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23/06/1999 | FRANCE | N°98-84158

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 juin 1999, 98-84158


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Régis,
- Y... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 10e chambre, en date du 2 juillet 1998, qui, pour association de malfaiteurs, a condamné, le premier, à trois ans d'emprisonnement dont 34 mois avec sursis et 60 000 francs d'amende, le second, à 3 ans d'emprisonnement dont 32 mois avec sursis et 30 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Régis X... et pris de la violation des articles 6.3 a de la Convention européenne des droits de l'homme,

des articles 450-1 et 312-1 et suivants du Code pénal, 184, 385, 388 et 593...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Régis,
- Y... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 10e chambre, en date du 2 juillet 1998, qui, pour association de malfaiteurs, a condamné, le premier, à trois ans d'emprisonnement dont 34 mois avec sursis et 60 000 francs d'amende, le second, à 3 ans d'emprisonnement dont 32 mois avec sursis et 30 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Régis X... et pris de la violation des articles 6.3 a de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 450-1 et 312-1 et suivants du Code pénal, 184, 385, 388 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Régis X... et Bernard Y... coupables d'association de malfaiteurs ;
" aux motifs propres à la Cour, sur l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi soulevée in limine litis par Régis X..., que l'article 450-1 du Code pénal n'énumère pas limitativement les délits correctionnels à la préparation desquels pourrait tendre l'entente délictueuse, mais vise au contraire de façon non limitative, les délits correctionnels les plus graves punis de 10 ans ;
" que, dès lors, la prévention telle qu'elle figure dans l'ordonnance de renvoi et qui précise que cette entente est caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, est parfaitement régulière et n'encourt pas l'annulation ;
" qu'il résulte de l'ensemble des éléments recueillis au cours de l'enquête que les 2 prévenus avaient bien constitué avec d'autres membres qu'ils s'étaient adjoints, une entente en vue de commettre une action violente d'intimidation à l'égard de Jacques B... ;
" et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'au vu de ce qui précède, il apparaît établi qu'il ne s'agissait pas d'effectuer une enquête comme Hervé A... devait le prétendre, mais bien d'intimider Jacques B... qu'il savait âgé de 64 ans ;
" que de tels agissements constituent à l'évidence le délit d'extorsion défini dans l'article 312 comme étant le fait d'obtenir par violences, menaces de violences (...) une renonciation et puni de 10 ans d'emprisonnement lorsqu'il est commis au préjudice d'une personne dont la vulnérabilité en raison de son âge est connue de son auteur ;
" alors que, d'une part, l'ordonnance renvoyant Régis X... et Bernard Y... devant le tribunal correctionnel, se bornant à reproduire les termes de l'article 450-1 du Code pénal pour leur reprocher d'avoir participé à une association de malfaiteurs sans préciser la nature du crime ou du délit puni de 10 ans d'emprisonnement en vue desquels l'entente aurait été établie, il en résulte que les prévenus ne pouvaient, de ce fait, être informés d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre eux, en sorte que les juges du fond ont méconnu les dispositions de l'article 6.3 a de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que l'article 184 du Code de procédure pénale en rejetant l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi soulevée in limine litis ;
" alors que, d'autre part, l'acte de la poursuite ne faisant aucunement état de la particulière vulnérabilité de la victime du projet d'intimidation en vue duquel les prévenus auraient formé une entente et l'article 312-1 du Code pénal qui réprime le délit d'extorsion simple ne punissant cette infraction que d'une peine de 7 ans d'emprisonnement et d'une amende de 700 000 francs, il en résulte que les juges du fond, qui ont pour la première fois invoqué la circonstance aggravante tirée de la particulière vulnérabilité de la victime qui n'était pas visée dans le titre de la poursuite, afin de pouvoir déclarer les prévenus coupables d'association de malfaiteurs, ont ainsi statué sur un fait dont ils n'étaient pas saisis au mépris des droits de la défense et de l'article 388 du Code de procédure pénale ;
" et qu'enfin, le fait que la personne, à l'encontre de laquelle un projet d'extorsion aurait été formé, serait âgée de 64 ans, n'impliquant nullement sa particulière vulnérabilité au sens de l'article 312-2 du Code pénal, les juges du fond ont violé ses dispositions ainsi que l'article 450-1 dudit Code qui précise que le délit d'association de malfaiteurs suppose, pour être constitué, l'existence d'une entente établie entre plusieurs personnes pour commettre plusieurs crimes ou délits punis de 10 ans d'emprisonnement, en invoquant cet âge de la victime pour admettre que ce dernier délit était constitué à l'encontre de Régis X... et Bernard Y... " ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Bernard Y... et pris de la violation des article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 312-1, 450-1 et 450-3 du Code pénal, 184, 385, 388, 485, 567, 519 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a déclaré Bernard Y... coupable du chef d'association de malfaiteurs et l'a condamné aux peines de 36 mois d'emprisonnement, dont 32 mois avec sursis, et 30 000 francs d'amende ;
" aux motifs qu'il résulte de l'enquête que les conditions d'interpellation d'Hervé A... et Stéphane C..., le billet de train pour Béziers, les armes, perruques, gants, lunettes de soleil, grenades fumigène et lacrymogène découverts sur eux, leurs déclarations aux services de police réitérées devant le magistrat instructeur, permettent d'affirmer que ces 2 prévenus agissaient en plein accord avec Bernard Y... pour mener une action d'intimidation violente à l'égard de Jacques B... ; il résulte, par ailleurs, de l'audition de Louis Z... qu'un projet de cette nature avait bien été envisagé entre Régis X..., Bernard Y... et Hervé A... qui s'était adjoint les services de Stéphane C... ; Louis Z... devait également confirmer qu'aucun rapport émanant de Bernard Y... ne lui était jamais parvenu ; qu'il n'en attendait d'ailleurs pas car l'opération envisagée avait été commanditée par Régis X... ; son action s'était bornée à proposer à ce dernier les "services" de Bernard Y... ; Louis Z... devait également préciser que Bernard Y..., Régis X... et lui-même s'étaient retrouvés pour discuter de ce projet à l'hôtel Saint-James-Albany courant juillet 1994 (...) ; les 2 prévenus avaient bien constitué avec d'autres membres qu'ils s'étaient adjoints, une entente en vue de commettre une action violente d'intimidation à l'égard de Jacques B... ; que cette action d'intimidation devait être d'une particulière violence compte tenu de sa préparation par diverses actions de repérage, compte tenu aussi des moyens qui devaient être employés comme la fouille des exécutants l'a démontré et compte tenu aussi du prix qui avait été arrêté (...) ;
" 1o alors que l'ordonnance renvoyant Régis Y... devant le tribunal correctionnel se bornait à reproduire les termes de l'article 450-1 du Code pénal, pour reprocher au prévenu d'avoir participé à une association de malfaiteurs, sans cependant préciser la nature du ou des crimes ou délits punis de 10 ans d'emprisonnement au moins, en vue desquels l'entente aurait été établie ; que, par suite, en méconnaissance de ses droits de la défense, le prévenu ne pouvait, être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; qu'en passant outre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2o alors que, au surplus, une décision de justice doit se suffire à elle-même ; qu'en l'espèce, en déclarant la culpabilité de Bernard Y... du chef d'association de malfaiteurs, sans préciser le ou les crimes ou délits que l'entente prétendue aurait eu pour but de préparer, ni constater les faits propres à caractériser les éléments constitutifs de cette ou ces infractions, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3o alors que, à supposer par hypothèse que la cour d'appel eût entendu viser le délit d'extorsion prévu et réprimé par les articles 312-1 et suivants du Code pénal, fallait-il encore, pour que l'association fût incriminable, que fussent constatés les faits propres à caractériser les éléments constitutifs de l'une des infractions prévues et réprimées par les articles 312-2 et suivants dudit Code et donc, à tout le moins, qu'il fût constaté que la victime avait subi des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail ou qu'elle ait été d'une particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ; qu'en l'espèce, l'acte de poursuite ne faisait pas état de violences ni d'une particulière vulnérabilité de la victime du projet d'intimidation en vue duquel les prévenus auraient formé une association ; que, dès lors, la cour d'appel, qui, pour déclarer le prévenu coupable d'association de malfaiteurs, a retenu l'infraction visée à l'article 312-2 du Code pénal, en statuant d'office sur le fait constitutif de la circonstance aggravante tirée de la particulière vulnérabilité de la victime, qui n'était pas visée dans le titre de poursuite, a violé les textes susvisés ;
" 4o alors que, enfin et au surplus, à supposer par hypothèse que la cour d'appel eût entendu viser le délit d'extorsion prévu et réprimé par les articles 312-2 du Code pénal, pour déclarer le prévenu coupable d'association de malfaiteurs, fallait-il encore qu'elle constatât les faits constitutifs de la circonstance aggravante tirée de la particulière vulnérabilité de la victime, et, en particulier, qu'elle dît en quoi le seul fait d'être âgée de 64 ans aurait constitué une vulnérabilité de la victime, dont il est établi qu'elle exerçait alors de façon indépendante des fonctions professionnelles qualifiées, en l'occurrence des audits pour des collectivités territoriales ; qu'en omettant d'y procéder, la cour d'appel a donc violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 312-2.2°, et 450-1 du Code pénal ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Régis X... et Bernard Y... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir participé, de juin à septembre 1994, à une association de malfaiteurs, groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de 10 ans d'emprisonnement ; que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué retient que le délit préparé par les prévenus était celui d'extorsion commise au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable, prévu et puni par les articles 312-1, alinéa 1, et 312-2.2°, du Code pénal ;
Attendu que, pour caractériser la circonstance aggravante, édictée par ce dernier texte, qui élève à 10 ans la peine d'emprisonnement encourue, les juges énoncent que la particulière vulnérabilité de la victime est due à son âge de 64 ans qui était connu des auteurs ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'âge de la victime la mettait dans une situation de particulière vulnérabilité, et alors que l'article 450-1 du Code pénal, qui définit l'association de malfaiteurs, vise les seuls délits punis de 10 ans d'emprisonnement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 2 juillet 1998 et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-84158
Date de la décision : 23/06/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Motifs - Motifs insuffisants - Condamnation - Eléments constitutifs de l'infraction - Association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement - Extorsion - Circonstance aggravante de particulière vulnérabilité - Age de la victime.

EXTORSION - Circonstances aggravantes - Particulière vulnérabilité de la victime - Age de la victime - Jugements et arrêts - Motifs insuffisants

Doit être cassé l'arrêt qui, pour condamner du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, retient que l'infraction préparée était une extorsion commise au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable, en raison de son âge de 64 ans, sans préciser en quoi un tel âge mettait la victime dans une situation de particulière vulnérabilité. .


Références :

Code de procédure pénale 593
Code pénal 312-2.2°, 450-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 juillet 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jui. 1999, pourvoi n°98-84158, Bull. crim. criminel 1999 N° 152 p. 414
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 152 p. 414

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Farge.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Pascal Tiffreau, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.84158
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