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21/01/1997 | FRANCE | N°95-10104

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 janvier 1997, 95-10104


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Cartier, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1994 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), au profit de la société Info telec services (ITS), société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt;

LA COUR,

en l'audience publique du 26 novembre 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, con...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Cartier, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1994 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), au profit de la société Info telec services (ITS), société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt;

LA COUR, en l'audience publique du 26 novembre 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Léonnet, Poullain, Métivet, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre;

Sur le rapport de M. Gomez, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de la société Cartier, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 novembre 1994), que la société Cartier, propriétaire de la marque Must dont le dépôt, effectué en renouvellement le 4 mai 1982, a été enregistré sous le numéro 1.205.813, a conclu avec la société Syseca un contrat de licence d'exploitation dans le domaine électronique; qu'après avoir fait effectuer, le 6 avril 1990, une saisie contrefaçon dans les locaux de la société Info telec services (société ITS) elle l'a assignée pour contrefaçon en lui reprochant de commercialiser un dispositif de radiophonie portant la marque Meust dont le dépôt, effectué le 18 mai 1988, a été enregistré sous le numéro 1.467.931; que la société ITS a, reconventionnellement, demandé que la marque Must soit déclarée nulle pour absence de caractère distinctif et que la société Cartier soit déchue de ses droits sur la marque pour les produits et services de la classe 9;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Cartier fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné que sa marque n 1.467.931 serait radiée du registre national des marques pour les produits et les services dans la classe 9 alors, selon le pourvoi, que la marque enregistrée sous le n 1.467.931 est celle appartenant à la société ITS, marque dont la nullité avait été demandée, si bien que la cour d'appel a prononcé la radiation d'une marque individualisée par un numéro d'enregistrement ne correspondant à aucune marque lui appartenant ;

qu'ainsi, en l'état d'un irréductible décalage entre les motifs et le dispositif, ensemble le dispositif lui-même, la Cour de Cassation n'est pas à même de s'assurer de la légalité de la décision déférée à son examen au regard des articles 11 de la loi du 31 décembre 1964, ensemble l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle;

Mais attendu que la contradiction dénoncée entre les motifs qui indiquent que la marque Must, propriété de la société Cartier, a été enregistrée sous le numéro 1.205.813 et le dispositif qui "dit que la marque Must déposée par la société Cartier enregistrée sous le numéro 1.467.931.

sera radiée..." résulte d'une erreur matérielle; que la rectification de celle-ci doit être sollicitée par la requête prévue à l'article 462 du nouveau Code de procédure civile et ne donne pas ouverture à cassation; que le moyen est irrecevable;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Cartier fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné que sa marque n 1.467.931 serait radiée du registre national des marques pour les produits et les services dans la classe 9 alors, selon le pourvoi, qu'elle insistait sur le fait et l'établissait, la cour d'appel n'en disconvenant pas, que depuis une date antérieure à la demande en déchéance formulée par la société ITS le 12 avril 1991, elle commercialisait des produits d'optique tels que des lunettes et des loupes marquées Must, lesquelles font l'objet d'une importante diffusion; que ce faisant, la cour d'appel ne pouvait que constater qu'elle justifie effectivement d'une exploitation de sa marque Must dans la classe 9, qui vise entre autres l'optique; qu'en l'état de ces données, la cour d'appel ne pouvait prononcer la radiation de la marque Must dans la classe 9 prise dans son ensemble, sans préciser plus précisément la partie des produits ou des services visés dans ladite classe à vocation seulement administrative susceptibles d'être concernés par la déchéance pour défaut d'exploitation et donc la radiation, la société ITS n'exploitant sa marque Meust que pour du matériel électronique; qu'ainsi, la cour d'appel méconnaît son office au regard de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1964, ensemble au regard de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré qu'il existe un risque de confusion entre les produits de bijouterie et les lunettes pour lesquels la société Cartier exploite sa marque et les matériels électroniques relevant de la classe 9; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu ordonner la radiation de la marque appartenant à la société Cartier pour les produits de la classe 9; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur le troisième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que la société Cartier fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné que sa marque n 1.467.931 serait radiée du registre national des marques pour les produits et les services dans la classe 9 alors, selon le pourvoi, que dans ses écritures d'appel, elle faisait état de la notoriété de sa marque et des produits désignés par ladite marque, si bien que c'était au regard de cette notoriété constituant un fait d'expérience certain qu'il importait de se prononcer par rapport à un danger de confusion; or il ne ressort ni de l'arrêt ni du jugement, que les juges du fond aient tenu compte de la notoriété dont se prévalait la société appelante pour s'expliquer sur le danger de confusion entre les faits d'exploitation de la marque par elle dans des domaines de plus en plus diversifiés et le domaine du matériel électronique; qu'ainsi, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, et en toute hypothèse, qu'en ne s'exprimant pas sur l'incidence de la notoriété de la marque Cartier sur l'appréciation d'un danger de confusion entre ladite marque telle qu'elle est largement exploitée dans toute une série de domaines et la marque Must, en ce qu'elle couvrait des produits relevant du domaine électronique, la cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1964, ensemble au regard de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle; et alors, enfin, qu'en se bornant à dire que le danger de confusion "n'est pas clairement établi" dans la mesure où il ne serait pas démontré que "le public" est amené à croire que les produits viennent de la même entreprise, la cour d'appel statue à partir de motifs tout à la fois évasifs et inopérants et ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard des règles et principes qui s'évincent de l'article 11, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1964, ensemble de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle ne tranchant pas ce faisant la vraie question de savoir si oui ou non il y avait un danger de confusion par rapport au consommateur moyen;

Mais attendu, en premier lieu, que la notoriété d'une marque à supposer qu'elle soit établie ne lui permet pas de bénéficier d'une protection s'étendant à des produits non identiques ou non similaires à ceux pour lesquels elle est exploitée; que la cour d'appel qui constatait que la marque appartenant à la société Cartier ne faisait pas l'objet d'une exploitation au sens de la loi pour les produits ou services auxquels s'appliquait la marque appartenant à la société ITS n'avait donc pas à répondre au moyen inopérant pris de la notoriété de la marque Must et a donc légalement justifié sa décision;

Attendu, en second lieu, qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que le public pouvait croire que les produits commercialisés par la société ITS pouvaient provenir de la société Cartier, la cour d'appel a suffisamment motivé l'absence de risque de confusion;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Et sur le quatrième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la société Cartier fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné que sa marque n 1.467.931 serait radiée du registre national des marques pour les produits et les services dans la classe 9 alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans ses écritures d'appel, elle insistait sur la circonstance et versait de nombreuses pièces aux débats l'établissant, qu'il résultait "abondamment des coupures de presse grand public ou professionnelles versées aux débats que la marque Must concédée en licence à la société Syseca est utilisée pour désigner un système informatique mis au point par la société Syseca, filiale de la société Thomson (...); que ce système informatique a fait l'objet de nombreuses présentations au public, ce qui a conduit à un usage de la marque Must au travers notamment des plaquettes de présentation de ce système informatique, ainsi qu'en attestent les pièces versées aux débats et qui sont bien entendu antérieures à la demande de déchéance formulée par la société ITS; qu'il apparaît encore que la société Syseca a conclu avec le ministère de l'Industrie, des P et T et du Tourisme, le 29 octobre 1987, un marché portant sur ce système informatique Must" ;

que, pour écarter ce moyen circonstancié, la cour d'appel se borne à affirmer que les pièces produites par elle à l'appui de ses dires "sont susceptibles d'attester d'une exploitation à titre de nom commercial, celles-ci étant insuffisantes à établir une exploitation non équivoque à titre de marque"; que ces motifs, qui procèdent d'une simple affirmation et qui ne s'expliquent nullement sur un moyen circonstancié assorti de pièces régulièrement versées aux débats d'où il ressortait spécialement que la société Syseca avait usé du signe distinctif Must pour désigner du matériel informatique au titre de l'exécution de son contrat de licence, et ce bien avant la demande de déchéance partielle et que cette même société Syseca avait conclu avec le ministère de l'industrie, des P et T et du Tourisme, le 29 octobre 1987, un marché portant sur ce système informatique Must, ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier si la cour d'appel justifie légalement sa décision au regard de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1964, ensemble de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle; et alors, d'autre part, et en toute hypothèse, qu'en l'état d'un moyen extrêmement circonstancié, assorti de nombreuses pièces, la cour d'appel se devait de se prononcer de façon pertinente sur ledit moyen en l'abordant dans son épure, spécialement en ce qu'il était soutenu que le système informatique en cause avait fait l'objet de nombreuses présentations au public, ce qui avait conduit à un usage de la marque Must lui appartenant, au travers notamment de plaquettes de présentation du système informatique en cause, qu'il ressortait encore des écritures et des pièces que la société Syseca, bénéficiant d'une licence de marque, licence inscrite au registre national des marques le 29 octobre 1987, avait conclu avec le ministère de l'industrie, des P et T et du Tourisme, le 29 octobre 1987, un marché portant sur ce système informatique Must ;

qu'ainsi en gardant le silence sur des éléments pertinents, la cour d'appel méconnaît les exigences d'un procès équitable au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tel qu'interprété;

Mais attendu que l'arrêt retient que "si les pièces produites par la société Cartier à l'appui de ses dires sont susceptibles d'attester d'une exploitation à titre de nom commercial celles-ci sont insuffisantes à établir une exploitation non équivoque de la marque"; qu'ainsi la cour d'appel a tenu compte des éléments de preuve produits par la société Cartier et, par l'appréciation qu'elle en a donnée, a légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cartier aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-10104
Date de la décision : 21/01/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Atteintes portées à la marque - Contrefaçon - Risque de confusion - Appréciation souveraine - Marque notoire - Etendue de sa protection.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (2e chambre), 22 novembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jan. 1997, pourvoi n°95-10104


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.10104
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