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03/06/2008 | FRANCE | N°07-11981

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juin 2008, 07-11981


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Unofi patrimoine que sur le pourvoi incident relevé par M. X... et autres, auquel s'associe M. Y..., et sur le pourvoi provoqué relevé par les sociétés CHB, HEB et OLB ;

Donne acte à la société Unofi patrimoine du désistement de son pourvoi en ce que celui-ci est dirigé contre M. Z... ;

Sur le moyen unique des trois pourvois, rédigés en termes identiques :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 décembre 2006), qu

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Unofi patrimoine que sur le pourvoi incident relevé par M. X... et autres, auquel s'associe M. Y..., et sur le pourvoi provoqué relevé par les sociétés CHB, HEB et OLB ;

Donne acte à la société Unofi patrimoine du désistement de son pourvoi en ce que celui-ci est dirigé contre M. Z... ;

Sur le moyen unique des trois pourvois, rédigés en termes identiques :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 décembre 2006), que la société Unofi patrimoine et d'autres porteurs de parts de la société civile de placement immobilier (SCPI) Logipierre 1 ont fait assigner cette société ainsi que sa gérante la société Cofigest forestière Trinité et demandé que soit constaté le caractère illicite de l'appel public à l'épargne réalisé par ces sociétés, que soit en conséquence prononcée l'annulation des souscriptions et que leur soient alloués des dommages-intérêts ;

Attendu que les demandeurs font grief à l'arrêt d'avoir rejeté ces demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une société civile ne peut faire publiquement appel à l'épargne que si son objet social est cantonné à l'acquisition et à la gestion d'un patrimoine immobilier locatif ; qu'en l'état des textes applicables à l'époque des faits, la gestion d'un patrimoine immobilier locatif à laquelle pouvait procéder une société civile faisant appel publiquement à l'épargne s'entendait de la réalisation de travaux d'entretien courant ou de menus aménagements, mais en aucun cas de travaux aboutissant à la restructuration ou à la reconstruction complète des immeubles ; qu'au cas présent, en se bornant à constater que "la SCPI a réalisé sur le patrimoine qu'elle a acquis d'importants travaux", sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, précisément, par leur ampleur et leur nature, les travaux en cause, qui avaient représenté 187 % de la valeur des immeubles de la société et auxquels celle-ci avait donc consacré 65 % des fonds recueillis, n'avaient pas abouti à une restructuration complète des immeubles, et n'avaient pas ainsi excédé ceux qu'une société civile pouvait légalement financer par le recours à l'épargne publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1841 du code civil et de l'article 1er de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, alors applicable, avant sa modification par la loi n° 93-6 du 4 janvier 1993 ;

2°/ qu'à supposer, par extraordinaire, que l'article 1er de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, tel que résultant de la loi n° 93-6 du 4 janvier 1993, ait été applicable en la cause, la cour d'appel aurait également privé sa décision de base légale au regard de l'article 1841 du code civil et du texte précité en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, quelle avait été l'importance exacte, en proportion de la valeur des immeubles, des travaux entrepris par la société Logipierre 1, cependant que, si la loi n° 93-6 du 4 janvier 1993 a élargi la possibilité pour une société civile de placement immobilier d'utiliser les fonds recueillis du public pour réaliser des travaux d'agrandissement et de reconstruction, c'est dans des proportions limitées, à l'origine, pour les travaux de reconstruction, à 3 % de la valeur vénale du patrimoine immobilier de la société en cause ;

3°/ que la légalité du recours à l'épargne publique par une société civile immobilière est subordonnée au fait que son objet social soit l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif, tout autre objet étant illicite ; que ne remplit pas cette condition une société civile propriétaire d'un patrimoine immobilier qui effectue des travaux autres que d'entretien courant ou de menus aménagements pour réaliser une véritable restructuration des immeubles ; qu'il importe peu, à cet égard, que l'activité de cette société n'aille pas jusqu'à être assimilable à celle d'un marchand de biens (et que les immeubles acquis par la SCPI ne soient pas revendus à bref délai) ou d'un promoteur immobilier (et que les immeubles ne soient pas bâtis par la SCPI), ou qu'elle n'ait pas opéré des investissements purement financiers, et non immobiliers, avec les fonds recueillis, la loi ne se référant pas à ces activités pour tracer le contour de l'appel public à l'épargne licite ; qu'au cas présent, en refusant de considérer que la société Logipierre 1 a eu recours de manière illicite à l'appel public à l'épargne au motif que cette société n'aurait "jamais exercé une activité de marchand de bien", qu'elle n'aurait "ni construit ni revendu des immeubles", et qu'elle n'aurait "pas davantage participé à des opérations de promotion immobilière ou encore exercé des activités financières parallèles autres qu'accessoires", la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article 1841 du code civil, de l'article 1er de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1831-1 du code civil et 1115 du code général des impôts ;

4°/ qu'une société civile dont l'objet est la reconstruction d'immeubles n'entre pas dans la catégorie des sociétés civiles habilitées par la loi à faire appel public à l'épargne ; qu'il importe peu à cet égard que la société ait annoncé, par avance, quel serait son objet, les règles relatives à l'appel public à l'épargne n'étant pas supplétives de volonté mais impératives et d'ordre public ; de sorte que, au cas présent, en refusant de considérer comme illicite l'opération réalisée par la société Logipierre 1 au motif que les "importants travaux" réalisés avec les fonds du public auraient servi à atteindre l'objectif de "valorisation patrimoniale" affiché par la société, objectif qui aurait également été annoncé à la Commission des opérations de bourse, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation des articles 6 et 1841 du code civil, ensemble de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1970, dans sa rédaction applicable en la cause ;

5°/ que la légalité du recours à l'épargne publique par une société civile de placement immobilier dépend de l'objet social réel de cette dernière, et non de son objet social statutaire ; que la légalité de l'appel public à l'épargne est, ainsi, une légalité sous condition, qui n'est pas définitivement acquise par l'émetteur, du seul fait qu'il a pris soin, dans son objet statutaire, de se présenter comme investissant uniquement dans des activités de gestion d'immobilier locatif ; de sorte que se prononce à nouveau par un motif inopérant, en violation de l'article 1841 du code civil, ensemble de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1970, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, la cour d'appel qui considère que l'appel public à l'épargne opéré par la SCPI Logipierre 1 aurait été licite au motif que son objet social statutaire correspondait à celui pour lequel la loi autorise le recours à l'épargne publique ;

6°/ qu'une société civile de placement immobilier ne peut faire appel public à l'épargne que si elle emploie les fonds ainsi recueillis à l'acquisition et à la gestion d'un patrimoine immobilier locatif ; que la régularité de l'appel public à l'épargne dépend ainsi, en partie, du comportement de l'opérateur postérieur à la levée des fonds ; que, dès lors, la délivrance par l'autorité de contrôle d'un visa avant le lancement de l'appel public à l'épargne n'empêche pas toute personne intéressée de contester la régularité de l'opération a posteriori, au vu de la destination finale des fonds collectés ; qu'au cas présent, pour valider les appels publics à l'épargne réalisés par la société Logipierre 1, la cour d'appel a relevé que celle-ci s'était toujours vue délivrer un visa par la Commission des opérations de bourse ; qu'en s'arrêtant à cette considération inopérante, dès lors que l'existence de ces visas n'équivalait pas à un blanc-seing soustrayant la SCPI à tout contrôle judiciaire a posteriori, la cour d'appel a violé l'article 1841 du code civil, ensemble l'article 1er de la loi du 31 décembre 1970, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;

7°/ que les règles définissant les conditions auxquelles une société civile peut faire publiquement appel à l'épargne sont impératives et ressortent de l'ordre public de direction ; que l'opérateur qui fait appel public à l'épargne ne peut pas s'y soustraire, pas plus que les épargnants ne peuvent renoncer à les invoquer ; qu'en relevant, pour considérer les appels publics à l'épargne effectués par la société Logipierre 1, que le caractère illicite de ces opérations ressortirait de documents publics, à la disposition des porteurs de parts, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation des articles 6 et 1841 du code civil, ensemble de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1970 dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu'après avoir constaté qu'il résulte de ses statuts que la société Logipierre 1 a pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1970, alors applicable, les sociétés civiles ayant pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif sont autorisées à faire publiquement appel à l'épargne, sous réserve de se conformer aux dispositions relatives à la compétence de la Commission des opérations de bourse ; qu'après avoir relevé qu'il n'est pas prétendu que les notes d'information de la société Logipierre 1 n'avaient pas reçu le visa de la Commission des opérations de bourse, l'arrêt relève encore que cette société s'est toujours présentée comme une SCPI de rénovation privilégiant la valorisation du capital à terme et qu'en effectuant sur le patrimoine acquis par elle d'importants travaux destinés à le valoriser et à permettre une location assortie d'une réelle rentabilité, elle s'est conformée au but poursuivi lors de sa constitution ; que l'arrêt retient enfin que la société Logipierre 1 n'a jamais exercé une activité de marchand de biens, qu'elle n'a ni construit ni revendu les immeubles et qu'elle n'a pas davantage participé à des opérations de promotion immobilière ou encore exercé des activités financières parallèles autres qu'accessoires ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations desquelles il résulte que la société Logipierre 1 avait procédé aux appels publics à l'épargne litigieux dans le respect des conditions posées par la loi et en conformité avec son objet tant statutaire que réel, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la septième branche, la cour d'appel, qui n'avait dès lors pas à procéder à la recherche visée par les première et deuxième branches, a légalement justifié sa décision et exactement retenu, sans encourir les griefs des troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, que les prétentions de la société Unofi et des autres porteurs de parts devaient être rejetées ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois, principal, incident et provoqué ;

Condamne les demandeurs aux pourvois aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ; condamne la société Unofi patrimoine à payer la somme de 2 500 euros à la société Logipierre 1 et celle de 2 500 euros à la société Cofigest forestière Trinité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-11981
Date de la décision : 03/06/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 décembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jui. 2008, pourvoi n°07-11981


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, Me Luc-Thaler, SCP Boulloche, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.11981
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