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25/06/2013 | FRANCE | N°12-21850

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 juin 2013, 12-21850


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, depuis 1992, la société Marie Michaud créations (la société MMC), qui fabrique des bijoux, fournissait les sociétés Cartier joaillerie international et Suivi coordination joaillerie (les sociétés Cartier), toutes deux appartenant au groupe Richemont ; qu'elle a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires en juin 2006, M. X... étant désigné liquidateur judiciaire ; que reprochant aux sociétés Cartier d'avoir brutalement mis fin à la relation commerci

ale établie avec la société MMC en réduisant les commandes en 2005 puis e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, depuis 1992, la société Marie Michaud créations (la société MMC), qui fabrique des bijoux, fournissait les sociétés Cartier joaillerie international et Suivi coordination joaillerie (les sociétés Cartier), toutes deux appartenant au groupe Richemont ; qu'elle a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires en juin 2006, M. X... étant désigné liquidateur judiciaire ; que reprochant aux sociétés Cartier d'avoir brutalement mis fin à la relation commerciale établie avec la société MMC en réduisant les commandes en 2005 puis en y mettant fin en 2006, et d'avoir abusé de sa dépendance économique, M. X..., ès qualités, les a fait assigner en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner les sociétés Cartier à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 1 943 602,78 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'arrêt énonce que la société MMC, qui faisait partie du « cercle 1 » des fournisseurs, soit les sous-traitants avec lesquels le groupe entretenait des relations privilégiées en termes de taux de service et de volume, en a été exclue en 2005 alors qu'aucun reproche n'avait été formulé par les sociétés Cartier à son égard, puis a été progressivement privée de toute commande ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions des sociétés Cartier qui faisaient valoir que cette diminution était en partie liée à des problèmes de qualité des produits fournis par la société MMC au début de l'année 2005 et que le niveau des commandes avait augmenté une fois ce problème résolu, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 442-6, I, 2°, b du code de commerce, en sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, applicable aux faits de la cause ;
Attendu que pour condamner les sociétés Cartier à payer à M. X..., ès qualités, une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir abusé de la dépendance économique de la société MMC, la cour d'appel se borne à relever que, si la société MMC avait développé des relations avec d'autres marques, son chiffre d'affaires avec les sociétés Cartier ne représentant que 54 et 28 % de son chiffre d'affaires global en 2002 et 2003, ces dernières lui avaient conseillé de ne pas travailler avec la société De Beers, dirigée par un ancien dirigeant du groupe ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si la société MMC était dans l'impossibilité de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle avait nouées avec les sociétés Cartier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2012 et rectifié par arrêt du 12 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Cartier joaillerie international et Suivi coordination joaillerie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt du 26 janvier 2012, rectifié par l'arrêt du 12 avril 2012, d'avoir dit que les sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie ont brutalement, et de façon injustifiée, diminué le montant des commandes passées à la société Marie Michaud Créations au début de l'exercice 2006, que cette rupture des relations commerciales a été brutale et sans aucun préavis adressé à la société Marie Michaud Créations, d'avoir fixé la durée du préavis à deux ans et d'avoir condamné les sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie à payer à la société MMC la somme de 1.943.602,78 ¿ au titre de son préavis ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie n'ont présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure et la juste application de la loi et des principes régissant la matière , la cour faisant les observations suivantes ; que l'article L442-6-1-5 du code de commerce dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers: de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit, tenant compte de la durée de la relation commerciale en respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels » ; que la société MMC expose que les sociétés du groupe Cartier ont brusquement et unilatéralement diminué le chiffre d'affaires réalisé avec elle à compter de la fin de l'exercice 2004, puis ont procédé à son déférencement et enfin ont cessé toute commande ; qu'au cours de l'exercice 2005, le chiffre d'affaires a diminué de 545 084¿ par rapport à l'exercice précédent et de janvier à avril 2006 il a encore été en baisse de 165 000¿ par rapport à la même période de 2005 soit une baisse sur quatre mois de 32% ; que le groupe Cartier fait valoir que le volume d'affaires confié à MMC a toujours été fluctuant et saisonnier ce qui pouvait entraîner des périodes sans aucune commande et que les pièces produites concernant des commandes passées à trois dates différentes ne sont pas probantes ; que toutefois, pour sa part elle ne produit que des documents parcellaires concernant trois bijoux et ne couvrant pas l'ensemble de la gamme confiée à MMC ; que de plus il convient d'observer que le bijou « baby charm » correspond à un produit nouveau dont 50% ont été confiées à MMC en 2006 ce qui n'est pas significatif ; que pour les deux autres produits, il convient de faire les observations suivantes : - le bijou intitulé « coeur bre », livré à compter de 2004, MMC a effectivement réalisé la totalité des pièces , - des fluctuations sont intervenues sur le produit dit « coeur bag » livré depuis 2001, le rapprochement des quantités totales livrées à Cartier et celles confiées à MMC étant les suivantes : 2001 livrés 578 confiés à MMC 202 ; 2002 livrés 6196 confiés à MMC 2492 ; 2003 livrés 3665 confiés à MMC 1537 : 2004 livrés 960 confiés à MMC 563 ; 2005 livrés 2292 confiés à MMC 1654 ; 2006 livrés 2411 confiés à MMC 1535 ; que si ces chiffres mettent en évidence que Cartier a eu d'autres fournisseurs pour ce produit et qu'il y a eu des fluctuations, avec une répartition des commandes entre ceux-ci, la démonstration faite par les sociétés Suivi Coordination Joaillerie et Cartier Joaillerie International présente un caractère limité, Cartier reconnaissant qu'il s'agit de bijoux « entrée de gamme » ; que les pièces versées par les parties démontrent que MMC s'était également vu confier une gamme plus vaste dont une gamme dite prestige » et qu'elle avait été référencée comme fournisseur privilégié ; que depuis le début de leur relations les sociétés Suivi Coordination Joaillerie et Cartier Joaillerie International ont adressé chaque année un plan d'achats à MMC ; que Cartier a écrit le 16 décembre 1999 « je suis en mesure de vous communiquer notre plan d'achats prévisionnels pour les 12 prochains mois d'avril 2000 à mars 2001. Il s'élève à 6,9MF. Ce plan prévisionnel n'est en aucun cas un engagement de commandes ferme car comme pour le plan de l'année précédente ces prévisions pourront être revues de + ou - 20% en fonction des commandes que nous recevrons des marchés. Les nouveaux modèles actuellement en cours de développement ou de mise au point et qui vous seront prochainement proposés représentent un volume d'achats estimé à 0,4MF. Nous vous transmettrons tous les 3 mois une mise à jour de cette prévision; La première mise à jour sera envoyée fin mars 2001 » ; que le 26 mars 2002 Cartier a écrit « je vous confirme que nous avons estimé que la charge que nous serions en mesure de confier à votre atelier pour l'année 2002/2003 s'élèvera à 1 200 000¿ en façon hors nouveautés ce qui est équivalent à la charge de l'exercice 2000/2001 » ; que le 7 mai 2003 Cartier a écrit « Dans le cadre de nos relations de partenariat, nous estimons que le volume d'activité pour la période d'avril 2003 à mars 2004 s'élèvera à un montant de 700Keuros de façon. Nous nous engageons donc à vous passer un volume de commandes cadrant avec cette estimation +/-20%. Ce montant exclut la facturation du métal et des composants ainsi que toute l'activité liée au Développement. Il inclut par contre les pièces de Prestige » ; que le plan de production 2004/2005 a mentionné un volume d'activité pour la période d'avril 2004 à mars 2005 de 1000KEuros avec comme précédemment un engagement à cette hauteur +/-20% ; que le 14 mai 2004 Cartier a écrit à MMC « le regain d'activité nous conduit à ajuster à la hausse notre engagement pour 2004/2005 », le volume d'activité passant à 1 200KEuros ; que dès lors le groupe Cartier ne peut invoquer une diminution de son propre chiffre d'affaires ce dont elle ne justifie pas et qui serait en contradiction avec les termes de son courrier du 24 mai 2004 ; qu'en revanche aucun plan n'a été adressé à MMC pour la période suivante, la société Michaud s'en étonnant par courrier du 22 avril 2005 ainsi que du fait qu'elle ne faisait plus partie du « cercle 1 des fournisseurs » ce qui n'était pas contesté par Cartier ; que le rapprochement des chiffres d'affaires entre Cartier et MMC démontre que le chiffre d'affaires de Cartier avec MMC est passé de 2 288 757¿ en 2004 à 1 743 673¿ en 2005, soit une diminution de 545 084¿ ; que pour la période de 2006 antérieure à la liquidation, cette baisse s'est poursuivie, le chiffre d'affaires étant inférieur de 23% à celui de la même période de 2004 et de 32 % par rapport à celui de 2005 ; qu'à la date du 10 mai 2006, le montant des commandes du groupe Cartier ne représentait plus qu'un chiffre d'affaires de 79 973¿ contre 170 176 ¿ au 10 mai 2005 et MMC n'avait plus aucune commande pour les mois suivants ; que s'agissant de la notion de « cercle », Christophe Y... , PDG de la société Orest, fabricant en joaillerie et fournisseur du groupe Cartier a indiqué que cette notion avait été utilisée pour désigner les sous traitants avec lesquels le groupe entretenait des relations privilégiées en termes de taux de service et de volume » ; que dès lors la société MMC a fait l'objet d'un déférencement brutal alors qu'aucun reproche n'avait été formulé par Cartier à son égard puis a été privée progressivement de toute commande ; que ce déférencement et cette absence de plan d'achats prévisionnels qui en a été le corollaire, l'a au surplus privée brutalement de toute visibilité financière ; que, dans ces conditions, la société MCC a sollicité du tribunal de commerce l'ouverture d'une procédure de conciliation ; que si, le 5 mai 2006, le groupe Cartier a accepté une poursuite des relations commerciales pendant 6 mois sous condition, son conseil précisant que MMC devrait indiquer « les perspectives de développement et les mesures qu'elle entend mettre en oeuvre pour trouver de nouveaux débouchés devant lui permettre d'assurer sa viabilité au delà du mois de novembre 2006 et ce, en prenant en considération la diminution du volume des commandes du groupe Cartier, la société MMC fait valoir qu'elle ne pouvait pas accepter la proposition du groupe Cartier dans la mesure où il signifiait pour elle du travail à perte en raison du prix de l'or lequel lui était imposé par la société Brun filiale à 100% de la société Suivi Coordination Joaillerie ; que si Cartier le conteste en faisant valoir que les prix façon proposés le 5 mai 2006 étaient strictement identiques à ceux pratiqués antérieurement de même que le prix de revente de l'or, en tout état de cause, lors de cette proposition le groupe Cartier avait déjà cessé de passer des commandes à son partenaire sans lui avoir donné de préavis ; que Cartier ne démontre pas que la situation de MMC était alors obérée lorsqu'elle a cessé de lui passer de nouvelles commandes soit en mars 2006 ; que la société qui avait connu une restructuration en 2003, a été bénéficiaire au cours de l'exercice 2004, la situation étant ensuite seulement dégradée ce qui, en conséquence, résulte de la diminution significative des commandes en 2005 puis de leur arrêt total ; qu'ainsi il est démontré que le groupe Cartier a rompu brutalement des relations commerciales établies depuis 13 ans en diminuant de façon significative ses commandes à partir de 2005 et en cessant toute commande à partir de mars 2006 sans avoir donné de préavis à son partenaire ; qu'au regard de la durée des relations commerciales et de leur importance quantitative pour MMC il y a lieu de fixer la durée de ce préavis à deux ans » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il ressort des pièces versées aux débats que les sociétés Cartier ont diminué le chiffre d'affaires avec la société MMC à partir de 2004 ; que jusqu'en mars 2006, la situation financière de la société MMC n'était pas obérée ni compromise et qu'elle l'a été suite à l'arrêt brutal des commandes passées par les sociétés Cartier à la société MMC ; que les sociétés du groupe Cartier n'ont adressé aucun préavis de rupture des relations commerciales à la société MMC ; qu'elles ont brutalement, et sans explication, diminué le montant des commandes passées à la société MMC ; qu'elles ont procédé au déréférencement de la société MMC du cercle des fournisseurs privilégiés du groupe Cartier, sans l'en avertir ni justifier du motif de ce déréférencement ; qu'elles ont donc brutalement rompu les relations commerciales établies avec la société MMC depuis plus de treize années » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, les sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie faisaient valoir qu'il résultait des pièces produites au débat et notamment des chiffres avancés par la société MMC elle-même que le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci avec le groupe Cartier était fluctuant à la fois d'une année sur l'autre, puisqu'il s'était élevé à 3.836.238 ¿ au titre de l'exercice 2001, 2.106.4133 ¿ au titre de l'exercice 2002, 918.850 ¿ au titre de l'exercice 2003, 2.277.163 ¿ au titre de l'exercice 2004, 1.732.819 ¿ au titre de l'exercice 2005 et 511.756 ¿ au titre des quatre premiers mois de l'exercice 2006 (conclusions signifiées le 14 octobre 2011, p. 11 point 3.3) et d'une période de l'année sur l'autre (conclusions précitées, p.12 point 3-3 ) ; qu'en jugeant que la démonstration faite par ces sociétés du caractère fluctuant des commandes présente un caractère limité, sans rechercher si ces fluctuations n'étaient pas établies par les chiffres avancés par la société MMC elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en se fondant, pour juger que les sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie avaient rompu les relations commerciales avec la société MMC, sur le fait que les commandes avaient diminué en 2005, sans répondre aux conclusions faisant valoir que cette diminution était en partie liée à des problèmes de qualité des produits fournis par MMC au début de l'année 2005 et que le niveau des commandes avait augmenté une fois ce problème résolu (conclusions signifiées le 14 octobre 2011, p. 18 § 3.6, 2ème et derniers alinéas), la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, en jugeant, par motifs adoptés (jugement, p. 7 § 6), que l'exclusion de la société MMC du cercle des fournisseurs privilégiés n'était pas justifiée et, par motifs propres, qu'aucun reproche n'avait été formulé à l'égard de la société MMC, sans répondre aux conclusions faisant valoir que cette exclusion trouvait son origine dans le refus de la société MMC d'adopter la technologie de l'usinage (conclusions signifiées le 14 octobre 2011, p. 19 § 6), la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, et en tout état de cause, en se fondant, pour juger que la société MMC avait fait l'objet d'un déréférencement brutal, sur le fait qu'elle aurait été exclue du « cercle 1 des fournisseurs » en avril 2005 sans répondre aux conclusions faisant valoir que ce déréférencement n'avait eu aucune influence sur le montant des commandes passées par les sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie après cette date (conclusions signifiées le 14 octobre 2011, p. 19, point 3.7 et spécialement p. 20, § 3), la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE CINQUIEME PART, les sociétés du Groupe Cartier faisaient valoir que l'argumentation du liquidateur de la société MMC quant à la date de la rupture était confuse et contradictoire et qu'en réalité il soutenait essentiellement que les commandes avaient cessé en juin 2006 (conclusions signifiées le 14 octobre 2011, p. 10 § 2), ce dont il résultait que les relations commerciales auraient pu se poursuivre après le 5 mai 2006 si MMC avait accepté le proposition des sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie et respecté les engagements qu'elle avait pris devant le conciliateur ; qu'en se fondant, pour imputer aux sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie la rupture des relations commerciales avec la société MMC, sur le fait que les premières avaient cessé définitivement de passer des commandes à leur partenaire en mars 2006, soit à une date antérieure à leur proposition du 5 mai 2006, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE SIXIEME PART, et en tout état de cause, la cour d'appel a considéré que la rupture résultait du fait que les sociétés du groupe Cartier avaient diminué de façon significative les commandes à partir de 2005 puis avaient cessé toute commande en mars 2006 ; qu'en jugeant que cette rupture était brutale, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'à la supposer avérée, cette rupture s'était étalée sur une période de plus d'un an, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;
ALORS QU'ENFIN, l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 prévoit que le préavis doit tenir compte « de la durée de la relation commerciale », à l'exclusion de tout autre critère ; qu'en se fondant, pour fixer à deux ans la durée du préavis que les sociétés du groupe Cartier auraient dû respecter, sur la durée des relations commerciales et « leur importance quantitative pour MMC » (arrêt, p. 7 § 4), la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir condamné les sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie à payer à la société MMC la somme de 10.000 ¿ au titre de son préjudice résultant des gains manqués ;
AUX MOTIFS QUE « que Me X... ès-qualités fait valoir que les sociétés du groupe Cartier avaient interdit à MMC de travailler avec les enseignes concurrentes ; qu'il expose que de 1993 à 2006 inclus, le chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés du groupe Cartier ont représenté plus de la moitié du chiffre d'affaires de MMC, atteignant respectivement 77 et 72% en 2004 et 2005 ; qu'il y a lieu d'observer que, si MMC a développé des relations avec d'autres marques , Cartier ne représentant que 54 et 28% de son chiffre d'affaires en 2002 et 2003, elle verse un courrier rappelant les « conseils » qui lui avaient été donnés, notamment celui de ne pas travailler avec la marque De Beers, le dirigeant de cette société étant l'ancien PDG du groupe Cartier ; qu'au cours de leur relations commerciales le groupe Cartier a imposé à la société MMC à partir de 2001 c'est à dire à partir du rachat de la société Lith'or par une de ses filiales, la société Brun de s'approvisionner auprès de celle-ci ; que la société MCC a demandé pour certaines fabrications de fournir une partie des fontes ce qui lui a été refusé ; que MCC a réalisé auprès de la société Brun ses achats en métal or, les refacturant après façonnage aux sociétés du groupe Cartier selon des prix imposés ; que, s'agissant des prix de revente de l'or, Me X... expose que les contraintes imposées par Cartier sur les prix d'achat et de revente d'or par MCC auprès de sa filiale, la société Brun, ont entraîné des reventes à perte pour MCC ; qu'il produit deux factures, l'une d'achat d'or en date du 31 mars 2004 au prix de 9,74¿ le gramme, l'autre de revente à la société Suivi Coordination Joaillerie au prix de 9,38¿ le gramme soit une perte de 0,36¿ par gramme supportée par MMC ; que les courriers adressés par Cartier à son fournisseur apportent la preuve que ce dernier avait la maîtrise des prix tant à l'achat qu'à la revente ; que le février 2001 le groupe Cartier indique à MMC « Veuillez trouver ci-joint un modèle de facturation « et pour mémoire « vous vous approvisionnez en chaîne directement chez Steiner, il vous facture la chaîne que vous nous refacturez avec 2% sur prix de façon » et il était mentionné « les différents prix de l'or sont fixés pour l'année » ; que Cartier a écrit le 13 février 2001 à MMC « Sur le fax du 8 février dernier pour la facturation des apprêts coeur en or gris une erreur a été commise sur le taux de l'or ; Le taux de l'or, fixé à l'année pour l'or jaune est de 54,28FF/g Le taux de l'or, fixé à l'année pour l'or gris, est de 77,75FF/g » ; que ces deux courriers énoncent de façon claire et péremptoire le taux de l'or et la durée d'application de celui-ci ; que le courrier du 2 mai 2001 de Cartier qui a trait à « la procédure applicable pour toute demande d'avance » indique « consentir une avance financière sur la base de la contre valeur du poids de l'or fin et palladium livré évalué sur le carnet de commande à un horizon de 3 mois. Le prix de l'or et du palladium sera fixé 2 jours ouvrables avant l'avance financière ' et sera fixé pour toute la période du carnet de commande concerné »; que cette procédure d'avance, qui limitait au seul titre de l'avance la fixation des prix sur trois mois, a été supprimée par Cartier en 2003, MCC ayant procédé au remboursement de l'avance ; que dès lors seule a subsisté la fixation annuelle des prix que la société Cartier ne peut sans se contredire réfuter dans la mesure où elle indique que, dans sa proposition du mai 2006, elle assurait à MMC le maintien des prix antérieurs en ce qui concerne le métal or ; que ces échanges démontrent d'une part que le fournisseur en or a été imposé comme étant la société Brun, d'autre part que MMC n'avait aucun pouvoir de fixer son prix de revente en incluant les fluctuations du prix du métal or ; que s'agissant des pierres précieuses, Cartier a, pour celles remises à MMC dans le cadre de confiés, interdit à celle-ci de facturer des frais de gestion et pour celles achetées par MMC lui a octroyé une marge de 2% sur le prix d'achat ; que le 11 juillet 2002 le groupe Cartier lui a adressé « en prévisions de vos livraisons et facturations » les prix d'achat et de revente de deux types de quartz destinés aux bagues « so pretty »lequel a été annulé et remplacé par un fax du 25 juillet 2002 ; que pour la mise en oeuvre de cette politique de prix Cartier a imposé un modèle de facturation faisant apparaître les marges fixées au titre des reventes ainsi que l'utilisation d'un logiciel ; que, selon courrier du 25 octobre 2001, le groupe Cartier a imposé pour les emballages, un fournisseur alors qu'il s'agissait de rouleaux de 50 mètres de vinyl statique transparent et que la liste des obligations du fournisseur était seulement de « fournir l'emballage nécessaire au transport avec les marquages appropriés », excluant tout choix de MMC ; qu'au cours de l'exercice 2000 le groupe a donné instruction à l'ensemble des diamantaires de ne plus verser de commissions sur les pierres livrées à compter du 1er mai 2000 ; que Cartier a imposé des visites mensuelles de ses contrôleurs au sein de l'entreprise MMC ; que ces éléments mettent en évidence une immixtion de Cartier dans la gestion de MMC ; que de plus en ayant consenti des avances pour l'achat des matières premières, or , pierres précieuses, avec des prix de revente fixées en même temps que l'avance, Cartier s'est mis à l'abri des fluctuations des cours ; que dans un second temps, au début de l'année 2004 alors que le chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés Cartier avait diminué de plus d'un million d'euros, engendrant une perte comptable de plus de 87 000¿ pour MMC, le groupe a arrêté le mécanisme de l'aide et a exigé son remboursement soit 159 000¿ ce qui a été fait sur deux exercices, MMC ayant à cette fin souscrit un prêt auprès de deux établissements bancaires ; que pour autant, après avoir obtenu le remboursement de cette avance et malgré les difficultés engendrées pour son fournisseur par son changement de politique, le groupe a maintenu l'avantage de la fixation annuelle autoritaire des marges sur les achats d'or, de pierres précieuses, utilisant ainsi de manière abusive la trésorerie de son fournisseur et entraînant pour lui des reventes à perte ; qu'en proposant à l'occasion de la procédure de conciliation, la poursuite de cette politique, Cartier a mis la société MMC dans l'impossibilité d'y répondre ; que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de MCC du chef de son préjudice résultant d'un abus dans la relation de dépendance économique » ;
ALORS QUE l'abus de dépendance économique susceptible d'engager la responsabilité de son auteur n'est caractérisé que si le partenaire qui s'en dit victime ne dispose pas de solution alternative lui permettant de faire fonctionner son entreprise dans des conditions économiques comparables à celles résultant des relations contractuelles qu'il avait nouées ; qu'en l'espèce, les premiers juges avaient considéré que l'abus de dépendance économique n'était pas établi dans la mesure où la société MMC ne démontrait pas qu'elle ne disposait pas d'une solution alternative ; qu'en jugeant que l'attitude des sociétés Cartier Joaillerie International et Suivi Coordination Joaillerie caractérisait un abus de dépendance économique sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions signifiées le 14 octobre 2011, p. 22 point 4) si la société MMC ne disposait pas d'une solution alternative équivalente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-21850
Date de la décision : 25/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 jui. 2013, pourvoi n°12-21850


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21850
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