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13/07/2010 | FRANCE | N°09-16102

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 juillet 2010, 09-16102


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile d'exploitation agricole
X...
frères (la SCEA) a pour associés Mme Marie-Thérèse X... et Mme Marcelle X..., veuve Y... (Mmes X...), respectivement titulaires de 47, 5 % et 5 % des parts représentant le capital social, et M. Jean X..., titulaire de 47, 5 % des parts ; que les statuts établis en 1964 indiquent que, " quant à présent ", la SCEA est administrée par Mme Marie-Thérèse X... et M. Jean X... en qualité de cogérants ; que lors d'une

assemblée générale ordinaire des associés réunie le 24 octobre 1990, il a été...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile d'exploitation agricole
X...
frères (la SCEA) a pour associés Mme Marie-Thérèse X... et Mme Marcelle X..., veuve Y... (Mmes X...), respectivement titulaires de 47, 5 % et 5 % des parts représentant le capital social, et M. Jean X..., titulaire de 47, 5 % des parts ; que les statuts établis en 1964 indiquent que, " quant à présent ", la SCEA est administrée par Mme Marie-Thérèse X... et M. Jean X... en qualité de cogérants ; que lors d'une assemblée générale ordinaire des associés réunie le 24 octobre 1990, il a été décidé de ne pas reconduire M. Jean X... dans ses fonctions de gérant ; que, faisant notamment valoir que certaines des décisions prises par l'assemblée des associés du 25 juin 2004 " avalisaient l'idée d'une gérance unique et tendaient à voir confirmer les pouvoirs de Mme Marie-Thérèse X... comme gérant unique ", en méconnaissance des statuts, M. X... a demandé l'annulation des délibérations adoptées lors de cette assemblée ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la décision de confirmer Mme Marie-Thérèse X... dans ses fonctions de gérante unique a été prise en violation des statuts qui instituent une cogérance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 14 des statuts stipule que " la société est administrée par un ou plusieurs gérants pris parmi les associés et nommés par décision ordinaire des associés ", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le texte susvisé ;

Et sur la quatrième branche du moyen, qui est recevable :

Vu l'article 1844-14 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que si M. X... serait irrecevable, en raison de la prescription, à agir en nullité de la décision prise lors de l'assemblée générale ordinaire du 24 octobre 1990 de le démettre de ses fonctions de cogérant et de maintenir Mme Marie-Thérèse X... comme seule gérante, il est, en revanche, recevable à opposer aux intimées se prévalant de la délibération du 24 octobre 1990, une exception de nullité, laquelle est perpétuelle ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la SCEA et Mmes X... se bornaient à conclure à la confirmation du jugement ayant débouté M. X... de sa prétention sans demander l'exécution de la délibération de l'assemblée des associés du 24 octobre 1990, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts dirigée contre Mme Marie-Thérèse X... et Mme Marcelle X..., veuve Y..., l'arrêt (n° 07 / 11971) rendu entre les parties le 17 juin 2009 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour Mme Marie-Thérèse X... et autre

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé pour vice de fond l'assemblée générale ordinaire de la SCEA X... FRERES du 25 juin 2004 ;

AUX MOTIFS QUE si le compte rendu de l'assemblée en cause apparaît suffisamment complet, les décisions qui y ont été votées sont contraires aux statuts ; qu'il est constant que la SCEA X... FRERES est une société civile à objet exclusivement agricole, son objet étant ainsi défini dans ses statuts : « exploitation de la grande ferme du TRONCHET qui sera prise à bail par la société ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail par la société, l'acquisition et l'exploitation de tous autres biens ruraux notamment par l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme et, généralement toutes les opérations mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement à l'objet précité, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société » ; que s'il peut être admis l'adjonction à l'activité civile agricole d'activités d'hébergement et d'accueil de public accessoires c'est à la condition que ces activités restent secondaires et qu'elles s'inscrivent dans le prolongement de l'acte de production agricole ou aient pour support l'exploitation agricole telles qu'activités de gîtes ruraux ou d'accueil à la ferme ; qu'il ressort des publicités et du journal d'informations locales versés aux débats ainsi que des bilans et du rapport, non démenti, de Monsieur Z...expert mandaté en 2006 par Monsieur X... que l'activité à vocation agricole de la SCEA X... FRERES a progressivement régressé au profit d'une activité hôtelière sans rapport avec l'activité agricole et devant être qualifiée de commercial puisque consistant, sur toute l'année, « en entreprise de réceptions privées et séminaires avec organisation ponctuelle de concerts et location de salles, chambres et logements », ces activités correspondant à l'origine à celle de l'ancienne société de fait ayant été intégrée dans l'activité de la SCEA X... FRERES et inscrite dans ses bilans et représentant la plus grosse part des chiffres d'affaires de celle-ci, Monsieur Z...dans son rapport, indiquant ainsi que « les deux tiers du chiffre d'affaires concernent cette activité, l'activité agricole y étant secondaire depuis de nombreuses années » et indiquant encore « que les bâtiments n'ont plus aujourd'hui de vocation agricole et constituent un ensemble hôtelier à part entière », ces indications induisant que la location de logements dans le manoir à côté de celles des chambres et des salles ne sont pas des activités réputées agricoles au sens de l'article L 311-1 du code rural lesquelles supposent qu'elles soient le prolongement de l'acte de production ou qu'elles aient pour support l'exploitation ; qu'à supposer que les travaux approuvés par l'assemblée du 15 / 3 / 2004, limités à la seule étable mais ayant achevé de faire basculer l'activité vers une activité à prépondérance commerciale ne puissent, à eux seuls, caractériser le changement d'objet social de la société, ils sont, en tout état de cause, contraires à l'objet social ci-dessus défini puisque visant à une affectation commerciale de ce bâtiment rénové de sorte que, dans tous les cas de figure, la décision prise par l'assemblée litigieuse doit être annulée ainsi, que par voie de conséquence, la décision de prêt qui en constitue l'accessoire ; que par ailleurs, concernant la confirmation de Mademoiselle X... comme seule gérante de la SCEA X... FRERES, si les statuts stipulent, en leur article 14, que la SCEA X... FRERES est gérée et administrée par un ou plusieurs gérants pris parmi les associés et nommés sur décision ordinaire des associés, il y est aussitôt indiqué que « quant à présent la société est gérée et administrée par Mademoiselle X... et Monsieur X... en qualité de cogérants avec indication que ces derniers avaient, en conséquence, les pouvoirs les plus étendus pour accomplir tous actes et opérations dans les limites de l'objet social » ; que ces indications suivies après une clause manuscrite par renvoi en marge aux termes de laquelle « la signature d'un seul des cogérants était suffisante pour les opérations courantes et d'administration n'excédant pas 10. 000 F, celles excédant ce chiffre ainsi que toutes opérations plus importantes ne pouvant être prises que sur la signature des deux gérants », d'indications dactylographiées sur les pouvoirs de ces gérants ; que l'article 15 sur les décisions collectives fait, de la même façon, référence « aux » gérants pour la convocation des assemblées ; que l'ensemble des mentions susvisées avec désignation nominale des deux cogérants démontre le choix des parties, lors de la signature des statuts, d'instituer, dans cette société familiale où les deux gérants nommés détenaient majoritairement le même nombre de parts, un équilibre des pouvoirs (corroboré par la mention manuscrite susvisée rajoutée) et leur choix subséquent d'instituer une cogérance statutaire, la référence faite dans les articles suivants à « la gérance » se rapportant manifestement, dans ce contexte, à cette gérance collective ; que la décision d'instituer aux lieu et place de cette cogérance statutaire une gérance unique confiée à Mademoiselle X... valait modification des statuts et ne pouvait, en conséquence, être prise qu'en assemblée extraordinaire et, conformément à l'article 15 des statuts, à une majorité « comprenant à la fois la majorité en nombre des associés et la majorité des trois quarts du capital social ; que si Monsieur X... serait, comme le soulignent les intimées, irrecevable, en raison de la prescription, à agir en nullité de la décision prise en assemblée ordinaire du 24 / 10 / 1990 de maintenir Mademoiselle X... comme seule gérante, il est par contre recevable à opposer aux intimées se prévalant de la délibération du 24 / 10 / 1990, une exception de nullité laquelle est perpétuelle ; que l'assemblée litigieuse ayant approuvé des décisions contraires aux statuts et le financement s'y rapportant, il convient d'annuler l'ensemble de ses résolutions ;

ALORS D'UNE PART QU'aux termes des statuts de la SCEA X... FRERES, la société avait pour objet « l'exploitation de la grande ferme du TRONCHET qui sera prise à bail par la société ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail par la société, l'acquisition et l'exploitation de tous autres biens ruraux notamment par l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme et, généralement toutes les opérations mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement à l'objet précité, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société » ; qu'aux termes des mêmes statuts, le gérant avait pour mission d'administrer le domaine et les biens de la société en bon père de famille en assurant la conservation et le développement du patrimoine social ; que dès lors, la restauration et l'aménagement de bâtiments agricoles non utilisés pour l'exploitation des terres, qui permet à l'exploitant agricole d'assurer la conservation desdits bâtiments en les rentabilisant, correspond à l'objet social en ce qu'ils assurent l'exploitation des biens ruraux au même titre que l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme, expressément visé par les statuts ; que dès lors, en décidant que les travaux limités à la seule étable mais ayant achevé de faire basculer l'activité vers une activité à prépondérance commerciale étaient contraires à l'objet social puisque visant une affectation commerciale de ce bâtiment rénové, la Cour d'Appel a violé lesdits statuts et l'article 1134 du Code Civil ;

ALORS D'AUTRE PART QU'aux termes de l'article L 311-1 du Code Rural, sont réputées agricoles, notamment, les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ; que ce texte répute civils des actes de manufacture, de location ou de services qui, en vertu de l'article L 110-1 du Code de Commerce constituent des actes de commerce, sous réserve qu'ils soient accomplis par un exploitant agricole et qu'ils aient, notamment, pour support l'exploitation ; que dès lors, en mettant en valeur une partie de son corps de ferme en le louant à des tiers, la SCEA, qui exploite par ailleurs près de 120 hectares de terres agricoles, a incontestablement réalisé une activité relevant du secteur agricole, de nature civile, conforme aux statuts de la SCEA ; qu'en décidant néanmoins, pour annuler la décision prise par l'assemblée générale du 15 mars 2004, que les travaux litigieux seraient, en tout état de cause, contraires à l'objet social puisque visant à une affectation commerciale du bâtiment rénové, la Cour d'Appel a violé l'article L 311-1 du Code Rural ;

ALORS ENCORE QU'aux termes de l'article 14 des statuts de la SCEA X... FRERES, « la société est administrée par un ou plusieurs gérants pris parmi les associés et nommés par décision ordinaire des associés » ; que si, lors de la constitution de la société, le 10 janvier 1964, les associés ont décidé d'en confier la gestion à des cogérants dont le mandat a été renouvelé chaque année à partir de 1975, les statuts prévoyaient expressément la possibilité d'un gérant unique, nommé par décision ordinaire des associés ; que dès lors, c'est au prix d'une dénaturation des statuts de la SCEA que la Cour d'Appel a jugé que la décision d'instituer une gérance unique confiée à Mademoiselle X... valait modification des statuts et ne pouvait être prise qu'en assemblée extraordinaire à une majorité comprenant à la fois la majorité en nombre des associés et la majorité des trois quarts du capital social ; qu'en statuant ainsi la Cour d'Appel a violé l'article 1134 du Code Civil ;

ALORS ENFIN QUE si l'exception de nullité est perpétuelle ce principe ne peut être invoqué que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; que tel n'était pas le cas dès lors que la Cour d'Appel n'était nullement saisie par Mesdames X... d'un demande d'exécution de la délibération du 24 octobre 1990 n'ayant pas renouvelé Monsieur X... dans ses fonctions de cogérant de la SCEA, délibération ayant, au surplus, reçu application pendant de nombreuses années sans être contestée par Monsieur X... qui a continué d'assister aux autres assemblées ; que dès lors, Monsieur X... qui, à l'appui de sa demande de nullité de la délibération du 8 avril 2004, soutenait qu'il avait la qualité de cogérant statutaire et que cette dernière assemblée ordinaire n'avait pu confirmer Mademoiselle X... dans ses fonctions de gérante unique ne pouvait se prévaloir de la perpétuité de l'exception de nullité de la délibération du 24 octobre 1990, dont il ne sollicitait pas la nullité ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la Cour d'Appel a violé le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-16102
Date de la décision : 13/07/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jui. 2010, pourvoi n°09-16102


Composition du Tribunal
Président : Mme Tric (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.16102
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