La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2007 | FRANCE | N°06-87656

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 avril 2007, 06-87656


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre avril deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de Me BERTRAND, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Romain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 14 juin 2006, qui, pour homicide et blessures involontaires, et c

ontravention connexe, l'a condamné à six mois de suspension du permis de conduire, 15...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre avril deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de Me BERTRAND, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Romain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 14 juin 2006, qui, pour homicide et blessures involontaires, et contravention connexe, l'a condamné à six mois de suspension du permis de conduire, 150 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6, 221-6-1, 221-8, 221-10, 222-20-1, 222-19, 222-44 et 222-46 du code pénal, L. 232-1, L. 224-12 et R. 413-17 du code de la route, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Romain X... coupable d'homicide et de blessures involontaires et de conduite à une vitesse excessive eu égard aux circonstances ;

"aux motifs que Romain X... est poursuivi pour avoir provoqué involontairement le décès de Mme Y..., et des blessures n'entraînant pas une ITT supérieure à 3 mois à M. Y..., d'avoir commis la contravention de vitesse excessive eu égard aux circonstances ; que la question qui se pose n'est donc pas tant de savoir si Romain X..., ainsi qu'il l'a longuement soutenu à l'audience des débats, circulait à une vitesse inférieure à 90 km/h, limitation en vigueur à l'époque et aujourd'hui réduite à 70 km/h, mais de rechercher s'il ne pilotait pas sa machine à une vitesse excessive eu égard aux circonstances de circulation et aux obstacles prévisibles ; que les conclusions de l'expert Z... n'ont pu apporter qu'une estimation de la vitesse de moto, comprise entre 90 et 120 km/h ; que le motard tente de remettre en cause cette estimation en soutenant que l'expert choisi par les gendarmes n'est pas un spécialiste des motos et produit sa propre expertise amiable établie non contradictoirement ; que toutefois, Romain X... n'apporte aucun élément technique ou de fait de nature à remettre en cause les conclusions de M. Z..., suffisamment motivées et circonstanciées ; que, notamment, le fait que son moteur était froid puisqu'il venait, selon lui, de démarrer de son domicile distant de 1 500 mètres environ du lieu de l'accident, n'est pas de nature à démontrer qu'il roulait à une allure modérée ; qu'en effet, il a très bien pu utiliser sa moto peu de temps avant son arrêt chez lui, en sorte que le moteur pouvait parfaitement ne pas être froid, en ce début du mois de septembre, vers 14 h 30 ; que l'argument selon lequel ses pneus étaient neufs n'est pas davantage probant pour établir la vitesse raisonnable alléguée, dès lors que la fine

pellicule de protection recouvrant les pneumatiques disparaît après seulement quelques kilomètres, et que Romain X... laisse la cour dans l'ignorance du nombre exact de kilomètres parcourus avec sa nouvelle monte ; qu'en revanche, il n'y a aucune raison pour ne pas retenir le témoignage de M. A... qui vient corroborer les conclusions de l'expert, M. Z... ; que ce qui a frappé cette personne, qui a correctement vu la moto en haut du faux plat qui descend en direction de Rumilly, c'est qu'il avait l'impression de voir un pilote de course sur un circuit, puisqu'il conserve le souvenir de Romain X... couché sur sa moto et assez penché pour aborder la courbe précédant l'intersection d'avec la route de la Sauffaz ; que M. A..., qui ne connaît par Romain X..., ajoute qu'on voyait passer très régulièrement ce motard à des allures toujours très soutenues, pour ne pas dire démentielles ; que le fait que plusieurs personnes, dont le maire de la commune voisine, se soient présentées spontanément aux gendarmes pour leur faire part de la vitesse habituellement excessive de Romain X... ne prouve certes pas sa vitesse au moment de l'accident mais démontre à tout le moins qu'il circulait régulièrement à une trop grande vitesse ; que Mme B... a notamment indiqué aux enquêteurs qu'elle ne connaît pas personnellement le pilote de la moto mais qu'elle le voit passer régulièrement devant sa maison à très vive allure ; qu'elle a précisé qu'il y a environ six mois, la commune de Saint-Felix a fait mettre en place des ralentisseurs à l'entrée du bourg mais que cela n'a pas changé sa façon de conduire et qu'il y passait toujours aussi vite ; que le maire, M. C..., a, pour sa part, révélé aux gendarmes qu'un certain nombre de personnes qui résident en bordure de la RD 53 lui ont signalé qu'une moto bleue circulait sur cet axe à une vitesse anormale, que ces riverains ont déjà fait signe à ce motard de ralentir en zone urbanisée mais que cela n'a pas été très efficace, et qu'enfin le père de Romain X..., honorablement connu dans la commune, avait été informé de la vitesse excessive de son fils en moto ; que Romain X... se borne à soutenir, face à ces témoignages convergents, qu'il y a plusieurs motos bleues circulant sur la commune, que les riverains ne peuvent le reconnaître sous son casque et qu'ils se trompent donc de motard ; qu'il résulte des constatations des gendarmes, notamment la violence du choc, le fait que la moto a été relevée avec le cinquième rapport enclenché et qu'aucune trace de freinage n'a été relevée, du rapport de l'expert Z... et du seul témoignage de M. A..., que la cause de cet accident réside dans la vitesse excessive de la moto ; qu'il est indéniable qu'une vitesse plus modérée de Romain X... lui aurait permis d'effectuer, sans danger, une manoeuvre d'évitement ;

qu'une allure bien plus adaptée à la configuration des lieux qu'il connaissait parfaitement, la route décrivant un léger " S " peu avant le carrefour, lui aurait d'autant plus permis d'éviter l'accident que le choc s'est produit alors que la Super 5 avait largement entamé sa manoeuvre, comme en témoigne le point d'impact situé légèrement après le montant central et que, circulant en direction de Rumilly, il bénéficiait d'une visibilité meilleure que celle de M. Y..., ainsi qu'en atteste le dossier photographique ; que pour Mme D... qui ne connaît Romain X... pas plus que les autres témoins, le motard est arrivé bien plus vite que la vitesse prévue à cet endroit ;

que le conducteur quittant sur sa gauche une route à double sens n'a pas l'obligation de s'arrêter avant de franchir l'axe médian, mais seulement de ralentir suffisamment et de laisser passer les véhicules venant en sens inverse ; qu'avant d'entamer sa manoeuvre, M. Y..., ainsi qu'il l'a toujours indiqué, a regardé devant lui et n'a vu, comme la conductrice du véhicule le suivant, aucun véhicule arrivant en sens inverse ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris qui a retenu pour le délit et les deux contraventions la culpabilité de Romain X... (arrêt, page 7 et 8) ;

"alors que, d'une part, le juge est tenu d'examiner la valeur probante de tout élément de preuve soumis au débat contradictoire ; que Romain X... produisait aux débats l'expertise réalisée par M. E... le 12 avril 2005 qui, après avoir procédé à des calculs de l'énergie cinétique de la motocyclette, et examiné le casque du pilote, rapporté au bilan lésionnel de celui-ci, estimait que la vitesse de la motocyclette avant le choc était comprise entre 75 et 85 kmlh, en prenant soin de préciser qu'au-delà d'une telle vitesse, et compte tenu de la décélération subie par Romain X..., qui avait percuté un poteau téléphonique, le motocycliste n'aurait pas survécu ; qu'en énonçant que, si Romain X... contestait l'estimation de M. Z..., expert, affirmant que la vitesse de la motocyclette était comprise entre 90 et 120 km/h, il n'apportait aucun élément technique de nature à remettre en cause les conclusions de ce dernier, sans examiner les conclusions de l'expertise amiable de M. E..., régulièrement produite aux débats, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"alors que, d'autre part, dans ses conclusions d'appel (page 4), Romain X... se prévalait de l'expertise amiable réalisée par M. E..., qui estimait que si la vitesse du motocycliste avait été supérieure à celle qu'il retenait, soit 85 km/h, Romain X... n'aurait pas survécu au choc contre un poteau téléphonique contre lequel il avait frappé la tête la première ; qu'en se bornant à énoncer qu'aucun élément technique n'était produit pour contredire les conclusions de M. Z..., expert, sans répondre à ces conclusions péremptoires du prévenu, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"alors que, enfin, en se déterminant par la circonstance qu'une vitesse plus modérée aurait permis à Romain X... d'effectuer, sans danger, une manoeuvre d'évitement, pour en déduire que celui-ci avait commis une imprudence à l'origine de l'accident, tout en relevant par ailleurs, en ce qui concerne la responsabilité pénale de M. Y..., que si celui-ci avait respecté son obligation de se déporter vers l'axe médian avant d'entreprendre son changement de direction, il aurait nécessairement aperçu la motocyclette " qui était nécessairement proche", d'où il résultait que la collision était en tout état de cause inévitable pour le motocycliste, quelle que fût sa vitesse, compte tenu de la proximité des deux véhicules au moment où l'automobiliste s'était engagé dans la voie de circulation de Romain X..., la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires en violation des textes visés au moyen" ;

Vu l'article 427 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'aucune disposition légale ne permet au juge répressif d'écarter une expertise produite au débat par une partie au seul motif qu'elle n'aurait pas été effectuée contradictoirement ; qu'il lui appartient seulement, en application du texte susvisé, d'en apprécier la valeur probante ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'une collision s'est produite entre l'automobile conduite par Jean-Pierre Y..., qui traversait la chaussée pour s'engager dans une voie située sur sa gauche, et la motocyclette pilotée par Romain X..., qui arrivait en sens inverse ; que les deux conducteurs ont été blessés et qu'Yvonne Y..., passagère de l'automobile, est décédée ; que le tribunal correctionnel a déclaré Romain X... coupable d'homicide et de blessures involontaires, ainsi que de la contravention de défaut de maîtrise faute d'avoir adapté sa vitesse aux difficultés de circulation, et Jean-Pierre Y... de blessures involontaires, ainsi que de la contravention de franchissement de l'axe médian de la chaussée ;

Attendu qu'avant de confirmer le jugement, l'arrêt, pour écarter des débats le rapport d'expertise établi à la demande de Romain X... concluant que la motocyclette roulait à une vitesse moindre que celle déterminée par l'expert judiciaire, se borne à énoncer que cette expertise amiable n'a pas été effectuée contradictoirement et que le prévenu n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions du rapport figurant à la procédure ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, à qui il appartenait d'apprécier le bien-fondé de l'élément de preuve produit par le prévenu et soumis à la discussion contradictoire des parties, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 14 juin 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-87656
Date de la décision : 24/04/2007
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 14 juin 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 avr. 2007, pourvoi n°06-87656


Composition du Tribunal
Président : Président : M. FARGE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.87656
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award