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28/04/2011 | FRANCE | N°10-87799

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 avril 2011, 10-87799


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Anthony X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de BASTIA, en date du 5 octobre 2010, qui a refusé de l'admettre au bénéfice de la libération conditionnelle ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, 729, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a

rejeté la demande de libération conditionnelle de M. X... et a dit que celui-c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Anthony X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de BASTIA, en date du 5 octobre 2010, qui a refusé de l'admettre au bénéfice de la libération conditionnelle ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, 729, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de libération conditionnelle de M. X... et a dit que celui-ci ne pourra présenter une telle demande avant l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de l'arrêt ;
" aux motifs que, suivant jugement rendu le 22 juillet 2010, le tribunal de l'application des peines de Bastia a admis M. X... au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 18 août 2010 et jusqu'au 23 avril 2013, a fixé la résidence du condamné ... 06 000 Nice et, outre les obligations générales de l'article 132-44 du code pénal, a soumis celui-ci aux obligations particulières suivantes :- résider en un lieu déterminé,- exercer une activité professionnelle ou suivre une formation professionnelle,- payer, en fonction de ses facultés contributives, les sommes dues à la partie civile,- se soumettre à une obligation de soins (alcoolisme),- ne pas fréquenter les débits de boissons,- ne pas détenir ou porter une arme,- ne pas paraître dans les départements de la Haute-Corse et de la Corse du Sud ; que, le 29 juillet 2010, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bastia a interjeté appel de cette décision ; que cet appel relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; que le 18 août 2010, M. X... a été élargi ; que, selon l'article 729, alinéa 2, du code de procédure pénale, la libération conditionnelle sauf en cas d'application d'une période de sûreté peut être accordée lorsque la durée de la peine à accomplir est au moins égale à la durée de la peine restant à subir ; qu'en l'espèce, M. X..., qui est incarcéré depuis le 30 avril 2004, a été condamné par la cour d'assises d'appel de la Haute-Corse à la peine de douze ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté de huit ans et est libérable à la date de la décision déférée au 23 avril 2013 ; que sa demande de libération conditionnelle est donc recevable ; qu'en application de l'article 729 du code de procédure pénale, les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d'une mesure de libération conditionnelle s'ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale notamment lorsqu'ils justifient soit de l'exercice d'une activité professionnelle, soit de l'assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement médical, soit de leurs efforts en vue d'indemniser la victime ; qu'au soutien de sa demande de libération conditionnelle, M. X... envisage de s'installer à Nice et de travailler pour une entreprise spécialisée dans les travaux difficiles ; que la réalité de l'offre d'embauche et de l'hébergement ont été vérifiés par voie d'enquête ; qu'il ressort par ailleurs des pièces figurant à la procédure que la détention de M. X... s'est déroulée sans incident notable et que celui-ci a notamment suivi des formations dans le domaine de l'informatique et dans celui de la comptabilité ; qu'il est établi aussi que le condamné indemnise de façon volontaire la partie civile et a remboursé la somme de 16 112 euros sur celle de 34 494 euros qui est due ; qu'enfin, la dernière expertise psychiatrique effectuée courant septembre 2009 ne révèle aucune pathologie mentale ni trouble de la personnalité, note que M. X... a présenté une addiction intermittente à l'alcool et constate une prise de conscience de la gravité des faits ne mettant en évidence aucun élément particulier de dangerosité ; que ces divers éléments témoignent certes d'efforts sérieux de réadaptation sociale ; que pourtant, il est constant que M. X... n'a pas abordé encore son problème d'alcoolisme lequel a, selon l'expert psychiatre favorisé le passage à l'acte ; que surtout, force est aussi de constater que les faits à l'origine de la condamnation de M. X... sont d'une particulière gravité ; que ceux-ci constitutifs en effet de meurtre ont été commis au préjudice d'un homme âgé de 46 ans, père de deux adolescents, lequel a été criblé de balles alors qu'il effectuait sa tournée de ramassage des ordures ménagères à X..., localité dont il était originaire comme le condamné d'ailleurs, éleveur dans ce village ; que ces faits qui se sont déroulés le 24 avril 2004 soit il y a à peine un peu plus de six ans ont suscité un important émoi dans la région d'autant que le mobile de l'homicide semble lié à une histoire de divagation d'animaux ; que compte tenu de ces éléments, le principe de crédibilité de la peine impose le rejet de la demande de libération conditionnelle d'autant que l'octroi d'un tel aménagement commande aussi au juge en application des principes généraux édictés par l'article préliminaire du code de procédure pénale de veiller et de prendre en compte les droits de la victime ;

" 1°/ alors que, dans sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009, l'article 729 du code de procédure pénale énumère une liste limitative de critères alternatifs manifestant la réalisation par le condamné d'efforts sérieux de réadaptation sociale ; qu'après avoir constaté que le demandeur satisfaisait en totalité à l'ensemble des critères précités relatifs à son cas, la cour a omis de tirer les conséquences nécessaires de ses propres constatations ;
" 2°/ alors qu'en l'état de la satisfaction par le demandeur de l'ensemble des critères le concernant dans le cadre de l'article 729, la cour ne pouvait rejeter la demande de libération conditionnelle en se référant abstraitement à la gravité des faits et à l'émoi qu'ils avaient provoqué dans la région lors de leur commission ; que ces considérations, abstraites et non actualisées, n'établissant de surcroît aucun risque de récidive, ne sauraient derechef fonder l'arrêt infirmatif attaqué ;
" 3°/ alors que les intérêts de la victime sont ici préservés par une indemnisation effective par le condamné, éventuellement doublée de l'interdiction faite à celui-ci de paraître en certains lieux ; qu'en se référant à un principe non juridique de « crédibilité de la peine », assimilé de surcroît à un véritable « droit » au profit des victimes, quand le demandeur indemnisait substantiellement la partie civile et pouvait aisément être éloigné du territoire Corse où les faits avaient eu lieu, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés et accordé à la partie civile une prérogative pénale étrangère à la loi ;
" 4°/ alors qu'en l'état de l'acceptation par le demandeur d'un suivi médical pour traiter une addiction alcoolique, acceptation expresse constatée par le premier juge, la cour, en objectant l'absence de prise en considération par le demandeur de son problème d'alcoolisme, s'est en tout état de cause déterminée par un motif contradictoire et erroné " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été condamné, le 12 octobre 2007, par la cour d'assises de la Haute-Corse, pour meurtre, à douze ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de huit ans ; que, par jugement du 14 décembre 2009, le tribunal de l'application des peines lui a accordé le relèvement de la période de sûreté ;
Attendu que, par jugement du 22 juillet 2010, le juge de l'application des peines l'a admis au bénéfice de la libération conditionnelle du 18 août 2010 au 23 avril 2013, en lui faisant notamment obligation de fixer sa résidence à Nice, d'indemniser les victimes, et de ne pas paraître dans les départements de la Haute-Corse et de la Corse du sud ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs prenant en considération les intérêts de la société, comme l'exige l'article 707, alinéa 2, du code de procédure pénale, et des parties civiles, comme l'exigent ce texte et l'article 712-16-1, indépendamment de ceux erronés mais non déterminants pris de la gravité de l'infraction, la chambre de l'application des peines a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 712-13, 729, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de libération conditionnelle de M. X... et a dit que celui-ci ne pourra présenter une telle demande avant l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de l'arrêt ;
" alors que la chambre de l'application des peines de la cour d'appel est autorisée à fixer un délai pendant lequel toute nouvelle demande tendant à l'octroi de la même mesure sera irrecevable uniquement dans le cas où elle confirme un jugement ayant refusé d'accorder une des mesures mentionnées à l'article 712-6 du code de procédure pénale, au nombre desquelles figure la libération conditionnelle ; que la cour, ayant infirmé le jugement qui a accordé au demandeur le bénéfice de la libération conditionnelle, ne pouvait soumettre toute nouvelle demande de libération conditionnelle à l'expiration d'un délai sans violer l'article 712-13, alinéa 2, du code de procédure pénale et l'ensemble des textes susvisés " ;
Vu l'article 712-13, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte que la chambre de l'application des peines ne peut fixer un délai pendant lequel toute nouvelle demande tendant à l'octroi de l'une des mesures mentionnées aux articles 712-6 ou 712-7 du code de procédure pénale sera irrecevable, que si elle confirme un jugement refusant de l'accorder ;
Attendu que, après avoir infirmé le jugement qui accordait à M. X... le bénéfice de la libération conditionnelle, la chambre de l'application des peines dit qu'il ne pourra présenter de nouvelle demande dans le délai d'un an ;
Mais attendu qu'en fixant ce délai alors qu'elle infirmait le jugement ayant accordé le bénéfice de la libération conditionnelle, la chambre de l'application des peines a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Bastia, en date du 5 octobre 2010, en ses seules dispositions ayant dit que M. X... ne pourrait présenter de nouvelle demande de libération conditionnelle avant l'expiration du délai d'une année, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pometan conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87799
Date de la décision : 28/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JURIDICTIONS DE L'APPLICATION DES PEINES - Cour d'appel - Chambre de l'application des peines - Pouvoirs - Etendue - Libération conditionnelle

Les juridictions de l'application des peines qui statuent sur une demande de libération conditionnelle ont l'obligation de prendre en compte les intérêts de la société, comme l'exige l'article 707, alinéa 2, du code de procédure pénale, et des parties civiles, comme l'exigent ce texte et l'article 712-16-1 dudit code. Justifie sa décision, indépendamment des motifs erronés mais non déterminants pris de la gravité de l'infraction, la chambre de l'application des peines qui fonde sa décision de rejet d'une demande de libération conditionnelle sur le fait que le condamné n'a pas abordé la question de son alcoolisme, qui, selon l'expert psychiatre a favorisé le passage à l'acte et sur des considérations prises de l'intérêt des victimes. Il se déduit de l'article 712-13 du code de procédure pénale que la chambre de l'application des peines ne peut fixer un délai pendant lequel toute nouvelle demande tendant à l'octroi de l'une des mesures mentionnées aux articles 712-6 et 712-7 dudit code, sera irrecevable, que si elle confirme un jugement refusant de l'accorder. Méconnaît ce texte et encourt la cassation par voie de retranchement, l'arrêt qui, après avoir infirmé le jugement qui accordait au condamné le bénéfice de la libération conditionnelle, fixe un délai avant l'expiration duquel celui-ci ne pourra présenter de nouvelle demande


Références :

Décision attaquée : Chambre de l'application des peines de la Cour d'appel de Bastia, 05 octobre 2010

Sur les conditions d'octroi de la libération conditionnelle, dans le même sens que :Crim., 7 novembre 2007, pourvoi n° 07-82598, Bull. crim. 2007, n° 270 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 avr. 2011, pourvoi n°10-87799, Bull. crim. criminel 2011, n° 79
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2011, n° 79

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Davenas
Rapporteur ?: M. Pometan
Avocat(s) : Me Bouthors

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.87799
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