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24/06/2004 | FRANCE | N°02-16329

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 juin 2004, 02-16329


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2002), que la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse, (la société Spedidam), et la société pour l'Administration des droits des artistes et musiciens interprètes, (la société Adami), ayant toutes deux pour objet la perception et la répartition des rémunérations dues aux artistes interprètes en application de la loi du 3 juillet 1985, ont signé entre ell

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2002), que la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse, (la société Spedidam), et la société pour l'Administration des droits des artistes et musiciens interprètes, (la société Adami), ayant toutes deux pour objet la perception et la répartition des rémunérations dues aux artistes interprètes en application de la loi du 3 juillet 1985, ont signé entre elles un acte intitulé "compromis d'arbitrage" conférant à un tribunal arbitral mission de statuer comme amiable compositeur afin de définir leurs champs respectifs de compétence ; que la société Spedidam a formé un recours en annulation contre la décision rendue par les arbitres ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Spedidam fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'acte du 11 juillet 1987 est une sentence arbitrale, alors, selon le moyen :

1 ) que la clause de l'acte intitulé " compromis d'arbitrage " selon laquelle le partage de compétence que les arbitres reçoivent pour mission d'établir entre les parties donnera lieu, conformément à leur sentence, à l'établissement d'un accord spécifique entre elles, ôte nécessairement tout caractère juridictionnel à l'acte d'arbitrage qui en est issu dès lors quil demeure soumis à la volonté des parties de s'y conformer par la signature de l'accord spécifique précité ; qu'un tel acte ne peut dès lors se voir reconnaître autorité de chose jugée ni accorder l'exequatur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 12, 1476 et 1477 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que l'acte intitulé " le compromis d'arbitrage " exposait que les champs respectifs de compétence de chacune des sociétés civiles Spedidam et Adami, ayant toute deux pour objet la perception et la rémunération dues aux artistes interprètes, étaient confus, de sorte qu'il était apparu impératif qu'ils " soient définis avec précision pour faciliter la gestion des droits des bénéficiaires... en parvenant ainsi à déterminer une répartition par catégorie d'ayants droit " ; que pour ce faire, il était donné mission aux arbitres d'établir un partage de compétence et d'effectuer un certain nombre de déterminations permettant sa mise en oeuvre : que l'acte d'arbitrage intervenu consécutivement, décidant d'un critère de répartition des compétences exclusives, a cependant renvoyé aux parties le soin de "déterminer des clés de répartition entre les ayants droit pour lesquels elles ont compétence exclusive sans se sentir liées par les pourcentages globaux retenus par les arbitres ... et d'établir entre elles un partage équitable" ; que faute d'avoir définitivement réglé la question de la répartition des rémunérations des ayants droit entre lesdites sociétés en fonction de leurs compétences exclusives, cet acte n'a pas tranché le litige en cause ; que par suite, il ne peut se voir qualifier de sentence arbitrale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a de nouveau violé les textes précités ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les parties avaient conclu un compromis d'arbitrage dans lequel était exposé l'objet du litige, et que la mention selon laquelle le partage de compétence donnerait lieu à l'établissement d'un accord spécifique ne privait pas la sentence de son caractère décisionnel et de sa force obligatoire dans la mesure où les parties avaient prévu que les termes de l'accord ultérieur devraient être conformes à ceux de la sentence, la cour d'appel a souverainement décidé que les arbitres avaient été investis d'une mission juridictionnelle ;

Et attendu que la sentence arbitrale n'a pas renvoyé aux parties le soin d'établir entre elles un partage équitable, mais a seulement laissé chacune d'entre elles opérer les répartitions internes entre ses propres ayants droit ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa seconde branche, ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Spedidam fait également grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours en annulation, alors, selon le moyen :

1 ) que le recours en annulation d'une sentence arbitrale est ouvert si l'arbitre a statué sans une convention d'arbitrage ou sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel retient que " les parties ont donné mission au tribunal d' "attribuer à chacune d'elle une compétence exclusive pour percevoir les rémunérations dues aux ayants droit appartenant aux catégories de bénéficiaires dont elles sont les plus représentatives" mais que, dans leur sentence, les arbitres "ont estimé que la représentativité ne pouvait être retenue comme critère, au sens des critères du Code du travail et, relevant " qu'il est très souhaitable que les sociétés civiles disposent des critères les plus simples et les moins contestables pour délimiter les compétences respectives", ont retenu comme critère d'attribution exclusive, la mention du nom de l'artiste interprète ou du nom collectif du groupe constitué d'artistes interprètes solistes sur l'étiquette du support, du générique ou du vidéogramme ou du programme diffusé en direct de l'interprétation de l'ceuvre, la société Adami ayant compétence exclusive pour recevoir et répartir les rémunérations dont les bénéficiaires sont des artistes interprètes dont les noms sont cités sur l'étiquette ou au générique, et la société Spedidam ayant compétence exclusive pour recevoir et répartir les rémunérations dont les bénéficiaires sont des artistes interprètes dont les noms ne figurent pas ainsi sur l'étiquette ou au générique" ; que de telles énonciations établissent que les arbitres ont substitué au critère de représentativité seul visé et voulu par les parties comme critère de répartition des compétences, un critère distinct, selon eux plus simple et moins contestable, outrepassant ainsi les termes de la mission qui leur avait été confiée ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1484-1 et 3 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'en n'explicitant pas en quoi le critère critiqué, tiré de la mention ou non du nom de l'artiste interprète sur l'étiquette ou le générique, donnerait un sens à la notion de représentativité des sociétés voulue par les parties comme seul critère de répartition de leur compétence et permettrait de conclure au strict respect de leur mission par les arbitres, la cour d'appel, qui a procédé par voie de simple affirmation, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles précités ;

Mais attendu que la mission des arbitres, définie par la convention d'arbitrage, est délimitée principalement par l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties sans s'attacher uniquement à l'énoncé des questions dans l'acte de mission ; qu'ayant relevé, par une interprétation nécessaire et exclusive de toute dénaturation, que les arbitres n'avaient pas substitué un autre critère de répartition à celui voulu par les parties et qu'ils étaient ainsi restés dans les limites de leur mission telle que définie dans le cadre de la convention d'arbitrage, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Spedidam aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Spedidam à payer à la société Adami la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-16329
Date de la décision : 24/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° ARBITRAGE - Arbitre - Mission - Mission juridictionnelle - Appréciation souveraine.

1° POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Arbitrage - Arbitre - Mission - Mission juridictionnelle.

1° Les juges du fond apprécient souverainement si les arbitres ont été investis d'une mission juridictionnelle.

2° ARBITRAGE - Arbitre - Mission - Etendue - Détermination.

2° ARBITRAGE - Arbitre - Mission - Acte de mission - Portée.

2° La mission des arbitres, définie par la convention d'arbitrage, est délimitée principalement par l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties, sans s'attacher uniquement à l'énoncé des questions dans l'acte de mission.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 mars 2002

Sur la détermination de l'étendue de la mission de l'arbitre, dans le même sens que : Chambre civile 1, 1996-03-06, Bulletin, I, n° 115, p. 81 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 jui. 2004, pourvoi n°02-16329, Bull. civ. 2004 II N° 310 p. 261
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 II N° 310 p. 261

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Ancel.
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Loriferne.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Thomas-Raquin et Benabent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.16329
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