La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2012 | FRANCE | N°11-17061

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2012, 11-17061


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 février 2011), que, le 3 mars 2006, M. X..., gérant de la société le Bistrot des clercs (la société), a remis à l'encaissement sur le compte de la société dans les livres de la Banque populaire des Alpes (la banque) un chèque de 32 000 euros tiré par la société M.C développement dont M. X... était également le gérant ; que, le même jour, la banque a inscrit son montant sur un compte d'attente, après avoir été avisé qu'il é

tait dépourvu de provision et a rejeté deux chèques émis par la société, dont le m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 février 2011), que, le 3 mars 2006, M. X..., gérant de la société le Bistrot des clercs (la société), a remis à l'encaissement sur le compte de la société dans les livres de la Banque populaire des Alpes (la banque) un chèque de 32 000 euros tiré par la société M.C développement dont M. X... était également le gérant ; que, le même jour, la banque a inscrit son montant sur un compte d'attente, après avoir été avisé qu'il était dépourvu de provision et a rejeté deux chèques émis par la société, dont le montant cumulé ajouté au découvert existant, excédait l'autorisation de découvert; que la banque ayant assigné la société en paiement du solde du compte courant, cette dernière, sans contester le montant réclamé, a reproché à celle-ci de lui avoir causé un préjudice en n'ayant pas inscrit le montant du chèque de 32 000 euros sur son compte courant ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts et de l'avoir condamnée à payer à la banque la somme de 31 525,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2006, alors, selon le moyen ;
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient sur le fait que le 3 mars 2006, le compte courant de la société présentait un solde débiteur autorisé, son montant étant de l'ordre de 43 334,74 euros pour une autorisation de 50 000 euros ; qu'en conséquence, si la banque n'avait pas refusé d'inscrire provisoirement le chèque de 32 000 euros au crédit de la société, les chèques émis par elle pour un montant cumulé de 31 681 euros auraient pu être payés ; que dès lors, en affirmant, pour rejeter le préjudice de perte de chance d'échapper aux pénalités, commissions et frais consécutifs au rejet du ou des chèques rejetés, que les deux chèques rejetés le 3 mars 2006 par la banque ne pouvaient qu'être rejetés, dans la mesure où il n'aurait été pas contesté qu'à cette date, l'autorisation de découvert était largement dépassée, la cour d'appel, qui a ignoré que les parties s'accordaient sur le fait que le 3 mars 2006 l'autorisation de découvert n'était pas dépassée, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que le banquier qui reçoit un chèque à l'encaissement doit inscrire le montant de ce chèque au crédit du compte du remettant, quitte à exercer, en cas de non paiement pour défaut de provision, une action en remboursement contre son client ; qu'en conséquence, l'éventuelle absence de provision du chèque remis à l'encaissement n'interdit pas l'inscription du montant de ce chèque au crédit du compte du remettant et permet un éventuel décaissement de ce dernier correspondant au montant du chèque crédité ; que dès lors en affirmant, pour rejeter le préjudice de perte de chance d'échapper aux pénalités, commissions et frais consécutifs au rejet du ou des chèques rejetés, que le chèque de 32 000 euros ne pouvait en tout état de cause, faute de provision au 3 mars 2006, permettre le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques rejetés, après avoir pourtant constaté que la banque avait manqué à ses obligations en n'inscrivant pas provisoirement le chèque de 32 000 euros sur le compte de la société, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 131-4 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que le banquier, auquel un chèque est remis à l'encaissement, s'il ne procède pas à son inscription en compte immédiatement, a l'obligation d'en prévenir son client, faute de quoi il engagerait sa responsabilité, sauf stipulations contractuelles contraires ou circonstances particulières ; qu'après avoir rappelé que le gérant de la société avait remis, le 3 mars 2006, à l'encaissement un chèque d'un montant de 32 000 euros tiré sur une autre banque et que cette dernière avait répondu à la demande de la banque qu'il n'y avait pas de provision suffisante, de sorte que la banque a inscrit le montant du chèque, dans l'attente de son encaissement, sur un compte d'attente et rejeté les deux chèques émis par la société, l'arrêt retient que le chèque de 32 000 euros n'aurait pu, faute de provision au 3 mars 2006, permettre en tout état de cause le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques rejetés ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la faute de la banque ne pouvait être à l'origine du rejet des chèques et du préjudice en résultant, la cour d'appel, abstraction faite du grief de la première branche qui s'attaque à un motif surabondant, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Bistrot des clercs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Le Bistrot des clercs.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société LE BISTROT DES CLERCS de sa demande de dommages et intérêts et d'AVOIR condamné la société le BISTROT DES CLERCS à payer à la BANQUE POPULAIRE DES ALPES la somme de 31.525,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2006 ;
AUX MOTIFS QUE le 3 mars 2006, M. X..., gérant de la société LE BISTROT DES CLERCS, a remis à l'encaissement un chèque d'un montant de 32.000 € tiré sur un compte ouvert auprès du CRÉDIT MUTUEL par la société MC DÉVELOPPEMENT, société dont M. X... était également gérant ; que la BANQUE POPULAIRE DES ALPES a demandé au CRÉDIT MUTUEL par fax du 3 mars 2006 un « avis de sort » pour lui permettre de décaisser sur ce chèque et, le même jour, le CRÉDIT MUTUEL a répondu qu'il n'y avait « pas de provision suffisante à ce jour » ; que la BANQUE POPULAIRE DES ALPES a remis ce chèque à l'encaissement sur un compte d'attente et, toujours le même jour, a rejeté deux chèques émis par la société LE BISTROT DES CLERCS dont le montant cumulé avec le découvert existant excédait l'autorisation de découvert consentie jusque-là ;qu'ultérieurement, et après que ces différents chèques aient fait l'objet d'une régularisation (le chèque de 32.000 € a ainsi été porté au crédit du compte le 9 mars 2006) la banque a dénoncé ses concours par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mars 2006 puis, alors que le découvert n'avait pas été résorbé selon les engagements pris par la société LE BISTROT DES CLERCS le 7 juin 2006, a procédé à la clôture du compte par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 octobre 2006 ; que la société LE BISTROT DES CLERCS, qui ne conteste pas le montant du solde débiteur de son compte courant, estime que la banque a commis une faute en ne mettant pas à l'encaissement dès sa remise le 3 mars 2006 au matin, d'un chèque de 32.000 € émis par la société MC DÉVELOPPEMENT, ce qui a généré le rejet de plusieurs chèques et une interdiction d'émettre des chèques, et en ne l'informant pas des conséquences du défaut de provision de ce chèque ; qu'il convient d'observer que ce n'était pas à la BANQUE POPULAIRE DES ALPES d'informer, dans le cadre des dispositions de l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, la société LE BISTROT DES CLERCS de l'absence de provision du chèque de 32.000 €, mais à la banque tirée, à savoir le CRÉDIT MUTUEL ; qu'il apparaît cependant que la BANQUE POPULAIRE DES ALPES a commis une faute en n'inscrivant pas provisoirement ce chèque et, surtout, en n'enclenchant pas la procédure devant conduire au rejet du chèque ; que le CRÉDIT MUTUEL, même s'il était informé de l'existence de ce chèque par le fax de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES, ne pouvait pas, alors qu'il n'était pas présenté au paiement, procéder à cette information et le gérant de la société LE BISTROT DES CLERCS, même s'il ne pouvait ignorer l'absence de provision alors qu'il était également gérant de la société MC DÉVELOPPEMENT, n'a ainsi pas été mis en mesure d'approvisionner suffisamment le compte ouvert auprès du CRÉDIT MUTUEL, ce qui n'a été fait en définitive que le 9 mars 2006 permettant ainsi, sans que le chèque litigieux ait été formellement rejeté, d'en inscrire le montant au crédit du compte ouvert auprès de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES ; que le préjudice éventuellement subi ne peut s'analyser qu'en une perte de chance d'échapper, par une régularisation rapide, aux pénalités, commissions et frais consécutifs au rejet du ou des chèques rejetés, étant observé que la société LE BISTROT DES CLERCS ne soutient pas que la dénonciation des concours par la banque effectuée par lettre du 24 mars 2006 soit en lien avec cet incident ; qu'il convient à cet égard de relever que les deux chèques rejetés le 3 mars 2006 par la BANQUE POPULAIRE DES ALPES, pour un montant cumulé de 31.681 €, ne pouvaient qu'être rejetés à cette date alors que l'autorisation de découvert était largement dépassé, ce qui n'est pas contesté, et que le chèque de 32.000 € ne pouvait en tout état de cause, faute de provision au 3 mars 2006, permettre le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques rejetés ; qu'il s'ensuit que, même si la banque a commis une faute, les deux chèques rejetés le 3 mars 2006 ne pouvaient qu'être rejetés et entraîner ainsi pour la société LE BISTROT DES CLERCS l'imputation des pénalités et frais liés à ce rejet ; que la société LE BISTROT DES CLERCS ne justifie ainsi pas du préjudice qu'elle invoque ; qu'il convient par voie de conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société LE BISTROT DES CLERCS de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il a condamné la société LE BISTROT DES CLERCS à payer à la BANQUE POPULAIRE DES ALPES la somme de 31.525,08 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2006 ;
1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient sur le fait que le 3 mars 2006, le compte courant de la société LE BISTROT DES CLERCS présentait un solde débiteur autorisé, son montant étant de l'ordre de 43.334,74 euros pour une autorisation de 50.000 euros ; qu'en conséquence, si la BANQUE POPULAIRE DES ALPES n'avait pas refusé d'inscrire provisoirement le chèque de 32.000 euros au crédit de la société LE BISTROT DES CLERCS, les chèques émis par elle pour un montant cumulé de 31.681 euros auraient pu être admis ; que dès lors, en affirmant, pour rejeter le préjudice de perte de chance d'échapper aux pénalités, commissions et frais consécutifs au rejet du ou des chèques rejetés, que les deux chèques rejetés le 3 mars 2006 par la BANQUE POPULAIRE DES ALPES ne pouvaient qu'être rejetés, dans la mesure où il n'aurait été pas contesté qu'à cette date, l'autorisation de découvert était largement dépassée, la Cour d'appel, qui a ignoré que les parties s'accordaient sur le fait que le 3 mars 2006 l'autorisation de découvert n'était pas dépassée, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le banquier qui reçoit un chèque à l'encaissement doit inscrire le montant de ce chèque au crédit du compte du remettant, quitte à exercer, en cas de non paiement pour défaut de provision, une action en remboursement contre son client ; qu'en conséquence, l'éventuelle absence de provision du chèque remis à l'encaissement n'interdit pas l'inscription du montant de ce chèque au crédit du compte du remettant et permet un éventuel décaissement de ce dernier correspondant au montant du chèque crédité ; que dès lors en affirmant, pour rejeter le préjudice de perte de chance d'échapper aux pénalités, commissions et frais consécutifs au rejet du ou des chèques rejetés,² que le chèque de euros ne pouvait en tout état de cause, faute de provision au 3 mars 2006, permettre le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques rejetés, après avoir pourtant constaté que la banque avait manqué à ses obligations en n'inscrivant pas provisoirement le chèque de 32.000 euros sur le compte de la société LE BISTROT DES CLERCS, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 131-4 du Code monétaire et financier, ensemble l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-17061
Date de la décision : 19/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Chèque - Présentation et paiement - Paiement - Banquier chargé de l'encaissement - Inscription en compte différée - Obligation d'informer le client - Limites - Clause contraire ou circonstances particulières

Le banquier, auquel un chèque est remis à l'encaissement, s'il ne procède pas à son inscription en compte immédiatement, a l'obligation d'en prévenir son client, faute de quoi il engagerait sa responsabilité, sauf stipulations contractuelles contraires ou circonstances particulières. Dès lors, justifie légalement sa décision de rejet de l'action en responsabilité dirigée contre une banque qui avait, après avoir été avisée du défaut de provision, inscrit sur un compte d'attente, dans l'attente de son encaissement, le montant d'un chèque remis par son client, puis rejeté deux chèques émis par son client, une cour d'appel qui retient que ce chèque n'aurait pu, faute de provision au jour de sa remise à l'encaissement, permettre le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques rejetés, faisant ainsi ressortir que la faute de la banque ne pouvait être à l'origine du rejet des chèques et du préjudice en résultant


Références :

article 1147 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jui. 2012, pourvoi n°11-17061, Bull. civ. 2012, IV, n° 124
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 124

Composition du Tribunal
Président : M. Gérard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Laborde
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17061
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award