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13/02/1996 | FRANCE | N°94-10077

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 février 1996, 94-10077


Attendu, selon l'arrêt critiqué (Paris, 15 décembre 1993), que, le 22 mai 1990, la société Quillet avait promis de vendre à la société France Antilles un nombre d'actions de la société Editions des dernières nouvelles d'Alsace représentant au plus 61,1 % et au moins 51 % du capital et des droits de vote, la levée de l'option devant intervenir au plus tard le 30 juin 1993 et la date d'effet étant celle de la fin du mois suivant la réception de la lettre recommandée par laquelle elle devait être formalisée ; que, par lettre remise le 30 juin 1993, la société l'Union de Reims,

qui s'était substituée à la société France Antilles, a levé l'opti...

Attendu, selon l'arrêt critiqué (Paris, 15 décembre 1993), que, le 22 mai 1990, la société Quillet avait promis de vendre à la société France Antilles un nombre d'actions de la société Editions des dernières nouvelles d'Alsace représentant au plus 61,1 % et au moins 51 % du capital et des droits de vote, la levée de l'option devant intervenir au plus tard le 30 juin 1993 et la date d'effet étant celle de la fin du mois suivant la réception de la lettre recommandée par laquelle elle devait être formalisée ; que, par lettre remise le 30 juin 1993, la société l'Union de Reims, qui s'était substituée à la société France Antilles, a levé l'option pour 51 % du capital ; que, le 20 juillet 1993, le conseil d'administration de la société Editions des dernières nouvelles d'Alsace a agréé la cession ; que la remise des ordres de mouvements et des pièces complémentaires a eu lieu le 30 juillet 1993 ; que, faisant application de l'article 5-3-6 de son règlement général, le Conseil des bourses de valeurs a estimé que la Société alsacienne des médias, qui s'était elle-même substituée à la société l'Union de Reims, avait acquis un bloc de titres négociés sur le marché hors cote, lui conférant 51 % du capital et des droits de vote de la société Editions des dernières nouvelles d'Alsace et, qu'en conséquence, elle était tenue de déposer un projet d'offre publique d'achat simplifié des actions de cette société, réalisable par garantie de cours ; que la Société alsacienne des médias a formé un recours en annulation de cette décision ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la Société alsacienne des médias reproche à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartient au domaine de la loi de définir les principes et les conditions d'application des procédures boursières contraignantes, et notamment de la procédure de garantie des cours, en ce que ces procédures sont de nature à mettre à la charge des personnes des obligations contraires aux principes fondamentaux du droit des obligations, en particulier l'obligation d'acheter à prix non consenti ; qu'il appartient en conséquence à la loi seule de définir la notion de " sociétés dont les titres sont négociés sur le marché " hors cote ", qui conditionne l'application de la procédure de garantie des cours si bien qu'en jugeant que le Conseil des bourses de valeurs avait pu procéder à cette définition par application de son règlement général, qui est de nature réglementaire, la cour d'appel a méconnu l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958, ensemble le domaine de la délégation consentie par l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988 ; alors, d'autre part, que la définition de la notion de " sociétés dont les titres sont " négociés sur le marché hors cote " ne pouvait s'opérer qu'au regard des principes généraux du droit boursier ; qu'en retenant le critère de pure forme tiré de l'inscription au relevé du marché hors cote à la date de l'opération, alors que l'application de ce critère, qui, en l'état de l'abrogation de l'article 16 de la loi du 23 décembre 1964, n'avait plus aucun support légal, conduisait à faire dépendre l'application de la procédure de garantie des cours ou bien du hasard d'une inscription ponctuelle, ou bien, en cote, de la seule volonté d'actionnaires de provoquer une inscription de complaisance et de pure forme en vue de s'assurer, en l'absence de tout marché véritable, une sortie d'une société pourtant fermée, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988 et de l'article 5-3-6 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs ; alors, en outre, que les procédures boursières contraignantes, et en particulier la procédure de garantie des cours, a pour finalité la protection des épargnants, et non celle des actionnaires des sociétés fermées liés par l'affectio societatis ; qu'en refusant, pour définir la notion de " titres négociés sur le marché hors cote ", de rechercher si la société Dernières nouvelles d'Alsace pouvait être considérée comme faisant appel public à l'épargne, au sens de l'article 72 de la loi du 24 juillet 1966 et des critères dégagés par la Commission des opérations de bourse, ou si les titres en question avaient fait l'objet sur le marché boursier de transactions de fréquence ou d'importance suffisantes pour caractériser un marché réel et non artificiel, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988 et de l'article 5-3-6 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs ; et alors, enfin, qu'une société de presse, dans le cadre de laquelle toute cession, y compris entre actionnaires, doit nécessairement faire l'objet d'un agrément préalable du conseil d'administration, constitue statutairement une société fermée, dont l'indépendance est garantie par des dispositions d'ordre public, et qui à ce titre ne peut faire l'objet d'une procédure de garantie de cours, dont l'application est réservée aux sociétés ouvertes dont les titres sont négociés sur le marché

boursier, si bien que la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988 et de l'article 5-3-6 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs, ensemble les dispositions de la loi du 1er août 1986, particulièrement de l'article 4 de cette loi ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'usant de son pouvoir d'interprétation de l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988, et en justifiant légalement sa décision, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la négociation d'un titre sur le marché hors cote, au sens de ce texte, était un état de fait notoire par la publicité qui lui était donnée conformément au règlement général du Conseil des bourses de valeurs et, qu'en conséquence, un titre pouvait être considéré comme négocié sur le marché considéré, dès lors qu'il figurait au relevé quotidien du hors-cote, inséré dans le Bulletin officiel des cours de la bourse dont la Société des bourses françaises assure la publication ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988 et l'article 5-3-6 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs, pris par application de cette loi, concernaient toutes les sociétés entrant dans leur champ d'application, sans distinction ni exception en fonction de leur régime légal, de leurs statuts, de la structure de leur capital ou de la qualité " d'épargnants " de leurs actionnaires, la cour d'appel a fait une exacte application de ces textes en ne recherchant pas si la société Editions dernières nouvelles d'Alsace pouvait être considérée comme faisant publiquement appel à l'épargne, et en n'excluant pas l'application de la procédure de garantie de cours aux sociétés dont les statuts comportent une clause d'agrément ;

Que le moyen n'est pas fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la Société alsacienne des médias fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans le cadre de la cession de titres négociés en bourse, la convention des parties peut retarder le transfert de la propriété des titres ; qu'ainsi, dès lors qu'il résultait de ses propres constatations que la date d'effet de la promesse de cession de bloc de contrôle avait été fixée par les parties à la fin du mois suivant la réception de la lettre recommandée par laquelle devait être formalisée la levée de l'option, et qu'ainsi l'acquisition du bloc de contrôle n'avait été réalisée par transfert de la propriété des titres que le 31 juillet 1993, la cour d'appel ne pouvait, pour juger des conditions d'application de la procédure de garantie des cours, retenir la date du 30 juin 1993, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134 et 1583 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en jugeant que la condition d'acquisition du bloc de contrôle de la société de presse aurait pu être considérée comme réalisée dès le 30 juin 1993, soit avant l'agrément le 20 juillet 1993 de la cession par le conseil d'administration, la cour d'appel a méconnu les dispositions d'ordre public de l'article 4 de la loi du 1er août 1986 et faussement appliqué l'article 1583 du Code civil ; et alors, enfin, que, comme l'avait confirmé le nouvel article 47 bis de la loi du 3 janvier 1983 dans sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1993, le transfert de la propriété des valeurs mobilières négociables sur le marché hors cote s'opère non à la date de l'accord des volontés sur la chose et le prix, mais à la date de l'inscription en compte des titres, si bien qu'en retenant la date du 30 juin 1993 de la levée de l'option comme date d'acquisition du bloc de contrôle, et non la date d'inscription en compte de la Société alsacienne des médias des titres objet de la promesse de cessions, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et des articles 1 et 2 du décret du 2 mai 1983 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant qu'au sens de la loi du 22 janvier 1988, et du règlement général du Conseil des bourses de valeurs, l'acquisition avait eu lieu le 30 juin 1993, date à laquelle, par application de l'article 1583 du Code civil, la vente du bloc de titres était devenue parfaite en raison de l'acceptation, par la société l'Union de Reims, de la promesse de la société Quillet, rendant irrévocable l'accord synallagmatique des parties, même si, par leur convention, le transfert des actions avait été reporté un mois plus tard, et qu'en outre, dès lors qu'elle avait été satisfaite, la condition de l'agrément du conseil d'administration de la société Editions des dernières nouvelles d'Alsace avait rétroagi à la date d'acceptation de la promesse, la cour d'appel a pu statuer ainsi qu'elle l'a fait ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses écritures que la Société alsacienne des médias ait soutenu devant la cour d'appel la prétention contenue dans la troisième branche du moyen ; qu'en cet élément celui-ci est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Que le moyen irrecevable en sa troisième branche n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-10077
Date de la décision : 13/02/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° BOURSE DE VALEURS - Conseil des bourses de valeurs - Marché hors cote - Titre négocié - Critère - Titre figurant au relevé quotidien du hors-cote.

1° La négociation d'un titre sur le marché hors cote, au sens de l'article 6 bis, de la loi du 22 janvier 1988, est un état de fait notoire par la publicité qui lui est donné conformément au règlement général du Conseil des bourses de valeurs. En conséquence, un titre peut être considéré comme négocié sur le marché hors cote dès lors qu'il figure au relevé quotidien du hors cote inséré dans le Bulletin officiel des cours de la bourse dont la Société des bourses françaises assure la publication.

2° BOURSE DE VALEURS - Conseil des bourses de valeurs - Marché hors cote - Réglementation - Champ d'application - Société - Appel public à l'épargne ou non.

2° BOURSE DE VALEURS - Conseil des bourses de valeurs - Marché hors cote - Réglementation - Champ d'application - Société - Clause d'agrément ou non.

2° Ayant relevé que l'article 6 bis, de la loi du 22 janvier 1988 et l'article 5-3-6 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs, pris par application de cette loi, concernaient toutes les sociétés entrant dans leur champ d'application, sans distinction ni exception en fonction de leur régime légal, leurs statuts, la structure de leur capital ou la qualité de leurs actionnaires, une cour d'appel fait une exacte application de ces textes en ne recherchant pas si une société faisait publiquement appel à l'épargne et en n'excluant pas l'application de la procédure de garantie de cours aux sociétés dont les statuts comportent une clause d'agrément.

3° BOURSE DE VALEURS - Conseil des bourses de valeurs - Marché hors cote - Bloc de titres - Vente - Effets entre les parties - Date de l'acceptation - par l'acquéreur - de la promesse de vente.

3° VALEURS MOBILIERES - Titres nominatifs - Cession - Effets entre les parties - Date de l'acceptation - par l'acquéreur - de la promesse de vente.

3° Une cour d'appel a pu retenir, pour l'application de la garantie de cours, la date à laquelle, par application de l'article 1583 du Code civil, la vente d'un bloc de titres était devenue parfaite en raison de l'acceptation, par l'acquéreur, de la promesse de vente, rendant irrévocable l'accord synallagmatique des parties, même si, par leur convention, le transfert des actions avait été reporté un mois plus tard et dès lors que la condition de l'agrément du conseil d'administration de la société dont les titres étaient ainsi vendus, satisfaite, avait rétroagi à la date d'acceptation de la promesse.


Références :

2° :
Loi 88-70 du 22 janvier 1988 art. 6 bis

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 décembre 1993

A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1993-11-23, Bulletin 1993, IV, n° 431, p. 313 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 fév. 1996, pourvoi n°94-10077, Bull. civ. 1996 IV N° 46 p. 35
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 IV N° 46 p. 35

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dumas.
Avocat(s) : Avocats : MM. Choucroy, Copper-Royer, Le Prado, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Piwnica et Molinié, la SCP de Chaisemartin et Courjon.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.10077
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