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21/03/1995 | FRANCE | N°92-20477

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 1995, 92-20477


Statuant tant sur le pourvoi incident de la société d'Equipements mécaniques et hydrauliques que sur le pourvoi principal du Lloyd's Register of Shipping :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 1992) que, par convention du 21 février 1974, la Compagnie française d'entreprise métallique (la CFEM) et la société d'Equipements mécaniques et hydrauliques (l'EMH) ont été chargées de concevoir, de construire et d'installer, pour le compte de la société de droit anglais Mobil North Sea Ltd (la société Mobil), une colonne de chargement du p

étrole brut extrait d'une plate-forme d'exploitation située dans la zone ...

Statuant tant sur le pourvoi incident de la société d'Equipements mécaniques et hydrauliques que sur le pourvoi principal du Lloyd's Register of Shipping :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 1992) que, par convention du 21 février 1974, la Compagnie française d'entreprise métallique (la CFEM) et la société d'Equipements mécaniques et hydrauliques (l'EMH) ont été chargées de concevoir, de construire et d'installer, pour le compte de la société de droit anglais Mobil North Sea Ltd (la société Mobil), une colonne de chargement du pétrole brut extrait d'une plate-forme d'exploitation située dans la zone britannique de la Mer du Nord ; que, par contrat du 11 juin 1974, la CFEM a chargé du contrôle des différentes phases de la construction le Lloyd's Register of Shipping (le LRS), habilité par le Gouvernement britannique à émettre des certificats de conformité aux prescriptions administratives concernant les installations de pleine mer ; qu'ainsi, à la demande de la société Mobil, le LRS a délivré, le 2 juillet 1976, un certificat de conformité concernant la colonne de chargement précitée ; que celle-ci ayant chaviré le 30 janvier 1985, la société Mobil, ses assureurs ainsi que diverses autres sociétés intéressées à l'exploitation du champ pétrolifère (le consortium) ont assigné la CFEM, l'EMH, plusieurs sous-traitants et le LRS devant le tribunal de commerce de Paris en réparation de leur préjudice ; que cette juridiction ayant accueilli l'exception d'incompétence soulevée par le LRS, le consortium a formé contredit ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que le LRS reproche à l'arrêt d'avoir déclaré le contredit bien-fondé et le tribunal de commerce de Paris territorialement compétent pour connaître des demandes formées à son encontre, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la notion de succursale d'agence, ou de tout autre établissement, visée par l'article 5-5 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, disposition applicable à la cause, implique un centre d'opérations qui se manifeste de façon durable vers l'extérieur comme le prolongement d'une maison mère, pourvu d'une direction et matériellement équipé de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers, de telle façon que ceux-ci, tout en sachant qu'un lien de droit éventuel s'établira avec la maison mère dont le siège est à l'étranger, sont dispensés de s'adresser directement à celle-ci, et peuvent conclure des affaires avec le centre d'opérations qui en constitue le prolongement ; que les constatations de la cour d'appel, qui a totalement omis de se demander si le bureau parisien du LRS constitue une succursale au sens de la disposition en cause, et a procédé par voie de simple affirmation, ne font nullement apparaître l'existence d'une succursale ; que l'arrêt est entaché d'un manque de base légale au regard de l'article 5-5 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; alors, d'autre part, que, si la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 n'était pas applicable à la cause, l'arrêt serait entaché, pour les mêmes raisons, d'un manque de base légale au regard de la règle désignée en droit français sous le terme de théorie des gares principales ; alors, de surcroît, que, dans l'hypothèse dans laquelle est exercée une action en responsabilité quasi délictuelle, la compétence du juge saisi ne peut être fondée sur l'article 5-5 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 que si la responsabilité recherchée trouve son origine dans les activités que la succursale, l'agence ou l'établissement ont assumées au lieu où ils sont établis pour le compte de la maison mère ; que, pour refuser de fonder la compétence du tribunal de commerce de Paris sur l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel a constaté que les vérifications du LRS avaient été effectuées à Dunkerque, et que le préjudice avait pris naissance dans les eaux territoriales anglaises de la Mer du Nord ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel n'a pu en tout état de cause, faire droit au contredit et déclarer le tribunal de commerce de Paris compétent, sans violer l'article 5-3 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; et alors, enfin, que si la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 n'était pas applicable à la cause, l'arrêt aurait, pour les mêmes raisons, violé la règle désignée en droit français sous le terme de théorie des gares principales ; ;

Mais attendu, en premier lieu, que, par motif non critiqué, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de toute convention internationale applicable au litige, la compétence devait être déterminée par référence aux règles de procédure interne ; que le moyen qui, en ses première et troisième branches, invoque les dispositions de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, est à ce titre inopérant ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que la commande de la certification de la colonne litigieuse avait été passée à la représentation à Paris du LRS moyennant versement à celle-ci des honoraires correspondants, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le bureau parisien du LRS avait le pouvoir de traiter avec des tiers au nom de cet organisme, a pu décider qu'il en constituait une succursale ;

Attendu, en troisième lieu, qu'il n'a été contesté par aucune des parties que le bureau parisien du LRS avait compétence pour représenter cet organisme sur l'ensemble du territoire national ; que la cour d'appel, qui a relevé que les opérations de certification ayant entraîné la mise en cause du LRS avaient été effectuées à Dunkerque, a pu décider que le Tribunal du siège de la représentation était compétent pour connaître de ce litige ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le LRS, constitué sous forme de " charity " en Angleterre, reproche à l'arrêt d'avoir retenu la compétence de la juridiction commerciale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si les entreprises de fournitures de services sont en principe des commerçants, les activités intellectuelles exercées de façon libérale et, en particulier, les activités d'expertise ne peuvent être considérées comme des services ; que la cour d'appel n'a pu attribuer, au LRS, la qualité de commerçant, sans violer l'article 632-6 du Code de commerce, et alors, d'autre part, que le commerce est essentiellement caractérisé par la spéculation ; que la cour d'appel, qui a reconnu que le fait de réaliser des bénéfices sans les distribuer ne suffisait pas à conférer à une association la qualité de commerçant, ne pouvait déclarer le tribunal de commerce compétent sans vérifier si les activités du LRS avaient ou non un caractère spéculatif ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 632 du Code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le LRS exploitait, de manière habituelle, principale et rémunérée, un bureau d'expertises et qu'il avait pour objet statutaire de fournir aux industriels et entreprises de travaux publics " tous services techniques concernant les navires et l'industrie maritime en général et également des services d'inspection et de consultation techniques relatifs à des entreprises terrestres et maritimes ", la cour d'appel a pu décider que cet organisme, bien que n'étant pas une société commerciale, relevait, du fait de ses activités, de la juridiction commerciale ; qu'elle a, par ces seuls motifs, justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que l'EMH reproche à l'arrêt de lui avoir refusé la qualité de demandeur au contredit formé par le consortium, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 80 du nouveau Code de procédure civile n'interdit pas à une partie de former un contredit incident ou provoqué sur le contredit effectué par une autre partie, et alors, d'autre part, que ce texte n'interdit pas à une partie d'intervenir sur le contredit d'une autre partie conformément aux dispositions des articles 325 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le délai imparti par la loi pour inscrire un contredit n'est pas interrompu par le contredit formé par une autre partie ; que la cour d'appel a décidé à juste titre que la notification du contredit du consortium, qui a été faite à l'EMH, ne pouvait avoir pour conséquence, ni de l'autoriser à former lui-même un contredit hors délai ni de lui conférer la qualité de demandeur à un contredit qu'il n'avait pas formé ;

Attendu, d'autre part, que le contredit n'ayant d'effet qu'à l'égard de celui qui le forme, l'intervention sur un contredit est inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-20477
Date de la décision : 21/03/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMPETENCE - Compétence territoriale - Domicile du défendeur - Organisme - Succursale - Définition.

1° Dès lors que la représentation d'un organisme a le pouvoir de traiter avec des tiers au nom de celui-ci, ce qui ressort du fait que les commandes sont passées auprès d'elle et que les honoraires correspondants lui sont versés, elle constitue une succursale de cet organisme.

2° TRIBUNAL DE COMMERCE - Compétence - Compétence matérielle - Organisme - Expertises - Exercice habituel - principal et rémunéré - Objet statutaire - Fourniture de services techniques.

2° Dès lors qu'un organisme exploite, de manière habituelle, principale et rémunérée, un bureau d'expertises et qu'il a pour objet statutaire de fournir aux industriels et aux entreprises de travaux publics " tous services techniques concernant les navires et l'industrie maritime en général et également des services d'inspection et de consultation techniques relatifs à des entreprises terrestres et maritimes ", et bien qu'il ne soit pas une société commerciale, il relève, du fait de ses activités, de la juridiction commerciale.

3° COMPETENCE - Décision sur la compétence - Contredit - Délai - Pluralité de parties - Contredit formé dans le délai par l'une d'elles - Interruption du délai pour l'autre (non).

3° Le délai imparti par la loi pour inscrire un contredit n'est pas interrompu par le contredit formé par une autre partie. Dès lors, la notification à une partie du contredit formé par une autre ne peut avoir pour conséquence ni d'autoriser la première à former elle-même un contredit hors délai ni de lui conférer la qualité de demandeur à un contredit qu'elle n'a pas formé.

4° COMPETENCE - Décision sur la compétence - Contredit - Effets - Pluralité de parties - Contredit formé par une seule d'entre elles - Intervention de l'autre - Irrecevabilité.

4° Le contredit n'ayant d'effet qu'à l'égard de celui qui le forme, l'intervention sur un contredit est inopérante.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 juin 1992

DANS LE MEME SENS : (3°). Chambre civile 2, 1969-06-18, Bulletin 1969, II, n° 215, p. 155 (rejet). A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1983-11-15, Bulletin 1983, I, n° 269 (2), p. 241 (rejet) ; Chambre commerciale, 1988-01-12, Bulletin 1988, IV, n° 13, p. 9 (rejet). A RAPPROCHER : (4°). Chambre civile 1, 1980-10-21, Bulletin 1980, I, n° 261, p. 208 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 mar. 1995, pourvoi n°92-20477, Bull. civ. 1995 IV N° 93 p. 83
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 93 p. 83

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Lacan.
Avocat(s) : Avocats : MM. Le Prado, Delvolvé, Garaud, la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.20477
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