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25/03/2014 | FRANCE | N°13-14313

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 mars 2014, 13-14313


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Dalkia France (la société Dalkia) et la société Brasserie Champigneulles ont conclu le 19 décembre 2007 un contrat confiant à la société Dalkia France la recherche des meilleures conditions tarifaires pour la fourniture à la société Brasserie Champigneulles d'énergie électrique pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, la r

émunération de la société Dalkia étant fixée à la moitié des économies réalisées par ra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Dalkia France (la société Dalkia) et la société Brasserie Champigneulles ont conclu le 19 décembre 2007 un contrat confiant à la société Dalkia France la recherche des meilleures conditions tarifaires pour la fourniture à la société Brasserie Champigneulles d'énergie électrique pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, la rémunération de la société Dalkia étant fixée à la moitié des économies réalisées par rapport à un tarif de référence défini au contrat ; qu'en exécution de cette mission, la société Dalkia a apporté à la société Brasserie Champigneulles une offre tarifaire établie par la société Enal, qui a été retenue ; que la société Brasserie Champigneulles a refusé le paiement de la rémunération contractuellement prévue, au motif que les économies réalisées résultaient de la prolongation par les pouvoirs publics du "tarif réglementaire transitoire d'ajustement du marché" (TaRTAM), inférieur aux prix de marché, et non de l'action de la société Dalkia ; que celle-ci a assigné la société Brasserie Champigneulles en paiement ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Dalkia, l'arrêt retient que la commune intention des parties était de permettre à la société Brasserie Champigneulles d'obtenir, dans le cadre d'une obligation de recours au marché libre consécutif à la disparition des tarifs réglementés, les prix les plus avantageux pour son activité, qu'il ressort de l'article 2 du contrat que les parties avaient intégré dans la convention le bénéfice pour la société Brasserie Champigneulles du TaRTAM pour la durée de sa validité, de telle façon que l'offre de marché ne trouverait son application qu'à l'issue de cette période, et que par l'effet de la prolongation du TaRTAM résultant d'une décision des pouvoirs publics en cours d'exécution du contrat, élément postérieur à sa conclusion et extérieur aux parties, la convention s'est trouvée privée d'effet et est devenue caduque ;

Attendu qu'en se fondant sur la caducité du contrat qu'aucune des parties n'avait invoquée, sans recueillir préalablement leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;

Condamne la société Brasserie Champigneulles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Dalkia France

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré la société Dalkia France mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en avait déboutée ;

AUX MOTIFS QU' « il ressort des pièces du dossier que, par acte sous seings privés du 19 décembre 2007, la SAS Brasserie Champigneulles et la SCA Dalkia ont conclu une « convention de collaboration » aux termes de laquelle, selon les dispositions de l'article 1er, la SAS Brasserie Champigneulles donnait mandat à la SCA Dalkia de rechercher en son nom et pour son compte des offres de contrats d'achat d'énergie électrique auprès de différents fournisseurs dans ce domaine pour une période de fourniture allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ; que cette disposition précisait que « les parties entendent collaborer afin d'obtenir un tarif plus avantageux que celui de référence tel que défini à l'article 2 ci-après » ; que l'article 3.1 de la convention dispose que « ¿ Dalkia s'engage à mettre en oeuvre toutes les études nécessaires pour donner accès au client à un prix moyen au Mwh plus avantageux que le prix de référence » ; que l'article 5 précise que : « Dans le cas où Dalkia atteindrait l'objectif de présenter une offre économiquement plus avantageuse que le prix de référence, la société (Brasserie Champigneulles) rémunérera Dalkia à hauteur de 50% des économies générées sur la période concernée définie dans le périmètre de référence. Les économies générées sont égales à la différence de la consommation réelle de la période considérée valorisée dans le cadre du prix de référence défini à l'article 2 et le prix réellement facturé par le fournisseur que Dalkia a consulté dans le cadre de sa mission et avec lequel la société a conclu un contrat de fourniture d'énergie électrique. En revanche, dans l'hypothèse où Dalkia ne serait pas en mesure de présenter une offre économique plus avantageuse, les parties seraient libérées de leurs obligations respectives au titre de la présente convention, sans que l'une des parties ne puisse prétendre à une indemnisation quelconque de l'autre partie » ; qu'il ressort du dossier que, sur le fondement de ce contrat, la SCA Dalkia a apporté à la SAS Brasserie Champigneulles une offre tarifaire établie par la société Enel, offre plus avantageuse que celle offerte par le fournisseur précédent, la société Vattenfall ;
Sur la validité du contrat :
Que la SAS Brasserie Champigneulles soutient que le contrat est nul pour absence de cause en ce que le contrat avait pour but de lui permettre, après la fin du tarif réglementé ¿'Tartam'', dont il ressort du dossier qu'il était notablement inférieur aux prix de marchés, de bénéficier des plus avantageux de ces prix ; que cependant les pouvoirs publics ont maintenu le tarif réglementé sur la période d'application de la convention ; mais qu'il ressort du dossier que l'article 30-1 de la loi 2004-803 du 9 août 2004 prévoyait que « tout consommateur final d'électricité bénéficie d'un tarif transitoire d'ajustement de marché pour le ou les sites pour lesquels il en fait la demande écrite à son fournisseur avant le 1er juillet 2007¿ Ce tarif est applicable de plein droit au contrat en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée¿ Dans tous les cas, la durée de la fourniture au nouveau tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché ne peut excéder deux ans à compter de la date de la première demande d'accès à ce tarif pour chacun des sites de consommation » ; que l'article 15-II de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 dispose que « le Gouvernement présente, avant le 31 décembre 2008, un rapport sur la formation des prix sur le marché de l'électricité et dressant le bilan de l'application de la création du tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché ; ce rapport analyse les effets de ce dispositif et envisage, s'il y a lieu, sa prolongation » ; qu'en conséquence à la date de conclusion du contrat, les parties avaient connaissance de ce que le tarif réglementé s'appliquerait jusqu'au 30 juin 2009, soit la première moitié de la période sur laquelle portait la fourniture par l'offre proposée mais qu'en revanche, la prolongation de ce tarif n'était qu'hypothétique de telle façon que l'offre de marché pourrait s'appliquer à compter du 1er juillet 2009 ; que dès lors, le contrat est parfaitement causé, et qu'il s'est donc régulièrement formé ;
Sur l'application du contrat :
Que la SAS Brasserie Champigneulles fait valoir en substance que, compte tenu de la prolongation du Tartam, l'offre de marché n'a pas trouvé application et que les conditions les plus avantageuses visées par le contrat ne relèvent pas de l'action de la SCA Dalkia mais de l'application du tarif réglementé ; que la SCA Dalkia France soutient pour sa part que la SAS Brasseries Champigneulles avait le choix entre l'application du Tartam et l'offre de marché, et que le choix du Tartam sur toute la période est potestatif ; qu'il ressort de la convention du 19 décembre 2007 que la commune intention des parties était de permettre à la SAS Brasseries Champigneulles d'obtenir, dans le cadre d'une obligation de recours au marché libre consécutive à la disparition des tarifs réglementés, les prix les plus avantageux pour son activité ; qu'il ressort de l'article 2 du contrat que les parties avaient intégré dans la convention le bénéfice pour la SAS Brasseries Champigneulles du Tartam pour la durée de sa validité, de telle façon que l'offre de marché ne trouverait son application qu'à l'issue de cette période ; qu'il ressort des dispositions de l'article 166 de la loi du 4 août 2008 sur la modernisation de l'économie et de l'article 30-I de la loi n° 2010-607 du 7 juin 2010 que le Tartam a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2010 ; qu'en conséquence, l'offre de marché proposée n'a pas trouvé à s'appliquer durant la période de référence visée dans la convention et que, par l'effet de la prolongation du Tartam résultant d'une décision des pouvoirs publics en cours de contrat, élément postérieur à la conclusion du contrat et extérieur aux parties, la convention s'est trouvée privée d'effet et est donc devenue caduque ; qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise, et de débouter la Sca Dalkia France de ses demandes, et de rejeter les demandes contraires » ;

1°/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour débouter la société Dalkia France de l'ensemble de ses demandes en paiement au titre de la convention de mandat conclue le 19 décembre 2007, la Cour d'appel a retenu que cette convention serait, « par l'effet de la prolongation du Tartam résultant d'une décision des pouvoirs publics en cours de contrat, élément postérieur à la conclusion du contrat », « devenue caduque » (arrêt., p. 5, § 7) ; qu'en soulevant ainsi d'office le moyen pris de la caducité de la convention qu'aucune des parties n'avait invoqué, sans recueillir préalablement leurs observations sur ce point, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la caducité d'un contrat n'a d'effet que pour l'avenir et, contrairement à une nullité, n'en anéantit pas les effets antérieurs, de sorte que les prestations déjà exécutées doivent recevoir leur contrepartie telle que prévue au contrat ; que lorsque le mandataire a pleinement exécuté sa mission et qu'aucune faute ne lui est imputable, sa rémunération ne peut être exclue au prétexte d'une caducité intervenue postérieurement à l'exécution de ses diligences ; que pour débouter la société Dalkia France de l'ensemble de ses demandes en paiement au titre de la convention de mandat conclue le 19 décembre 2007, la Cour d'appel a retenu que cette convention serait « devenue caduque » « par l'effet de la prolongation du Tartam résultant d'une décision des pouvoirs publics en cours de contrat, élément postérieur à la conclusion du contrat » (arrêt., p. 5, § 7) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la caducité n'a pas d'effet rétroactif, et qu'elle avait elle-même constaté que la société Dalkia France avait pleinement exécuté son obligation stipulée à la convention de mandat (arrêt, p. 4, § 4 : « il ressort du dossier que, sur le fondement de ce contrat, la SCA Dalkia a apporté à la SAS Brasserie Champigneulles une offre tarifaire établie par la société Enel, offre plus avantageuse que celle offerte par le fournisseur précédent, la société Vattenfall »), la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1999 du même Code ;

3°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, le bénéfice de la prolongation du tarif réglementé dit ¿'Tartam'' était subordonné à une demande expresse en ce sens ; qu'en retenant, pour en déduire la caducité de la convention du 19 décembre 2007, que le maintien du tarif réglementé ¿'Tartam'' jusqu'au 31 décembre 2010 au bénéfice de la société Brasserie Champigneulles constituait un élément « extérieur aux parties » (arrêt, p. 5, § 7), cependant que ce maintien résultait d'une demande expresse formulée par la société Brasserie Champigneulles, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-14313
Date de la décision : 25/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 30 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 mar. 2014, pourvoi n°13-14313


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14313
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