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19/06/2014 | FRANCE | N°13-18323

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 juin 2014, 13-18323


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 230-2, devenu L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., salariée depuis 1986 en qualité de chef comptable de la société Finckmatt Impression, à laquelle a succédé la société Eppe direct, aux droits de laquelle vient la société Etablissements E. Eppe (l'employeur), a été placée en arrêt maladie à partir du 4 février 2002 ; qu'elle a adressé le 30 novembre 2006 à la caisse

primaire d'assurance maladie de Strasbourg, aux droits de laquelle vient la cais...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 230-2, devenu L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., salariée depuis 1986 en qualité de chef comptable de la société Finckmatt Impression, à laquelle a succédé la société Eppe direct, aux droits de laquelle vient la société Etablissements E. Eppe (l'employeur), a été placée en arrêt maladie à partir du 4 février 2002 ; qu'elle a adressé le 30 novembre 2006 à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse), une déclaration de maladie professionnelle pour une dépression majeure avec anxiété ; qu'après avoir recueilli l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse a pris en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle ; que Mme X... a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; Attendu que pour rejeter la demande de Mme X..., l'arrêt énonce que c'est près d'un an après son arrêt maladie et alors qu'elle n'a plus jamais repris le travail ensuite, que cette dernière a, pour la première fois, évoqué auprès de M. Y... les actes de harcèlement dont elle s'estimait victime de sa part, et qu'elle n'a pas non plus dénoncé, au cas où elle aurait trouvé difficile de s'en plaindre à ce dernier qui était aussi son harceleur, aux administrateurs de la société ou aux responsables du groupe, de sorte que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger encouru ; Qu'en se déterminant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses énonciations que M. Y... était, sinon le représentant de l'employeur lui-même, du moins substitué à l'employeur dans sa direction sur le site de Strasbourg, d'autre part, que l'arrêt irrévocable du 12 mai 2006 de la cour d'appel de Colmar avait retenu que ce dernier avait soumis la salariée à un harcèlement moral alors qu'il était son supérieur hiérarchique, la cour d'appel, qui a omis de rechercher si l'employeur n'aurait pas dû avoir conscience du danger encouru par la victime et, le cas échéant, s'il avait pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, a privé sa décision de base légale ; PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt rendu le 28 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la société Etablissements E. Eppe aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etablissements E. Eppe et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X.... Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté un salarié (Mme Z..., l'exposante) de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur (la société ETABLISSEMENTS E. EPPE) ainsi qu'en paiement des indemnités y afférentes ; AUX MOTIFS QU'il appartenait à Mme Z... de prouver que M. Y... au premier chef, ou les organes dirigeants de la SAS EPPE DIRECT STRASBOURG ou de la maison-mère du groupe à SAINTE-SAVINE au second chef, avaient ou auraient dû avoir conscience du danger auquel elle était exposée pour ensuite agir afin de l'en préserver ; qu'en l'espèce, même s'il existait toujours dans toute entreprise un danger potentiel de harcèlement moral envers tout salarié, la conscience du danger à l'origine d'une maladie professionnelle ayant atteint un salarié en particulier supposait néanmoins que l'employeur avait été avisé ou eût eu conscience des faits de harcèlement ou d'agissements pouvant être qualifiés comme tels subis par ce salarié et ce au moment où ces faits s'étaient produits, afin qu'il pût ensuite être apprécié si des mesures avaient ou n'avaient pas, de manière suffisante, été prises pour empêcher leur perpétration ; qu'en l'espèce, pour prouver cette connaissance ou cette conscience par l'employeur du danger auquel elle était exposée, Mme Z... ne produisait, en dehors des attestations décrivant les agissements de M. Y..., que deux éléments, une attestation de M. A... et un courrier adressé à M. Y... le 9 janvier 2003 ; que M. A..., chef d'atelier et délégué syndical de la société, avait en l'occurrence attesté le 28 septembre 2002 pour Mme Z... qu'environ un mois avant sa dépression elle avait confié à M. B..., délégué suppléant, qu'elle était harcelée quotidiennement par M. Y..., puis qu'environ huit jours avant elle avait dit à M. B... et lui-même que les harcèlements quotidiens continuaient, qu'ensuite d'autres membre du personnel lui avaient dit leur conviction que la dépression de Mme Z... était due au harcèlement de M. Y..., mais que ces personnes n'osaient pas s'exprimer ouvertement par peur de représailles ; qu'il ne ressortait pas pour autant de cette attestation qu'en dehors des diverses confidences qui lui avaient été faites, M. A... eût entrepris quoi que ce fût pour intervenir auprès de M. Y... ou auprès d'autres membres de la direction de la société ou du groupe pour évoquer les doléances de la salariée avant qu'elle ne se fût trouvée en arrêt de travail ; que la lettre que Mme Z... avait adressé à M. Y... le 9 janvier 2003 protestait d'abord contre la proposition de transfert de son poste de chef comptable à SAINTE-SAVINE et la demande qui lui était faite d'accepter ou de refuser la mutation sur ce site où avait été centralisée toute l'activité comptable du groupe ; que Mme Z... écrivait ensuite que ce transfert participait d'actes de harcèlement commis à son égard lui ayant valu son arrêt pour longue maladie ; que M. Y... lui répondait, par courrier du 29 janvier 2003, qu'il n'entendait pas débattre de ses propos et insinuations dont il lui appartiendrait d'établir la réalité et la matérialité ; qu'il apparaissait ainsi que c'était presque un an après son arrêt maladie du 4 février 2002, et alors que la salariée n'avait plus jamais repris le travail après cette date et jusqu'à son licenciement, de sorte que le harcèlement avait cessé, que Mme Z... avait, pour la première fois, à l'occasion d'une proposition de mutation dans l'AUBE, évoqué auprès de M. Y... les actes de harcèlement dont elle s'estimait victime de sa part et qu'elle n'avait jamais non plus dénoncé, au cas où elle aurait trouvé difficile de s'en plaindre à ce dernier qui était aussi son harceleur, aux administrateurs de la société ou aux responsables du groupe ; que si le harcèlement moral avait plus tard été reconnu par la juridiction du travail, bien qu'il eût été fortement contesté par l'employeur, il ne ressortait pour autant ni des deux seuls éléments produits par la victime, ni par ailleurs des termes de l'arrêt rendu par la chambre sociale de la cour le 12 mai 2006, la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait la salariée au moment où ce harcèlement avait eu lieu ; qu'il ne pouvait donc pas non plus envisager ou non d'y remédier ; que, dès lors, l'action de Mme Z... en reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle ne pouvait prospérer ; ALORS QUE des faits avérés de harcèlement moral de la part d'un employeur caractérisent la faute inexcusable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.452-1 du code de la sécurité sociale et L.4121-1 du code du travail ;ALORS QUE, en outre, en vertu de l'obligation générale de sécurité qui pèse sur lui, l'employeur est tenu de prendre toutes dispositions nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement moral ; qu'en objectant que la faute inexcusable supposait que l'employeur eût été avisé des faits de harcèlement ou d'agissements qualifiés comme tels, statuant ainsi par des motifs juridiquement inopérants, la cour d'appel a violé les articles L.452-1 du code de la sécurité sociale et L.4121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-18323
Date de la décision : 19/06/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 28 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 jui. 2014, pourvoi n°13-18323


Composition du Tribunal
Président : M. Héderer (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18323
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