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13/07/2010 | FRANCE | N°09-68142

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 juillet 2010, 09-68142


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., agissant pour le compte d'une société en formation, dénommée Contents France (la société Contents), a demandé à la société Affectio societatis de l'assister pour mener à bien l'opération de reprise par la future société des actifs de la société Hoppy, en redressement judiciaire ; que la société Contents a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous la forme d'une société à responsabilité limitée ; qu'elle a ensuite été mi

se en liquidation judiciaire ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., agissant pour le compte d'une société en formation, dénommée Contents France (la société Contents), a demandé à la société Affectio societatis de l'assister pour mener à bien l'opération de reprise par la future société des actifs de la société Hoppy, en redressement judiciaire ; que la société Contents a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous la forme d'une société à responsabilité limitée ; qu'elle a ensuite été mise en liquidation judiciaire ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Affectio societatis fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement du prix de ses prestations formée contre Mme X..., alors, selon le moyen, que la société qui a été régulièrement constituée et immatriculée ne peut reprendre que les actes accomplis pour son compte alors qu'elle était en formation ; qu'une société à responsabilité limitée ne peut ainsi reprendre les actes accomplis par un de ses associés dans le cadre de la constitution d'une société par actions simplifiée en formation ; qu'en jugeant néanmoins que la société Contents France avait valablement repris l'engagement de Mme X... à l'égard de la société Affectio societatis, dans le cadre de la constitution de la société Contents France, au motif inopérant que la société à responsabilité limitée résultait de la seule modification du projet initial de société par actions simplifiée, tandis qu'elle retenait que l'engagement litigieux avait été souscrit au nom d'une SAS en formation, la cour d'appel a violé les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'après l'établissement d'un premier projet de statuts prévoyant la constitution de la société Contents sous forme de société par actions simplifiée, la société Affectio societatis avait conseillé l'adoption de la société à responsabilité limitée et adressé aux futurs associés la totalité de la documentation utile à la constitution de la société Contents sous cette forme ; qu'il ajoute que ce choix restait entièrement dans la continuité du projet de reprise de la société Hoppy et ne constituait pas un nouveau projet ; qu'ayant ainsi constaté que la société qui avait acquis la jouissance de la personnalité morale était celle pour le compte de laquelle Mme X... avait déclaré agir, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 210-5 du code de commerce ;

Attendu que lors de la constitution d'une société à responsabilité limitée, l'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, avec l'indication, pour chacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société, est présenté aux associés avant la signature des statuts ; que cet état est annexé aux statuts, dont la signature emporte reprise des engagements de la société, lorsque celle-ci a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés ;

Attendu que pour débouter la société Affectio societatis de ses demandes dirigées contre Mme X..., l'arrêt retient qu'aux statuts est annexée une liste des engagements souscrits ; qu'y est mentionné un "engagement de frais et honoraires de conseil et du coût des formalités (publicité, greffe) en vue de la constitution de la société et de la reprise à son profit de la totalité de l'entreprise dépendant du redressement judiciaire de la société Hoppy en exécution du jugement du tribunal de commerce de Troyes du 20 décembre 2006" ; que l'arrêt ajoute qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de la constatation que, dans le projet de statuts, ce même paragraphe commençait par les mots "engagements d'honoraires auprès de Maître Arnaud Y... et de la société Affectio societatis, de frais et du coût...", le reste sans changement ; que l'arrêt relève encore que cette différence ne traduit pas la volonté d'exclure de la reprise des engagements les honoraires de la société Affectio societatis mais au contraire celle d'élargir la portée de la reprise à tous les honoraires des conseils ayant participé à l'opération de constitution de la société et de reprise des actifs Hoppy ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs desquels il résulte que les documents annexés aux statuts ne comportaient pas l'indication de l'engagement résultant pour la société Contents du contrat conclu avec la société Affectio societatis pour le compte de la société en formation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Affectio societatis de ses demandes formées contre Mme X..., l'arrêt rendu le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Affectio societatis la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux conseils pour la société Affectio societatis

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société AFFECTIO SOCIETATIS de toutes ses demandes à l'encontre de Madame X... ;

Aux motifs que, « la mission de la société AFFECTIO SOCIETATIS portait, selon les termes de la lettre qu'elle a adressée le 04 mars 2006 à Madame X... sur une assistance dans le projet de reprise des actifs de la société HOPPY et consistait, notamment, en :

- le recueil et l'analyse des documents et informations sur l'entreprise,
- l'analyse du schéma de reprise propose et la définition de celui à retenir,
- la négociation avec les autres parties et leurs conseils, la préparation et/ou la revue de la documentation utile,
- la régularisation de l'opération et les formalités consécutives ;

que la lettre de mission n'a pas été retournée signée par Madame X... qui, par courrier électronique du 13 mars 2006, a communiqué son adresse personnelle à la société AFFECTIO SOCIETATIS qui la lui demandait pour "adresser au fur et a mesure les factures correspondantes à ses diligences" ; qu'il n'est pas, en effet, discuté que Madame X... a sollicité les conseils et les services de la société AFFECTIO SOCIETATIS dans le cadre du projet de reprise; lequel devait titre présenté par la société CONTENTS FRANCE, qui devait initialement titre constituée sous forme de SAS ; que c'est dans ces circonstances que la société AFFECTIO SOCIETATIS a établi trois premières factures, le 13 mars 2006 pour un montant de 3.946,36 euros, le 31 mars 2006 pour 789,36 euros et le 30 avril pour 10.757,30 euros, qu'elle a libellées à "Jacqueline X..." mais en précisant, sur chacune d'elle, "agissant pour le compte de la société Contents France Sas en cours de formation" ; que le 31 mai 2006, elle a adressé à "CONTENTS FRANCE c/o Jacqueline X..." une quatrième facture de 2.104,96 euros, portant ainsi ses facturations a un total de 17.598,42 euros dont elle réclame aujourd'hui le paiement à madame X... ; que ces quatre factures ont toutes pour objet : "Assistance et Conseil dans le cadre de la constitution de la société Contents France Sas et de la reprise des actifs de la société Hoppy en vertu du jugement rendu le 20 décembre 2005 par le tribunal de commerce de Troyes" ; que la société CONTENTS FRANCE a été constituée et immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Nanterre le 17 mai 2006, sous la forme d'une société à responsabilité limitée et non d'une société par actions simplifiée ; qu'aux termes de l'article 29 des statuts les associes de la société CONTENTS FRANCE ont approuvé les actes accomplis pour le compte de celle-ci avant son immatriculation et les engagements qui en sont la conséquence et ont déclaré que ces opérations et engagements devaient titre réputés avoir été faits et souscrits des l'origine par la société qui les a, ainsi, repris à son compte des son immatriculation ;
qu'aux statuts est annexée une liste des actes accomplis et des engagements souscrits ; qu'y est mentionne un "Engagement de frais et honoraires de conseil et du coût des formalités (publicité, greffe) en vue de la constitution de la société et de la reprise son profit de la totalité de l'entreprise dépendant du redressement judiciaire de la société Hoppy en exécution du jugement du tribunal de commerce de Troyes du 20 décembre 2006" ; qu'il ne peut être aucune conséquence de la constatation que, dans le projet de statuts, ce même paragraphe commençait par les mots "Engagements d'honoraires auprès de maître Arnaud Y... et de la société Affectio societatis, de frais et du coût...", le reste sans changement ; qu'il ne traduit pas la volonté d'exclure de la reprise des engagements les honoraires de la société AFFECTIO SOCIETATIS, mais aux contraire celle d'élargir la portée de la reprise a tous les honoraires des conseils ayant participe à l'opération de constitution de la société et de reprise des actifs HOPPY ; que cette décision prise par les associes fondateurs de la SARL CONTENTS FRANCE a pour effet, en application des articles L.210-6 et R,210-5 du code de commerce, de libérer l'auteur des engagements de son obligation personnelle et solidaire, telle qu'elle est édictée par l'article 1843 du code civil ; que la société AFFECTIO SOCIETATIS soutient que les engagements souscrits à son égard par Madame X... l'ont été pour le compte d'une société CONTENTS FRANCE SAS et ne pouvaient titre régulièrement repris par une société CONTENTS FRANCE constituée sous la forme de SARL ; mais que le choix de la forme juridique de la personne morale constituée pour le rachat des actifs de la société HOPPY ne résulte que de l'évolution de la maturation du projet ; que, selon la lettre de mission rédigée par la société AFFECTIO SOCIETATIS elle-même, les interventions qu'elle se proposait d'effectuer concernaient la reprise des actifs de la société HOPPY a l'exclusion de toute rédaction de statuts de la société CONTENTS France ; que le premier projet de ces statuts, sous forme de SAS a été établi par maître A... que la société AFFECTIO SOCIETATIS a analysé et critiqué, ainsi qu'en fait foi son courrier électronique du 03 avril 2006 ; que c'est à la suite de difficultés exprimées par mesdames X... et B... quant à la reprise en tant que salarie et d'éventuel associe de monsieur Jean Michel C... qui avait développé le projet industriel de la société HOPPY antérieurement a la procédure collective, et inquiétées par des informations défavorables obtenues sur cette personae, que la société AFFECTIO SOCIETATIS a conseillé l'adoption d'une forme SARL pour la société CONTENTS France ; que, dans un courrier électronique du 22 avril 2006, la société AFFECTIO SOCIETATIS écrivait a ces deux dames : "des lors que JMA n'est plus dans le paysage, il ne m'apparait pas utile de constituer une SAS, de supporter les coûts d'un CAC" (pour commissaire aux comptes) "et les lourdeurs correspondantes, une simple SARL suffit" ; que, dans ce même message, le dirigeant de la société AFFECTIO SOCIETATIS a comparé les incidences du choix entre société anonyme et société a responsabilité limitée pour conclure : "Tant qu'il n'y a pas d'obligations particulières nécessitant une société par actions (SAS ou SA), la forme SARL est de loin préférable pour démarrer surtout quand l'avenir est entièrement a reconstruire" ; que, le même jour, il a adresse a Mesdames X... et B..., sous forme de projet, la totalité de la documentation utile "à la constitution de CONTENTS FRANCE sous forme de Sarl", formule qui démontre que cette décision restait entièrement dans la continuité du projet de reprise de la société HOPPY et ne constituait pas, ainsi que le soutient inexactement la société AFFECTIO SOCIETAT1S, un nouveau projet ; qu'au nombre des éléments transmis comptait la totalité des ceux nécessaires a la constitution de la société : statuts, nomination de gérance, déclarations diverses, publicité légale et formalités ; que les honoraires de conseils de la société AFFECTIO SOCIETATIS ont été régulièrement repris par la société CONTENTS FRANCE, la forme juridique adoptée pour la constitution de cette personne morale étant, a cet égard, indifférente ; que cette réalité a été implicitement admise par la société AFFECTIO SOCIETATIS qui a attrait devant le tribunal de commerce de Nanterre Madame X... et la société CONTENTS FRANCE aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à payer la totalité des facturations émises, sans distinguer du total de 17.598,42 euros, la facture adressée directement à la société CONTENTS FRANCE car émise postérieurement a l'immatriculation de cette dernière ; que l'assignation rappelle la constitution de la société CONTENTS FRANCE sous la forme de SARL plutôt que de SAS sans en tirer de conséquences juridiques, et fait état des rappels adresses tant à la société qu`a ses associes ; que, comme le relève Maitre RIFFIER, la société AFFECTIO SOCIETATIS n'explique pas la raison pour laquelle elle n'a procédé a la déclaration d'une créance de 2.104,96 euros correspondant a la seule facture du 31 mai 2006 alors qu'en première instance, elle réclamait à la société la totalité de ses quatre factures » ;

1/ Alors que, d'une part, la société qui a été régulièrement constituée et immatriculée ne peut reprendre que les actes accomplis pour son compte alors qu'elle était en formation ; qu'une société à responsabilité limitée ne peut ainsi reprendre les actes accomplis par un de ses associés dans le cadre de la constitution d'une société par actions simplifiée en formation ; qu'en jugeant néanmoins que la SARL CONTENTS FRANCE avait valablement repris l'engagement de Madame X... à l'égard de la société AFFECTIO SOCIETATIS, dans le cadre de la constitution de la SAS CONTENTS FRANCE, au motif inopérant que la société à responsabilité limitée résultait de la seule modification du projet initial de société par actions simplifiée, tandis qu'elle retenait que l'engagement litigieux avait été souscrit au nom d'une SAS en formation, la cour d'appel a violé les articles L.210-6 et R.210-5 du Code de commerce ;

2/ Alors que, d'autre part, la société qui a été régulièrement constituée et immatriculée ne peut reprendre que les actes accomplis pour son compte alors qu'elle était en formation, lesquels doivent figurer sur un état annexé aux statuts ; que l'acte de reprise ne peut résulter que d'une mention précise de cet état ; qu'en l'espèce, l'état annexé aux statuts de la SARL CONTENTS FRANCE ne mentionnait que la reprise d'un « engagement de frais et honoraires de conseil et du coût des formalités (publicité, greffe) en vue de la constitution de la société et de la reprise à son profit de la totalité de l'entreprise dépendant du redressement judiciaire de la société Hoppy en exécution du jugement du tribunal de commerce de Troyes du 20 décembre 2006 » ; que cet état, qui ne mentionnait par ailleurs que des factures étrangères à celles de la société AFFECTIO SOCIETATIS et qui ne faisait pas mention de l'engagement souscrit par Madame X... à l'égard de la société AFFECTIO SOCIETATIS, ni la date ni le montant de cet engagement, ne pouvait valoir reprise de celui-ci ; qu'en jugeant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.210-6 et R.210-5 du Code de commerce ;

3/ Alors qu'au surplus, est inopposable au tiers contractant la reprise de l'engagement contracté à son égard par la société en formation lorsque cette reprise ne résulte que d'une fraude ; que la société AFFECTIO SOCIETATIS faisait valoir (concl. p. 10, § 6) que la reprise des actes de Madame X... par la société CONTENS était frauduleuse, dans la mesure où Madame X... n'avait jamais effectué l'apport auquel elle s'était engagée et où la société CONTENTS, devenue immédiatement insolvable, ne pouvait, en conséquence, assumer la charge des actes qu'elle prétendait reprendre ; qu'en ne répondant pas aux conclusions péremptoires dont elle était saisie, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-68142
Date de la décision : 13/07/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jui. 2010, pourvoi n°09-68142


Composition du Tribunal
Président : Mme Tric (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.68142
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