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09/10/2012 | FRANCE | N°12-80412

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 octobre 2012, 12-80412


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Daniel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 2011, qui, pour délaissement d'une personne incapable de se protéger, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende dont 1 500 euros avec sursis, cinq ans d'interdiction de toute tutelle ou curatelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;

Sur le moyen

unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 223-3 du cod...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Daniel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 2011, qui, pour délaissement d'une personne incapable de se protéger, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende dont 1 500 euros avec sursis, cinq ans d'interdiction de toute tutelle ou curatelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 223-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de délaissement au préjudice de Mme Joséphine X... ;

"aux motifs qu'en l'espèce, le délaissement reproché au prévenu résulte des faits suivants tels qu'ils sont relatés plus complètement dans l'exposé qui précède - le fait d'avoir congédié successivement les infirmiers de deux cabinets chargés de donner des soins à sa mère pour les plaies qu'elle avait aux jambes, cette volonté d'écarter les soignants étant complétée par la non réalisation de protection minimale du cadre métallique du fit utilisé par sa mère sur lequel elle se blessait en se levant, alors pourtant que l'un des infirmiers au moins lui avait recommandé la mise en oeuvre de ces mesures simples ; - le fait concomitant d'avoir refusé de se faire aider comme pourtant prescrit par le médecin traitant par une auxiliaire de vie, l'ordonnance de prescription ayant été trouvée non exécutée et l'infirmier confirmant le refus d'une telle assistance exprimé devant lui par le prévenu ; - le fait concomitant d'avoir laissé pendant plusieurs semaines sa mère grabataire, macérer dans ses excréments jusqu'à ce qu'il se résolve à solliciter enfin son médecin traitant qui devant l'état d'inconscience de sa patiente l'a fait à nouveau hospitaliser, les constatations faites alors ayant montré l'hygiène déplorable, la présence d'excréments et de larves sur le corps de la patiente, des lésions cutanées multiples dont des escarres, une position en chien de fusil avec syndrome algique important, une déshydratation clinique et paraclinique et une insuffisance rénale aiguë avec bactériémie ; - le fait que devant cet état de détresse manifeste, il était nécessairement conscient, quand bien même sa mère aurait exprimé précédemment, des refus de soins, qu'il fallait lui assurer un minimum de soins, sans attendre la dernière extrémité pour intervenir ; - le moyen de défense tendant à dire que le texte est inapplicable pour une personne restée dans son domicile est inopérant dès lors que la loi précise bien que le délaissement peut être commis en un lieu quelconque, ce qui inclut le propre domicile de la personne victime ; qu'ainsi les conditions de vie dégradantes dans lesquelles le prévenu a maintenu sa mère entre le 27 octobre et le 19 novembre 2009 méritent la qualification de délaissement prévue au texte sur le fondement duquel il a été poursuivi ; que le fait pour le prévenu d'avoir finalement pris conscience le 19 novembre 2009 de l'état d'abandon dans laquelle il laissait sa mère depuis trois semaines ne fait pas disparaître l'infraction, mais peut seulement être pris en compte quant à la peine à lui appliquer. Il ne peut non plus rejeter sur les infirmiers - ou le médecin le fait que personne ne lui ait indiqué qu'il fallait hospitaliser sa mère après le 27 octobre 2009, alors précisément qu'il a tout fait pour que nul ne vienne à son domicile pendant cette période ; que l'impossibilité d'aller contre la volonté de sa mère ne saurait non plus constituer un élément faisant disparaître le délit, les divers incidents qui ont opposé le prévenu et sa mère, d'une part, aux divers intervenants, d'autre part, montrent qu'ils ont toujours fait cause commune pour les motifs les plus divers ; qu'en particulier le prévenu a montré à plusieurs reprises, y compris par des menaces de violence qu'il s'opposait à toute mesure raisonnable et mesurée de soins, les épisodes postérieurs pendant l'hospitalisation et les courriers adressés à son initiative avec l'aide d'un tiers, tant au directeur d'une maison de retraite qu'à des journalistes montrent assez que l'intéressé sait prendre des initiatives et les mettre en oeuvre, indépendamment de la volonté de sa mère ; qu'il se déduit de ce qui précède que les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis et que le tribunal qui en a déclaré le prévenu coupable mérite d'être confirmé quant à cette déclaration de culpabilité ;

"alors que le délit de délaissement suppose un acte positif, exprimant de la part de son auteur la volonté d'abandonner définitivement la victime ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer M. X... coupable de délaissement, que M. X... avait à deux reprises congédié des infirmiers venus donner des soins à sa mère, n'avait pas fait intervenir un auxiliaire de vie comme le médecin de sa mère l'avait prescrit et avait laissé sa mère alitée dans des conditions d'hygiène dégradées, constatations impropres à caractériser l'accomplissement par M. X... – dont elle a par ailleurs observé qu'il avait lui-même appelé au chevet de sa mère un médecin pour l'examiner et la soigner – d'actes positif manifestant une volonté d'abandonner définitivement sa mère, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le premier et le second moyens de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 223-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 223-3 du code pénal ;

Attendu que, selon ce texte, le délit de délaissement suppose un acte positif, exprimant de la part de son auteur la volonté d'abandonner définitivement la victime ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi pour avoir délaissé sa mère, Mme Y..., personne vulnérable hors d'état de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ; qu'il a été condamné par jugement du tribunal correctionnel dont il a fait appel ;

Attendu que, pour confirmer ce jugement et le déclarer coupable des faits reprochés, l'arrêt retient qu'il a congédié les infirmiers chargés de soigner les plaies de sa mère grabataire sans mettre en place les protections minimales du lit lui occasionnant les blessures et refusé l'aide d'une auxiliaire de vie malgré la prescription du médecin ; que les juges ajoutent qu'il l'a laissée pendant plusieurs semaines macérer dans ses excréments jusqu'à ce qu'en dernière extrémité, il sollicite son médecin traitant qui, devant l'état d'inconscience de la patiente, l'a faite hospitaliser ; que les juges en concluent que le délaissement est caractérisé par les conditions de vie dégradantes dans lesquelles le prévenu a maintenu sa mère âgée de 89 ans et présentant un état de délabrement physique et mental ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les faits retenus n'entraient pas dans les prévisions de l'article 223-3 du code pénal, la cour d'appel a méconnu les exigences de ce texte ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 28 novembre 2011 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-80412
Date de la décision : 09/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

MISE EN DANGER DE LA PERSONNE - Délaissement d'une personne hors d'état de se protéger - Eléments constitutifs - Acte positif - Volonté d'abandonner définitivement la victime

Le délit de délaissement suppose un acte positif, exprimant de la part de son auteur la volonté d'abandonner définitivement la victime. Encourt la cassation l'arrêt qui énonce que ce délit est caractérisé par les conditions de vie dégradantes dans lesquelles le prévenu a maintenu sa mère âgée de 89 ans et présentant un état de délabrement physique et mental, alors que les faits retenus n'entraient pas dans les prévisions de l'article 223-3 du code pénal


Références :

article 223-3 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 28 novembre 2011

Sur la définition du délit de délaissement d'une personne hors d'état de se protéger, dans le même sens que :Crim., 13 novembre 2007, pourvoi n° 07-83621, Bull. crim. 2007, n° 273 (cassation sans renvoi)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 oct. 2012, pourvoi n°12-80412, Bull. crim. criminel 2012, n° 213
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2012, n° 213

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : Mme Zientara-Logeay
Rapporteur ?: Mme Harel-Dutirou
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 30/08/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:12.80412
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