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20/06/2006 | FRANCE | N°04-19732

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 juin 2006, 04-19732


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en matière de référé, que, sur ordre de la société Rodier (le donneur d'ordre), la société Natexis Banques populaires (la banque) a émis huit crédits documentaires en faveur de divers fournisseurs étrangers, les parties ne contestant pas être soumises aux règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires RUU 500 ; que, par télécopie du 15 janvier 2004, la banque émettrice a adressé au donne

ur d'ordre la liste des crédits pour lesquels elle avait relevé des irrégularité...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en matière de référé, que, sur ordre de la société Rodier (le donneur d'ordre), la société Natexis Banques populaires (la banque) a émis huit crédits documentaires en faveur de divers fournisseurs étrangers, les parties ne contestant pas être soumises aux règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires RUU 500 ; que, par télécopie du 15 janvier 2004, la banque émettrice a adressé au donneur d'ordre la liste des crédits pour lesquels elle avait relevé des irrégularités, puis l'a informé par courrier du 22 janvier suivant que pour les crédits documentaires dont la validité était expirée, les banques remettantes ayant été avisées de ces irrégularités et de ce que les documents étaient tenus à leur disposition, les documents ne pourraient être remis que contre paiement comptant, après accord desdites banques ; que le donneur d'ordre, mis en redressement judiciaire depuis le 20 janvier 2004, a donné son accord pour lever les réserves, par courrier du 26 janvier suivant ; que la banque a, par ailleurs, reçu quatre remises documentaires de l'Oyak bank au profit de la société Rodier, à lui remettre en contrepartie d'une acceptation de lettres de changes au profit du vendeur, à laquelle cette dernière n'a pas procédé ; que la banque, qui avait notifié aux banques présentatrices, dans les délais requis, son refus de lever les documents, et a été assignée par le donneur d'ordre pour lui remettre les documents litigieux, a fait valoir ne pas être tenue d'exécuter les crédits documentaires et les remises documentaires ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Vu les articles 1134, 1271 et 1273 du code civil, 872 et 873 du nouveau code de procédure civile, ensemble les articles 9,13, 14 et 42 des règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 500) ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé qui a condamné la banque au paiement de cinq crédits documentaires n° 31749643, 32159643, 31920643, 3257643 et 32158643 et ordonné la remise des documents des trois derniers crédits, l'arrêt constate que la banque a sollicité la décision de son client de lever les réserves, conformément à sa pratique antérieure, et qu'une modification des conditions des crédits documentaires a été acceptée par ce dernier ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la banque avait renoncé à ses prérogatives de banque émettrice d'une garantie autonome, alors que la banque émettrice peut, quelle qu'ait été sa pratique antérieure, refuser de lever les réserves et notifier son refus d'exécution du crédit documentaire, même si elle avait usé de la faculté laissée à sa discrétion, de solliciter l'avis du donneur d'ordre, et si celui-ci lui avait notifié sa décision de renoncer aux irrégularités ou non-conformités, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 7 des règles uniformes relatives aux encaissements RUE 522, ensemble les articles 1134 du code civil, 872 et 873 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que, pour écarter la demande de la banque en paiement des quatre remises documentaires, l'arrêt retient que sa demande ne porte pas sur la restitution des documents, mais sur le paiement des marchandises, constituant ainsi une difficulté d'exécution de la décision, insusceptible de relever du présent contentieux ;

Attendu qu'après avoir réformé, pour excès de pouvoir, l'ordonnance de référé qui avait fait obligation à la banque de transmettre les documents correspondants à la société Rodier, et l'avait ainsi contrainte à payer au vendeur le montant de ces remises, ce dont il résultait que la demande de la banque en remboursement du prix des marchandises, auxquelles la société Rodier avait accédé sans paiement grâce aux documents qui ne pouvaient plus être restitués, était la suite directe et nécessaire de la réformation de l'ordonnance, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, 872 et 873 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que pour écarter la demande de la banque en paiement des quatre remises documentaires, l'arrêt retient, en outre, que la demande de la banque portait sur le paiement des marchandises par la société Rodier alors que celle-ci avait été mise en redressement judiciaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la condamnation de la banque à la remise des documents litigieux à la société Rodier résultait d'une ordonnance judiciaire postérieure au jugement d'ouverture, qui a été réformée par l'arrêt, ce dont il résultait que sa créance était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la société Rodier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a constaté la cessation des fonctions de M. X... en qualité d'administrateur judiciaire de la société Rodier, qu'elle a dit n'y avoir lieu à ordonner le paiement au titre des crédits documentaires 31919643, 32156643, 32210643, et qu'elle a dit n'y avoir lieu à ordonner la remise des documents au titre des opérations identifiées sous le numéro 643/470.268/PC, 643/470.090/PC, 643/470.089/PC et 643/470.088/PC, l'arrêt rendu le 16 septembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. Y..., ès qualités, la SELARL Gérard Z..., ès qualités, et M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Natexis Banques populaires ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 04-19732
Date de la décision : 20/06/2006
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Crédit documentaire - Obligations du banquier - Vérification de la régularité des documents - Avis au donneur d'ordre - Renonciation du donneur d'ordre aux irrégularités ou non-conformités - Portée sur les prérogatives de la banque émettrice.

Une banque émettrice peut, qu'elle qu'ait été sa pratique antérieure, refuser de lever les réserves et notifier son refus d'exécution du crédit documentaire, même si elle avait usé de la faculté laissée à sa discrétion, de solliciter l'avis du donneur d'ordre, et si celui-ci lui avait notifié sa décision de renoncer aux irrégularités ou non-conformités. Il s'ensuit que prive sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1271 et 1273 du code civil, 872 et 873 du nouveau code de procédure civile, 9, 13, 14 et 42 des Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 500), une cour d'appel qui, pour condamner une banque émettrice à exécuter divers crédits documentaires a constaté que la banque a sollicité la décision de son client de lever les réserves, conformément à sa pratique antérieure, et qu'une modification des conditions des crédits documentaires a été acceptée par ce dernier, sans constater que cette banque avait renoncé à ses prérogatives de banque émettrice d'une garantie autonome.


Références :

Code civil 1134, 1271, 1273
Nouveau code de procédure civile 872, 873

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 16 septembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 jui. 2006, pourvoi n°04-19732, Bull. civ. 2006 IV N° 144 p. 153
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 IV N° 144 p. 153

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Mme Cohen-Branche.
Avocat(s) : SCP Tiffreau, Me Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.19732
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