDERATION DE LEUR DEMANDE, AUX MOTIFS NOTAMMENT QUE LES EXPLOITANTES DU CAFE FAISANT FONCTIONNER DANS LEUR DEBIT DE BOISSONS UN POSTE DE TELEVISION QUI DIFFUSAIT UN FILM N'EXERCAIENT PAS UNE ACTIVITE D'ENTREPRENEUR DE SPECTACLES, N'USAIENT PAS DE PROCEDES IRREGULIERS, NE CONTREVENAIENT PAS AUX LOIS, ET, PAR SUITE, NE FAISAIENT PAS DELOYALEMENT CONCURRENCE AUX SALLES DE SPECTACLES, ALORS QUE SELON LE POURVOI, LA CONCURRENCE DELOYALE EXISTE INDEPENDAMMENT DE TOUTE ACTIVITE IRREGULIERE OU CONTRAIRE AUX LOIS ET DE TOUTE INTENTION DE NUIRE ET QU'IL APPARTENAIT DES LORS AUX JUGES DU FOND DE RECHERCHER SI, COMPTE TENU DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES DE L'ESPECE, LES PROPRIETAIRES DU DEBIT DE BOISSONS N'AVAIENT PAS, ABSTRACTION FAITE DE TOUTE IRREGULARITE OU DE TOUTE INTENTION DE NUIRE, COMMIS UN ABUS DE DROIT, ET, PAR SUITE, UN ACTE DE CONCURRENCE FAUTIVE, EN PERMETTANT AU PUBLIC D'ASSISTER GRATUITEMENT A LA PROJECTION D'UN FILM QUI, AU MEME MOMENT ETAIT A L'AFFICHE DE DEUX CINEMAS VOISINS ;

MAIS ATTENDU QU'OUTRE LES MOTIFS SUSVISES RETENUS A JUSTE TITRE PAR L'ARRET POUR ECARTER LE GRIEF DE CONCURRENCE DELOYALE LA COUR D'APPEL DECLARE QUE LES DEMOISELLES GILIBERTI N'AVAIENT PAR D'ORGANISATION "PREETABLIE" D'ENTREPRENEUR DE SPECTACLES, QUE L'OBJET DE LEUR COMMERCE ETAIT DE VENDRE DES BOISSONS, LA DIFFUSION DES PROGRAMMES DE TELEVISION CONSTITUANT POUR LEURS CLIENTS UN AGREMENT ACCESSOIRE ;

QUE L'ARRET AJOUTE QUE LES DEMOISELLES Y... AVAIENT ACQUITTE UNE REDEVANCE QUI LEUR PERMETTAIT LA PROJECTION PUBLIQUE DE CES PROGRAMMES ;

ATTENDU QUE CES MOTIFS ET LES CIRCONSTANCES DE FAIT RETENUES PAR LA COUR D'APPEL EXCLUENT NON SEULEMENT UN DETOURNEMENT DE CLIENTELE REALISE VOLONTAIREMENT A L'AIDE DE MANOEUVRES OU UN ABUS DE DROIT, MAIS AUSSI DE SIMPLES IMPRUDENCES OU NEGLIGENCES SUSCEPTIBLES D'ETRE CONSIDEREES COMME FAUTIVES DANS LES RAPPORTS ENTRE COMMERCANTS PAR APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1383 DU CODE CIVIL ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE SECOND MOYEN :

ATTENDU QU'IL EST EGALEMENT REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR CONDAMNE LA FEDERATION NATIONALE DES CINEMAS FRANCAIS A VERSER AUX DEMOISELLES Y... LA SOMME DE 3 000 FRANCS A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS AU MOTIF QUE L'ACTION ENGAGEE PAR LA FEDERATION CONTRE LES DEMOISELLES Y... ETAIT SANS FONDEMENT ET VEXATOIRE, PUISQU'UNE AUTRE PROCEDURE ENGAGEE A L'ENCONTRE DE L'ORTF AVAIT POUR BUT DE PARVENIR AUX MEMES FINS, ALORS QUE, SELON LE POURVOI, L'ACTION EN JUSTICE NE DEGENERE EN FAUTE POUVANT DONNER LIEU A DES DOMMAGES-INTERETS QUE SI ELLE CONSTITUE UN ACTE DE MALICE OU DE MAUVAISE FOI, OU UNE ERREUR GROSSIERE EQUIPOLLENTE AU DOL, CE QUI N'A PAS ETE CONSTATE EN L'ESPECE, OU LA FEDERATION ETAIT INTERVENUE POUR DEFENDRE LES INTERETS DE LA PROFESSION, ANTERIEUREMENT A TOUTE ACTION ENGAGEE CONTRE L'ORTF ;

MAIS ATTENDU QUE LE POURVOI NE CONTESTE PAS QUE LA FEDERATION AVAIT, A UNE DATE QUE LE MOYEN NE PRECISE PAS, ENGAGE UNE ACTION CONTRE L'ORTF QUI, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET, TENDAIT AUX MEMES FINS ;

QUE LA COUR D'APPEL, QUI CONSIDERE COMME LEGITIME SOUS L'ANGLE DE LA DEFENSE DES INTERETS PROFESSIONNELS ET SOUS RESERVE DU BIEN-FONDE DES GRIEFS INVOQUES, L'ACTION ENGAGEE CONTRE CET ORGANISME NATIONAL A L'OCCASION DE LA DIFFUSION DE FILMS COMMERCIAUX, A PU ESTIMER QUE LA PROCEDURE ENGAGEE AVEC UNE GRANDE PUBLICITE CONTRE UNE SIMPLE DEBITANTE DE BOISSONS ET "MANIFESTEMENT" SANS FONDEMENT CONSTITUAIT UNE FAUTE OUVRANT DROIT A DOMMAGES-INTERETS ;

QUE DES LORS LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

QUE DES LORS LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;S ; FONDEMENT CONSTITUAITEk PAR CES MOTIFS :

REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 17 MAI 1967 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est également reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération nationale des cinémas français à verser aux demoiselles Y... la somme de 3000 francs à titre de dommages-intérêts au motif de l'action engagée par la Fédération contre les demoiselles Y... était sans fondement et vexatoire, puisqu'une autre procédure engagée à l'encontre de l'ORTF avait pour but de parvenir aux mêmes fins, alors que, selon le pourvoi, l'action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou une erreur grossière équipollente au dol, ce qui n'a pas été constaté en l'espèce, où la Fédération était intervenue pour défendre les intérêts de la profession, antérieurement à toute action engagée contre l'ORTF ;

Mais attendu que le pourvoi ne conteste pas que la Fédération avait, à une date que le moyen ne précise pas, engagé une action contre l'ORTF qui, selon les énonciations de l'arrêt, tendait aux mêmes fins ; que la Cour d'appel, qui considère comme légitime sous l'angle de la défense des intérêts professionnels et sous réserve du bien-fondé des griefs invoqués, l'action engagée contre cet organisme national à l'occasion de la diffusion de films commerciaux, a pu estimer que la procédure engagée avec une grande publicité contre une simple débitante de boissons et "manifestement" sans fondement constituait une faute ouvrant droit à dommages-intérêts ;

Que dès lors le moyen n'est pas fondé ;

N° 67-13.482. SOCIETE DU CABARET DES NOCTAMBULES ET AUTRES C/ DEMOISELLES Y... ET X.... PRESIDENT : M. GUILLOT. - RAPPORTEUR : M. LARERE. - AVOCAT GENERAL : M. PORRE, CONSEILLER, FAISANT FONCTIONS. - AVOCAT : M. CALON.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 17 mai 1967 par la Cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 67-13482
Date de la décision : 18/02/1969
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1) CONCURRENCE DELOYALE - Faute - Détournement de clientèle - Cinéma - Film identique diffusé dans un débit de boissons.

Des exploitants de salles de cinéma ne peuvent reprocher à un arrêt de les avoir déboutés de l'action en concurrence déloyale qu'ils avaient exercée contre un débitant de boissons qui, ayant installé un récepteur de télévision, avait fourni à ses clients le spectacle du même film projeté dans leurs salles, voisines du débit, dès lors que cette décision a relevé des circonstances qui excluent non seulement un détournement volontaire de clientèle ou d'un abus de droit, mais aussi de simples imprudences ou négligences.

2) ACTION EN JUSTICE - Exercice abusif - Faute - Constatations suffisantes.

Lorsqu'un film projeté dans un cinéma ayant été en même temps diffusé par l'ORTF et ainsi offert en spectacle aux clients d'un débit de boissons, la Fédération des cinémas a assigné en concurrence déloyale d'une part l'exploitant de ce débit, d'autre part l'ORTF, les juges du fond qui considèrent que cette dernière action tend aux mêmes fins que la première et qu'elle est légitime sous l'angle de la défense des intérêts professionnels sous réserve du bien-fondé des griefs invoqués, peuvent estimer que la procédure engagée avec une grande publicité contre le débitant et manifestement sans fondement constitue une faute ouvrant droit à dommages-intérêts.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel Paris, 17 mai 1967


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 fév. 1969, pourvoi n°67-13482, Bull. civ. des arrêts Cour de Cassation Com. N. 66
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles des arrêts Cour de Cassation Com. N. 66

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Guillot
Avocat général : Av.Gén. M. Porre
Rapporteur ?: Rpr M. Larère
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Calon

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1969:67.13482
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