REJET, ANNULATION PARTIELLE et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Pierre,
- Y... Narcisse,
contre un arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 2 juillet 1987, qui les a condamnés, le premier pour infractions au Code des débits de boissons à une amende de 5 000 francs avec fermeture du débit implanté au " cercle Wilson ", pour infractions fiscales en matière de débit de boissons à diverses amendes et pénalités fiscales ainsi qu'à la confiscation des boissons saisies et les deux susnommés, pour fraude en matière d'impôt sur les spectacles, solidairement à diverses amendes et pénalités fiscales ainsi qu'à la confiscation des recettes éludées.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu le mémoire ampliatif commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1559, 1560-1, 1699, 1791, 1799- A, 1804 B du Code général des impôts, L. 80 A du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... et Narcisse Y... coupables du délit fiscal de fraude à l'impôt sur les spectacles et les a condamnés solidairement à diverses pénalités ;
" aux motifs qu'il est reproché aux prévenus d'avoir dissimulé en 1981-1982 et 1983 une partie des recettes soumises à l'impôt progressif sur les spectacles pour les réintégrer dans les comptes des cercles Wilson et les Pyrénées sous forme de subventions soumises à la TVA (moins élevée) ; qu'il est établi que, pour le jeu du multicolore, alors que la banque doit être mise aux enchères entre les joueurs et adjugée au plus fort enchérisseur qui subit au bénéfice du cercle un prélèvement de 10 % tant sur le montant de la banque adjugée que sur les arrosages successifs (sommes ajoutées par le banquier au fur et à mesure des besoins de la partie), la banque était systématiquement adjugée pour la somme de 250 francs ; qu'ainsi le directeur des jeux réduisait le montant des cagnottes et donc des recettes, l'exploitation des banques étant concédée à un " consortium " qui a versé aux cercles pour les années 1981, 1982, 1984 " les subventions d'équilibre " se montant à 2 410 975 francs ; qu'ainsi la fraude a consisté à minimiser le produit des jeux, à accroître les gains du " consortium des banques " qui ont été en partie restitués sous la forme de subventions ;
" alors que, se prévalant expressément des dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, les prévenus avaient soutenu qu'informée de la convention intervenue entre Pierre X... et le groupe financier-convention par laquelle les banques des jeux étaient concédées à ce groupe en échange de subventions-l'administration fiscale, consultée par les prévenus, avait affirmé, en toute connaissance de l'origine des subventions, que celles-ci devaient être assujetties à la TVA ; qu'en ne recherchant pas si l'administration fiscale n'était pas liée par sa propre doctrine, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle opéré par les agents de l'administration des Impôts dans les cercles de jeux " Wilson " et " Pyrénées ", Pierre X..., responsable de la direction des jeux dans lesdits établissements, et Narcisse Y..., président de l'association exploitant le cercle des " Pyrénées ", ont été poursuivis devant la juridiction correctionnelle pour fraude en matière d'impôt sur les spectacles, infraction prévue par les articles 1559, 1560-1, 147, annexe IV, du Code général des impôts et réprimée par les articles 1791, 1797 et 1804 B du même Code ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de ce chef, la cour d'appel note, d'une part, que l'autorisation de jeux, en l'occurrence accordée par décision ministérielle aux cercles " Wilson " et " Pyrénées ", donne le droit à ces établissements de se constituer une " cagnotte " comprenant le produit brut des jeux, c'est à dire le montant total des droits fixes, prélèvements ou redevances encaissés au profit du cercle à l'occasion des parties engagées, ladite " cagnotte " étant soumise à l'impôt sur les spectacles selon des taux progressifs allant de 13 % jusqu'à 100 000 francs à 68 % au-delà de 1 500 000 francs, et relève, d'autre part, que les cercles peuvent recevoir des subventions pour équilibrer leurs comptes, versements assujettis à la taxe à la valeur ajoutée au taux de 18, 60 % ; qu'elle retient qu'en l'espèce, l'exploitation des banques de certains des jeux pratiqués au sein des cercles " Wilson " et " Pyrénées " a été concédée par X... à un groupe financier appelé " consortium des banques " qui a versé aux cercles pour la période non prescrite des " subventions d'équilibre " pour un montant de 2 410 975 francs, sommes bien supérieures aux produits bruts des jeux, inscrits aux comptes d'exploitation annuels de ces établissements et dont les chiffres ne sont pas contestés ; que, selon la cour d'appel, ces documents comptables, confortés par certaines vérifications que l'arrêt rapporte, établissent l'existence d'une fraude qui a consisté à minimiser le produit des jeux, à accroître les gains du " consortium des banques " qui ont été en partie restitués aux cercles sous la forme de " subventions " soumises à l'imposition de la TVA au taux de 18, 60 %, alors que ces sommes auraient dû être assujetties aux taux progressifs de l'impôt sur les spectacles ; que ces dissimulations importantes ont permis d'éluder le paiement d'une partie dudit impôt ; que la cour d'appel en conclut que X..., directeur des jeux, et Y... qui était étroitement lié à l'exploitation des jeux, tous deux faisant par ailleurs partie du " consortium des banques ", doivent être retenus dans les liens de la prévention ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, exemptes d'insuffisance, et dès lors que les dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales ne concernent que le contentieux administratif de l'impôt, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments matériels constitutifs l'infraction retenue à la charge des demandeurs et a donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1559, 1560-1, 1699, 1791, 1799 A du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Pierre X... et Narcisse Y... à une pénalité proportionnelle de 951 771 francs ;
" aux motifs que, sur les conclusions " très subsidiaires " du conseil des deux prévenus demandant la réformation du montant des condamnations fiscales assises sur une base d'impôts prétendument éludés de 958 771 francs alors que compte tenu de la TVA réglée le chiffre exact serait dans la thèse même de l'Administration de 597 505 francs, l'impôt éludé ne pouvant consister que dans la différence existant entre la taxe sur les spectacles et la TVA indûment payée au Trésor, soit un excédent indûment retenu de 354 266 francs selon le décompte établi par Z..., expert-comptable ; que sur ces observations non présentées devant le Tribunal la distinction doit être faite entre, d'une part, le produit brut des jeux soumis à l'impôt (progressif) sur les spectacles et, d'autre part, les subventions soumises à la TVA sans qu'il y ait possibilité d'amalgame en matière de comptabilité fiscale ; qu'en conséquence le montant de l'impôt éludé sur les spectacles est de 958 771 francs et qu'il appartiendra le cas échéant aux prévenus et aux responsables de l'exploitation du cercle Wilson de faire état auprès de l'administration fiscale du montant trop élevé des subventions déclarées pour obtenir éventuellement une réduction de l'impôt au titre de la TVA, la compensation ne pouvant être admise ;
" alors que l'impôt fraudé, qui sert de base à la pénalité proportionnelle, correspond seulement à la somme dont le fisc a été privé par l'effet de la fraude ; que, pour calculer l'impôt fraudé, le juge doit donc tenir compte des impôts déjà acquittés au titre des recettes imposables ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué qui constate lui-même que les sommes imposables avaient été assujetties à la TVA ne pouvait pas refuser de prendre en compte cet impôt acquitté pour évaluer les sommes fraudées " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué, tels que reproduits au moyen lui-même, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a souverainement apprécié, dans les limites des conclusions de l'Administration, partie poursuivante, et d'après les éléments soumis aux débats contradictoires, le montant des droits fraudés, a, en condamnant les demandeurs, reconnus respectivement coupables de fraude à l'impôt sur les spectacles, solidairement au paiement d'une pénalité proportionnelle de 958 771 francs, fait l'exacte application des dispositions de l'article 1797 du Code général des impôts ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi n° 87-508 du 9 juillet 1987, L. 30, L. 32, L. 42 et L. 43 du Code des débits de boissons, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pierre X... à une peine d'amende de 5 000 francs pour avoir vendu des boissons d'un groupe ne correspondant pas à la catégorie du débit pour laquelle la déclaration avait été faite, exploité deux débits de boissons à consommer sur place de quatrième catégorie et omis de déclarer dans les quinze jours la mutation dans la personne du gérant d'un débit de boissons à consommer sur place, et a ordonné la fermeture du débit de boissons de quatrième catégorie installé dans la salle du multicolore du cercle Wilson ;
" aux motifs qu'a été constatée la présence de boissons alcoolisées dans le bar exploité dans la salle de jeux du multicolore du cercle Wilson ; que le prévenu exploitait par ailleurs une brasserie sous le couvert d'une licence de quatrième catégorie ; que la licence de première catégorie couvrant la vente de boissons non alcoolisées au bar situé dans la salle du multicolore a été mise au nom de A... le 18 octobre 1984 alors qu'il avait remplacé X... le 1er octobre 1984 ;
" alors, d'une part, qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle, qui abroge une incrimination, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés ; que l'article 1er de la loi du 9 juillet 1987 a abrogé l'article L. 29 du Code des débits de boissons qui interdisait d'exploiter plus d'un débit de boissons à consommer sur place des deuxième, troisième et quatrième catégorie ; qu'en conséquence, l'arrêt attaqué, qui a déclaré le prévenu coupable d'exploitation de plusieurs débits de boissons et prononcé une peine unique pour les trois infractions à la réglementation administrative des débits de boissons retenues à son encontre, doit être annulé de ce chef ;
" alors, d'autre part, que la déclaration prescrite en cas de mutation dans la personne du gérant d'un débit de boissons doit être faite par la personne qui doit gérer le débit ; qu'en déclarant Pierre X... coupable de l'infraction visée à l'article L. 32 du Code des débits de boissons, alors que c'est René A... qui lui succédant en qualité de gérant devait souscrire la déclaration, la cour d'appel a violé ce texte " ;
Sur la première branche dudit moyen ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés ;
Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a reconnu X... coupable d'avoir notamment exploité deux débits de boissons à consommer sur place de quatrième catégorie, faits commis courant 1984, infraction prévue par l'article L. 29 du Code des débits de boissons ;
Mais attendu que la loi n° 87-508 du 9 juillet 1987 en son article 1er a abrogé l'article L. 29 précité ; qu'en conséquence, si l'arrêt attaqué n'encourt aucune censure pour avoir prononcé comme il l'a fait, la déclaration de culpabilité du demandeur se trouve désormais privée de tout support légal ;
Que dès lors, conformément au principe sus-énoncé, l'arrêt attaqué doit être annulé en ses dispositions prononçant sur la culpabilité du chef d'infraction à l'article L. 29 du Code des débits de boissons et ce, sans renvoi, rien ne restant à juger sur ce point ;
Sur la seconde branche dudit moyen ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 31 du Code des débits de boissons ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 31 et L. 32 du Code précité que la déclaration prescrite en cas de mutation dans la personne du gérant d'un débit de boissons doit être faite par la personne qui doit gérer le débit ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, pour déclarer X... coupable de défaut de déclaration, dans le délai de 15 jours à l'avance, de la mutation dans la personne du gérant d'un débit de boissons à consommer sur place, infraction à l'article L. 32 précité, la cour d'appel retient qu'il résulte du procès-verbal dressé que la licence de première catégorie couvrant la vente de boissons non alcoolisées au bar situé dans l'une des salles du cercle " Wilson " a été mise au nom de A... le 18 octobre 1984, alors que ce dernier avait remplacé X..., précédent exploitant, le 1er octobre 1984 et qu'ainsi la déclaration n'a pas été effectuée dans le délai légal ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la formalité prescrite par l'article L. 32 du Code des débits de boissons incombe, non à l'ancien gérant, mais à celui qui doit gérer le débit, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés ;
Que la cassation est également encourue de ce chef, et ce sans renvoi, rien ne restant à juger à l'égard du demandeur sur ce point ;
Et attendu que la peine d'amende et la peine complémentaire obligatoire de fermeture du débit de boissons prononcées par l'arrêt attaqué se trouvent justifiées du chef d'ouverture d'un débit de boissons à consommer sur place de quatrième catégorie sans licence correspondante dont X... a été reconnu coupable, infraction non remise en cause par les moyens ;
Par ces motifs :
1° REJETTE le pourvoi de Y... ;
2° ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse en date du 2 juillet 1987, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de X... pour infraction à l'article L. 29 du Code des débits de boissons ;
3° CASSE ET ANNULE le même arrêt en ses seules dispositions relatives à l'infraction à l'article L. 32 du même Code dont X... a été reconnu coupable ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger de ces chefs ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.