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24/03/1992 | FRANCE | N°91-81423

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mars 1992, 91-81423


CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Bernadette,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 31 janvier 1991, qui, pour émission de radiodiffusion en violation d'une décision de suspension, l'a condamnée à 5 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 42 et 78 de la loi du 30 septembre 1986, 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale

s, 384, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'...

CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Bernadette,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 31 janvier 1991, qui, pour émission de radiodiffusion en violation d'une décision de suspension, l'a condamnée à 5 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 42 et 78 de la loi du 30 septembre 1986, 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 384, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt condamne Bernadette X..., dirigeant d'un service de communication audiovisuelle, à une amende de 5 000 francs pour avoir émis, ou fait émettre, en violation d'une décision de suspension prise le 6 novembre 1987 par la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) ;
" aux motifs que par décision du 6 novembre 1987, la CNCL a suspendu pour une durée de 10 jours, à compter de la publication de cette décision au Journal officiel, l'autorisation d'exploiter un service de radiodiffusion sonore en modulation de fréquence accordée à l'association Radio-Solidarité, en retenant qu'en violation de la décision d'autorisation Radio-Solidarité avait, d'une façon constante et répétée, émis avec une puissance excessive (cf. jugement entrepris, p. 2, 5e alinéa) ; que la décision de suspension ajoutait dans ses motifs, d'une part, qu'à différentes reprises, les services techniques de la CNCL, dès le début du mois de septembre 1987, avaient demandé à Radio-Solidarité de se conformer aux conditions techniques d'émission, et, d'autre part, que le non-respect de ces conditions avait pour effet de brouiller le service public émis depuis Amiens, de réduire ainsi sa zone de service, et d'occasionner des perturbations importantes à plusieurs services de radiodiffusion sonore en modulation de fréquence autorisés sur des fréquences voisines (cf. jugement entrepris, p. 2, 6e alinéa, lequel s'achève p. 3) ; qu' il est effectivement de jurisprudence constante ... que, lorsqu'un acte administratif, même individuel, est assorti d'une sanction pénale, et qu'il est demandé à la juridiction de l'ordre judiciaire saisie de la prononcer, les juges ont le devoir, non sans doute d'apprécier l'opportunité de cet acte, mais de s'assurer de sa conformité à la loi, tant en la forme qu'au fond (cf. arrêt attaqué, p. 5, 1er alinéa) ; qu' il est tout à fait exact que les autres reproches faits (par la décision du 6 novembre 1987) à Radio-Solidarité de gêner les émissions d'un émetteur public et d'autres radios n'ont pas été, du moins officiellement, notifiés à Bernadette X... avant la décision de suspension (cf. arrêt attaqué, p. 7, 2e alinéa) ; que, sur ce point, s'il n'y a pas, à proprement parler, atteinte aux droits de la défense de nature à entraîner la nullité de la poursuite, du moins faut-il considérer qu'un des éléments constitutifs de la circonstance aggravante retenue (le brouillage d'un service public) n'est pas établi en l'espèce, savoir la connaissance exacte par l'infracteur au temps des émissions litigieuses des conséquences dommageables qui pouvaient lui être imputées ; (qu')ainsi, le fait que Bernadette X... n'ait pas été avisée, au temps des émissions qui lui sont reprochées, de leur impact sur celles du service public, ne vicie que la retenue de la circonstance aggravante, Bernadette X... ayant, sans se soucier des incidences, passé outre aux limitations et contraintes imposées par la décision de la Commission nationale de la communication et des libertés du 6 août 1987 en émettant dans des conditions de surpuissance et de non-respect des contraintes fixées par la Commission nationale de la communication et des libertés, prouvées, conformément aux exigences légales, par les procès-verbaux, parfaitement réguliers et circonstanciés des agents assermentés de TDF, critiqués à tort par la défense (cf. arrêt attaqué, p. 7, 3e alinéa) ;
" 1°) alors que l'acte administratif qui a été pris sur une procédure irrégulière, et, spécialement, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, est nul dans son entier ; qu'en refusant de constater la nullité de la décision que la CNCL a prise le 6 novembre 1987, quand elle constate que cette décision vise des circonstances sur lesquelles Bernadette X... n'a pas été mise à même de s'expliquer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que les juges correctionnels ne peuvent ajouter aucun fait à la prévention dont ils sont saisis ; que la prévention dont était saisie la cour d'appel reproche à Bernadette X... d'avoir émis, ou fait émettre, en violation d'une décision de suspension ; qu'elle ne pouvait, dès lors, retenir contre elle le fait d'avoir émis, ou fait émettre, en violation des dispositions de l'autorisation d'émission, laquelle, du reste, n'était plus en vigueur au moment où l'infraction aurait été commise ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que Bernadette X... a été poursuivie devant la juridiction répressive pour avoir, étant dirigeant d'un service de communication audiovisuelle, émis ou fait émettre en violation d'une décision de suspension prise le 6 novembre 1987 par la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) et ce avec la circonstance que l'émission irrégulière a perturbé les émissions ou liaisons hertziennes d'un service public ;
Attendu que la prévenue ayant soutenu devant les juges du fond l'illégalité de la décision de suspension précitée, la cour d'appel a considéré qu'il n'y avait pas lieu de retenir la circonstance de perturbation d'un service public, ce grief, relevé dans la décision de suspension, n'ayant pas été articulé dans la mise en demeure préalable adressée à l'intéressée en application de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 en sa rédaction alors applicable ; qu'en revanche, les juges du second degré ont décidé qu'en ce qui concerne le grief essentiel d'avoir émis avec une puissance supérieure à celle qui lui avait été accordée par l'autorisation du 6 août 1987, la décision de suspension, précédée de la mise en demeure demeurée sans effet, n'était entachée d'aucune illégalité sur ce point et ont déclaré Bernadette X... coupable d'émission de radiodiffusion en violation de la décision de suspension précitée ;
Attendu qu'en cet état, la demanderesse critique vainement l'arrêt attaqué pour avoir refusé de constater l'illégalité prétendue de ladite décision de suspension ; qu'il n'importe que celle-ci se réfère à la perturbation du service public, cette circonstance qui, suivant l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986, entraîne, le cas échéant, l'aggravation des peines prononcées par les juges, n'étant pas le support nécessaire de la suspension, justifiée par la seule augmentation irrégulière de la puissance autorisée ;
Attendu, par ailleurs, que, contrairement à ce qui est allégué, les juges, qui ont condamné la prévenue pour violation de la décision de suspension, n'ont nullement ajouté à la prévention en mentionnant, pour répondre à l'exception d'illégalité soulevée, que cette décision était justifiée par une émission excédant la puissance autorisée par la CNCL ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, des articles 42 et 78 de la loi du 30 septembre 1986, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué déclare recevable la constitution de partie civile du Conseil supérieur de l'audiovisuel dans des poursuites diligentées contre le dirigeant d'un service de communication audiovisuelle, pour émission en violation d'une décision de suspension ;
" 1°) alors que le principe des droits de la défense, qui constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, fait obstacle à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel puisse à l'égard d'une même personne, et s'agissant des mêmes faits, concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu'elle tient de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 et la faculté d'intervenir et d'exercer les droits de la partie civile ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que l'action civile n'est recevable que pour les chefs de dommage qui découlent des faits, objet de la poursuite ; que les faits donnant lieu à la poursuite pour émission en violation d'une décision de suspension ne causent pas, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, un dommage qui en découle directement ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile du Conseil supérieur de l'audiovisuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 2 et 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, sauf dérogation prévue par la loi, l'action civile n'appartient qu'à celui qui a personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu que les juges ne peuvent faire bénéficier des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale que la seule partie civile ;
Attendu que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, agissant aux droits de la CNCL, est intervenu dans la procédure sans invoquer un dommage personnel quelconque ; que celui-ci ne saurait être constitué par le seul préjudice social résultant de la violation de la réglementation que cette autorité a la mission, au nom de l'Etat, de faire respecter et dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique ;
Qu'ainsi, c'est en méconnaissance des principes ci-dessus rappelés que la cour d'appel a reçu le Conseil supérieur de l'audiovisuel en qualité de partie civile et a condamné la prévenue à lui payer une somme en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives à la condamnation de Bernadette X... à des réparations civiles, et ce par voie de retranchement et sans renvoi, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 31 janvier 1991.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-81423
Date de la décision : 24/03/1992
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° RADIODIFFUSION-TELEVISION - Loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication - Emission irrégulière (article 78) - Suspension de l'autorisation d'exploiter - Exception d'illégalité - Mise en demeure (article 42) - Portée.

1° Dès lors que la mise en demeure, prévue par l'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, au dirigeant d'un service de communication audiovisuelle, de satisfaire aux conditions imposées par l'autorisation d'exploiter lui a été régulièrement notifiée, la décision du Comité supérieur de l'audiovisuel est justifiée par le non-respect desdites conditions ; la circonstance que la décision de suspension ne retienne pas expressément la perturbation apportée au service public, qui n'est qu'une circonstance aggravante, ne saurait en entraîner l'illégalité

2° ACTION CIVILE - Recevabilité - Conseil supérieur de l'audiovisuel - Dommage distinct du préjudice social (non).

2° RADIODIFFUSION-TELEVISION - Conseil supérieur de l'audiovisuel - Action civile - Recevabilité - Dommage distinct du préjudice social (non).

2° Le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui n'établit pas l'existence d'un dommage distinct du préjudice social résultant de la violation de la réglementation dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique, est sans qualité à se constituer partie civile (1).


Références :

Code de procédure pénale 2
Loi 86-1067 du 30 septembre 1986 art. 42, art. 78

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 janvier 1991

CONFER : (2°). (1) Cf. A comparer : Chambre criminelle, 1989-12-05 , Bulletin criminel 1989, n° 463, p. 1130 (irrecevabilité et rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mar. 1992, pourvoi n°91-81423, Bull. crim. criminel 1992 N° 126 p. 332
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 126 p. 332

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Amiel
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocat :M. Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.81423
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