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11/04/2012 | FRANCE | N°09-12431

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 avril 2012, 09-12431


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 septembre 2008), qu'à la suite d'un jugement en date du 25 juin 2002 du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence arrêtant un plan de cession du fonds de commerce de vols aériens et activités annexes exploité par la société Nouvelle Air Provence international (SNAPI), la société de droit suédois West Air Holding a constitué la société de droit français, West Air FR, qui a racheté le fonds de commerce le 28 août 2002 ; que cette société et la socié

té West Air Luxembourg, autre filiale de West Air Holding, ont conclu le 29...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 septembre 2008), qu'à la suite d'un jugement en date du 25 juin 2002 du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence arrêtant un plan de cession du fonds de commerce de vols aériens et activités annexes exploité par la société Nouvelle Air Provence international (SNAPI), la société de droit suédois West Air Holding a constitué la société de droit français, West Air FR, qui a racheté le fonds de commerce le 28 août 2002 ; que cette société et la société West Air Luxembourg, autre filiale de West Air Holding, ont conclu le 29 septembre 2002 une convention d'assistance aux termes de laquelle la société West Air Luxembourg devait fournir un support de gestion technique et administratif à la société West Air FR durant sa période de démarrage d'une durée de six mois pouvant être renouvelée par tacite reconduction ; qu'il était prévu que ce support serait facturé sur la base d'un fixe mensuel de 8 000 euros ; que la somme globale de 96 991,23 euros a été facturée à West Air FR au titre notamment du détachement de deux salariés, M. X... et M. Y... ; que par un jugement du tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 9 janvier 2004, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société West Air FR, la date de cessation des paiements étant fixée au 23 décembre 2003, le redressement judiciaire étant converti en liquidation judiciaire par décision en date du 27 février 2004, et M. Eric Z... étant alors désigné en qualité de liquidateur; que le liquidateur a fait assigner la société West Air Luxembourg devant la juridiction commerciale, soutenant que la convention du 29 septembre 2002 n'avait donné lieu à aucune prestation effective et que l'un des paiements avait été effectué au cours de la période suspecte ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société West Air Luxembourg fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité pour cause illicite de la convention de prestation de services conclue le 29 septembre 2002, comme dissimulant un prêt de main d'oeuvre illicite, et, en conséquence, de la condamner à payer à M. Z... ès qualités, la somme de 75 391,23 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que le prêt de main d'oeuvre n'est caractérisé que dans la mesure où une main-d'oeuvre a été effectivement fournie à l'utilisateur ; que dès lors qu'elle relève qu'il n'était pas établi que MM. Y... et X... avaient effectivement été détachés auprès de la société West Air FR, et concernant ce dernier, quelles fonctions il aurait réellement exercées, au sein de la structure d'accueil, la convention de prestation de service ne pouvait pas dissimuler un prêt de main d'oeuvre qu'elle soit ou non licite ; que la cour d'appel a violé l'article L. 125-3 ancien recodifié aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

2°/ qu'en vertu des dispositions combinées des articles 9 du code de procédure civile et L. 125-3 ancien recodifié aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail, la charge de la preuve de l'existence d'une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre incombe à la partie qui l'invoque ; qu'en la faisant porter par la société West Air Luxembourg, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°/ que le prêt de main-d'oeuvre n'est illicite que dans la mesure où la convention a pour objet exclusif un tel prêt ; qu'en retenant l'illicéité de la convention en cause, sans caractériser l'exclusivité du but du prêt de main-d'oeuvre, la cour d'appel a violé les articles L. 125-3 ancien, aujourd'hui L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

4°/ que le prêt de main d'oeuvre n'est illicite que s'il a un but lucratif ; qu'en décidant que la convention litigieuse dissimulait un prêt de main d'oeuvre illicite, sans caractériser un quelconque but lucratif, que ce soit par la recherche de profits, d'économies, ou par le paiement de salariés en fonction de leur nombre, de leur qualification ou de leur temps de travail, la cour d'appel a encore violé les dispositions de l'article L. 125-3 ancien recodifié aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société West Air Luxembourg a émis de février 2003 à novembre 2003 douze factures pour un total de 96 991,23 euros, le montant des factures au titre des "honoraires de direction" pouvant être de 16 000, 8 000 ou 4 000 euros et une facture d'honoraires de "Cancellation" d'un montant de 4 991,23 euros étant facturée pour juin 2003, alors qu'une rémunération forfaitaire de 8 000 euros par mois avait été convenue, que la société West Air Luxembourg n'a fait référence , pour preuve de la réalité des prestations fournies au titre de la convention d'assistance, qu'au détachement de MM. X... et Y..., qu'aucun élément n'est produit démontrant un détachement de M. Y..., ni établissant que M. X... mettait en oeuvre pour l'exécution de la mission qui lui avait été confiée par la société West Air Luxembourg une technicité propre à cette dernière ou un savoir-faire spécifique, qu'au contraire l'organigramme de la société West Air FR établissait que les personnels existant en son sein avaient la capacité d'assumer la gestion technique et administrative de l'entreprise ; que la cour d'appel a ainsi, sans renverser la charge de la preuve, pu décider que la convention d'assistance conclue entre la société West Air Luxembourg et la société West Air France caractérisait un prêt de main d'oeuvre à but lucratif, prohibé par l'article L. 8241-1 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société West Air Luxembourg fait grief à l'arrêt d'avoir dit nul le virement de 8 000 euros effectué par la société West Air FR à son profit après sa date de cessation des paiements et d'avoir, en conséquence, condamné celle-ci à payer à son liquidateur cette somme, alors, selon le moyen, qu'un ordre de virement n'est pas susceptible d'annulation s'il a été effectué avant la date de cessation des paiements, quand bien même la banque réceptionnaire n'aurait envoyé un message d'acquittement vers la banque émettrice que postérieurement à cette date, l'envoi de ce message n'étant que la régularisation comptable de l'opération qui a déjà eu lieu ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 632-1 et suivants du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt énonce d'abord que la période suspecte débutant à la première heure du jour fixé pour la date de cessation des paiements, les paiements pour dettes échues effectués le même jour sont nécessairement postérieurs ; qu'il énonce ensuite que, s'agissant d'un paiement effectué par virement, le créancier bénéficiaire est réputé avoir reçu paiement du débiteur à la date à laquelle il acquiert un droit définitif sur les fonds c'est-à- dire, selon l'article L. 330-1 du code monétaire et financier, dès que l'ordre est devenu irrévocable, à une date et selon les modalités conformes aux règles de fonctionnement du système interbancaire de télécompensation (SIT) et que selon les règles de fonctionnement de ce système, l'ordre devient irrévocable lorsqu'après acheminement par la banque émettrice d'un message vers la station SIT du centre interbancaire de la banque réceptionnaire (échange interbancaire M1 ), cette dernière envoie un message d'acquittement vers la banque émettrice qui formalise l'échange entre les deux banques (acquittement M2) ; qu'il énonce encore que l'heure limite d'arrivée des messages M1 à la station réceptrice est fixée journellement à 13h30 pour les virements ; qu'il constate enfin que l'ordre de virement a été transmis par la société West Air FR à sa banque le 22 décembre 2003 à 15h43 et retient que l'heure limite d'échange étant dépassée, l'ordre n'a pu devenir irrévocable qu'à J+1 soit le 23 décembre 2003 ; que de ces énonciations, constatations et appréciations faisant ressortir que l'envoi du message d'acquittement M2 ne constituait pas une simple régularisation comptable, la cour d'appel a exactement déduit que le paiement par la société West Air FR était postérieur à sa date de cessation des paiements qui a pris effet le 23 décembre à 0 heure et fait pendant la période suspecte ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société West Air Luxembourg aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Z..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonction de président, à l'audience publique du onze avril deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société West Air Luxembourg.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité pour cause illicite de la convention de prestation de services conclue le 29 septembre 2002, comme dissimulant un prêt de main d'oeuvre illicite, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société West Air Luxembourg à payer à Maître Z... ès-qualités, la somme de 75.391,23 € ;

AUX MOTIFS QUE les factures mensuelles sont de montants variables, les honoraires de direction étant facturés selon les mois entre 4.000 et 16.000 €, et les honoraires de « Cancellation » de 4.991,23 € uniquement au mois de juin 2003 ; que la société West Air Luxembourg ne justifie pas des « nombreux moyens » mis en oeuvre pour exécuter la convention de soutien technique et administratif, qu'elle invoque ; qu'elle n'établit pas l'existence d'un lien de préposition avec Monsieur Y..., ni le détachement de celui-ci auprès de la société West Air Fr ; que bien que Monsieur X... ait, en vertu de son contrat de travail signé le 28 juin 2002, été embauché pour exercer des fonctions de dirigeant responsable auprès de West Air Fr et qu'après l'avenant du 12 septembre 2002, il ait été maintenu en détachement partiel auprès de West Air Fr pour assurer la gestion quotidienne de l'entreprise, il n'est rapporté aucun élément de preuve que Monsieur X... mettait en oeuvre une technicité propre ou un savoir-faire spécifique et que le lien de subordination avait été transféré à l'entreprise utilisatrice ; qu'au contraire, il résulte de l'organigramme de West Air Fr, produit par le liquidateur, que Monsieur X... n'y figure pas, que les fonctions de dirigeant responsable sont exercées par une autre personne et que les personnels existants au sein de West Air Fr avaient la capacité d'assumer la gestion technique et administrative de l'entreprise ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le prêt de main d'oeuvre n'est caractérisé que dans la mesure où une main-d'oeuvre a été effectivement fournie à l'utilisateur ; que dès lors qu'elle relève qu'il n'était pas établi que Messieurs Y... et X... avaient effectivement été détachés auprès de la société West Air Fr, et concernant ce dernier, quelles fonctions il aurait réellement exercées, au sein de la structure d'accueil, la convention de prestation de service ne pouvait pas dissimuler un prêt de main d'oeuvre qu'elle soit ou non licite ; que la Cour d'appel a violé l'article L. 125-3 ancien recodifié aux articles L.8241-1 et L. 8241-2 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QU'en vertu des dispositions combinées des articles 9 du Code de procédure civile et L.125-3 ancien recodifié aux articles L.8241-1 et L. 8241-2 du Code du travail, la charge de la preuve de l'existence d'une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre incombe à la partie qui l'invoque ; qu'en la faisant porter par la société West Air Luxembourg, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

ALORS, ENCORE, QUE le prêt de main-d'oeuvre n'est illicite que dans la mesure où la convention a pour objet exclusif un tel prêt ; qu'en retenant l'illicéité de la convention en cause, sans caractériser l'exclusivité du but du prêt de main-d'oeuvre, la Cour d'appel a violé les articles L.125-3 ancien, aujourd'hui L.8241-1 et L.8241-2 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN, QUE le prêt de main d'oeuvre n'est illicite que s'il a un but lucratif ; qu'en décidant que la convention litigieuse dissimulait un prêt de main d'oeuvre illicite, sans caractériser un quelconque but lucratif, que ce soit par la recherche de profits, d'économies, ou par le paiement de salariés en fonction de leur nombre, de leur qualification ou de leur temps de travail, la Cour d'appel a encore violé les dispositions de l'article L. 125-3 ancien recodifié aux articles L.8241-1 et L. 8241-2 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR dit nul le virement de 8.000 € effectué par la société West Air Fr au profit de la société West Air Luxembourg après la date de cessation des paiements et d'AVOIR, en conséquence, condamné celle-ci à payer à Monsieur Z... ladite somme ;

AUX MOTIFS QUE la date de cessation des paiements ayant été fixée au 23 décembre 2003 et la période suspecte débutant la première heure du jour fixé pour la date de cessation des paiements, les paiements pour dettes échues effectués le même jour sont nécessairement postérieurs ; que s'agissant d'un paiement effectué par virement, le créancier bénéficiaire est réputé avoir reçu paiement du débiteur à la date à laquelle il acquiert un droit définitif sur les fonds c'est à dire selon l'article L.330-1 du Code monétaire et financier dès que l'ordre est devenu irrévocable, à une date et selon les modalités conformes aux règles de fonctionnement du système interbancaire de télécompensation (SIT) ; que selon ces règles, l'ordre devient irrévocable lorsqu'après acheminement par la banque émettrice d'un message vers la station SIT du centre interbancaire de la banque réceptionnaire (échange interbancaire M1), cette dernière envoie un message d'acquittement vers la banque émettrice qui formalise l'échange entre les deux banques (acquittement M2) ; que l'heure limite d'arrivée des messages M1 à la station réceptrice est fixée journellement à 13h30 pour les virements ; qu'en l'espèce, l'ordre de virement a été transmis par la SA West Air Fr à sa banque le 22 décembre 2003 à 15h43 ; qu'il s'ensuit que l'heure limite d'échange étant dépassée, l'ordre n'a pu devenir irrévocable qu'à J+1 soit le 23 décembre 2003 en sorte que le paiement est postérieur à la cessation des paiements qui a pris effet le 23 décembre à 0 heure ;

ET AUX MOTIFS, à les supposer ADOPTES QU'un virement émis le 22/12/2003 implique « un paiement pour dettes échues » au minimum le 23/12/2003 si ce n'est ultérieurement ;

ALORS QU'un ordre de virement n'est pas susceptible d'annulation s'il a été effectué avant la date de cessation des paiements, quand bien même la banque réceptionnaire n'aurait envoyé un message d'acquittement vers la banque émettrice que postérieurement à cette date, l'envoi de ce message n'étant que la régularisation comptable de l'opération qui a déjà eu lieu ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 632-1 et suivants du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-12431
Date de la décision : 11/04/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 avr. 2012, pourvoi n°09-12431


Composition du Tribunal
Président : M. Gérard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:09.12431
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