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01/02/2011 | FRANCE | N°09-67959

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 février 2011, 09-67959


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 novembre 2008), que M. X..., qui avait été engagé par la société Gargantua le 1er septembre 2000 en qualité de réceptionniste de nuit, a été licencié pour faute grave le 23 juin 2006, l'employeur lui reprochant de s'être approprié, sans autorisation et pour les présenter à l'inspection du travail, le bulletin de salaire de son collègue et un document comptable de l'hôtel ;
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de dire son licenciement

fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 novembre 2008), que M. X..., qui avait été engagé par la société Gargantua le 1er septembre 2000 en qualité de réceptionniste de nuit, a été licencié pour faute grave le 23 juin 2006, l'employeur lui reprochant de s'être approprié, sans autorisation et pour les présenter à l'inspection du travail, le bulletin de salaire de son collègue et un document comptable de l'hôtel ;
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave s'entend d'un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de M. X...fondé sur une faute grave, que ce dernier s'était approprié le bulletin de paie de son collègue, M. Y..., lorsque ce document, qui était celui remis au salarié, en application de l'article L. 3243-2 du code du travail, et non le double conservé par l'employeur, comme l'exige l'article L. 3243-4 du code du travail, n'appartenait pas à l'entreprise, de sorte que son appropriation ne pouvait justifier la rupture du contrat de travail, ce d'autant que le propriétaire du bulletin de paie avait refusé de déposer plainte contre le salarié licencié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ qu'en tout état un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l'exercice de ses droits en justice dans le litige l'opposant à son employeur, peut produire en justice des documents appartenant à ce dernier ; de sorte qu'en se bornant à retenir que M. X...s'était approprié le bulletin de paie de son collègue, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et débouter le salarié de ses demandes indemnitaires, sans rechercher si le document dont s'agit n'était pas strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense du salarié dans le litige l'opposant à son employeur afférent au non-versement d'une prime exceptionnelle octroyée aux autres salariés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié s'était, à l'insu de son collègue et pendant son absence, emparé de la fiche de paie de ce dernier, qu'il l'avait photocopiée et en avait fait usage auprès de l'inspection du travail, la cour d'appel a pu décider que ce fait était à lui seul suffisamment grave pour caractériser une faute, dont l'employeur pouvait se prévaloir, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur Elmi X...par la SAS Gargantua était justifié et partant de l'avoir débouté de ses demandes en dommage et intérêts, en indemnités de rupture et en paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire ;
AUX MOTIFS QUE – Sur le licenciement –
- La lettre de licenciement
Fixant les limites du litige, la lettre de licenciement énonce les motifs en ces termes :
« Bien que nous ayons fait preuve de mansuétude à votre égard pour préserver la relation de travail, nous avons été avertis que vous aviez pris possession d'un bulletin de salaire de votre collègue, Monsieur Y..., et d'un document comptable de l'hôtel.
Quelles que soient vos intentions, rien ne vous autorisait à vous approprier ces documents, à les présenter à un tiers, en l'espèce l'Inspection du Travail, et à divulguer des informations, soit strictement personnelles, soit attachées à l'activité de l'hôtel.
Cette appropriation et cette divulgation présentent un caractère illicite et frauduleux qui interdisent votre maintien dans l'entreprise et nous imposent de mettre un terme immédiat à votre contrat de travail. »
- Les principes-
La faute grave est une faute professionnelle ou disciplinaire dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du lien contractuel, même pendant la durée limitée du préavis ;
la charge de la preuve en incombe à l'employeur qui l'invoque et la détermination de la gravité de la faute est laissée à l'appréciation des juges qui restent tenus d'appliquer la législation de droit public énoncée par le Code du travail ;
la faute grave impliquant un licenciement disciplinaire, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance … » (Article L 122-44 du Code du travail) ;
Cependant un fait antérieur à deux mois peut être pris en considération s'il s'est répété ou poursuivi par la suite et lorsque des faits de même nature se reproduisent, l'employeur peut faire état des précédents, même s'ils ont été sanctionnés en leur temps (mais depuis moins de trois ans), pour justifier une sanction aggravée ;
La lettre de licenciement fixant les limites du litige, elle doit énoncer le ou les motifs de licenciement, lesquels doivent être précis, objectifs, vérifiables et, en matière de faute, situés dans le temps ;
L'employeur ne peut justifier de griefs retenus dans la lettre de licenciement en s'appuyant sur des éléments de preuve portés postérieurement à sa connaissance ;
- La preuve et appréciation des faits-
- Le bulletin de paie de Monsieur Y...

L'employeur verse aux débats une attestation de Monsieur Y...qui établit clairement qu'il n'a, à aucun moment, transmis sa fiche de paie à Monsieur Elmi X... et ce d'autant moins que lorsqu'elle a été distribuée, il se trouvait en congé et l'attestant ajoute être persuadé que l'intéressé s'est procuré à son insu ce document pour le photocopier ;
Devant les services de police, lors de l'enquête diligentée sur la plainte de l'employeur, Monsieur Y...a confirmé ne pas avoir donné « copie de son bulletin de salaire à cet individu » (Monsieur Elmi X...) ;
Il résulte des débats qu'effectivement ce bulletin de paie a été retrouvé dans le sac de Monsieur Elmi X..., oublié dans les services de l'Inspection du travail et que Monsieur Y...a été contacté, pensant que le sac lui appartenait ;
Au vu des éléments précités, Monsieur Elmi X... ne peut sérieusement soutenir que son collègue lui a remis volontairement le document et qu'il est aujourd'hui obligé d'attester le contraire dans la mesure où il demeure dans un lien de subordination avec la SAS Gargantua ;
Dès lors ce grief sera retenu à l'encontre du salarié et justifie à lui seul le licenciement intervenu pour faute grave sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'autre reproche ;
Le jugement qui a estimé que le licenciement était abusif sera donc infirmé et Monsieur Elmi X... sera débouté de ses demandes en dommage et intérêts, en paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire et en indemnités de rupture ;
ALORS QUE la faute grave s'entend d'un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Qu'en retenant, pour dire le licenciement de M. X...fondé sur une faute grave, que ce dernier s'était approprié le bulletin de paie de son collègue, M. Y..., lorsque ce document, qui était celui remis au salarié, en application de l'article L 3243-2 du Code du travail, et non le double conservé par l'employeur, comme l'exige l'article L 3243-4 du Code du travail, n'appartenait pas à l'entreprise, de sorte que son appropriation ne pouvait justifier la rupture du contrat de travail, ce d'autant que le propriétaire du bulletin de paie avait refusé de déposer plainte contre le salarié licencié, la Cour d'appel a violé les articles L 1234-1, L 1234-9 et L 1235-1 du Code du travail ;
ALORS QU'EN TOUT ETAT un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l'exercice de ses droits en justice dans le litige l'opposant à son employeur, peut produire en justice des documents appartenant à ce dernier ;
De sorte qu'en se bornant à retenir que M. X...s'était approprié le bulletin de paie de son collègue, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et débouter le salarié de ses demandes indemnitaires, sans rechercher si le document dont s'agit n'était pas strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense du salarié dans le litige l'opposant à son employeur afférent au non-versement d'une prime exceptionnelle octroyée aux autres salariés, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 1234-1, L 1234-9 et L 1235-1 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-67959
Date de la décision : 01/02/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 04 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 fév. 2011, pourvoi n°09-67959


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.67959
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