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09/12/2008 | FRANCE | N°08-82668

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 décembre 2008, 08-82668


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Laurent, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 2008, qui, dans la procédure suivie contre Jean-Luc Y... et Jean-Eric Z... du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, a prononcé sur l'action civile et l'a condamné au paiement de frais irrépétibles ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des art

icles 485, 486, 512 et 592 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt att...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Laurent, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 2008, qui, dans la procédure suivie contre Jean-Luc Y... et Jean-Eric Z... du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, a prononcé sur l'action civile et l'a condamné au paiement de frais irrépétibles ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 486, 512 et 592 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué en date du 5 mars 2008, mentionne que la cour était composée lors des débats et du délibéré de M. Foucart, président, de MM. Coural et Levy, conseillers, de M. Besse, représentant du ministère public et de Melle Brun, greffier et que le 5 mars 2008, M. le président étant empêché, c'est M. le conseiller Coural, magistrat ayant délibéré, qui a signé la minute et a donné lecture de l'arrêt ;
" alors que seul l'empêchement du président le jour du délibéré justifie qu'un autre magistrat ayant assisté aux débats signe la minute du jugement, de sorte que la cour d'appel qui a constaté la présence du président lors du délibéré ne pouvait abandonner à un autre magistrat le soin de signer la minute " ;
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que, le président étant empêché, M. Coural, conseiller ayant participé au délibéré, a signé la minute avec le greffier et a donné lecture de l'arrêt en audience publique ; que ces mentions établissent qu'il a été ainsi satisfait aux dispositions de l'article 486, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l''arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Laurent X... du chef de diffamation ;
" aux motifs que « Les journaux quotidiens Le Parisien, et l'Observateur de Beauvais, dans leurs éditions, datées respectivement des 14 décembre 2006 et 15 décembre 2006, relataient les débats de la séance tenue le 12 décembre 2006, par le conseil communautaire de l'agglomération du Beauvaisis, sous la présidence de Caroline B... ; qu'à l'ordre du jour de cette réunion, figurait, entre autres, la régularisation comptable du budget annexe « Assainissement », afférente à un trop perçu par le Siars de Rainvilliers Saint-Léger-en-Bray sur la subvention que lui avait accordée en 2001 l'Agence de l'Eau, en vue de la réalisation de travaux de branchements de particuliers en domaine privé au réseau d'eaux usées de la commune de Rainvillers ; qu'il est à préciser que la Communauté d'agglomération du Beauvaisis avait repris à compter du 1er janvier 2004 les compétences en matière d'assainissement, qu'assumait alors le Siars de Rainvilliers-Saint-Léger-en-Bray ; qu'avant ce transfert de compétences, ledit Siars avait perçu une subvention pour des travaux, dont le coût réel s'est finalement avéré moindre que celui prévu, de sorte que le montant définitif de la subvention avait dû être revu à la baisse, ce qui justifiait le remboursement du trop-perçu à l'organisme ayant versé ladite subvention ; qu'il était donc proposé au conseil communautaire de l'agglomération du Beauvaisis de prendre une délibération décidant le remboursement à l'Agence de l'Eau du trop-perçu de subvention pour un montant de 75 644, 76 euros par mandatement de cette somme à l'article 673 du budget assainissement ; qu'au cours du débat ayant précédé l'adoption de cette proposition, sont intervenus Jean-Eric Z... et Jean-Luc Y..., respectivement maires des communes de Saint-Léger-en-Bray et du Mont-Saint-Adrien, tous deux étant par ailleurs membres du conseil communautaire ; ils tenaient à l'égard de leur collègue, Laurent X..., maire de Rainvillers, ancien président de le Siars de Rainvilliers-Saint-Léger-en-Bray, et aussi membre du conseil communautaire, non présent, des propos critiques, dont la presse locale se faisait l'écho ; qu'estimant que les propos, ainsi tenus publiquement à son égard par ses deux collègues, portaient atteinte à son honneur et à sa considération, en laissant entendre qu'il s'était livré à des malversations et qu'il était un mauvais gestionnaire, Laurent X... citait directement, es qualités de partie civile, devant le tribunal correctionnel de Beauvais, par acte d'huissier de justice délivré le 12 mars 2007, sous les chefs de diffamation publique à l'encontre d'un citoyen chargé d'un mandat public, pour avoir tenu en public les propos suivants, tels que rapportés par la presse locale :- d'une part, Jean-Luc Y..., auquel il imputait les paroles suivantes : « Moi, je me demande où sont passés ces 75 600 euros puisqu'ils ont été versés et encaissés, les explications du représentant de la commune de Rainvilliers nous auraient été bien utiles, mais c'est visiblement courage, fuyons. Ce jour-là, j'avais une réunion communale. », lesquels propos, considérés par Laurent X..., comme diffamatoires à son égard, avaient été reproduits dans les colonnes du journal Le Parisien paru le 14 décembre 2006 ; que la partie civile soulignait, à l'appui de son acte de poursuite, que Jean-Luc Y..., maire du Mont-Saint-Adrien, était aussi fonctionnaire d'autorité affecté au service de l'eau dépendant de la direction départementale de l'agriculture de l'Oise, laquelle avait, en son temps, validé les choix techniques et financiers opérés en matière d'assainissement par le Siars de Rainvilliers-Saint-léger-en-Bray alors présidé par la partie civile ; que d'autre part Jean-Eric Z..., auquel il attribuait les paroles suivantes : « Le maire de Rainvilliers n'a pas eu une attitude d'élu responsable, il a appliqué les méthodes d'un promoteur immobilier qui veut faire l'assainissement en marche forcé », lesdits propos, considérés par Laurent X..., comme diffamatoires à son égard, ayant été reproduits dans les colonnes du journal Le Parisien paru le 14 décembre 2006 ; ou encore « Ses choix n'ont pas été ceux d'un élu responsable, soucieux d'une gestion saine des deniers publics », lesdits propos, considérés par Laurent X..., comme diffamatoires à son égard, ayant été reproduits dans les colonnes du journal L'Observateur de Beauvais, paru le 15 décembre 2006 ; que ces propos, dénoncés comme diffamatoires, visaient en outre un élu dans l'exercice de son mandat, en ce qu'ils mettaient explicitement en cause la partie civile à raison d'actes relevant de son mandat de président du syndicat intercommunal d'assainissement de Rainvillers et de Saint-Léger-en-Bray, avant sa dissolution. Aussi caractérisaient-ils, selon le plaignant, le délit prévu et réprimé par les articles 29 alinéa 1, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; que par jugement du 15 novembre 2007, le tribunal correctionnel de Beauvais devait relaxer Jean-Eric Z..., considérant que les propos tenus par ce dernier et reproduits par le quotidien « Le Parisien » s'analysaient en un commentaire critique de la gestion du syndicat Intercommunal d'Assainissement de Rainvillers et de Saint-Léger-en-Bray, lorsqu'il était présidé par Laurent X..., ces critiques étant formulées, de l'avis du premier juge, en des termes ne pouvant porter atteinte à l'honneur et à la considération du plaignant ; que concernant les propos diffamatoires imputés à Jean-Luc Y..., ce dernier contestait les avoir tenus, et en justifiait par la production du procès-verbal de la réunion du Conseil Communautaire en date du 12 décembre 2006, lequel mentionnait l'intervention du prévenu dans les termes suivants : « Madame la Présidente, je partage totalement votre appréciation, mais je regrette ce soir l'absence du représentant de la collectivité considéré, parce que je dirai que la devise, c'est « courage, fuyons devant les problèmes » ; que les propos imputés à Jean-Eric Z... ne comportent pas d'éléments caractérisant une diffamation et ceux attribués à Jean-Luc Y... s'avèrent contestés dans leur matérialité, l'auteur de l'article litigieux publié dans le journal Le Parisien, ayant convenu ne pas avoir recueilli directement du prévenu les propos mentionnés par ses soins ; qu'au surplus, les propos dénoncés s'inscrivaient dans un débat de politique locale, passant par la formulation, par ses acteurs, d'avis critiques parfois sévères ou vifs, lesquels participent de la nature démocratique du débat propre à ces instances ; que les propos litigieux n'ont pas, en tout état de cause, outrepassé les limites d'une critique inhérente au débat démocratique, présidant à l'exercice des mandats électifs, dont ceux locaux ; qu'à cet égard, il ne saurait être fait grief à Laurent X... d'avoir mis en cause Jean-Luc Y..., sur la base des propos qui étaient attribués à ce dernier par le journaliste du journal Le Parisien, les débats judiciaires ayant permis de constater sans ambiguïté, qu'une partie des propos attribués au prévenu ne paraissaient pas avoir été tenus par celui-ci ; que dans ces conditions, sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts n'est ni fondée ni justifiée, et sera rejetée, contrairement à ce que décidé par le premier juge » ;
" 1°) alors que l'exception de bonne foi tirée du légitime débat politique suppose que les propos diffamatoires ont été tenus dans le cadre d'un débat politique ; qu'en l'espèce, les allégations litigieuses relatives au remboursement d'un trop perçu du SIARS de Rainvillers et de Saint-Léger-en-Bray ont été tenues dans le cadre de séances de la Communauté de l'agglomération du Beauvaisis censée ne débattre que de questions techniques ; que la cour d'appel, qui a retenu que les propos litigieux s'inscrivaient dans le cadre d'un débat politique local et n'auraient pas outrepassé les limites d'une critique inhérente au débat démocratique, a méconnu le sens et la portée des articles visés au moyen ;
" 2°) alors que l'objectif d'information du public n'autorise que l'imputation de faits exclusifs de toute dénaturation et implique la prudence dans l'expression ; qu'en l'espèce, le demandeur avait fait valoir que les fonds correspondant au trop perçu du SIARS de Rainvillers et de Saint-Léger-en-Bray, conservés par le trésorier du SIARS dans un compte ouvert au Trésor Public, avaient été transférés à la Communauté de l'agglomération du Beauvaisis avec l'ensemble de l'actif du Syndicat ; que Jean-Eric Z... et Jean-Luc Y..., ce dernier étant responsable local de l'agence de l'Eau, ne pouvaient ignorer la destination de ces fonds et ont donc nécessairement manqué de prudence en laissant entendre que Laurent X... n'aurait pas été en mesure de les représenter et qu'il aurait ainsi commis des malversations ; que la cour d'appel, qui a exclu la qualification de diffamation au prétexte que les propos litigieux s'inscrivaient légitimement dans le cadre d'un débat démocratique exclusif de mauvaise foi, n'a pas légalement justifié sa décision, violant les articles visés au moyen " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'ils confirment mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les juges ont, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux conclusions dont ils étaient saisis, exactement apprécié le sens et la portée des propos litigieux effectivement tenus par les prévenus et estimé qu'ils ne constituaient pas le délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais, sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Laurent X... à payer à Jean-Eric Z... et Jean-Luc Y..., chacun, la somme de 750 euros sous le visa de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
" aux motifs que « l'appelant dont le recours est rejeté, sera condamné à payer à chacune des parties civiles une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure civile » ;
" 1°) alors qu'aux termes de l'article 475-1 du code de procédure pénale, la juridiction répressive peut condamner l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'ellle détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci ; qu'en condamnant Laurent X..., partie civile, à payer à Jean-Eric Z... et Jean-Luc Y..., prévenus relaxés, une somme de 750 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
" 2°) alors que la cour d'appel ne pouvait sans contradiction condamner Laurent X... à payer une somme de 750 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale tout en relevant dans ses motifs qu'il conviendrait de le condamner à une somme de 700 euros " ;
Vu l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, seul l'auteur de l'infraction peut être condamné au paiement des frais irrépétibles ;
Attendu qu'après avoir relaxé les prévenus, l'arrêt condamne la partie civile appelante à leur verser une somme au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'ou il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 5 mars 2008, en ses seules dispositions relatives à l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande formée par Jean-Luc Y... et Jean-Eric Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-82668
Date de la décision : 09/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 05 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 déc. 2008, pourvoi n°08-82668


Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:08.82668
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