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05/10/2004 | FRANCE | N°03-86169

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 octobre 2004, 03-86169


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gaston,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 19 septembre 2002, qui, pour

homicide involontaire et contravention au Code de la route, a confirmé le jugement l'aya...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gaston,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 19 septembre 2002, qui, pour homicide involontaire et contravention au Code de la route, a confirmé le jugement l'ayant condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, à 6 mois de suspension du permis de conduire et à 1 000 francs d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 415-11 du Code de la route, 121-3, 122-2, 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gaston X... coupable d'avoir omis de céder le passage à un piéton régulièrement engagé sur la chaussée et d'homicide involontaire ;

"aux motifs que le 16 mai 1999, à 9 heures 30, Gaston X..., conducteur d'un véhicule automobile, circulant boulevard Thiers à Digne les Bains, ébloui par le soleil, a heurté Augustin Y..., qui traversait dans le passage protégé ; qu'Augustin Y..., hospitalisé le jour de l'accident, est décédé le 26 mai 1999 ; qu'il résulte de l'expertise médicale ordonnée par le tribunal que la victime est décédée à la suite d'une infection nosocomiale ; que le tribunal a, à bon droit, considéré que la faute commise par le prévenu était en relation de causalité indirecte avec le décès dès lors qu'elle avait seule causé l'hospitalisation de la victime ; que le tribunal se devait cependant d'examiner les faits au regard de la loi du 10 juillet 2000 ayant modifié l'article 121-3 du Code pénal aux termes duquel les personnes qui ne sont pas directement à l'origine du dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en omettant de céder le passage à un piéton régulièrement engagé dans un passage protégé, ce qui est la cause de l'accident, le prévenu qui a créé la situation qui a permis la réalisation du dommage, a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;

"alors, d'une part, que la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister n'est pas pénalement responsable ; que le subit éblouissement par le soleil d'un automobiliste roulant à la vitesse autorisée, qu'il ne pouvait normalement prévoir et qui ne lui a pas permis de s'apercevoir qu'un piéton était engagé sur la chaussée, présente les caractères de la force majeure et constitue donc une contrainte au sens de la loi pénale ; qu'en déclarant Gaston X... coupable d'homicide involontaire, tout en ayant préalablement relevé qu'il était ébloui par le soleil au moment où il a heurté la victime dont il ignorait donc la présence sur la chaussée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 122-2 du Code pénal ;

"alors, d'autre part, que seul peut être déclaré coupable du chef d'homicide involontaire, l'auteur ayant eu un comportement fautif distinct du non-respect de la règle de sécurité qui lui est en outre reprochée ; qu'en se bornant à affirmer qu'en omettant de céder le passage à Augustin Y... régulièrement engagé dans un passage protégé Gaston X... avait commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité, sans relever aucune circonstance autre que l'inobservation de cette règle du Code de la route de nature à établir l'existence d'une faute caractérisée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"alors, enfin, que la responsabilité pénale pour homicide involontaire de celui qui n'a pas directement causé un dommage est uniquement engagée s'il s'avère qu'il ne pouvait ignorer que la faute caractérisée qui lui est reprochée exposait autrui à un risque d'une particulière gravité ; qu'un automobiliste ébloui par le soleil, qui roule à la vitesse autorisée, ne saurait être présumé avoir eu connaissance du risque d'être heurté encouru par un piéton engagé sur la chaussée dès lors qu'il n'était pas en mesure de l'apercevoir ;

qu'en considérant que Gaston X... ne pouvait ignorer le risque d'une particulière gravité auquel il exposait la victime, tout en relevant qu'il était ébloui par le soleil au moment où il a heurté Augustin Y... et qu'il ne pouvait donc sérieusement avoir connaissance de la présence de ce dernier sur la chaussée, la cour d'appel n'a pas mieux justifié sa décision au regard de l'article 121-3 du Code pénal" ;

Vu les articles 221-6 du Code pénal, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que l'article 221-6 du Code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le décès de la victime ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au volant de son véhicule, Gaston X... a heurté Augustin Y... qui traversait dans un passage protégé ; que la victime, atteinte de trois plaies superficielles et d'une fracture du calcanéum droit ayant nécessité une intervention chirurgicale, est décédée 10 jours après des suites d'une infection nosocomiale ; que Gaston X... a été poursuivi pour homicide involontaire et omission de céder le passage à un piéton régulièrement engagé ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit d'homicide involontaire, par suite de l'aggravation de l'état de la victime, l'arrêt confirmatif attaqué retient qu'en omettant de céder le passage dans ces circonstances, il a heurté le piéton et a créé la situation ayant permis la réalisation du dommage, commettant ainsi une faute caractérisée, en relation de causalité indirecte avec le décès, exposant autrui à un danger qu'il ne pouvait ignorer ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté que l'existence des blessures trouvait sa cause directe dans le heurt du piéton et qui a attribué son décès à une maladie nosocomiale ultérieurement contractée par la victime sans rechercher si cette infection n'était pas le seul fait en relation de causalité avec le décès, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 septembre 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède, Mme Guirimand conseillers de la chambre, Mme Gailly, M. Chaumont, Mmes Guihal, Degorce conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-86169
Date de la décision : 05/10/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Cause certaine - Nécessité.

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité - Cause certaine - Nécessité

L'article 221-6 du Code pénal exige pour recevoir application que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le décès de la victime. En conséquence, ne justifie pas sa décision, la cour d'appel qui, pour entrer en voie de condamnation du chef d'homicide involontaire, constate que les blessures de la victime trouvent leur cause directe dans la faute de conduite reprochée au prévenu et attribue son décès à une maladie nosocomiale ultérieurement contractée sans rechercher si cette infection n'était pas le seul fait en relation de causalité avec le décès.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code pénal 221-6

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 oct. 2004, pourvoi n°03-86169, Bull. crim. criminel 2004 N° 230 p. 827
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 230 p. 827

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Mme Agostini.
Avocat(s) : la SCP Baraduc et Duhamel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.86169
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